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Religions et enfants...

Vaste sujet.
Les croyants dans le libre arbitre sont bien souvent des croyants tout court. La religion a besoin du libre arbitre pour justifier les malheurs du monde créé par un "bon" dieu, le mal provenant - c'est évident - de l'humain, coupable par définition (surtout la femme d'ailleurs, la pomme, Ève, enfin tout ça...). 
Ces croyants ont acquis la conviction qu'il faut embrigader le plus tôt possible leur progéniture, faute de quoi les enfants pourraient - après une éventuelle croyance décevante dans le Père Noël - ne pas croire dans la religion de la famille, de la communauté, du pays, du continent... Sans connaissances psychologiques exagérées, les parents ont bien compris à travers les siècles que l'ancrage au plus tôt (Baptême, Catéchisme, Madrassa coranique, Cheder ou Talmud Torah, Dharma bouddhiste, Gurukula indou...) permettait de conserver les œillères de l'endroit et du temps. 


Dans l'espèce humaine, le "petit" est particulièrement vulnérable contrairement à d'autres espèces animales. Il est "prématuré" et naît avec un cerveau immature ; il a besoin du soutien de son entourage pour survivre et se développer durant de longues années (altricialité primaire et secondaire), ce qui rend les cerveaux humains très vulnérables aux influences de leur environnement. Grâce à cette programmation qui fait que le poussin sortant de l'œuf près d'un réveil peut prendre définitivement celui-ci pour sa mère, le petit d'Homme sera imprégné toute sa vie, qu'il le veuille ou non, par les croyances parentales du lieu et du moment. Au point même de devenir athées pour certains tout en conservant quelques rituels ou fêtes religieuses communautaires, par habitude, pour faire plaisir... car rompre totalement ses attaches religieuses, culturelles et/ou idéologiques : c'est rude !
Et tout ceci permet une éducation en "bonne et due forme"... ou un matraquage dès le plus jeune âge, l'évolution ayant "sélectionné" l'observance des enfants aux conseils et précautions formulés par les parents : ne pas jouer avec le feu, ne pas grimper aux arbres, dire bonjour à la dame... le tout dans le cadre de la survie individuelle et du groupe. 
Ce qui n'est certes pas sans intérêt afin d'éviter que les gamins ne se jettent dans le vide juste pour voir ce que cela fait de "voler", mais qui a des conséquences gravissimes dans d'autres cas (fanatisme religieux, politique, nationalisme, racisme etc). 
La punition - injustifiable dans le cadre matérialiste/naturaliste - fournit un autre exemple (voir Le côté obscur du libre arbitre).

En France, l'enseignement catholique représente 96 % de l'enseignement privé sous contrat, ce qui ne peut que ravir les ravis de la crèche qui n'ont que faire des attouchements pas très catholiques façon Bétharram. Les voies du Seigneur sont impénétrables.


Ces parents attentionnés ont bien compris l'intérêt d'imposer au plus tôt leur spiritualité personnelle d'adulte au mépris de l'autonomie intellectuelle de leur progéniture : c'est notamment tout le débat concernant l'école publique versus privée "sous contrat" de l'Etat, ce dernier ne contrôlant d'ailleurs pas le respect du contrat. 
Comme le dit ouvertement Philippe Delorme, Secrétaire général de l'enseignement catholique lors de la commission sénatoriale* (15/05/2024) : « L’école catholique ne fait pas pareil et assume que son projet éducatif ne soit pas neutre...  Je me demande si la présence de crucifix dans nos classes ne sera pas considérée demain comme une atteinte à la liberté de conscience des élèves...  On sait que quand on inscrit un enfant dans un établissement catholique, c’est un projet chrétien d’éducation qui est proposé, choisi librement. »

Librement ? Par qui ? Par des parents qui ont eux-mêmes été matraqués dans leur jeunesse ? Ce qui suscite légitimement des inquiétudes quant au fait que les écoles privées "instruisant" deux millions de petits français pourraient promouvoir ainsi une vision particulière du monde, une idéologie spécifique et l'absence de neutralité laïque, ce qui va nécessairement limiter l'exposition des élèves à une diversité de perspectives et de valeurs, une démission de l'esprit critique et de la curiosité au-delà de l'entre-soi. 
On devrait s'en révolter au nom de la laïcité. Ah oui, j'oubliais : il ne faut surtout pas rallumer la guerre des écoles !
Pourtant, la qualité de l'éducation républicaine ne devait pas dépendre des moyens financiers des parents (frais de scolarité payés par les familles de 230 euros à 8.215 euros par an) ou de leurs convictions politiques et religieuses. En pleine concurrence, si l'école publique, du fait de ses carences, fournit un déterminant favorisant l'école "libre" (loi Debré de 1959, intégrée au Code de l'éducation en 2000) pour des familles "aisée", la solution ne peut que passer par des décisions politiques et économiques favorisant plutôt l'école publique républicaine au nom de la laïcité, de l'égalité, voire de l'équité. 
Notons au passage que les règles de la participation des communes aux frais de fonctionnement des écoles privées peuvent engendrer un surcoût pour les communes, contribuant ainsi à dégrader les conditions d'accueil des enfants dans les écoles publiques !


Il ne viendrait à l'idée de personne (islamistes et quelques autres exceptés) que la Justice puisse être à géométrie variable en fonction des convictions particulières de chacun, soit autant de lois et de tribunaux que de fois et de sectes ? Comment se fait-il que l'institution "Education nationale" qui préfigure la France de demain puisse être en partie conduite par des convictions politico-religieuses qui devraient rester de l'ordre de l'intime ? Quid d'une mixité sociale essentielle, alors que la Cour des comptes observe depuis une vingtaine d'années un fort recul de la mixité sociale dans ces établissements (histogramme ci-dessous), mixité pourtant nécessaire pour construire un avenir un peu plus apaisé alors que l'école privée confessionnelle reproduit les inégalités sociales et une mise sous tutelle de l'esprit critique de génération en génération ?

L'université n'est pas en reste concernant notre laïcité : comme l’indique la sociologue Anne-Hélène Le Cornec Ubertini dans son ouvrage "Emprises idéologiques à l’université" :

« La nouvelle édition (2023) d’un guide de la laïcité dans l’enseignement supérieur marque l’emprise, à l’université, de l’idéologie du système libéral multi culturaliste anglo-saxon, véhicule provisoire des religions prosélytes désireuses d’imposer leur dogme dans l’espace public. Il faudrait « éviter de poser toute question trop polémique » et ne pas froisser les croyances personnelles des étudiants pendant les cours et à l’occasion des examens de fin d’année. Le recul de la laïcité va ainsi de pair avec le détournement des textes légaux existants et une attaque sans précédent de la liberté académique des enseignants, des chercheurs, des enseignants-chercheurs. La menace à leur endroit et la censure prévalent sur la garantie de sérénité à laquelle ils peuvent légalement prétendre pour mener leurs travaux d’enseignement et de recherche. » 

On peut rappeler - contre une certaine laïcité « ouverte » laissant une place grandissante aux spiritualistes de toutes chapelles - le discours d’Aristide Briand en 1905 :

"Pourquoi revendiquez-vous le droit, vous catholiques, en régime de séparation, de violer la neutralité confessionnelle en exposant aux regards des citoyens, qui peuvent ne pas partager vos croyances, des objets exaltant votre foi et symbolisant votre religion ? Votre conscience ne peut-elle donc être libre qu’à la condition de pouvoir opprimer celle des autres ?

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 Dans la même logique du matraquage - dès le plus jeune âge - du sens critique et de l'autonomie en devenir des petits, pour être bien certain qu'ils n'oublieront pas, jamais : rien de tel que d'inscrire dans la chair des enfants les stigmates d'une appartenance communautaire religieuse par la circoncision.

Petit détour par Convention relative aux droits de l'enfant, un traité international adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989. Elle énonce les droits civils, politiques, sociaux, culturels, économiques et du droit à la protection pour tous les individus de moins de 18 ans.
L'un des articles stipule le droit à la santé, à l'éducation, à la protection sociale et à la protection contre toutes formes de violence, d'abus et de négligence. Si l'on suit à la lettre cette Convention qui semble aller de soi, la circoncision des enfants juifs et musulmans est théoriquement interdite, d'autant que la loi française précise bien qu’on ne peut opérer des enfants que pour un motif médical. S’en prendre ainsi à des petits, dépendants, qui n’ont pas le droit au chapitre, qui n’ont rien demandé... La fessée, non ; la circoncision, oui ?
Que des individus adultes veuillent montrer leur appartenance à une communauté, ma foi, c’est le cas de le dire, pourquoi pas. Mais pourquoi diable ne pas attendre la décision mature de l’individu ? 
Dans certains pays, comme la Suède, la Norvège et la Finlande, la circoncision rituelle chez les mineurs est interdite, cette intervention n'étant autorisée qu'en cas de nécessité médicale avérée. Ces pays considèrent que la circoncision non médicale d’un mineur constitue une violation des droits de l’enfant. 

Mais pour le théologien Maïmonide, éminente autorité rabbinique du Moyen Âge, l'un des motifs de la circoncision est d'infliger une douleur corporelle à l'organe sexuel, de l'affaiblir et de réduire ainsi la concupiscence et parfois la volupté ! 

 Dans la même veine, le rabbin Yeshaya Dalsace précise : 

 « Le judaïsme ne donne pas de justification à cet acte, il obéit à un commandement divin et considère l’homme incirconcis comme incomplet (...) D'un point de vue juif, la circoncision est absolument nécessaire pour la future construction psychique et identitaire de l’enfant juif. De ce point de vue, omettre la circoncision d’un tel enfant serait lui causer un préjudice moral et psychologique sans doute plus grave que tous les inconvénients avancés. » Sic.
 
Mais franchement, d’un point de vue humaniste ras des pâquerettes, peut-on laisser des parents maltraiter leur enfant comme si c’était une table dont il faut raccourcir les pieds, sans possibilité de retour en arrière ? 
Il est certain que l’interdiction de ce rituel en France ne pourra que provoquer une levée de boucliers auxquels l’Allemagne s’est confrontée en 2012 :

« Lorsqu’un tribunal allemand à Cologne décida que l’ablation du prépuce pour motif religieux relève de coups et blessures volontaires, il ne pensait pas faire de politique. Lorsque les porte-parole des Juifs en Allemagne s’indignèrent que cette décision revienne en somme à bannir les juifs du pays, éclata un scandale politique national aux proportions mondiales. La chancelière Angela Merkel, rapporte-t-on, réagit en disant « Je ne veux pas que l’Allemagne soit le seul pays au monde dans lequel les Juifs ne peuvent pratiquer leurs rites. Sinon on passerait pour une nation de guignols ». En réalité ce n’est pas le ridicule que l’Allemagne craignait, c’était qu’après avoir tenté d’éradiquer les Juifs d’Europe (...) elle affiche une inhospitalité foncière à l’égard des Juifs. Mais il n’est pas fortuit que ce soit précisément en Allemagne que les droits de l’homme, les droits les plus individuels, soient scrupuleusement approfondis jusqu’à une conclusion politiquement intenable. Le tribunal de Cologne, en pénalisant la brit milah , ne fait pas de politique, il protège l’intégrité physique de la personne et déclenche pourtant un scandale politique et des réactions en chaîne qui poussèrent le législateur allemand à amender dans l’urgence cette embarrassante décision. »**

 En octobre 2012, le ministre français de l'Intérieur et des Cultes Manuel Valls nous déclare : 

« La France, république laïque s'est dotée d'un système juridique clair qui garantit le libre exercice des libertés religieuses. Il est donc hors de question de revenir [...] sur les pratiques traditionnelles. Je l'ai dit, je le répète : les Juifs de France peuvent [...] procéder à la circoncision. Le débat sur « la remise en cause » de la circoncision relève de la méconnaissance la plus totale de ce que sont l'identité et la culture juive. Une telle remise en cause est idiote et indigne. »  
 
Peur d'être taxé d'antisémite ou d'islamophobe ? Décidément, Manuel Valls n'en finit pas d'enfiler des perles d’inculture (voir La sociologie, poil à gratter politique). Il est vrai que le Conseil constitutionnel français a estimé en 2013 que la circoncision pouvait relever de la liberté de culte et de conscience garantie par la Constitution ! Couper systématiquement l'oreille gauche des nouveaux-nés ne peut pas relever d'une "liberté de culte". Quant à la la liberté de conscience, c'est celle des adultes, pas des enfants qu'on mutile.
Et la culture africaine qui conduit à mutiler sexuellement les jeunes filles : c'est aussi permis dans le cadre de la laïcité qui a bon dos concernant toutes ces ignominies ? Non pas, car dans ce cas, c'est une infraction passible de peines allant jusqu'à 20 ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende. Deux lois, deux poids... Pour une fois, les filles ont un avantage sur les garçons en termes de protection.

La laïcité ne peut pas servir de prétexte à la barbarie de la mutilation. Les pratiques "traditionnelles" sont fort heureusement remises en cause dans maints domaines car l’évolution culturelle se poursuit, et c’est fort bien, face à des conservatismes perçus de nos jours comme délétères. 
Toujours au nom de cette pseudo-laïcité, faut-il respecter le refus de la transfusion sanguine chez les Témoins de Jéhovah ? Adultes : c’est leur problème ; enfants : cela devient le nôtre. 
Alors, ne plus rien faire ? Laisser les gamins mourir exsangues ou se faire mutiler sans protester malgré les témoignages de souffrance de nombres d’entre eux une fois adultes ?*** 
Accepter cette barbarie ordinaire pour la foi, contre la loi ? Faire de la « real culture » comme on fait de la « real politique » en acceptant d’une main ce qu’on refuse de l’autre ? 

Chacun fera son choix en toute « liberté » de pensée. 
Je plaisante, évidemment.

*Situation de l'enseignement privé sous contrat : https://videos.senat.fr/video.4631039_6644580b91a2d.audition-de-m-philippe-delorme-secretaire-general-de-l-enseignement-catholique?

**[1] VII. « La circoncision est-elle une affaire politique ? » - Danny Trom dans « Circoncision » (2018) - pages 111 à 123

***«Témoignages d’hommes contre la circoncision » - https://www.droitaucorps.com/temoignages-hommes-contre-circoncision