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Traduction

Changer les mots ou changer la réalité ?

On pense avec les mots ! Changeons les mots pour changer la réalité ?

Dans certains cas, ce n'est pas si mal de modifier quelques désignations. 

Parler de "personnes en situation de..." mobilité réduite, petite taille, surpoids, détresse psychologique, dépendance... vaut peut-être mieux que de parler d'handicapés, de nains, de gros, de fous, de drogués etc. avec toutes les connotations négatives associées. Mettre en exergue que ce sont des personnes à part entière - et non entièrement à part - a une importance qui n'est pas cosmétique. Désigner les vieux (pas bien) par le terme de seniors (la classe !) entre dans la même catégorie - plutôt positive - qui ne fait de mal à personne. Tout au plus pourrait-on sourire - si l'on est pas concerné - par la désignation d'une "personne en situation de tuer en série", "en situation de dire des conneries" ou de "mal comprenants", "en situation de griller les feux rouges" etc.

Et puis - moins sympathique - il y a quelque chose comme une "novlangue" (langue officielle d'Océania inventée par George Orwell pour son roman d'anticipation 1984 publié en 1949), - soit une simplification lexicale et syntaxique de la langue destinée à dissoudre l'expression des idées potentiellement subversives et éviter ainsi toute formulation critique vis-à-vis de l’État. A dessein éminemment politique...

Extrait démonstratif avec cette anecdote de Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT (vidéo entière) :

  • Un licenciement collectif (pas bien) devient un plan social de sauvegarde de l'emploi (bien)
  •  La fragilisation des parcours professionnels (pas bien) devient de la flexisécurité (bien)
  • Une récession économique (pas bien) n'est plus qu'une croissance négative (pas si mal, il y a toujours la notion de croissance)
  • Un exploité (pas bien) est en fait un défavorisé (il n'a simplement pas de chance ; personne n'est responsable) 
  • Les massacres localisés ne sont en fait que des frappes chirurgicales (du médical en somme) et les dégâts collatéraux font partie du traitement (pas d'omelette sans casser des œufs, des vies "innocentes", des familles...)
  • Hommes et  femmes de ménage (pas bien) sont enfin reconnus comme techniciens de surface (bien), ce qui est censé compenser largement la maigre rétribution d'un travail ingrat
  • L'analphabète (pas bien) devient une "personne en situation d'illettrisme" ou "personne en difficulté de lecture et d'écriture" qui est nécessairement coupable de n'avoir pas travaillé en classe
  • Le "sans-abri" ou "clochard" (pas bien) est une "personne en situation d'itinérance" ou "personne sans résidence fixe (SDF)", un statut qu'il a bien évidemment "choisi" en toute liberté
  • Idem pour le "pauvre" ou "misérable" (pas bien) qui est plutôt une personne en difficulté" ou "en situation de pauvreté" dont il est responsable, en fait coupable
  • Le prisonnier ou détenu (pas bien) n'est en fait qu'une "personne simplement privée de liberté", un peu comme si l'on privait de dessert un enfant qui s'est mal conduit. Savoir comment on en arrive là est bien secondaire.
  • Le chômeur (pas bien car feignant) est un "demandeur d'emploi" ou une "personne en recherche d'emploi", soit la promesse d'un nouvel horizon radieux... s'il trouve...
  • Les prostitué(e)s ne sont  rien d'autre que des "travailleurs du sexe" comme on est travailleur du BTP, un choix libre de toute contrainte, évidemment

Sur cette lancée, le fascisme devient une simple option idéologique concurrente de la démocratie.

"Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde. Ne pas nommer les choses, c'est nier notre humanité." (Camus)

Il faut "se dépêcher d'en rire de peur d'être obligé d'en pleurer" ( Barbier de Séville), avec le sketch de Franck Lepage :

Tout ceci sans oublier la langue de bois dont on fait les Totems à droite, à gauche... voire les deux "en même temps" (Franck Lepage à nouveau) :