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La République des juges ?

La peine d' inéligibilité de Marine Le Pen fait grand bruit.

La faculté, pour le juge pénal, d’ordonner l’exécution provisoire de l’inéligibilité résulte, que ce soit pour la poursuite du mandat ou pour le droit de se présenter à une élection, des dispositions combinées de l’article 131-26-2 du Code pénal (trouvant son origine dans la loi Sapin 2), qui punit de la peine complémentaire « automatique » d’inéligibilité des manquements à la probité comme le détournement de fonds publics et la prise illégale d’intérêts, et de l’article 471 du code de procédure pénale, qui permet de donner un effet immédiat aux peines complémentaires.

Voir les principaux points du jugement.

Notons que la peine d'inéligibilité est loin d'être spécifique à ce jugement comme le montre ce graphique officiel :

Action / réaction, c'est le cas de le dire : "Scandale", "démocratie en danger", "République des juges" etc. Alors qu'il faudrait laisser sans doute ce jugement au Peuple lors des élections présidentielles de 2027 ! Le Peuple devrait juger sans avoir les pièces du dossier... 

Ce qui rappelle la sortie de Trump en 2016 :

"Je pourrais me tenir au milieu de la 5ème Avenue et tirer sur quelqu'un, et je ne perdrais pas de partisans."

Balkanysation de la vie politique ?

Droite et extrême droite mondiales viennent au chevet de la coupable/victime Le Pen martyrisée par des juges wokistes. Une "violation des normes démocratiques" nous dit le Kremlin qui déplore la condamnation de Marine Le Pen. Mais "Nous ne voulons pas nous ingérer dans les affaires intérieures de la France, nous ne l'avons jamais fait", assure Dmitri Peskov malgré les affirmations de Paris concernant de multiples campagnes de désinformation russes menées contre la France. 

Il faut dire que la proximité entre les uns et les autres ne date pas d'hier. Le RN avait effectué un emprunt auprès d'une banque russe en 2014, suscitant des soupçons sur la volonté du Kremlin de soutenir Marine Le Pen qui critiquait des sanctions occidentales imposées à Moscou après son annexion de la Crimée. 
En juin 2023, un rapport parlementaire avait dénoncé le lien "ancré dans la durée" du Rassemblement national avec la Russie, et les "contacts fréquents" entre des élus RN et des responsables russes. Le RN y était qualifié de "courroie de transmission" de la Russie. Marine Le Pen avait été reçue par Vladimir Poutine - un démocrate qui fait "disparaître" ses opposants de façon radicale - le 24 mars 2017 au Kremlin, quelques semaines avant le premier tour de la présidentielle de 2017.

La Russie n'est pas seule à réagir pour sauver la soldate Marine. "Je suis Marine !", a lancé dans un cri de ralliement le hongrois Viktor Orban. Pour ce Premier ministre nationaliste, elle rejoint les rangs des "patriotes" victimes d'une cabale à l'instar du président américain Donald Trump ou du vice-Premier ministre italien Matteo Salvini. Ce dernier, chef de La Ligue, lui-même en délicatesse avec la justice de son pays, a également apporté son soutien à Marine Le Pen : "Ne nous laissons pas intimider, ne nous arrêtons pas: en avant toute, mon amie !", a-t-il écrit. 

Que du beau monde.

Mais alors, faudrait-il remettre en cause la séparation des pouvoirs, ramener les magistrats à la raison des gouvernants, sortir de l'Etat de droit laborieusement construit au cours des siècles ? 

Et bien oui nous dit Bruno Retailleau qui a récemment déclaré que "l'État de droit n'était "ni intangible ni sacré". Voir une excellente analyse "critique" dans cette vidéo :


Dans une veine collatérale : «La France est-elle encore une démocratie ?», s'est interrogé très finement Eric Ciotti, président de l’Union des Droites pour la République. 
Laurent Wauquiez déclare de son côté : "L'État de droit ne doit pas devenir un prétexte pour bloquer les réformes nécessaires à notre pays." 
Et selon Éric Zemmour, multicondamné, "les juges imposent leur vision idéologique au détriment de la souveraineté nationale" alors que lui-même fait partie évidemment des plus neutres du point de vue idéologique (voir Mais comment peut-on être de droite ?). 

A l'heure actuelle, on attend les déclarations de Musk, Trump, Milei, Bolsonaro... qui seront tous  "Marine" très certainement.

Quelques-uns résistent cependant. Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel précise : "L'État de droit est la garantie de la démocratie. Le remettre en cause, c'est ouvrir la porte à l'arbitraire." Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, a également mis en garde contre les discours visant à "se libérer de l'État de droit", affirmant que cela reviendrait à "rompre avec les principes fondamentaux de notre République."

En novembre 2024, c'est l'actuel président du RN, Jordan Bardella, qui évoquait le sujet sur le plateau de BFM TV : 

Ne pas avoir de condamnation à son casier judiciaire est pour moi une règle numéro 1 lorsqu'on souhaite être parlementaire de la République".

Qui plus est concernant un(e) président(e) qui doit être le garant de l'indépendance de l'institution judiciaire (art. 64 de la Constitution). 

La constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina commente parfaitement ce débat profondément réactionnaire dans cet article.

Heureusement, en 2013, Marine était on ne peut plus claire - alors qu'elle était à l'époque (faut-il le préciser) le centre même du système de détournements mis en place par papa -, au point extravagant de se condamner elle-même par avance (vidéo ci-dessous). 

Vidéo d'origine

L'extrême droite nous habitue progressivement à tout inverser. Post-vérité, le coupable devient victime, le blanc devient noir et Marine Le Pen convoque Martin Luther King qui n'en demandait pas tant : 

"Notre combat sera un combat pacifique, un combat démocratique. Nous prendrons exemple sur Martin Luther King qui a défendu les droits civiques... ce sont les droits civiques des Français aujourd’hui qui sont mis en cause"

A quand la comparaison avec Nelson Mandela ? Il faut quand même oser... Il paraît que c'est à ça qu'on les reconnaît.

Et quand on réécoute Philippe Poutou lors du débat de la présidentielle 2017, on se dit qu'il mériterait une légion d'honneur pour avoir dénoncé des légions de déshonneurs politiques.

Cohérence et éthique chevillées au corps : la grandeur de nombreux politiques, sans doute. Mais pas de tous.

Aux dernières nouvelles, l'appel du premier jugement va pouvoir être intégré dans l'agenda judiciaire lors du premier semestre 2026. Fort bien. On ne pourra plus dire qu'il y a déni de justice. Pour autant, le verdict sera très probablement le même concernant la culpabilité de Marine Le Pen étant donné les preuves accablantes exposées lors du premier verdict. Même si l'inéligibilité n'était pas reconduite, on voit mal une majorité de citoyens français voter pour une candidate condamnée en première instance - puis en appel - pour détournement de fonds publics de plus de 4 millions d'euros. 

La messe est dite pour Marine Le Pen. 

Reste un plan B avec le "novice" Bardella ?

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Et pour aller plus loin, le livre "La dernière blessure" centré sur la notion du libre arbitre (illusoire)... en cliquant sur l'image ci-dessous