Le narcissisme, la distinction, la réputation, une petite part d'hubris... sont au cœur de la "nature" humaine (pour peu qu'elle existe vraiment), probablement en lien avec la survie en groupe au cours de l'évolution.
Il faut bien constater que la télévision, les réseaux sociaux et ses "filtres", TikTok et compagnie permettent d'exacerber cette tendance naturelle à fédérer virtuellement autour de soi un maximum de "followers" : regardez ce que je vais manger à midi, ma nouvelle coupe de cheveux, ma liposuccion, moi, moi, moi... quand ce n'est pas de l'ordre d'une exhibition intime. Un(e) gamin(e) harcelé(e) sur les réseaux en vient à se suicider plutôt que de fermer son compte. Dramatique déficit d'éducation.
La médecine et la chirurgie esthétiques sont fort heureusement là pour combler les souhaits d'adolescent(e)s dont on sait que le cerveau n'a pas fini son développement avant l'âge de 30 ans. La peau, les lèvres, les seins, les cuisses, le ventre, les hanches, le sexe... rien ne va. Le rapport taille sur hanche devrait approcher le chiffre magique de 0,7 pour une meilleure fécondité chez la femme ! Sans oublier le fameux nombre d'or (0,618...) censé gouverner l'harmonie physique (= les gènes sont donc bons), ce qui permet enfin de comprendre l'expression vintage du désespoir amoureux : "il (elle) ne m'a même pas calculé(e)". La calculette darwinienne que nous avons dans la tête est sensible au bug.
De quoi combler quelques médecins peu scrupuleux - et de plus en plus de non médecins - qui injectent des produits divers et variés, voire pratiquent des techniques "personnelles" sauvages qui n'ont fait l'objet d'aucune étude digne de ce nom. Quand on connaît les difficultés de demander des comptes dans le cadre de "ratages" du fait notamment d'une signature sur un contrat de consentement "éclairé" incomplet, ambigu, mais qui permet heureusement de se défausser devant le tribunal... Dramatique déficit d'éducation et démission des pouvoirs publics.
"Mais après tout, il existe aussi des techniques sérieuses, éprouvées. Puisque c'est possible, pourquoi ne ferait-on pas ?"
Parce que pouvoir n'est pas devoir. On peut tuer son voisin mais on ne le fait (généralement) pas.
Autant la chirurgie reconstructrice prise en charge financièrement par la communauté (SS) ne pose pas de problème d'éthique car il s'agit ici de retrouver une "normalité" autant qu'il est possible techniquement, autant la chirurgie et la médecine esthétiques n'existent que pour "améliorer" ce qui est statistiquement "normal" dans une société donnée. On veut être "mieux" que la moyenne afin d'augmenter ses chances de trouver un(e) meilleur(e) partenaire, un travail plus épanouissant, mieux payé... là où le choix vestimentaire et le maquillage semblent ne plus suffire. De fait, la médecine et la chirurgie esthétiques sont de mauvaises solutions à un vrai problème qui est de se sentir mal dans sa peau. Avant toute intervention esthétique, une consultation avec un psy afin de faire le point, voire dépister des pathologies comme la dysmorphopathie* ou un simple déficit d'estime de soi, devrait être obligatoire mais ne l'est pas. Dramatique déficit d'éducation et démission des pouvoirs publics.
« de nombreuses manifestations sexuelles, sinon toutes, mettent en danger leurs interprètes. Beaucoup d'entre eux semblent avoir été conçus spécifiquement à cet effet. »
Zahavi affirme que nous pouvons supposer que les femelles sont attirées par les parades sexuelles mâles parce que ces traits permettent aux femelles d'obtenir des partenaires de haute qualité et d'améliorer la qualité génétique de leur progéniture (voir Art, créativité, esthétique et naturalisme). En simplifiant, si un mâle est capable d’autant d’énergie pour bâtir un superbe nid, doté éventuellement d'un plumage très coloré (donc très visible pour un prédateur), et qu’il est toujours en vie... c’est que ses gènes sont performants. Autant de gages d’une excellente descendance = séduction assurée ! Il en va de même concernant la queue des hirondelles : on a pu vérifier que des queues postiches de plus grande longueur favorisaient la séduction des mâles chez qui on les posait. Chez l’animal, les exemples de ce type sont nombreux, laissant supposer que certaines caractéristiques physiques attirent les partenaires sexuels parce qu’elles sont paradoxalement encombrantes, voire dangereuses.
Creusons l'exemple cité précédemment un peu hâtivement. Chez l’homme, l’achat d’une voiture de sport de prix, n’ayant que deux places, un coffre minuscule, circulant à 220 km/h sur des routes limitées à 110 km/h (voire 80), d’une belle couleur rouge éclatante et difficile à piloter de préférence... montre à tous la richesse, la puissance du bonhomme qui ne peut qu’avoir d’excellents gènes pour arborer ainsi toutes ces simagrées censées attirer certaines partenaires.
Une publicité (1993) mettait
en scène ce beau rituel animalier :
« Il a l’argent, il a le pouvoir, il a la voiture, il aura la femme... Une belle voiture sert à montrer la beauté de son âme ! »
Rien que ça : la beauté de son âme ! Cette publicité fut rapidement interdite, tant elle était explicite d’un machisme bas du front (le mâle alpha peut s’avérer être un peu bêta). Parmi de nombreux exemples, la mode actuelle des tatouages pourrait s’interpréter de cette façon** (à l'exception de Philippe Caverivière que je mets - je l'avoue - arbitrairement hors concours ici).
Le voile intégral pour les femmes ne semble pas profiter aux intéressées dans un premier temps vu les handicaps associés, dont l’inconfort en plein été... En revanche, certaines (et certains) considèrent que c’est la marque d’une vertu bien plus précieuse que le « petit » handicap vestimentaire. Un réel atout de séduction pour celles et ceux « déterminés » à en voir l’intérêt...
Bref, nous sommes des animaux-humains présentant de sérieuses difficultés à basculer un peu plus du côté humain, soit une humanité qui pourrait peut-être prendre conscience de tous ses déterminants "utiles" à une époque, débiles actuellement..
Finalement, un problème de vulnérabilité individuelle traversée par un déficit d'éducation et de culture, encore, toujours.
*La dysmorphopathie, plus communément appelée dysmorphophobie ou trouble dysmorphique corporel (TDC), est un trouble psychiatrique caractérisé par une préoccupation excessive pour un défaut physique perçu. Les personnes atteintes peuvent être obsédées par une imperfection réelle, souvent mineure, ou imaginaire, et peuvent prendre des mesures extrêmes pour la cacher ou l’améliorer.
** https://www.pourlascience.fr/sd/psychologie/les-genes-du-tatoue-10613.php
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Pour aller plus loin : le livre "La dernière blessure" centré sur la notion du libre arbitre (illusoire)... en cliquant sur l'image ci-dessous