Il semble toujours étonnant de voir à quel point on peut discuter à perte de vue sur l'existence - ou non - des dieux a, b, c... x, y, z...
Pour ceux que ces discussions intéressent, sachant qu'elles ne mènent bien souvent à rien, voici une belle démonstration de la chaîne youtube zététique - fort intéressante au demeurant - de Thomas Durand ("La Tronche en biais" / 1 h 41 min) sur les "Miracles" dans le catholicisme :
Il est toujours déroutant d'entendre un croyant affirmer les yeux dans les yeux que le soleil dansait à Fatima quand le reste du monde - soit quelques milliards d'individus - n'a rien vu de cet ordre. Une danse traditionnelle locale ? Il est vrai qu'on avait omis de signaler à l'Umma musulmane qu'un miracle devait se produire chez les catholiques. Manque de communication planétaire qu'heureusement les réseaux sociaux ne permettront plus. A moins qu'il existât deux soleils pendant quelques minutes, ce qui rend tout ceci nettement plus "lumineux", à défaut d'être plus convaincant.
Plus globalement, les arguments foisonnent, tirant à hue et à dia, faisant intervenir - avec quelques théologiens au vernis scientifique plus ou moins sec -, ici le Big Bang, là l'évolution darwinienne un peu revisitée, ou encore la précision extraordinaire du "réglage" fin des constantes physiques, les miracles etc.
Pour certains d'entre nous - trop curieux sans doute -, les questions affluent dès l'âge de 10-12 ans : d'où vient ce dieu / qu'a-t-il fait de toute éternité et pourquoi attendre moins 13,8 milliards d'année pour penser au Big Bang et au mur de Planck / 6 jours c'est court pour une telle entreprise : face à l'éternité, pourquoi ne pas prendre une semaine de plus pour réaliser un monde plus "présentable" / pourquoi faire mourir des innocents / quelle certitude pour un dieu plutôt que pour les milliers d'autres / pourquoi se cache-t-il si bien : aurait-il honte du résultat ?
Et que faire des mystères comme celui de l’apparition des grandes religions (bouddhisme, hindouisme, judaïsme, christianisme, islam...), apparues à peu près à la même époque dans plusieurs régions du monde (Chine, Indes, Perse, Palestine, Grèce). Cette convergence culturelle appelée « période axiale » (dans le sens de pivot) présente une énigme : comment ont émergé dans différentes civilisations des religions moralisatrices distinctes mais avec des caractéristiques très similaires ? Le « Dieu » du monothéisme aurait attendu patiemment que l’Humain invente l’écriture (pour éviter de parler dans le désert), aurait dû s’y reprendre à trois fois (Judaïsme, Christianisme, Islam) avec quelques variantes (car il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis), pour se taire définitivement depuis l’apparition d’un matérialisme scientifique et du siècle des Lumières parfois qualifié de « seconde période axiale ».
Plutôt que descendue directement du ciel avec armes et bagages renfermant des textes « sacrés », l'apparition de ces grandes religions pourrait plutôt s’expliquer par une hausse du niveau de vie avec une nourriture autour de 2.000 calories par jour et par individu[a]. Comme quoi, les nourritures terrestres et célestes pourraient être bien plus intriquées qu’on ne le pense généralement et le concept d’évolution culturelle s’applique ici comme ailleurs : « l’invention » du monothéisme revient probablement plus au pharaon Akhenaton qu’à Moïse, un hébreu né en Egypte environ deux siècle après le pharaon selon la chronologie biblique.
Voici un guide simple pour interpréter la Bible telle que pratiquée par tous les chrétiens (guide tout terrain valable pour tout texte "sacré", voire au-delà) :
1. Tout verset acceptable dans le contexte culturel du moment doit être pris au pied de la lettre : il prouve à quel point la Bible est formidable.
2. Tout verset blessant, ridicule et/ou anachronique... n'est qu'une métaphore poétique et doit être réinterprété à l'aune de la morale actuelle.
Par exemple : certaines parties du Deutéronome enjoignent les Israélites à combattre et à vaincre les peuples environnants afin de prendre possession de la terre promise. Cela vous rappelle quelque chose ? Parmi les interprétations avancées pour expliquer ces textes appelant à la guerre sainte figurent l'idée que les auteurs utilisaient un langage hyperbolique pour exprimer leur ferveur nationale et religieuse, ou encore que ces descriptions étaient destinées à illustrer les risques inhérents à toute forme de syncrétisme religieux. Mais certains actuellement prennent ces textes pour argent comptant à la lettre près.
Maintenant que vous avez les clés, voici un petit exercice pratique de réinterprétation (vous avez 1 h... et bien du mérite) :
"Une femme ne portera pas un costume d’homme, et un homme ne revêtira pas un vêtement de femme : quiconque fait cela est une abomination pour le Seigneur ton Dieu."
"Lorsqu’un homme a pris une femme, s’est uni à elle, puis se met à la détester, s’il l’accuse d’actions scandaleuses et lui fait une mauvaise réputation en disant : « Cette femme, je l’ai prise, je me suis approché d’elle, mais je ne l’ai pas trouvée vierge", alors le père et la mère de la jeune femme produiront les signes de sa virginité et les présenteront aux anciens à la porte de la ville. Mais si la chose se révèle exacte, si on ne peut montrer la preuve de la virginité de la jeune femme, on l’amènera à la porte de la maison de son père. Les hommes de la ville la lapideront jusqu’à ce que mort s’ensuive, car elle a commis une infamie en Israël."
"Lorsqu’on trouvera un homme couché avec une femme mariée, ils mourront tous deux, l’homme qui a couché avec la femme, et la femme également." -Dt/22
"Un bâtard n’entrera pas dans l’assemblée du Seigneur ; même à la dixième génération, il n’y entrera pas." - Dt/23
"Lorsqu’un homme prend une femme et l’épouse, et qu’elle cesse de trouver grâce à ses yeux, parce qu’il découvre en elle une tare, il lui écrira une lettre de répudiation et la lui remettra en la renvoyant de sa maison." - Dt/24
Nul serviteur de Dieu ne fait jamais état de ces injonctions en prêche du dimanche. Mais pourquoi donc ?
Aurait-il lu cet aphorisme :
"Ce ne sont pas les parties de la Bible que je ne comprends pas qui me dérangent, mais celles que je comprends" (Mark Twain).
On sent bien que la foi - sans raison et sans preuve - a du mal à convaincre.
Un exemple assez typique dans cette vidéo/discussion "Veritas" entre la théologienne Lydia Jeager et le philosophe scientifique Etienne Klein... que je plains sincèrement ici. Les Forums Veritas sont censés discuter de tout... mais toujours à partir de la vision chrétienne du monde qui doit assurément détenir la vérité, vu le nom du forum. Un Forum "Doutas", ça claquerait moins.
Cette même théologienne - sanctifiée par quelques diplômes scientifiques mais surtout très au fait des interprétations littéraires - nous éclaire ainsi :
« Une fois que l'on accepte l'interprétation littéraire, plusieurs aspects mystérieux du récit biblique s'éclairent. Les trois premiers jours - avec soir et matin, mais sans soleil - se comprennent aisément comme une attaque contre le culte des astres chez les peuples voisins : non seulement ils ne sont que des créatures, mais ils ne sont même pas créés en premier ! Des traits pittoresques du deuxième récit - les animaux qui défilent devant Adam pour qu'il trouve parmi eux une compagne (Gn 2.19), le sommeil qui tombe sur Adam pour que le divin chirurgien puisse lui enlever une côte (v. 21), le fruit de l'arbre de vie dont Dieu lui-même redoute l'efficacité quasi-magique (Gn 3.22) - ne choquent pas plus que la simplicité de la peinture « naïve » amène à douter du talent de l'artiste. Une difficulté se trouve aussi résolue qui avait déjà retenu mon attention quand j'étais adolescente : où est passé le paradis, une fois que les premiers humains en ont été chassés ? Je m'étais dit jadis que le paradis avait été immergé et perdu pour toujours lors du déluge. Mais cette solution ne tenait pas compte de la promesse de l'Apocalypse selon laquelle le vainqueur pourra toujours manger de l'arbre de vie (2.7 ; cf. 22.2). »*
Je la crois quand elle parle de naïveté. Elle semble connaître parfaitement le sujet.
Le must étant : « plusieurs aspects mystérieux du récit biblique s'éclairent » comme « l'arbre de vie dont Dieu lui-même redoute l'efficacité quasi-magique »
N’est-il pas si puissant et omniscient que cela ? Le couplet sur le paradis n’est pas mal non plus. De l’aisance littéraire et de la licence poétique, il en faut pour expliquer comment le couple originel a pu, par exemple, concevoir des enfants sans en passer par l’inceste. Je plaisante.
De preuves scientifiques, il n'y a point ; or la charge de la preuve est du côté des croyants dans un surnaturel quelconque... Et que dire de cette partie d'anthologie présente dans l'ouvrage page 505 :
« L’erreur de raisonnement est de penser que Dieu ne pourrait créer que des choses parfaites. D’ailleurs, si cela était vrai, il ne serait pas tout-puissant. Dieu peut fort bien créer des choses imparfaites si c’est pour les amener avec le temps à leur perfection (...) Ainsi, le monde et l’homme sont imparfaits pour ces deux raisons : d’une part, pour que l’homme puisse évoluer dans le temps et, d’autre part, pour que cette évolution puisse être le résultat de sa liberté d’agir (...) Dieu tolère le mal, à titre provisoire (...) La souffrance des innocents est certes intolérable, mais on doit aussi reconnaître qu’il est impossible de juger d’ici-bas les actions de Dieu (...) Dieu a fait les hommes pour qu’ils le cherchent et, si possible, l’atteignent et le trouvent ».
Dieu serait donc tout-puissant, alors que dans ce même livre, quelques pages plus loin, à propos de la physique quantique qui serait une autre preuve de l’existence de Dieu :
« Grâce au hasard délibérément voulu, Dieu limite non seulement l’exercice de sa toute-puissance mais aussi la visibilité de cette dernière. »
Une toute-puissance... limitée donc. Un dieu qui jouerait à cache-cache, et ce serait à chacun de le trouver... Comment ? Est-on "coupable" de ne pas le trouver ? Une quintessence de charabia : Dieu est tout-puissant, et la preuve en serait qu’il est même capable de faire des choses moches ? Un Dieu tellement humain ! Comprenne qui pourra.
Trêve de plaisanterie. Il est bien établi - et depuis longtemps - que rien n'est prouvable dans un sens comme dans l'autre, même si les textes sacrés ne sont pas vraiment en accord avec les découvertes scientifiques les plus affirmées.
Bref, on a la foi ; ou on ne l'a pas. C'est la "grâce" diront certains. La crédulité diront les autres. Discussions stériles au même titre que de savoir qui a le plus raison dans sa couleur de peau alors que cette couleur est généralement déterminée - pour faire simple - par son origine géographique...
Au même titre que la foi... comme le montre cette carte.
Autant se demander si les poissons ont de bons arguments pour nager (les conversions religieuses sont comme les poissons volants : des exceptions confirmant la règle).
Point final ?
Non pas ; car le sujet n'est pas là.
Si la question est effectivement indécidable concernant l'existence d'un surnaturel quelconque, pourquoi devrait-on tenir compte de ce surnaturel déterminé géographiquement pour définir notre vie commune composée de divers croyants, mais aussi d'agnostiques et d'athées de plus en plus nombreux ?
Vous me direz que la laïcité est justement la réponse à cette grave question, chacun pouvant exercer en théorie sa croyance personnelle sans l'imposer aux autres.
Sauf que non : même en France, dans un pays "laïcard" comme disent les religieux, le surnaturel est partout, accepté comme une évidence qu'on ne remet pas en cause.
Des exemples ?
1) Le soutien financier des cultes par l’état français en Alsace-Moselle (environ 60 millions d’euros par an), est un reliquat fâcheux d’un Concordat anachronique, d’autant que l’idée d’un financement public des cultes est massivement rejetée par les français[1]. Nos impôts seront mieux utilisés pour servir d’autres causes, plus urgentes, plus fondamentales, plus rationnelles et plus laïques. Chacun devrait pouvoir refuser de payer la part - même minime - d’un impôt destinée à entretenir le surnaturel, en attendant de supprimer totalement cette subvention spirituelle indue.
2) Ce qui devrait s’appliquer également aux écoles privées confessionnelles. De quel droit, du point de vue de la laïcité, peut-on accepter le financement public d’écoles proposant un enseignement religieux nécessairement partial et qui est, peu ou prou, contraire aux valeurs républicaines et aux programmes officiels alors que ces établissements sont « sous contrat » avec l’Etat. Ces écoles confessionnelles sont des privilèges accordés à certaines catégories sociales qui bénéficient d’une double prise en charge financière (par l’État et par les familles).
Prenons la métaphore du philosophe John Rawls qui imagine deux types de salons dans le Far-Ouest : dans le premier salon, les clients doivent déposer leurs colts à l’entrée et ils sont assurés de ne pas être menacés par d’autres clients armés. Dans le second salon, les clients peuvent garder leurs colts, mais ils doivent accepter le risque d’être attaqués par d’autres clients eux-mêmes armés, et probablement alcoolisés. Le premier salon me semble être le bon espace que devrait viser l’école, sans armes, sans idéologie religieuse, neutre, avec le développement d’un esprit critique exigeant permettant l’émancipation de chacun ; un bagage fort utile lorsqu’on retrouvera, à la sortie de l’école, sa maison et ses parents. Esprit critique à mettre en œuvre évidemment bien avant l’âge de 16 ans, âge limite de l’obligation scolaire, en rappelant que le cerveau des gamins n’est mature qu’après l’âge de... 25 ans en moyenne !
Dans un milieu social et parental fortement « déterminé » par certaines croyances du lieu et du temps, l’école publique laïque pour tous me semble nécessaire pour forger un esprit critique minimal, à la condition de s’en donner les moyens financiers, matériels, humains. La polémique concernant le choix de la ministre de l’Éducation nationale, Amélie Oudéa-Castéra, de scolariser ses trois enfants dans le lycée Stanislas - un établissement privé catholique sous contrat -, en dit long sur l’embrigadement misérable des consciences dès la petite enfance avec des cours religieux obligatoires. Un rapport de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR), datant de juillet 2023 pointe des « dérives » au sein de ce collège-lycée privé sous contrat qui aurait fait preuve d’homophobie, de sexisme, de prosélytisme religieux et de non-respect de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État.
Un livret destiné aux élèves de seconde est malheureusement assez explicite :
« Jeune fille, sois exigeante. Fais-toi respecter et mériter. Mets la barre haut[2] et dis au garçon : « si tu m’aimes et si tu veux m’épouser, tu patienteras »[3].
On ne sait pas si la jeune fille aime le jeune homme mais ce n'est pas le sujet ! Elle est consentante a priori et à disposition sous conditions. Le directeur de l'établissement, Frédéric Gautier, assume les intentions de l’institution "dont le projet éducatif, référé à l’Évangile du Christ et à l’enseignement de l’Église, est de développer tous les talents de nos élèves pour les accompagner sur leur chemin d’excellence »[4].
C’est clair. Et ce devrait être inadmissible dans notre république laïque (voir également Religions et enfants).
3) Exemple bien plus fondamental : le concept de libre arbitre ontologique est tout sauf rationnel. Il est contraire à toute compréhension logique, à moins de convoquer "substances" et autres fantômes surnaturels opérant dans la biologie humaine... mais attention, pas dans la biologie animale non-humaine (?). Ubris sapiens sapiens quand tu nous tiens !
Personne ne s'en émeut alors que les dégâts causés par cette chimère sont dramatiques (mépris, domination, haine, injustices, vengeance, guerre etc.), soit toute la panoplie des passions tristes selon Spinoza (voir le Côté obscur du libre arbitre).
Nombre de philosophes et certains scientifiques sont complices de cette cécité ancestrale réactualisée en permanence alors que les preuves rationnelles se sont accumulées montrant l'impossibilité d'un libre arbitre ontologique compatible avec les lois naturelles. C'est bien aux croyants dans le libre arbitre (liberté de la volonté) de prouver son existence (charge de la preuve), comme ce serait aux croyants dans le dieu Y ou Z de nous convaincre. Ce qu'ils ne peuvent faire évidemment.
Après tout, même les croyants devraient souscrire à cette vision laïque étendue puisqu'elle ne remet pas en cause leur dieu du moment et du lieu tout en respectant les autres, qu'ils soient croyants, agnostiques ou athées. En cas de refus, cela indiquerait ouvertement leur volonté de dominer la société avec leurs affects et idéologie personnels au détriment de leurs compatriotes. Bien difficile de faire société dans ce cas.
Quant à ceux - religieux - qui fustigent l'arrogance des athées et agnostiques qui ne pourraient pas pas comprendre les desseins des dieux :
En résumé, comme dirait Raymond Souplex dans les "5 dernières minutes" d'une affaire des plus complexes : naturalisme scientifique et surnaturalisme hypothétique sont dans un bateau ; le second tombe à l'eau... que reste-t-il ?