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La Boussole de la Raison !

Chesterton écrit : 

« Certains – et j'en fais partie – pensent que la chose la plus pratique et la plus importante chez un homme reste sa vision de l'univers. Nous pensons que pour une propriétaire qui envisage de prendre un locataire, il est important de connaître ses revenus, mais plus important encore de connaître sa philosophie. Nous pensons que pour un général qui s'apprête à combattre un ennemi, il est important de connaître ses effectifs, mais plus important encore de connaître sa philosophie."

Face à l'infinie étendue de ce que nous ne savons pas, la question philosophique de savoir sur quelle base fonder nos réflexions et nos actions se pose avec une acuité particulière. L'attrait de la spéculation, des hypothèses non vérifiées et des appels à l'inconnu peut parfois sembler séduisant, offrant des réponses là où la science et la raison présentent des limites ou des incertitudes, sachant que nous ne saurons probablement jamais tout.  

Cependant, l'analyse révèle que la voie la plus cohérente et la plus pragmatiquement justifiable réside dans la primauté de la connaissance étayée – même provisoirement – sur des spéculations dépourvues de fondement probant. 

L'intuition, c'est bien. La raison, c'est mieux. 

Et les croyances qui se moquent de la raison sont des monnaies de singe.

L'épistémologie, c'est-à-dire la branche de la philosophie qui étudie la nature, la portée et la justification de la connaissance, nous enseigne que toutes les croyances ne se valent pas. Les connaissances acquises par des méthodes rigoureuses, telles que l'observation empirique, l'expérimentation contrôlée et le raisonnement logique, possèdent une fiabilité supérieure aux intuitions, aux traditions infondées ou aux spéculations sans ancrage dans une réalité observable.

Le pragmatisme philosophique, notamment dans les travaux de Charles Sanders Peirce et William James, met en avant la valeur pratique de la connaissance. Pour James (1907), la vérité d'une idée se mesure à ses conséquences pratiques et à son efficacité dans le monde réel. Une connaissance étayée, capable de prédire des phénomènes et de guider des actions réussies, démontre une "valeur de vérité" supérieure aux spéculations qui ne produisent aucun résultat tangible ou vérifiable.

Le principe de parcimonie, souvent attribué à Guillaume d'Ockham (XIVe siècle), est un "outil" philosophique et scientifique qui stipule qu'il ne faut pas multiplier les entités sans nécessité (voir Le rasoir d'Ockham). Appliqué à notre question, ce principe suggère que si une explication basée sur des connaissances établies suffit à rendre compte d'un phénomène et à guider nos actions, il est inutile et même contre-productif d'introduire des hypothèses spéculatives non nécessaires comme l'intervention d'entités surnaturelles ou l'existence de forces occultes sans aucune preuve.

La méthode scientifique, avec son cycle d'observation, d'hypothèse, de prédiction et de vérification, constitue l'outil le plus puissant dont nous disposons pour acquérir une connaissance fiable du monde. Bien qu'elle ne prétende pas à une vérité absolue et reconnaisse la nature provisoire de ses conclusions (Popper, 1959), elle offre un cadre rigoureux pour tester les idées et distinguer les affirmations étayées de celles qui ne le sont pas. 

Se baser sur la raison et les connaissances issues de la méthode scientifique pour prendre des décisions est donc une démarche rationnelle.

A contrario, se fonder sur des spéculations non étayées présente plusieurs risques :

  • Inefficacité pratique : certes "les hypothèses sont des filets : seul celui qui les lance attrapera" (Novalis). Mais les actions basées sur des hypothèses sans fondement ont peu de chances d'atteindre les résultats escomptés et peuvent même avoir des conséquences négatives imprévues.
  • Biais cognitifs : nos intuitions et croyances non étayées sont sujettes à des biais cognitifs (Tversky & Kahneman, 1974) qui peuvent induire en erreur et nous conduire à des conclusions fausses.
  • Absence de progrès : se contenter de spéculations non vérifiées entrave la recherche de connaissances plus fiables et le progrès dans notre compréhension du monde.
  • Prise de décision irrationnelle : dans des domaines critiques comme la médecine, l'ingénierie ou les politiques publiques, se baser sur des spéculations au lieu de preuves solides peut avoir des conséquences sociétales et individuelles désastreuses... comme refuser la vaccination COVID.

Le Contexte de l'Inconnu et de la Décision

Nous sommes constamment confrontés à l'inconnu et à des situations où la connaissance parfaite fait défaut. Dans ces cas, la décision doit se baser sur la meilleure information disponible, même si elle est incomplète ou probabiliste. La démarche "rationnelle"devrait alors consister à :

  1. Identifier clairement ce que l'on sait : recenser les connaissances étayées pertinentes concernant la situation particulière. Ce qui n'est pas une mince affaire (lectures / discussions / réflexion...). N.B : dès que l'on aborde des sujets un peu "pointus", le format Tik Tok semble insuffisant.
  2. Évaluer l'incertitude : reconnaître les limites de notre savoir et les marges d'erreur potentielles.
  3. Formuler des hypothèses testables : si l'on doit s'avancer au-delà de la connaissance établie, formuler des hypothèses claires et susceptibles d'être vérifiées ultérieurement.
  4. Adopter une approche prudente et adaptative : prendre des décisions en tenant compte de l'incertitude et être prêt à ajuster ses actions en fonction de nouvelles informations en ayant conscience du biais de confirmation notamment.

Face à la nécessité constante de prendre des décisions dans un monde complexe et souvent incertain, la boussole de la raison nous oriente vers la primauté de la connaissance étayée. Bien que la spéculation puisse avoir un rôle dans la formulation d'hypothèses initiales, elle ne saurait constituer un fondement fiable pour l'action. En nous basant sur ce que nous savons – même si ces connaissances sont provisoires et en constante évolution grâce à la rigueur de la méthode scientifique et à la pensée critique – nous augmentons les chances de prendre des décisions éclairées, efficaces et adaptées à la réalité. 

L'attrait de l'inconnu ne doit pas nous détourner de la solidité de ce qui a été démontré et continue d'être validé par l'expérience et l'investigation du monde. 

Ce qui pourrait nous vacciner - on a le droit de rêver - contre (liste partielle) le complotisme, les traitements miracles, les fake news (infox), les "post-vérités", l'astrologie, les fantômes, la télépathie, la réincarnation, la sorcellerie, l'homéopathie, la médecine énergétique, la thérapie par les cristaux, le créationnisme, la Terre plate ou creuse, les extraterrestres, l'iridologie, l'influence de la lune (sauf sur les marées), la télékinésie, la graphologie comme prédicteur de personnalité, le moteur à eau, la chiromancie, la communication avec les morts, l'auriculothérapie, les fleurs de Bach, le mauvais œil, la possession démoniaque, Bigfoot, le monstre du Loch Ness, Chupacabra, la physiognomonie, la mémoire de l'eau, manger selon son groupe sanguin, la programmation neurolinguistique (PNL), les reliques miraculeuses, les illuminati, les Protocoles de Sion, l'égalité des chances... et le libre arbitre ontologique (à différencier de la sensation de volonté libre).

Tout ceci ne devrait être que banalités et évidences pour tous. Le problème est que ce n'est pas le cas : trois américains sur quatre croient dans le paranormal.

Comme l'indique cet article : croire au paranormal semble indiquer un manque de pensée critique, car les preuves des sciences modernes et contemporaines contredisent généralement l'existence de phénomènes paranormaux. Les croyants au paranormal se sont avérés moins performants aux tâches d'estimation de probabilité ( Blackmore et Trościanko, 1985 ). Dans une expérience de psychokinésie, les sujets avaient tendance à croire que leurs essais étaient réussis, même lorsqu'ils n'étaient statistiquement pas différents du hasard ( Benassi et al., 1979 ). Les gens sont souvent victimes de l'illusion du contrôle, dans laquelle les sujets confondent souvent habileté et chance ( Langer, 1975 ). Henslin (1967) a constaté qu'en jouant aux dés, les gens avaient tendance à lancer doucement lorsqu'ils voulaient des nombres faibles, tout en lançant fort pour des nombres élevés. Lorsque les sujets avaient la possibilité de parier avant et après le lancer des dés (mais avant que le résultat ne soit connu), les sujets plaçaient des mises plus importantes en pariant avant plutôt qu'après le lancer ( Strickland et al., 1966 ). 
Et comme le montre ce même article, il existe une corrélation positive entre la croyance au libre arbitre et les croyances paranormales !

Un p'tit déficit dans nos programmes éducatifs ?

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Références :

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Et pour aller plus loin, le livre "La dernière blessure" centré sur la notion du libre arbitre (illusoire)... en cliquant sur l'image ci-dessous