Croissance, croissance, croissance... d'un côté, et Extinction Rebellion de l'autre.
Choix cornélien.
En 1972 aux États-Unis, une équipe du MIT(Massachusetts Institute of Technology) publie un rapport qui prédit la fin du
monde. Ce rapport nommé "Les Limites à la Croissance" -ou rapport Meadows d’après les deux principaux auteurs (Donella et Dennis) - mets le monde en équation pour voir son évolution.
L’équipe a développé un modèle informatique qui prend en compte certaines grandeurset
leurs interactions : population, nourriture, ressources
non-renouvelables, production industrielle et pollution. Très logiquement,
une augmentation de la population demande plus de production qui produit aussi plus de pollution.
Un algorithme permet de simuler ainsi l’évolution du système jusqu’en 2100. Mais un premier scénario basé sur les données et tendances de 1972 prévoit un effondrement, c’est-à-dire une chute drastique de la population et de la production
industrielle du fait de la surexploitation des ressources.
Ce qui est rassurant, c'est que le jour et l'heure de cette catastrophe ne sont pas connus de l'ordinateur.
Ouf !
Du coup, l'écoanxiété - notamment des plus jeunes - semble bien exagérée... A leur âge, on avait des préoccupations bien plus essentielles : quelle voiture, quelle maison, quel travail, combien d'enfants, quelles vacances à l'autre bout de la Terre, quelle tendance couleur à la mode pour la rentrée etc.
Et puis, les avancées technologiques vont probablement nous trouver des ressources énergétiques nouvelles ; et hop, le problème sera résolu, n'en déplaise aux Cassandres.
Mais l'ordinateur, qui nous veut décidément du mal, nous dit que même si l'on disposait d'une
source d’énergie infinie, l'effondrement surviendrait du fait d'un excès de pollution.Il semble bien que seule une croissance économique maîtrisée ne mènerait (peut-être) pas à la catastrophe !! Bon, même sans ordinateur, on aurait pu y penser : la croissance ne peut pas être illimitée dans un monde aux ressources limitées.
Il faut dire que le sujet est des plus complexes, notamment
du fait de "l’effet rebond" mis en évidence en 1865 par l’économiste Stanley
Jevons.
Il analyse alors la consommation de charbon du pays, et sa conclusion ne
semble pas logique : alors que les machines à vapeur sont de moins en moins
gourmandes, on brûle de plus en plus de charbon ! Paradoxe ? En fait, les
machines sont effectivement plus efficaces et pour une même action, elles
demandent moins de charbon. Les faire fonctionner coûte donc moins cher, ce qui
incite les propriétaires d’usines à acheter plus de machines. Et celles-ci ont
beau être plus efficaces, elles sont tellement plus nombreuses qu’elles font
grimper la consommation de charbon.
Plus récemment, les progrès sur les moteurs thermiques ont certes réduit la
consommation des voitures... mais celles-ci deviennent de plus en plus grosses,
roulent plus et sont plus nombreuses sur les route. Bref, la consommation de
pétrole grimpe toujours plus, rejouant, un siècle plus tard, le phénomène de
rebond observé par Jevons. L’effet peut aussi être indirect, notamment quand
l’amélioration technologique augmente le pouvoir d’achat. Si une voiture
consomme moins, on économise de l'argent que l'on peut dépenser ailleurs, en prenant
plus souvent l’avion ! C’est lorsque cette
surconsommation dépasse la situation initiale que l’on parle du paradoxe de
Jevons. En général, l’effet rebond est difficile
à quantifier, surtout concernant les conséquences indirectes. Pourtant, le
prendre en compte dans les politiques publiques est essentiel.Idem du côté des consommateurs qui, s’ils veulent "bien faire", doivent
limiter leurs usages.
Selon l'économiste Kenneth E. Boulding :
"Celui qui croit qu'une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste."
L'un n'empêche pas l'autre.
Pour revenir au rapportMeadows, il a bien évidemment été envoyé aux principaux décideurs mondiaux et il s'est même vendu à des millions d’exemplaires.
Résultat ? RIEN.
Le débat Harris-Trump pour la
présidence des USA (sept. 2024) en est une belle illustration : rien sur
l'écologie ! Pire même, Kamala Harris avait précédemment déclaré (2019) qu'elle
n'autorisera plus la fracturation hydraulique nécessaire pour la production du
gaz et du pétrole de schiste... Mais tout compte fait, c'était devenu pour elle
une bien mauvaise idée vu le nombre de salariés dépendant de cette activité
polluante (fin du mois contre fin du monde...). En France, la puissance publique en recherche de ressources ravale ses promesses et son chapeau en décidant quelques coupes sombres dans le budget de la transition énergétique...
Laissons le problème pour les
prochaines générations, économie et déficit publique obligent.
Car le cerveau humain n'est pas fait pour limiter sa consommation à une petite noisette de Nutella de temps en temps. Sébastien
Bohler, docteur en neuroscience et rédacteur en chef du magazine Cerveau et
Psycho, a défendu la thèse du « Bug
humain[1]
». Selon lui, c’est dans le fonctionnement de notre "vieux" cerveau que résiderait le
problème : notre striatum produit de la dopamine lorsque nous
mangeons, nous reproduisons ou recherchons du pouvoir. Ce mécanisme de
récompense - sélectionné par l’évolution parce qu’il favorisait la survie
dans un monde de rareté - nous conduirait aujourd’hui à poursuivre
indéfiniment la croissance économique et la surconsommation au mépris des
conséquences à long terme.
Et personne ne pourra alors s'en prendre aux politiques et autres décideurs en bonne partie responsables : ils seront tous morts.
Mais n’oublions pas le message optimiste du rapport Meadows : la fin du monde est évitable ! Il faut juste accepter de maîtriser la croissance - dont le nombre de naissances - et partager les ressources entre tous. On le savait déjà, sans le faire pour autant.
L'injonction biblique...
"Soyez féconds, multipliez,
remplissez la terre, et l'assujettissez; et dominez sur les poissons de la mer,
sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre"
... est, sans intention de froisser les diverses confessions, dépassée par une croissance humaine exponentielle depuis l'an 1000, même si un ralentissement semble s'opérer actuellement.
Augmentation de la population mondiale au cours des âges
Peut-on compter sur les actionnaires des entreprises, notamment les plus polluantes, pour accepter moins de production et de rendement par action, voire plus de contributions à la préservation de Gaïa ?
Non, sauf cas exceptionnel, comme celui de l'entreprise Patagonia**.
En fait, malheureusement, seules des décisions de la puissance publique - tous états confondus - peuvent apporter des limitations que certains appellent "punitives". On ne parle pourtant pas de punition lorsqu'il s'agit de retirer le permis de conduire à un patient épileptique non équilibré : c'est pour le bien commun, patient comme usager de la route. Limiter le nombre de transports aériens (simple exemple, non la panacée) entre dans cette catégorie.
L'alternative devient : doit-on diminuer rapidement et drastiquement notre consommation en tenant compte d'un rééquilibrage Nord-Sud (un peu de justice ne ferait pas de mal) ou allons-nous attendre que les faits nous imposent cette révolution dont (presque) personne ne veut du fait d'un cerveau ancestral inadapté aux conditions actuelles ?
Voici peut-être dans cette vidéo sous-titrée une direction à prendre : réallouer la production des biens en regardant du côté des finalités souhaitables. A-t-on d'autres choix ?
Pour finir en beauté, après la prise d'un cp d'anxiolytique et si vous avez 1 h 10 mn devant vous, voici l'interview de l'auteur du rapport Dennis Meadows (vidéo sous-titrée) :