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Neuro... politique

Chacun est persuadé qu'en matière politique, son vote est le résultat de son discernement - libre arbitre, et de ses convictions bien établies ; au point de ne pas bien comprendre pourquoi certains votent autrement. L'affaire est d'importance, au point de créer des conflits, bagarres et autres attaques, verbales comme physiques. Les divergences religieuses donnent des résultats similaires.

Car ces deux sujets - politique et religion - sont au cœur de notre vision du monde ; et toute remise en cause est généralement perçue comme une agression apportant son lot de violences potentielles entre les individus comme entre les pouvoirs étatiques, jusqu'à des extrémités que conceptualise Achille Mbembe dans ce qu'il appelle la "nécropolitique".

Bon. On pourrait s'arrêter là : chacun a ses convictions. Les goûts - comme les couleurs - ne se discutent pas.

Pas tout à fait, car une nouvelle discipline - la neuropolitique - tente de corréler opinions politiques et fonctionnement cérébral. 

Ainsi, une étude suggère que le cortex cingulaire antérieur, qui joue un rôle dans la détection des contradictions, est plus volumineux chez les gens de gauche alors que la région de l’amygdale, impliquée dans la peur, est plus développée chez les gens de droite[1]. On sait par exemple (étude)  que lamygdale joue un rôle clé dans l’hyperréactivité émotionnelle en réponse à une menace sociale chez les patients souffrant de trouble d’anxiété sociale. Ainsi la peur des situations conflictuelles et des risques pourrait - en partie - expliquer les différences d’opinions politiques. 

"La stimulation électrique de l'amygdale évoque des émotions intenses, telles que l'agressivité, la peur et les réponses d'anxiété chez l'homme. Les lésions irritatives de l'épilepsie du lobe temporal ont pour effet de stimuler l'amygdale. Dans sa forme extrême, les lésions irritatives de l'épilepsie du lobe temporal peuvent provoquer une crise de panique."

Une autre étude[2] va dans le même sens en montrant que les attitudes politiques varient selon des traits physiologiques ayant une base biologique, et non pas seulement du fait d’un environnement d’expériences et de cultures particulières comme on le pense généralement. 
Parmi des adultes ayant de fortes convictions politiques, les personnes présentant des sensibilités plus faibles aux bruits soudains et aux images visuelles menaçantes étaient plus susceptibles de soutenir l'aide aux étrangers, les politiques d'immigration, le pacifisme et le contrôle des armes à feu. 
En revanche, les personnes affichant des réactions physiologiques sensiblement plus élevées à ces mêmes stimuli étaient plus susceptibles de favoriser les dépenses de défense, la peine capitale, le patriotisme / nationalisme et la guerre en Irak... (voir Nationalisme versus mondialisme). Ce qui semble aller dans le même sens que l’étude précédente avec la grosse amygdale et la peur qui en découle. Mais cela ne dit pas qui est l’œuf et qui est la poule dans cette relation entre anatomie, physiologie, expériences, environnement et conviction politique. La peur "grossirait" l’amygdale et ferait sursauter ? Ou une grosse amygdale génétiquement programmée ferait naître de grosses peurs avec des besoins de sécurité accrus et une forte croyance dans le LA qui autoriserait la punition ? 
De multiples interactions chaotiques entre inné et acquis semblent l’hypothèse la plus probable.

Quoiqu'il en soit, l'homme providentiel, autoritaire et sûr de lui, ne peut que "rassurer" et plaire lors des périodes historiques incertaines comme la nôtre. Qu'il soit incompétent, qu'il ne travaille que pour son propre compte, sa gloire et autres colifichets devient accessoire (voir Le peuple a-t-il toujours raison en démocratie ?). Ces "sauveurs" peuvent devenir des tyrans sacrifiant leur peuple qui se réveille un jour au milieu des décombres (suivez mon regard ou celui de Godwin).

Autres données allant dans le sens d'influences n'ayant rien à voir avec l'exercice d'un pseudo libre arbitre : Alexander Todorov, un psychologue social, a effectué des recherches sur la perception des visages et son influence sur les jugements sociaux, notamment dans le contexte politique. Dans cette étude, Todorov et ses collègues ont demandé aux participants d'évaluer la compétence des candidats à des élections en fonction de leurs visages, sans avoir accès à aucune information sur leurs politiques ou leurs représentants. 

Les résultats ont montré que les évaluations de compétence basées sur les visages étaient fortement corrélées avec les résultats des élections. Les candidats qui étaient perçus comme plus compétents sur la base de leurs visages étaient plus susceptibles de gagner les électionsCette étude suggère que les électeurs peuvent être influencés par leur perception des visages des candidats lorsqu'ils votent, même si cela n'est pas conscient.
N.B : cette étude a été menée dans le contexte des élections américaines : il est possible que les résultats ne soient pas généralisables à d'autres contextes culturels ou politiques).

Voter à la "bonne" tête du client, et/ou en fonction du volume de son amygdale... Est-on bien certain de voter en pleine conscience avec un libre arbitre qui aurait tout pouvoir de décision, non déterminé par quoi que ce soit, égal d'un individu à l'autre ? 
Mais si tout ceci était "vrai", pourquoi autant de différences entre les votes et des débats aussi enflammés allant jusqu'à faire brandir une tronçonneuse par le "fou" argentin ? 


Peut-être un libre arbitre différent d'un individu à l'autre ? Mais alors, cela constituerait un déterminant comme un autre, soit l'annulation pure et simple de ce concept échappant à toute compréhension. 

Tout compte fait, ce n'est pas très étonnant que la plupart des philosophes se battent sur ce sujet depuis des siècles en concluant que "la question n'est toujours pas résolue". La question des dieux non plus, pas plus que l'existence de la licorne, du yéti, des fantômes, de l'éther en physique, du monde des idées (Platon)... Difficile de prouver l'existence de ce qui n'existe pas. Plutôt que la tronçonneuse, le rasoir d'Ockham semble plus rationnel ; et c'est peut-être l'occasion de revisiter notre propre conception du monde ?

Sur la neuropolitique : écouter à partir de la min.7 (cliquer sur l'image)


[1]  « Neurocognitive correlates of liberalism and conservatism » - Amodio et al., 2007 - http://eugrafal.free.fr/Amodio-et-al-2007.pdf et « Political orientations are correlated with brain structure in young adults » - Kanai et al. - 2011 - https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3092984/

[2] «  Political attitudes vary with physiological traits » - 2008 - https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18801995/

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Et pour aller plus loin, le livre "La dernière blessure" centré sur la notion du libre arbitre (illusoire)... en cliquant sur l'image ci-dessous