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Peut-on faire... autrement ?

Pouvoir faire autrement (possibilités alternatives) semble être une compétence/condition nécessaire pour parler de libre arbitre ontologique permettant ainsi de punir.... car le délinquant aurait pu (dû) faire autrement !

C’est ce que pensent nombre de philosophes dont Christian List qui concède que le libre arbitre et ses conditions préalables – l’action intentionnelle, les possibilités alternatives et le contrôle causal de nos actions – ne peuvent pas être trouvés parmi les caractéristiques physiques fondamentales du monde naturel. Dont acte.


Il semble donc a priori se positionner en faveur d'un paradigme naturaliste. 

Mais, selon lui, ce n’est pas là que nous devrions chercher !

"Le libre arbitre est un phénomène de « niveau supérieur » qui se situe au niveau de la psychologie. Il ressemble à d’autres phénomènes qui émergent de processus physiques mais sont autonomes et ne sont pas mieux compris en termes physiques fondamentaux, comme un écosystème ou l’économie. Lorsque nous le découvrons dans son contexte approprié, reconnaître que le libre arbitre est réel n’est pas seulement scientifiquement respectable ; c’est indispensable pour expliquer notre monde !"*


Comment peut-on se déclarer naturaliste (matérialiste) et parler d'émergence qui serait autre chose que la "simple" complexité des phénomènes régis par les lois naturelles dans le cadre d'un chaos déterministe ? 

L'exemple de Lenia (voir Emergence de LENIAdevrait pourtant être suffisant pour se convaincre de la possibilité matérialiste de création de structures particulièrement élaborées. En quoi - et comment - la psychologie humaine échapperait-elle à ce processus ?
Par ailleurs, les exemples de l'auteur - écosystème et économie - ne sont effectivement pas cernées totalement par l'analyse à partir des lois fondamentales, non du fait de l'existence d'un fantôme surnaturel dans la machine mais de la complexité des causes, des conséquences et du chaos qui en découle. Les prévisions climatiques sont de cet ordre et je ne comprendrais pas que Christian List nous invite, s'il est réellement matérialiste, à penser autrement.
Puis vient l'argument que le libre arbitre "réel" est scientifiquement respectable : pourquoi pas ! Mais il faudrait autre chose, une preuve quelconque, pour commencer à adhérer à ce concept incompréhensible dans un paradigme naturaliste scientifique justement.  
Enfin, List nous affirme que le libre arbitre est indispensable pour expliquer notre monde... Mais avant l'Humain, le monde existait sans libre arbitre (LA) et l'animal n'en a toujours pas selon les zélés zélotes du LA alors que les animaux non-humains possèdent bien des éléments primitifs de morale régissant les groupes, des embryons de culture,  voire de techniques... ;  le tout sans besoin de LA. C'est autant de merveilles montrant  l'émergence de structures complexes notamment du point de vue psychologique.

En bon "compatibiliste", List pense que pour définir le libre arbitre, il suffirait que je soutienne mes choix/actions d'une manière ou d'une autre : si je les soutiens, les défends, les trouve raisonnables, mes raisons justifient/prouvent la réalité du LA. 

Entourloupe ! Car un LA qui serait "réel" nécessiterait un choix, une volonté libre indépendamment des "raisons", "causes" et "contraintes" externes et internes. Si List a "choisi" ce matin de se faire un thé plutôt qu'un café comme la veille, c'est qu'il pense n'avoir pas bien dormi à cause du café (cause interne pour simplifier), mais comme il se doit d'être en forme pour le séminaire cet après-midi (cause externe)... Mais il aurait tout aussi bien pu choisir le café plutôt que le thé pour justement se rebooster du fait le manque de sommeil. 
Bref, tout semble possible dans un sens et l'autre. Comment se fait-il qu'on parte d'un côté ou d'un autre ? Finalement, List a pris un café en se rappelant que la fois précédente, dans des conditions similaires, ce choix du café l'avait bien requinqué, soit une "raison interne", biologique, sur laquelle il n'a eu aucune prise. Mais il aurait pris plutôt un thé si le café lui avait déclenché une crise de tachycardie en plein séminaire la fois précédente, une autre "raison interne" indépendante de sa "volonté".. 

Animaux humains et non-humains sont les produits de la génétique et de l'environnement. Ils font en permanence des choix de survie, chacun avec ses "raisons", plus sophistiquées chez l'humain que chez l'animal, mais fondamentalement reposant sur les mêmes processus mentaux. Rien ne permet scientifiquement d'affirmer le contraire et tous ne font pas les mêmes choix pour des raisons tenant non pas à une liberté de la volonté fictive, mais à des déterminants différents, conscients ou non.

Finalement, nos choix sont déterminés par des causes externes et internes dont nous n'avons souvent même pas connaissance (voir https://librearbitre.eu/accueil/psychiatrie-neurosciences/), et qui remontent... très loin.


Par exemple, que domine-t-on vraiment lors d'un "coup de foudre" qui relève en grande partie d’un phénomène chimique et hormonal. En l’occurrence, le cerveau produit de la phényléthylamine responsable de la transmission de la sensation de plaisir entre les neurones (effet euphorisant puissant). Puis l’organisme produit de la dopamine qui joue un rôle essentiel dans le mouvement, la motivation, le plaisir et la récompense selon l’institut du Cerveau. Elle rend euphorique dans le cas d’un coup de foudre et la sensation d’hébétude s’intensifie. L’ocytocine, molécule de l’attachement, est également produite, ainsi que l’adrénaline : le cœur bat la chamade, on rougit, on a chaud. Mais la science n’explique pas ce qui fait que l’on tombe fou d’amour pour l’un(e)... et pas pour l’autre. 
Qui du Libre Arbitre dans cette cascade biologique et psychologique bien souvent impossible à contenir ? Désir de premier ordre... que le désir de second ordre (libre arbitre ?) pourrait annuler comme nous l'affirme le philosophe Harry Frankfurt ? (voir "Saucisse" de Frankfurt et courant alternatif).

Appliquée à l'Histoire, on parle d'une uchronie (Charles Renouvier) lorsqu'on prend une situation historique existante et que l'on modifie un événement "déterminant" pour ensuite imaginer les différentes conséquences possibles. Ce qui rappelle la phrase de Blaise Pascal : 
« Le nez de Cléopâtre : s’il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé »

Si les dinosaures n’avaient pas disparu, si l’Empire romain ne s'était pas effondré, si, si, si...
Et alors ? Sans doute des fictions sympathiques qui peuvent partir dans toutes les directions, à la mesure de l'imagination humaine... mais sans aucun intérêt ni philosophique, ni scientifique, ni même historique. 
Convenons plutôt que les faits sont plutôt du genre têtus et que le réel ne prend qu'un chemin déterminé, trop souvent imprévisible à notre goût.

En conclusion, le naturaliste List est un spiritualiste qui s'ignore, comme beaucoup, malheureusement, et personne ne peut faire autrement que ce qu'il fait** ; ce qui n'est pas du fatalisme pour autant, car rien n'est écrit dans un grand livre du futur... ou alors la charge de la preuve est de ce côté (voir Fatalisme ? Fatal error !).

*List C. "Why free will is real" - Harvard University Press - 2019 

**"Sur l'argument descendant en faveur de la possibilité de faire autrement" - 2024 - https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC11219384/

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Et pour aller plus loin, le livre "La dernière blessure" centré sur la notion du libre arbitre (illusoire)... en cliquant sur l'image ci-dessous