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Steven Pinker nous explique le libre arbitre... mais mal

Steven Pinker est un psychologue cognitif, linguiste et vulgarisateur des sciences canado-américain.
Il nous affirme que le libre arbitre (LA) existe, que ce n'est pas un miracle, qu'il n'y a pas de fantôme dans la machine, que les preuves scientifiques ne soutiennent pas la croyance dans une divinité interventionniste ou dans un quelconque surnaturel (il est donc athée) ... mais qu'il existe tout de même, ce libre arbitre, cette volonté libre de l'humain...
Regardez ci-dessous la vidéo* sous-titrée précédant quelques commentaires concernant des approximations et incohérences dans les propos de Pinker... qui se veut pourtant des plus rationalistes. 
Ce type de discours est malheureusement assez habituel chez ceux qui renient, la main sur le cœur, tout surnaturel, avant d'en faire la promotion dans le cadre du libre arbitre. 
Pour eux, Dieu est mort (bien qu'il convulse encore : voir Dieu est mort mais le cadavre convulse), mais le libre arbitre est sauf...

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Commentaires :
Donc pour Pinker, ce libre arbitre ne défie pas les lois naturelles et les relations de cause à effet. Il différencie pourtant fondamentalement - alors que c'est de même nature pour un naturaliste - le réflexe rotulien "mécanique" en opposition au choix du dîner qui, lui, nécessite un processus délibératif plus lent et plus complexe convoquant, selon le cas, mémoire, faim, objectifs, environnement, attentes et jugement des autres etc. Le tout de manière chaotique, non linéaire, imprévisible bien souvent, ce qui est probable du fait d'un déterminisme chaotique ambiant permanent. 
Remarquons que tout ceci peut s'appliquer, certes de façon moins élaborée, au comportement animal, celui-ci pouvant agir par réflexe de défense comme par délibération plus lente devant la manière d'attaquer une proie... Pourtant, l'animal n'est pas censé posséder de libre arbitre. Pour le naturalisme, il n'y a pas ici de différence de nature mais seulement de niveau de complexité.
Ensuite, Pinker affirme - en forme d'expérience de pensée invérifiable -, que si l'on mettait la même personne strictement dans les mêmes conditions à un jour d'intervalle, elle pourrait avoir des décisions ou comportements différents. En constante évolution, l'univers au moment où vous lisez cette phrase n'est plus l'univers d'il y a 5 minutes. Donc la prémisse "strictement dans les mêmes conditions" ne veut rien dire car il n'existe aucune possibilité d'affirmer qu'il n'y a pas de déterminants nouveaux qui se sont glissés à notre insu lors de la seconde occurrence.

Mais admettons la prémisse "strictement dans les mêmes conditions" et regardons plus en détail l'alternative proposée :
- soit nous prenons dans le cadre de cette prémisse deux décisions différentes à un jour d'intervalle, et ce serait un libre arbitre "indéterminé" qui ferait la différence ; mais alors c'est le libre arbitre qui a changé ? Si le libre arbitre a changé, c'est que nous ne sommes pas dans les mêmes conditions, détruisant brutalement la prémisse "strictement dans les mêmes conditions" !
- soit nous prenons à nouveau la même décision et le libre arbitre aurait alors le même statut que les autres déterminants non choisis "librement". Soit un libre arbitre qui ne change pas, un déterminant comme un autre donc... Aporie pourrie.

Prendre l'exemple de vrais jumeaux, comme le fait Pinker, jumeaux qui pourraient prendre des décisions différentes, ce qui serait la preuve que le libre arbitre existe... Un exemple qui montre une certaine méconnaissance de la part de Pinker : les "vrais" jumeaux ont des différences épigénétiques, des expériences différentes, une éducation "presque identique" comme Pinker l'avoue lui-même... S'il est vrai qu'aucun couple d'individus ne se ressemble plus que les vrais jumeaux (homozgotes), ils présentent pourtant bien des différences significatives : les constantes biologiques peuvent différer ; les empreintes digitales sont proches mais non identiques ; le fonctionnement du système immunitaire diffère ; le répertoire des lymphocytes qui reconnaissent les antigènes n'est pas le même ; la concordance de survenue de la plupart des maladies génétiques dépendant de plusieurs gènes n'atteint pas 100 % et se trouve souvent bien en deçà : 30 à 40 % pour le diabète, 15 % pour la sclérose en plaques... Chaque individu est donc unique.

Bref de bonnes "raisons" (déterminants suffisamment différents) pour que ces jumeaux ne soient pas en accord sur nombre de points, ce qui ne prouve donc en rien l'existence d'un libre arbitre d'essence surnaturelle.

Reste enfin l'argument majeur habituel des croyants dans le LA : "oui mais comment fait-on pour punir, blâmer ou faire des éloges en l'absence de libre arbitre" ? Soit un argument par (de) la conséquence toujours aussi pitoyable (voir L'argument de la conséquence). 
Personne ne peut faire autrement que ce qu'il fait, même après délibération. L'approbation ou la désapprobation d'une action ne nécessite nullement un libre arbitre surnaturel. 
Sans LA, la culpabilité s'effondre... mais reste la responsabilité sociale de ce que chacun fait (voir Mais alors, sans culpabilité ni punition possible... que faire ?).

Pinker finit par affirmer que le LA n'est pas un miracle mais tout ce qu'il avance va pourtant dans ce sens !
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Si Pinker explique mal, le Pr de philosophie et d'éthique Derk Pereboom explique mieux dans la vidéo ci-dessous l'impossibilité d'un libre arbitre dans un monde naturaliste scientifique. 

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*Vidéo originelle en anglais : https://www.youtube.com/watch?v=qioB1KB1Rbk
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Et pour aller plus loin, le livre "La dernière blessure" centré sur la notion du libre arbitre (illusoire)... en cliquant sur l'image ci-dessous