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Mais alors, sans culpabilité ni punition possible... que faire ?

La question n'est pas nouvelle. Elle se pose depuis que des philosophes et scientifiques ont commencé à douter de l'existence d'une liberté de la volonté (libre arbitre) du fait des lois naturelles universelles auxquelles l'Humain ne peut échapper. Plus récemment, des psychiatres et neuroscientifiques enfoncent le clou (voir https://librearbitre.eu/accueil/psychiatrie-neurosciences/).

En effet, si tout est déterminé (+ indéterminisme de la mécanique quantique) par ces lois naturelles, on ne voit pas très bien comment il pourrait exister un libre arbitre "au-dessus" de ces déterminations / indéterminations. La volonté serait donc déterminée / indéterminée comme le reste de l'univers. Exit donc culpabilité et punitions, ce qui remet en cause philosophiquement tout notre arsenal judiciaire pénal.

D'où des propositions comme celle de la « défense sociale » initiée par le juriste et sociologue belge Adolphe Prins qui écrit dès 1910 :

« Le droit pénal nouveau envisage des êtres sociaux qui ont des devoirs envers la communauté, et il voir surtout dans le criminel l’individu qui porte atteinte à l’ordre social (...) Le Moi est un mystère et l’on ne fonde pas le droit de punir sur un mystère » [1]

Il proposait une nouvelle conception de la justice pénale, fondée sur la défense de la société contre les individus dangereux, plutôt que sur la répression des infractions. Il s’inspirait ainsi des théories de la criminologie positiviste, de la psychiatrie et de la sociologie de l’époque, pour réformer le droit pénal et la politique criminelle. Cette proposition a été reprise par le juriste et magistrat Marc Ancel avec sa « défense sociale nouvelle » qui tend à protéger la société dans un contexte plutôt conséquentialiste[2] en prévenant la récidive plutôt que de punir à tout-va... et - rajouterais-je - du fait que punir n’a pas de sens en l’absence de LA[3] et de culpabilité.

Pour Marc Ancel qui se rattache à la tradition chrétienne dans le cadre doctrine sociale de l’Eglise catholique[4] :

« La peine a pour fonction primordiale la réadaptation sociale du délinquant, seule de nature à concilier la protection de la collectivité avec l'intérêt véritable de l'individu à qui elle restituera sa pleine valeur de personne humaine consciente de sa dignité et de sa responsabilité »[5]

Au passage, il semble exister - comme dans toute religion d’ailleurs - une contradiction formelle entre d’un côté la doctrine sociale de l’Eglise catholique qui promeut solidarité et compassion (l’Humain fils de Dieu), et de l’autre l’affirmation de la liberté de la volonté (LA)[6] de la créature qui permet la culpabilisation de celle-ci, car elle a fait mal et aurait pu faire mieux. Ce mélange de chaud et froid donne finalement toutes sortes de températures allant de l’Inquisition à sœur Thérésa, du petit Jihad au Croissant Rouge.

Pour en revenir à la défense sociale nouvelle, il est certain que le quantum de dangerosité ou le risque de récidive - termes que l’on préfère utiliser actuellement - est particulièrement difficile à apprécier, soumis qu’il est aux exigences sociales sécuritaires du moment, aux influences de l’environnement d’un individu avec ses propres fluctuations psychologiques. Certains - tel Pierre-Marie Sève responsable de « l’institut pour la justice »[7] - vouent aux gémonies cette « défense sociale nouvelle », considérée comme laxiste du fait d’une « idéologie gauchiste » des magistrats français dans leur ensemble. Comme si les convictions de Pierre-Marie Sève échappaient à toute idéologie ! Entre le tout sécuritaire et un laxisme généralisé, la place du curseur est difficile à fixer ; il ne peut l’être que de façon provisoire dans une culture et une société donnée, une politique et l’idéologie majoritaire du moment.

Quelques mots sur la détention lorsqu’elle est jugée nécessaire, notamment dans le cadre d’une dangerosité détectée : sans LA « réel », elle ne doit en aucun cas être « punitive ». Ni humiliation, ni brimades, ni violences comme on peut actuellement le constater vis-à-vis des détenus « pointeurs », exemple parmi d’autres. Ce terme « pointeur » désigne dans le jargon pénitentiaire un condamné pour viol ; ils sont de plus en plus nombreux en milieu carcéral du fait de l’évolution des mœurs et sont la cible des autres détenus avec passage à tabac ou lynchage, y compris lors des « promenades » sous les yeux des représentants de l'administration pénitentiaire qui laissent faire ou arrivent « trop tard »[8]. Les bonnes âmes vous diront que ne n’est pas bien grave ; que ces pointeurs méritent quelque part leur sort... Soit une réaction stupide si ces pointeurs n’ont pas plus de Libre Arbitre « réel » que les bonnes âmes. Ces « pointeurs » devraient être regroupés et isolés du reste de la population pénale, ce qui est loin d’être toujours le cas, notamment dans les petits établissements. Dans le même ordre d'idée, les conditions du "mitard", punition dans la punition*, sanction profondément inhumaine et destructrice, constituent une honte quotidienne dans le pays des droits de l'humain. Il est vrai que les tentatives de suicide au cours du mitard - quinze fois plus élevé qu’en détention ordinaire - ne peuvent que réjouir les nostalgiques de la peine de mort encore très nombreux selon les sondages : plus d'1 français sur 2 la regrette cette bonne vieille guillotine (pour les autres ; enfin, en dehors de leur famille en tout cas). Que des braves gens, surtout à droite (RN pour 85 % et LR pour 71 %)**.

Plus généralement, en prison comme ailleurs, les droits de l’Humain devraient être respectés. Ce qui signifie que chaque fois qu’il est possible, un détenu devrait pouvoir travailler - ce qui est de moins en moins le cas ces dernières années -, avoir droit à une certaine intimité dont des aménagements concernant la sexualité, recevoir des visites, pouvoir communiquer... sauf évidemment dans les cas où le délinquant pourrait en profiter pour continuer un « business » délictuel ou effacer des preuves, suborner ou faire pression sur des témoins etc. C’est la raison pour laquelle les téléphones portables sont légalement interdits et pourtant très présents[9] malgré les « brouilleurs » de fréquence qui sont de toute façon actuellement inopérants avec la 5G...

Pour en revenir à la détention (maison d’arrêt[11], centre de détention[12] et maison centrale[13]) - qui peut être jugée nécessaire pendant un certain temps dans le contexte d’une certaine dangerosité des prévenus ou des condamnés : elle doit être respectueuse des droits humains. Un minimum de surface - à définir - pour une « cellule » salubre, avec un confort certes minimal mais suffisant, avec la possibilité d’être seul si souhaité, de s’exercer physiquement, d’avoir accès à des activités culturelles et de bénéficier d'un enseignement visant au meilleur épanouissement de la personnalité humaine, d’obtenir un emploi utile et rémunéré, lequel facilitera la réintégration sur le marché du travail, de bénéficier d’un service de santé digne de ce nom etc. Je ne vais pas faire ici la liste de ce que devraient être les droits des détenus adoptés par l'Assemblée générale des Nations Unies[14] (1990). Cette détention, quand elle est nécessaire, ne devrait pas être destinée à punir mais seulement à mettre en œuvre une évaluation régulière de la dangerosité, fournir des soins psychologiques / psychiatriques jugés nécessaires et préparer la réinsertion. La création de Centres de réintégration dirigés par des pairs (ex-détenus) semble aller dans le bon sens[15]. Des associations comme « Wake up Café » aussi[16].

Il faudrait également investir la notion de désistance[17], c’est-à-dire tout ce qui amène un individu à quitter la voie de la délinquance, un champ d’études développé dans les pays anglo-saxons. Selon Jean-Claude Bouvier, juge d'application des peines :

«C'est un changement de paradigme. C'est un concept plus intéressant que celui de récidive : on ne recherche plus pourquoi les gens récidivent dans une optique de contrôle, mais pourquoi ils s'en sortent. Pas seulement parce qu'on les a surveillés, mais parce qu'ils ont eux-mêmes choisi de changer de vie. »

Selon l'Association des juges d'application des peines,

« Ce qui semble déterminant dans la capacité du condamné à ne pas récidiver, c'est la stratégie individuelle qu'il est en mesure de mettre en place pour initier un changement de vie.»

Notons qu'il existe depuis 2014 un observatoire de la récidive et de la désistance[18].

Bref, du pain sur la planche avec nécessité de quelques subsides pour mettre en place un tel programme... qu'il faudrait dans un premier temps appliquer sur une zone test afin d'examiner à la loupe les conséquences dans une balance bénéfices/risques en rapport avec les coûts directs et induits.

Mais rien ne sera possible sans la remise en question préalable d'un libre arbitre délétère ; et là aussi, il y du pain sur cette planche.

Dans l'article "Que reste-t-il de la défense sociale nouvelle ?" (https://www.cairn.info/revue-de-science-criminelle-et-de-droit-penal-compare-2017-2-page-261.htm) et le podcast ci-dessous, Vincent SIZAIRE (magistrat) nous parle de Marc ANCEL et des bases d'une criminologie humaniste.

Voir également des propositions connexes comme celle cet auteur ( https://librearbitre.eu/static/pdf/Borbonfr.pdf) et un point plus général sur la justice dans le cadre du naturalisme scientifique (https://librearbitre.eu/accueil/justice/).



[2] Théorie selon laquelle ce sont les conséquences d'une action donnée qui doivent constituer la base de tout jugement moral

[3] Marc Ancel ne s’est pas prononcé sur l’existence ou non d’un Libre Arbitre « réel » mais semblait en douter : « La défense sociale nouvelle postule philosophiquement le libre-arbitre mais demeure réservée sur ce problème, extérieur aux données et au domaine de la politique criminelle appliquée. » - « La défense sociale nouvelle » - 2e éd. p. 226

[5] « La défense sociale nouvelle » - https://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_1954_num_6_4_9111

[6] « Mais cette liberté n'est pas illimitée : elle doit s'arrêter devant “l'arbre de la connaissance du bien et du mal”, car elle est appelée à accepter la loi morale que Dieu donne à l'homme. En réalité, c'est dans cette acceptation que la liberté humaine trouve sa réalisation plénière et véritable » - Jean-Paul II, Encycl. Veritatis splendor, 35: AAS 85 (1993) 1161-1162

[7] « Face à Rioufol - Intervention de Pierre-Marie Sève » - VIDEO Youtube - https://www.youtube.com/watch?v=JD183qn0LZ0

[9] « Ce qui n'entre pas dans une prison, c'est parce que la porte n'est pas assez grande » selon les propos d'un directeur de prison...

[11] Accueille les détenus qui ne sont pas encore jugés (détention provisoire) ou qui sont condamnés à des peines inférieures à 2 ans

[12] Prisons dans laquelle les détenus qui y séjournent présentent les meilleures perspectives de réinsertion (travail, études, logement...) pour des condamnés à des peines d'au moins 2 ans

[13] Accueille les détenus les plus « difficiles »

[14] « Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus » - https://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/basicprinciplestreatmentofprisoners.aspx

[15] « Finding help and hope in a peer-led reentry service hub near a detention centre: A process evaluation » - https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36800339/

[16] « Réinsertion des ex-détenus - Barthélemy - SPEAK UP » - VIDEO Youtube - https://www.youtube.com/watch?v=JNmoKnq0dqk

[17] « Les Sorties de délinquance» sous la direction de Marwan Mohammed - 2012 - La Découverte https://www.franceculture.fr/oeuvre/les-sorties-de-delinquance-theories-methodes-enquetes

[18] Processus par lequel l’auteur d’une infraction sort de la délinquance ou de la criminalité (par opposition à la récidive) - http://www.justice.gouv.fr/prison-et-reinsertion-10036/observatoire-de-la-recidive-et-de-la-desistance-12918/ - Rapport annuel de 2017 : http://www.justice.gouv.fr/art_pix/rapport_ord_def_2017.pdf

Libre arbitre : KEZAKO ?

Le libre arbitre (LA) - ou liberté de la volonté - est un concept central de notre société présent aussi bien dans notre vision de nos propres comportements que ceux des autres, au cœur de notre justice, notre économie, notre politique... Bref, partout.

Comme l’écrivait en 1885 le philosophe Charles Renouvier dans ses réflexions sur le Libre Arbitre et le déterminisme :

« Le nombre de conceptions réellement différentes en philosophie, est beaucoup plus petit qu’on ne paraît généralement s’en apercevoir. Le nombre de questions contradictoirement débattues depuis vingt-quatre siècles, j’entends de celles dont la solution est d’une importance capitale pour l’homme et autour desquelles toutes les autres gravitent, est lui-même très petit. »

L’existence ou non d’un Libre Arbitre « réel » fait partie de ces quelques questions fondamentales, probablement l’une des plus exigeantes.

La meilleure définition de ce LA me semble être celle du biologiste Anthony Cashmore[1] :

« Le libre-arbitre est la croyance selon laquelle il existe une partie du comportement biologique qui est la conséquence de quelque chose d’autre que les inévitables influences de l’histoire génétique et environnementale d’un individu, et des possibles lois stochastiques[2] de la nature. »

Autre définition du Libre Arbitre : il y aurait chez l’Humain une partie « biologique » qui dépendrait de très nombreux déterminants génétiques en interaction avec l’environnement, auxquels s’ajouterait « quelque chose » d’autre, de nature "surnaturelle" , la liberté de la volonté ou Libre Arbitre.

Ou encore : le Libre Arbitre est le pouvoir indéterminé de se déterminer soi-même, soit un jeté de dés que l’on ne peut contrôler mais qui permettrait de se contrôler (?)

Une autre définition du neuroscientifique Read Montague au CV impressionnant[3] :


« Le libre arbitre est l’idée selon laquelle nous faisons des choix et avons des pensées indépendantes de tout ce qui ressemble de loin à un processus physique. Le libre arbitre est le cousin proche de l'idée de l'âme – le concept selon lequel « vous », vos pensées et vos sentiments, dérivez d'une entité séparée et distincte des mécanismes physiques qui composent votre corps. De ce point de vue, vos choix ne sont pas causés par des événements physiques, mais émergent plutôt entièrement formés d’un endroit indescriptible et en dehors du champ des descriptions physiques. Cela implique que le libre arbitre ne peut pas avoir évolué par sélection naturelle, car cela le placerait directement dans un flux d’événements causalement connectés. »

Une dernière petite définition pour la route : le Libre Arbitre est la croyance générale que le comportement humain est libre de contraintes internes et externes, et que nous aurions donc un « contrôle intentionnel conscient » sur nos comportements et nos actes. 

Tel un arbitre de foot, le Libre Arbitre est à la fois le témoin d’une scène et celui qui dispose de l’autorité pour faire appliquer ses décisions / jugements. Il se veut dans le même temps distinct des joueurs - les déterminants des lois naturelles - et au-dessus d’eux. Avec une caractéristique de plus que l'arbitre de foot : c'est lui qui décide des comportements tactiques et stratégiques des joueurs (dribble, passe, tir, tacle, contrôle, roulette, petit pont, bicyclette, feinte...). Ce qui implique la notion de responsabilité, morale[4] et de culpabilité chez l'humain (l'animal ne serait pas concerné...?) puisque le Libre Arbitre n’ayant aucune contrainte interne ou externe devrait permettre de « faire autrement », en préférant le bon dribble plutôt que le mauvais... et surtout le Bien plutôt que le Mal ! 

Autrement dit, placé « strictement » dans les mêmes conditions déterminantes, je peux choisir blanc ou noir, bien ou mal, selon le « bon vouloir » de mon Libre Arbitre. Petite expérience de pensée : si je me trouve strictement dans la même situation une seconde fois - ce qui est proprement impossible à expérimenter -, vais-je prendre la même décision ? Le naturaliste dira que oui, bien évidemment : les mêmes conditions strictes donneraient la même décision. Le croyant au Libre Arbitre dira que non, pas nécessairement, et d’ailleurs, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ! 

Mais là, problème de taille : si un individu change d’avis alors que les déterminants sont strictement identiques dans deux situations à un jour d’intervalle, c’est donc que son Libre Arbitre aurait changé entre temps ? Selon quelles modalités ? Modification du LA en qualité, en quantité, les deux ? Car on ne peut pas faire jouer dans ce nouvel avis modifié, cette nouvelle décision, un quelconque indéterminisme quantique qui détruirait ipso facto la notion de Libre Arbitre ! Ne serait-ce pas plutôt un déterminant nouveau qui se serait glissé entre temps (temps de réflexion / nuit qui « porte conseil » / avis extérieur...). Le cerveau "travaille" en permanence, que l'on en soit conscient ou pas. Et les capacités de délibération consciente, de pensée rationnelle et de maîtrise de soi ne sont pas des entités magiques mais des interactions neuronales avec l’environnement. 

Petite question : les sacrifices humains ont été pratiqués dans de nombreuses cultures à travers l’Histoire (Egypte et Chine anciennes, certaines cultures africaines, Aztèques et Incas...), souvent dans le but de plaire ou d’apaiser les dieux, de garantir la prospérité ou de marquer des événements importants. Ce qui semble barbare ou irrationnel aujourd’hui était souvent perçu comme nécessaire et "sacré" à l’époque. Sans se risquer à des jugements des plus anachroniques, il est clair que leur "libre arbitre" était "différent" du nôtre pour trouver normal et bien ce qui nous apparaît actuellement comme des horreurs. Les valeurs n'étaient pas les mêmes ? Mais alors, ce sont les valeurs du moment, fluctuantes au cours de l'Histoire, qui déterminent les actions et non pas un pseudo libre arbitre à géométrie variable, bien fluctuant, s'il existait ?

Par ailleurs, ce libre arbitre, s'il existait, devrait être conscient... alors que les expériences sur les prises de décisions montrent un décalage très important entre les prémisses de décision cérébrales "prévues" à l'IRM et la décision "consciente" comme le montrent ces expériences :

Nombreuses sont les études montrant que nos choix ressentis comme libres ne le sont pas en fait. Les gens savent-ils quand ils ont fait un choix conscient ? Par exemple, une étude montre que, sans  que  les  participants  en  soient  conscients,  un  événement  apparemment  ultérieur  a  influencé  des  choix  qui  étaient  vécus  comme  se  produisant  à  un  moment  antérieur.  Ces  résultats  suggèrent  que,  comme  certaines  expériences  perceptuelles  de  bas   niveau,  l’expérience  du  choix  est  susceptible  d’être  influencée  par  une  influence  « postdictive »  et  que  les  personnes  peuvent  systématiquement  surestimer  le  rôle  que  joue  la  conscience  dans  leur  comportement  choisi (Illusion du choix libre conscient). L'auteur de l'étude précise :

« Peut-être qu'au moment même où nous faisons l'expérience d'un choix, notre esprit réécrit l'histoire, nous faisant croire que ce choix, qui a en fait été effectué après que ses conséquences ont été perçues inconsciemment, était un choix que nous avions fait depuis le début »

Dans une démarche naturaliste/matérialiste, rien n'est surprenant dans cette constatation. Les merveilleuses tribulations du cerveau nous font bien souvent prendre des vessies pour des lanternes comme en témoignent notamment les"post-vérités" et les dizaines de biais cognitfs dont nous usons au quotidien sans en prendre conscience, justement.

Mais des résultats qui ne peuvent être acceptés par un spiritualiste pour qui la volonté est nécessairement libre et consciente, et non "fabriquée" en amont par un "non conscient" quelconque. 

Sur cette question comme bien d'autres, les religieux sont vent debout contre la vision scientifique au point de remettre sur la table la dualité, voire la physique quantique qui validerait la possibilité du libre arbitre, jusqu'à des sorties du type :

"Le mystère de l'Homme est incroyablement diminué par le réductionnisme scientifique et sa prétention matérialiste à rendre compte du monde de l'esprit en termes de simple activité neuronale. Une telle croyance ne peut être considérée que comme une superstition" (Evolution du cerveau et création de la conscience - p. 322 - J.C. Eccles prix Nobel de médecine - 1992 - Fayard). 

Cet auteur passe de la conscience à l'âme, et de l'âme à Dieu. La boucle est bouclée (à propos de l'âme : Ame ?). Il est toujours réjouissant (consternant ?) de constater que les spiritualistes croyant dans un dieu qu'il n'ont jamais pu mettre en évidence traitent les scientifiques de superstitieux ! Voici l'étendue du désastre intellectuel : 

Le chercheur et docteur en neuroscience Björn Brembs résume de façon nettement plus crédible :

« Aujourd’hui, le concept métaphysique de libre arbitre est largement dépourvu de tout support, empirique ou intellectuel (...) Bien sûr, tous ces neurobiologistes ont raison de dire que le libre arbitre en tant qu’entité métaphysique est très probablement une illusion. L'usage familier et historique du terme « libre arbitre » a été inextricablement lié à l'une ou l'autre variante du dualisme ».* 

Petite anecdote montrant les résistances à accepter cette idée que nous sommes des êtres biologiques gouvernés par les mêmes lois naturelles que le reste de l'univers. Lors d'une colloque mené par J.P. Changeux, une question lui est posée par la salle suite à son exposé : que fait-il donc du concept de libre arbitre dont il n'a parlé à aucun moment ? Le scientifique s'en est sorti avec quelque chose comme "il n'est pas interdit d'y croire"... Je lui ai demandé par la suite pourquoi il n'avait pas répondu plus précisément à cette question, lui qui a écrit par ailleurs dans son ouvrage « L’homme neuronal » (Fayard - 1983) :

« Pour le neurobiologiste que je suis, il est naturel de considérer que toute activité mentale, quelle qu’elle soit, réflexion ou décision, émotion ou sentiment, conscience de soi…est déterminée par l’ensemble des influx nerveux circulant dans des ensembles définis de cellules nerveuses, en réponse ou non à des signaux extérieurs. J’irai même plus loin en disant qu’elle n’est que cela. »

Il m'a répondu qu'il aurait été beaucoup trop difficile d'exposer ses idées sur le sujet, tant les présupposés profanes étaient ancrés... Dommage.

Mais il faut savoir que les résistances spiritualistes concernant l'existence du LA sont apparemment invincibles si l'on tient compte des publications scientifiques comme celle-ci :

"Certaines recherches suggèrent que le comportement moral peut être fortement influencé par des caractéristiques triviales de l’environnement dont nous n’avons aucune idée. Des philosophes, des psychologues et des neuroscientifiques ont soutenu que ces résultats remettent en cause nos notions de bon sens d’agence et de responsabilité, qui mettent toutes deux l’accent sur le rôle du raisonnement pratique et de la délibération consciente dans l’action. Nous présentons les résultats de quatre études ... (N = 1 437) conçues pour examiner la façon dont les gens pensent aux implications métaphysiques et morales des découvertes scientifiques qui révèlent notre sensibilité à l’automatisme et aux influences situationnelles. Lorsqu’on leur présente des récits ... sur ces découvertes, les participants ne montrent aucune tendance à changer de jugement sur la liberté et la responsabilité par rapport aux groupes témoins. Cela suggère que les gens ne semblent pas disposés à adopter des attitudes sceptiques à l’égard de l’agence sur la base de ces découvertes scientifiques."***

Face à l'évidence, nous restons pourtant attachés - pauvres humains - à nos conceptions erronées. Essayez donc de convaincre un platiste que la Terre est ronde alors que des religieux Hindous, donc des savants,  ont rapporté sa vraie structure spatiale il y a plus de 2000 ans déjà !


















Dan Gilbert, professeur de psychologie à Harvard avance que nous sommes dotés d’un « système immunitaire psychologique » qu’il définit comme un "système de processus cognitifs (…) qui nous permet d’altérer notre vision du monde afin de nous réconforter face aux situations que nous vivons" : un équipement de l'évolution permettant une dissonance cognitive capable de nous convaincre de n'importe quoi pour le meilleur (bonheur) comme pour le pire (les noirs valent moins que les blancs) => voir Dan Gilbert (possibilité d'obtenir les sous-titres en français en cliquant sur l'icône juste avant la roue dentée en bas à droite de l'écran)

Certains pourraient croire qu'il n'est pas bien dangereux de croire en une Terre plate portée par trois étages animaliers. Pourtant, la multiplication de "croivances"**** hors sol, allant dans toutes les directions (fake news, théorie du complot etc.) sous prétexte qu'il n'y aurait pas de "vérité", c'est l'assurance de conflits permanents en l'absence d'un socle social commun. 
Si tout peut être vrai, alors plus rien ne l'est.

Reste à comprendre à quoi peut bien servir cette "sensation" de volonté libre - que chacun ressent - amenant à une croyance en un libre arbitre "ontologique" dans le cade de l'évolution culturelle humaine. Plusieurs hypothèses sont avancées : la perception de la liberté de choix peut encourager une plus grande flexibilité comportementale, ce qui permet aux individus de s’adapter à des environnements changeants et de prendre des décisions qui maximisent leurs chances de survie et de reproduction. Croire en la volonté libre peut renforcer la motivation personnelle et le sens de la responsabilité. Les individus peuvent être plus enclins à entreprendre des actions positives et à éviter des comportements nuisibles s’ils se sentent maîtres de leurs décisions. Langage et communication apportent une certaine maîtrise sur notre environnement, et donc sur nos comportements. Grâce au langage, nous sommes capables d’articuler nos pensées et actions sur le long terme avec un objectif souhaité : ce n’est pas un « libre arbitre » pour autant.

La notion de responsabilité personnelle (à ne pas confondre avec la culpabilité) est cruciale pour le fonctionnement des sociétés humaines. Elle sous-tend les systèmes de justice et de moralité, facilitant la coopération et la cohésion sociale. Enfin, la sensation de contrôle peut réduire le stress et l’anxiété, et augmenter le bien-être. Ces avantages potentiels pourraient expliquer pourquoi cette sensation a persisté et s’est développée au cours de l’évolution humaine mais il est nullement question de supprimer cette sensation, qui est, de toute façon irrépressible à l'exception de certaines pathologies (dépression...).

Prenons une analogie : certains ont avancé que la domination de l'homme sur la femme à travers les siècles aurait pu présenter un avantage évolutif concernant la division du travail basée sur le genre. Les hommes, souvent plus grands et plus forts physiquement, étaient plus aptes à la chasse et à la protection du groupe, tandis que les femmes se concentraient sur la cueillette et les soins aux enfants. Des traits comme l'audace, la prise de risque chez les hommes pouvaient être favorisés en augmentant les chances de succès dans la compétition concernant les partenaires. Dans certaines cultures, la domination masculine pouvait assurer une transmission plus stable des ressources et des connaissances, ce qui pouvait être bénéfique pour la survie et la prospérité du groupe...
Peut-être... Mais les choses ont changé et les évolutions culturelles conjointes philosophiques, psychologiques, scientifiques, morales... font que ces "bonnes raisons" ancestrales de domination homme / femme, citoyen libre / esclave... ne sont plus défendables, sauf pour les "masculinistes" et quelques conservateurs retardataires (https://www.youtube.com/watch?v=0h2UnaD2b1g et https://shs.cairn.info/revue-bulletin-de-psychologie-2016-5-page-345?lang=fr.). 
Le combat du "c'était mieux avant" est perdu d'avance !

Pour en revenir à notre sujet, le libre arbitre ontologique - comme la domination homme / femme- , a pu être "utile" pour réguler une société primitive légitimant la punition physique et/ou psychique, la culpabilisation... ; mais tout cet arsenal est devenu caduque et délétère pour les mêmes raisons évolutives culturelles qui questionnent actuellement en profondeur la domination homme / femme. 
D'autant que la "croivance" persistante dans un LA métaphysique (autre que la simple sensation) conduit aux conséquences dramatiques des passions tristes : haine, vengeance, injustices, domination, mépris, punitions et guerres (voir Côté obscur LA). 

Enfin, la société peut être régulée d'une autre manière (voir Que faire ?).

Sur le fond, le philosophe Miguel Espinoza peut conclure très justement :

"Un autre exemple de la cohérence de la métaphysique selon laquelle la nature est un réseau compact et continu de causes multiples et variées est l'absence de liberté."**

Quel serait donc un LA échappant aux lois de la nature, au déterminisme comme à l’indéterminisme ? 

Une "croivance" ?

Une entité surnaturelle ? 

Un miracle ?

La physicienne quantique Sabine Hossenfelder fait le point dans la 1ère vidéo ci-dessousle Pr de biologie Robert Sapolsky dans la deuxième et la neuroscientifique Thalia Wheatley dans la dernière. 

Cliquer sur le carré en bas à droite de l'écran vidéo pour la voir en plein écran.



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[1] « The Lucretian swerve: The biological basis of human behavior and the criminal justice system » - https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.0915161107

[2] Stochastique : traitement des données statistiques, par le calcul des probabilités

[4] Les termes d’éthique et de morale ont longtemps été synonymes. Aujourd’hui la morale renvoie à l’idée de devoir, l’éthique à l’idée de décision. La morale dicterait le devoir sans hésitation et sans exception. L’éthique, soucieuse des conséquences parfois imprévisibles d’une décision à prendre dans une situation comportant des déterminations multiples, insiste sur l’idée de choix et de responsabilité.

*"Towards a scientific concept of free will as a biological trait: spontaneous actions and decision-making in invertebrates" - https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3049057/

**https://www.academia.edu/105450436/La_continuit%C3%A9_causale_de_la_nature?email_work_card=view-paper

*** Commonsense morality and the bearable automaticity of being - sep. 2024 -  - https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/39236650/

**** https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/affaire-en-cours/que-signifie-le-neologisme-croiver-5138891

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Et pour aller plus loin, le livre "La dernière blessure" centré sur la notion du libre arbitre (illusoire)... en cliquant sur l'image ci-dessous

Un sacré dilemme pour la "Morale" !

Penchons-nous sur un jeu de la Théorie des jeux, discipline des mathématiques et de l'économie qui étudie les situations stratégiques et les interactions entre agents rationnels, permettant d'examiner les tensions entre coopération et trahison chez des agents rationnels : le dilemme du prisonnier

Il met en scène deux détenus soupçonnés d’un vol et emprisonnés dans des cellules séparées. Ne disposant pas de preuve, la police fait à chacun des deux le marché suivant :

"Tu as le choix entre dénoncer ton complice ou non. Si tu le dénonces et qu'il te dénonce aussi, vous aurez une remise de peine d'un an tous les deux. Si tu le dénonces et que ton complice te couvre, tu auras une remise de peine de 5 ans, mais ton complice tirera le maximum. Mais si vous vous couvrez mutuellement, vous aurez tous les deux une remise de peine de 3 ans."

N.B : Les récompenses et pénalités associées aux différentes combinaisons de stratégies peuvent varier selon les sources. Ces valeurs numériques ne représentent qu'un scénario hypothétique utilisé pour expliquer les principes fondamentaux de la théorie des jeux. L'essence du dilemme du prisonnier réside dans les incitations contradictoires des protagonistes.

Dans cette situation, il est considéré que si les deux s'entendent, ils s'en tireront globalement mieux que si l'un des deux dénonce l'autre. Mais justement, l'un des deux peut être tenté de s'en tirer encore mieux en dénonçant son complice, ce qui permet un meilleur gain dans cette configuration. Craignant cela, l'autre risque aussi de dénoncer son complice pour ne pas être le dindon de la farce. Le dilemme est donc : faut-il accepter de couvrir son complice (donc coopérer avec lui) ou le trahir ? 
Lorsque ce jeu n’est joué qu’une seule fois, le plus rentable est de trahir. Ce sont par exemple certains restaurants pour touristes, chers et mauvais, dont la préoccupation n’est pas tant de fidéliser une clientèle que de profiter au maximum de la manne des touristes qui ne font que passer. Mais tout change si le jeu comporte plusieurs sessions (= dilemme du prisonnier répété ou itéré) ; car chacun a vu comment le complice s’est comporté aux tours précédents, ce qui peut faire changer de stratégie pour un meilleur « rendement ». Pour reprendre l’exemple, on ne retourne pas dans un restaurant qui a « trahi » sur la qualité et/ou le prix !

Un concours international a confronté différentes stratégies dans le cadre de ce jeu. Résultat des courses : c’est la stratégie « Donnant donnant » (« œil pour œil » ou « Tit for Tat » en anglais) qui est l’une des plus efficaces dans le cadre du dilemme du prisonnier répété[1]. Elle consiste à coopérer au premier coup puis à systématiquement copier le comportement de son complice à la session précédente. Une variante, « œil pour œil avec pardon », s'est révélée un peu plus efficace encore : en cas de trahison de l'adversaire, on coopère parfois (de 1 à 5 %) au coup suivant. Cela permet d'éviter de rester bloqué dans un cycle négatif. Le meilleur réglage dépend des autres participants. En particulier, « œil pour œil avec pardon » est plus efficace si la communication est brouillée, c'est-à-dire s'il arrive qu'un autre participant interprète à tort un coup. Dans ce cas, je commence par coopérer, et si je suis trahi, je coopère à nouveau, mais une seule fois. Notons qu’Il est possible de jouer à ce jeu sur certains serveurs internet.[2]

Les recherches et publications concernant ce jeu sont florissantes du fait de nombreuses stratégies et variantes possibles. La conclusion la plus simple de ce jeu est que les stratégies de coopération l’emportent en termes de gains personnels sur les stratégies de trahison.

Pour le docteur en psychologie et en philosophie Tal Ben-Shahar :

« Celui qui contribue au bien-être d’autrui en tire tant de bénéfice personnel que, à mes yeux, il n’y a pas plus égoïste qu’un geste généreux. Non seulement l’humeur est améliorée, mais aussi l’image de soi : les circuits de la récompense reçoivent une activation des plus plaisantes. Somme toute, on se fait du bien aussi à soi - bénéfice secondaire non négligeable - quand on fait du bien aux autres ».[3]

Quelles sont les « bonnes » stratégies ? Selon les chercheurs en informatique Jean-Paul Delahaye et Philippe Mathieu :

« Les bonnes stratégies sont les stratégies réactives qui répondent quand on les trahit, qui prennent le risque de coopérer (elles commencent par coopérer et face à un adversaire qui coopère, elles ne tentent pas de trahir), et savent être indulgentes (après une trahison de l’adversaire elles finissent par pardonner pour renouer la coopération). Les résultats obtenus par des calculs qui modélisent la sélection naturelle à travers ce jeu conduisent à une conclusion surprenante : bien qu’il n’y ait pas d’autorité de contrôle et que la tentation de la trahison soit présente à chaque coup joué, l’évolution favorise les stratégies qui ne prennent jamais l’initiative de trahir (...) À partir d’une définition élémentaire, le dilemme du prisonnier crée un problème d’une étonnante difficulté dont nous ne réussissons à comprendre les règles que progressivement, ce qui illustre encore une fois que du simple peuvent naître des comportements et des dynamiques d’une richesse sans limite[4]

Autrement dit, dans le cadre d’interactions répétées (famille / voisins / étrangers / collègues etc.), d’un point de vue strictement « comptable » et dans mon propre intérêt « égoïste », je devrais toujours coopérer d’emblée, puis ajuster la relation, c’est-à-dire la stratégie, en fonction de la réponse de l’autre. 

L’altruisme est un égoïsme intelligent

Mais comme tout le monde n’a pas bien compris son propre intérêt à moyen / long terme, il faut s’accommoder bon gré mal gré des nombreuses petites trahisons du quotidien, mensonges et autre mauvaise foi : photos « grand angle » des agences immobilières afin de magnifier la maison à vendre, miroir amincissant des boutiques de prêt à porter (« cette robe vous amincit tellement ! »), sans compter les très nombreux produits en vente à X,99 euros : ce prix ne peut pas être le « vrai » prix, évidemment... Et en plus on vous prend pour une buse qui n’aurait pas vu l’arnaque ! 

On peut allonger la liste avec l’homéopathie, les poudres de perlimpinpin pour soigner l’arthrose, la fatigue, la cellulite, les rides profondes etc., le tout sans aucune preuve d’efficacité réelle en dehors d’un effet placebo plus ou moins « optimisé » par la blouse blanche du médecin ou du pharmacien. En revanche, le prix à payer n’est pas une illusion.

Plus largement, on peut constater que les grandes religions - des sectes qui ont "réussi" - prônent globalement la coopération, l'amour du prochain, reprenant en quelque sorte les résultats du dilemme du prisonnier sans le savoir. Il faut dire que les sectes qui choisissent la trahison comme concept (Thugs en Inde, la Famille Manson, l'Ordre du Temple Solaire, la secte Aum Shinrikyo...) ne font pas de vieux os ; soit une sélection naturelle qui s'applique également à la culture. Ceux qui ne coopèrent pas (au sens large) disparaîtront

Et ce ne sont pas les religions qui sont à l'origine de la morale qui - certes de façon plus primitive que la nôtre - a réglé les interactions entre individus bien avant les premières "grandes" religions. Il suffit pour s'en convaincre d'étudier les interactions animales dans un groupe quelconque : les "règles" de vie en bonne société sont partout présentes, sans religion ni Libre Arbitre... (voir La science peut-elle aider à comprendre - voire infléchir -la moralité humaine ?).

Qui plus est, les "textes sacrés" sont évidemment datés et en conflit ouvert avec notre morale qui a évolué comme il en est question dans cette vidéo aussi amusante qu'effrayante... à la "foi".


[1] Deux autres stratégies ont été identifiées comme tout aussi intéressantes : Pavlov et Gradual :

1) Pavlov : lors du premier coup, je coopère ; ensuite si au dernier coup joué, j’ai gagné 3 points ou plus je rejoue la même chose, sinon je change.

2) Gradual : je coopère au premier coup; ensuite, lorsque mon adversaire me trahit, je le punis le coup suivant (comme dans la stratégie « donnant-donnant »), mais je suis plus sévère car je punis mon adversaire en jouant la trahison pendant X coups consécutifs, où X est le nombre de trahisons passées de mon adversaire (mes punitions sont donc graduelles). Après une telle phase de rétorsion, je coopère deux fois de suite pour tenter de rétablir la paix.

[3] « Apprendre à être heureux - Semaine 19 » - Tal Ben-Shahar

[4] « Le dilemme du prisonnier et l’illusion de l’extorsion » - Jean-Paul Delahaye, Philippe Mathieu -https://www.pourlascience.fr/sr/logique-calcul/le-dilemme-du-prisonnier-et-l-illusion-de-l-extorsion-7694.php____________________________________________

« Le dilemme du prisonnier | Voyages au pays des maths » - VIDEO ARTE Youtube  

Cliquer sur le carré en bas à droite de l'écran vidéo pour la voir en plein écran

Le cerveau humain : normal... mais déficient

Curiosité parmi tant d'autres, le "Paradoxe de Monty Hall" tire son nom de Monty Hall, l'animateur canado-américain de l'émission de jeu télévisé "Let's Make a Deal" (1963-1976 et 1980-2003). Dans cette émission, les candidats devaient choisir parmi trois portes, derrière l'une desquelles se trouvait une voiture et derrière les deux autres, une chèvre.

Le problème de Monty Hall pose la question suivante : imaginez que vous êtes un candidat et que vous avez choisi une porte. Avant de révéler ce qui se cache derrière la porte que vous avez choisie, l'animateur, qui connaît la position de la voiture et des chèvres, ouvre l'une des 2 portes restantes, porte qui s'ouvre sur une chèvre. Restent donc 2 portes dont l'une d'entre-elles vous offre une Cadillac flambant neuve, et l'autre une...

Maintenant, vous avez le choix entre rester sur votre première sélection (après tout, votre intuition de départ n'est peut-être pas mauvaise, et comme il y a 1 chance sur 2, autant garder le premier choix !) ou changer de porte (pourquoi changer puisqu'on a toujours une chance sur 2 ?). 

Devriez-vous changer de porte ou rester sur votre choix initial

Le choix semble tellement simple que l'on commence à renifler un piège... mais lequel ? La solution correcte au problème montre qu'il est avantageux pour le candidat de changer de porte après que l'animateur a révélé une chèvre derrière l'une des autres portes. Ce choix augmente les chances de gagner la voiture à 2/3, tandis que rester sur la porte initiale ne donne qu'une chance sur trois de gagner. Il faut changer de porte quel que soit le choix initialCette solution n'a été mise en évidence qu'après la fin du jeu télévisé : heureusement pour le producteur qui aurait sinon fait faillite très rapidement...

Pour mieux visualiser cette solution peu intuitive, imaginez qu'il y ait 1000 portes (999 avec chèvre et 1 seule avec Cadillac) au lieu des trois portes du jeu. Vous choisissez au hasard ("intuitivement" ?) la porte n°167, puis l'animateur ouvre 998 portes avec chèvre... sauf la porte n° 751. La porte choisie n°167 reste avec la probabilité Cadillac de 1 sur 1000 alors que la porte n°751 regroupe maintenant le reste des probabilités, soit 999 sur 1000. Il faut donc bien changer de porte ! Ce que l'on ne voit pas aussi clairement quand il n'y a que 3 portes. La différence tient au fait que l'animateur sait où est la Cadillac ! La porte qu'il ouvre avec la chèvre n'est pas due au hasard...

Le paradoxe de Monty Hall est devenu célèbre car il met en lumière les intuitions erronées concernant la probabilité et les conditions bayésiennes (voir Théorème de Bayes sachant que tout ce qui est essentiel à savoir n'est pas toujous simple). 

Il faut se rendre à l'évidence : nos cerveaux ne sont pas "cablés" pour faire des probabilités.

Voici une superbe vidéo ARTE montrant l'intérêt des probabilités... et du "Problème de Monty Hall". Cliquer sur le carré en bas à droite de l'écran vidéo pour la voir en plein écran.



Au delà, on pourrait faire la liste des biais cognitifs qui parasitent les sentiments et pensées humaines au point de nous faire perdre toute rationalité. Il devient essentiel de pouvoir penser - dès l'école - contre son cerveau (voir Penser... contre son cerveau).

A ce propos, des supports comme celui-ci (Pseudosciences) devraient faire le bonheur des écoliers tout en introduisant l'un sujet des plus importants dans ces temps de retour aux croyances médiévales : qu'est-ce que la science.
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Pour aller plus loin : le livre "La dernière blessure" centré sur la notion du libre arbitre (illusoire)... en cliquant sur l'image ci-dessous