On pense avec les mots ! Changeons les mots pour changer la réalité ?
Dans certains cas, ce n'est pas si mal de modifier quelques désignations.
Parler de "personnes en situation de..." mobilité réduite, petite taille, surpoids, détresse psychologique, dépendance... vaut peut-être mieux que de parler d'handicapés, de nains, de gros, de fous, de drogués etc. avec toutes les connotations négatives associées. Mettre en exergue que ce sont des personnes à part entière - et non entièrement à part - a une importance qui n'est pas cosmétique. Désigner les vieux (pas bien) par le terme de seniors (la classe !) entre dans la même catégorie - plutôt positive - qui ne fait de mal à personne. Tout au plus pourrait-on sourire - si l'on est pas concerné - par la désignation d'une "personne en situation de tuer en série", "en situation de dire des conneries" ou de "mal comprenants", "en situation de griller les feux rouges" etc.
Et puis - moins sympathique - il y a quelque chose comme une "novlangue" (langue officielle
d'Océania inventée par George Orwell pour son roman d'anticipation 1984 publié
en 1949), - soit une simplification lexicale et syntaxique de la langue destinée
à dissoudre l'expression des idées potentiellement subversives et éviter ainsi toute formulation critique vis-à-vis de l’État. A dessein éminemment politique...
Extrait démonstratif avec cette anecdote de Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT (vidéo entière) :
Un licenciement collectif (pas bien) devient un plan social de sauvegarde de l'emploi (bien)
La fragilisation des parcours professionnels (pas bien) devient de la flexisécurité (bien)
Une récession économique (pas bien) n'est plus qu'une croissance négative (pas si mal, il y a toujours la notion de croissance)
Un exploité (pas bien) est en fait un défavorisé (il n'a simplement pas de chance ; personne n'est responsable)
Les massacres localisés ne sont en fait que des frappes chirurgicales (du médical en somme) et les dégâts collatéraux font partie du traitement (pas d'omelette sans casser des œufs, des vies "innocentes", des familles...)
Hommes et femmes de ménage (pas bien) sont enfin reconnus comme techniciens de surface (bien), ce qui est censé compenser largement la maigre rétribution d'un travail ingrat
L'analphabète (pas bien) devient une "personne en situation d'illettrisme" ou "personne en difficulté de lecture et d'écriture" qui est nécessairement coupable de n'avoir pas travaillé en classe
Le "sans-abri" ou "clochard" (pas bien) est une "personne en situation d'itinérance" ou
"personne sans résidence fixe (SDF)", un statut qu'il a bien évidemment "choisi" en toute liberté
Idem pour le "pauvre" ou "misérable" (pas bien) qui est plutôt une personne en difficulté" ou "en
situation de pauvreté" dont il est responsable, en fait coupable
Le prisonnier ou détenu (pas bien) n'est en fait qu'une "personne simplement privée
de liberté", un peu comme si l'on privait de dessert un enfant qui s'est mal conduit. Savoir comment on en arrive là est bien secondaire.
Le chômeur (pas bien car feignant) est un "demandeur
d'emploi" ou une "personne en recherche d'emploi", soit la promesse d'un nouvel horizon radieux... s'il trouve...
Les prostitué(e)s ne sont rien d'autre que des "travailleurs du sexe" comme on est travailleur du BTP, un choix libre de toute contrainte, évidemment
Sur cette lancée, le fascisme devient une simple option idéologique concurrente de la démocratie.
"Mal nommer les choses, c'est ajouter au
malheur du monde. Ne pas nommer les choses, c'est nier notre humanité." (Camus)
Il faut "se dépêcher d'en rire de peur d'être obligé d'en pleurer" ( Barbier de Séville), avec le sketch de Franck Lepage :
Tout ceci sans oublier la langue de bois dont on fait les Totems à droite, à gauche... voire les deux "en même temps" (Franck Lepage à nouveau) :
Quelques scientifiques - pourtant naturalistes dans le sens où ils soutiennent la primauté des lois naturelles chaotiques déterministes et indéterministes (matérialistes) dans l'explication du monde, excluant ainsi toute explication surnaturelle -, tiennent tout de même à conserver la notion de libre arbitre.
Sean Carroll, professeur de recherche en physique, est l'un de ceux-là.
Si l'on était méchant, on pourrait dire que Carroll se démonétise lui-même dès le début de l'interview en affirmant que son avis ne vaut pas mieux que celui de n'importe quel passant. On pourrait donc s'arrêter là...
Mais continuons. Ce physicien, une figure d'autorité évidente, nous dit que le libre arbitre existe bel et bien, en tant qu'émergence des lois naturelles, un peu comme le statut de la température ou de la pression dans le cadre de la thermodynamique. Il ne semble pas tenir compte du fait que ces "émergences thermodynamiques" sont entièrement dépendantes des conditions initiales et des lois naturelles qui s'appliquent. Aucune transcendance n'est convoquée dans l'explication de ces phénomènes. D'autant que la complexité des phénomènes physiques émergents n'est pas un argument pour légitimer l'existence de forces et de déterminants supplémentaires inconnus comme le montre l'article sur LENIA (voir Emergence de LENIA).
Ce sentiment d'être libre - malgré la méconnaissance partielle des déterminants à l'oeuvre dans la réussite de nos décisions et actions - est probablement un avantage en termes de survie de l'individu et du groupe, au même titre que des croyances diverses (religions, sorcellerie, astrologie, tabous, réincarnation, nécessité de hiérarchie sociale et autres castes...) afin d'organiser la cohésion des sociétés à une époque donnée. Mais ces divers éléments sont des traits culturels en évolution permanente dont nombre d'entre eux sont remis en cause ou abandonnés du fait de l'autre évolution - culturelle -, celle des apports philosophiques (Spinoza, Schopenhauer, Nietzsche... par exemple) et scientifiques (neurosciences, génétique, sociologie etc.). Ce qu'on appelle l'esprit, l'amour, la rationalité, les désirs, les hallucinations, l'espoir, l'imagination, la peur, le sentiment de volonté libre etc. sont des émergences de l'évolution cérébrale humaine pour la meilleure préservation de l'individu / groupe / espèce possible. Émergences que l'on commence à mieux comprendre mais qui ne sont en aucun cas des entités extracorporelles n'obéissant plus aux lois naturelles déterministes et indéterministes : exit le libre arbitre ontologique qui autoriserait le blâme, la punition, la violence, la vengeance etc.
L'évolution semble avoir configuré notre cerveau avec l'émergence de quelques éléments de méfiance et de peur des autres, de racisme latent voire fortement exprimé : il est vrai que l'humain "autre" est potentiellement le prédateur le plus dangereux du monde. Mais la science nous dit que la notion de races différentes n'existe pas... et l'on pourrait tout de même être raciste ? Le seul qui pourrait - à tort - revendiquer une "pureté" de race ou d'espèce serait l'africain, pur Sapiens Sapiens, alors que les caucasiens (blancs) possèdent environ 2 % de gènes Néandertaliens ! Nos ancêtres ont fauté semble-t-il. Leur morale n'était pas encore aussi évoluée que la nôtre ! Les pauvres.
Bref, la croyance dans un libre arbitre ontologique (métaphysique, transcendantal) ressemble fort à un reliquat de l'âme et de la dualité corps / esprit qui n'ont pourtant plus aucune assise crédible depuis fort longtemps (voir par exemple cette étude en neurosciences : https://www.nature.com/articles/npre.2010.4633.1 et le "Théorème du libre arbitre").
Finalement, ce scientifique nous gratifie d'un : "C'est ce que nous croyons sur la nature de la réalité qui est important en fin de compte"
Non, 1000 fois non. Ce n'est pas une affaire de croyance, de goût ou de couleur qui n'engagerait en rien notre vie commune. Le contenu de ce que nous croyons sur ce sujet philo-scientifique a des conséquences permanentes, quotidiennes sur le monde, la justice, les priorités politiques, le soin des autres etc. Ces croyances dans la chimère de l'âme ou du libre arbitre ont peut-être conduit à des comportements utiles à une époque primitive mais deviennent de vrais boulets dans l'évolution culturelle de l'humanité (loi du Talion* et punitions illégitimes / hiérarchie sociale / méritocratie...). Voir Le côté obscur du Libre Arbitre).
Des boulets datant du pléistocène qui n'ont plus lieu d'être actuellement.
*Loi du Talion qui est toujours censée être appliquée dans certaines cultures, notamment aux "Lueurs du Coran" - mais pas que - justifiant ainsi la peine de mort :
"Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le talion a un
effet dissuasif certain s’il est appliqué en toute justice car il empêche la
mort plutôt que l’encourage comme cela plait à dire à ceux qui luttent contre
la peine de mort. Il est vrai que celle-ci doit absolument être réglementée et
que ses dossiers soient bien ficelés afin d’éviter les dépassements
malintentionnés auxquels on assiste régulièrement, mais de là à l’abolir
purement et simplement, les droits de la victime ne seraient-ils pas bafoués ?" https://www.lueursducoran.com/l-appel-celeste/lappel-aux-croyants/oeil-oeil-dent-dent/#:~:text=La%20loi%20du%20talion%20fait%20partie
« Tout d’abord, permettez-moi d’affirmer ma ferme conviction
que la seule chose que nous ayons à craindre est la peur elle-même – une
terreur sans nom, irraisonnée et injustifiée qui paralyse les efforts
nécessaires pour transformer la retraite en avancée. » – Franklin Roosevelt
Selon la théorie de l'évolution, les
espèces qui survivent sont celles qui s'adaptent le mieux à leur environnement.
Dans le cas du cerveau humain, cela s'est traduit par le développement de
mécanismes d'alerte pour faire face aux menaces de survie.
Ainsi, notre cerveau
est programmé pour accorder une attention particulière aux dangers potentiels
du fait d'un biais de négativité, également connu sous le nom d’asymétrie
positive-négative, une distorsion de la pensée qui fait que les individus
accordent plus d’attention et réagissent plus fortement aux stimuli négatifs
qu’aux stimuli positifs. Ce biais intervient de manière implicite dans la
perception de l’entourage, le traitement des émotions, le choix des préférences
etc.
A que « Ce
qui intéresse les gens, c'est quand ça va mal. »
Selon le dictionnaire de l’American Psychology Association,
le biais de négativité désigne « la tendance des gens à accorder un poids et
une considération disproportionnés aux informations et aux événements négatifs
dans la prise de décision et la perception ». En général, les éléments négatifs
marquent plus l’esprit que ceux qui sont positifs.
Cette focalisation sur les menaces se reflète dans notre
intérêt pour les mauvaises nouvelles. Les médias, en particulier les journaux
télévisés, privilégient les sujets anxiogènes, tels que les catastrophes
naturelles, les accidents, les crimes et les conflits. Cette tendance
s'explique par notre désir d'être informés des dangers potentiels afin
d'améliorer notre survie.
"L'omniprésence des biais de négativité s'étend au
fonctionnement des institutions politiques - des institutions qui ont été
conçues pour donner la priorité aux informations négatives de la même manière
que le cerveau humain." (Soroka, 2014).
Ce qui intervient par conséquent dans notre sentiment toujours plus important d'insécurité... qui en fait a peu évolué depuis 2010 : environ 20 % des personnes de 14
ans et plus déclarent se sentir en insécurité, ce qui n'est tout de même pas rien... Pourtant, de nombreuses études montrent que les niveaux de violence
dans la société ont fortement diminué au cours des dernières décennies. Par
exemple, selon les données de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le
crime, le taux d'homicides volontaires dans le monde a diminué de 16 %
entre 2000 et 2017 (ONUDC, 2019).
Paradoxalement, les citoyens se sentent de moins en moins en
sécurité probablement du fait du biais de négativité, des expositions quotidiennes aux violences du monde (chaînes info en continu qui doivent être alimentées) et d'un seuil abaissé d'acceptabilité. Ce sentiment d'insécurité est exploité par les partis d'extrême droite et leurs canaux d'information mettant en avant des thèmes tels que l'immigration, le grand remplacement, la mise en exergue des violences pour entretenir une peur généralisée de
l'étranger et des cultures différentes (Wodak, 2015) :
"Les partis populistes de droite occupent le devant de la
scène, certains atteignant le sommet de l’échelle électorale : mais savons-nous
pourquoi, et pourquoi maintenant ? Ruth Wodak retrace les
trajectoires de ces partis depuis les marges du paysage politique jusqu’à son
centre, pour comprendre et expliquer comment ils se transforment de voix
marginales en acteurs politiques persuasifs qui définissent l’ordre du jour et
encadrent les débats médiatiques. En mettant à nu la normalisation de la
rhétorique nationaliste, xénophobe, raciste et antisémite, elle construit un
nouveau cadre pour cette « politique de la peur » qui creuse de nouvelles
divisions sociales entre la nation, le genre et le corps. Le résultat révèle la
micropolitique du populisme de droite : comment les discours, les genres, les
images et les textes sont interprétés et manipulés dans des contextes à la fois
formels et quotidiens, avec de profondes conséquences."
Le problème semble résider dans l'inadaptation de notre
psychisme ancestral aux progrès de la civilisation, dont notamment la révolution
numérique, l'intelligence artificielle, l'évolution des mœurs... Cette
inadaptation se traduit par un conservatisme symptôme des peurs, avec des
répercussions sur l'amygdale cérébrale, une région du cerveau impliquée dans la
peur et l'anxiété (L'amygdale est responsable de réguler et d’analyser les
émotions telles que la peur, l’anxiété ou encore la colère. Elle joue un rôle
de détecteur de danger : puisque les émotions négatives sont
parfois signes de danger, l’amygdale est donc encline à s’y attarder dans le
but de nous protéger).
Cette inadaptation se manifeste également par la nostalgie
du passé, illustrée par la formule "c'était mieux avant", une nostalgie souvent associée à un désir de sécurité et de stabilité qui
contraste avec les changements rapides et parfois déstabilisants de la société
moderne. Ce biais de négativité peut conduire à une détresse psychologique et limiter notre
exploration du monde extérieur du fait d’une conception biaisée de la
réalité. Il est donc important d’être vigilant et de réguler la
manifestation de cet effet.
Au passage, un autre biais peut aider à comprendre : le
biais du raisonnement motivé qui tend à prêter attention aux informations qui
confirment ses croyances et à rejeter celles qui les remettent en question. Ce
biais pousse à développer des rationalisations pour maintenir ses croyances,
évitant ainsi la dissonance cognitive.
Que faire ?
Concernant le "sentiment" d'insécurité, il faut tout d'abord accepter l'idée que, malheureusement, le risque zéro n'existe pas, même dans un monde où chacun serait suivi par une caméra policière. Sur ce sujet, le paradigme du contrôle total des individus rejoint les pires cauchemars totalitaires ("1984" / Chine / Corée du Nord etc.).
En revanche, l'éducation aux médias peut aider les individus à mieux
comprendre le fonctionnement des médias et à développer un esprit critique (vigilance épistémique) face
à l'information concernant les désastres du jour. Ce qui peut contribuer à réduire l'anxiété liée à la
consommation de mauvaises nouvelles et à adopter une vision plus nuancée de la
réalité (Potter, 2013).
Par ailleurs, le développement de l'intelligence émotionnelle,
c'est-à-dire la capacité à reconnaître, comprendre et gérer ses émotions, peut
aider les individus à mieux faire face aux défis de la modernité. En
particulier, l'intelligence émotionnelle peut contribuer à réduire l'anxiété et
à améliorer la résilience face aux changements (Goleman, 1995).
Enfin, la promotion du vivre-ensemble, c'est-à-dire la capacité à
vivre en harmonie avec les autres malgré les différences culturelles, peut
aider à réduire les peurs liées à l'étranger et aux cultures différentes. Cela
pourrait passer par la mise en place de politiques publiques favorisant la mixité
sociale et la lutte contre les discriminations (Putnam, 2007).
"Il n’y a pas de traversée du désert,
il n’y a qu’une marche
vers l’oasis" (Proverbe arabe)
La campagne des législatives françaises suite à la dissolution (juin 2024) fourmille de prises de positions partisanes où les affects semblent bien plus décisionnaires que la raison. C'est habituel, j'en conviens. Albert Camus, grand philosophe et pris Nobel, déclare en pleine guerre d'Algérie, suite à la question d'un étudiant algérien :
« J’ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi
un terrorisme qui s’exerce aveuglément, dans les rues d’Alger par exemple, et
qui un jour peut frapper ma mère ou ma famille. Je crois à la justice, mais je
défendrai ma mère avant la justice. » (propos rapportés par le journaliste du
Monde Dominique Birman)
Camus dira par la suite que sa mère est pour lui la plus grande cause qui existe au monde. On pourrait défendre les deux, mère et justice ; et l'on ne voit pas bien comment une hiérarchie pourrait se justifier entre amour filial et droit à l'indépendance d'un peuple colonisé qui n'a d'autre possibilité - dans le cadre politique de l'époque - que celle de prendre les armes. Ses affects pour son pays natal (et sa mère) ont passablement obscurci sa réflexion sur ce sujet précis alors que par ailleurs il était contre l’utilisation de la force pour maintenir les colonies... tant qu'il ne s'agissait pas de l'Algérie ou vivait encore sa mère.
Plus généralement, concernant nos affects et notre surestimation/intolérance "naturelle" (biais de confiance excessive) en lien avec les oppositions droite - gauche :
"Les études en psychologie sociale montrent invariablement que plus les personnes sont de droite, plus elles sont
intolérantes (racisme, sexisme, homophobie, antisémitisme). À
l’inverse, plus les personnes sont de gauche, plus elles sont tolérantes. Cette différence entre les
personnes de gauche et de droite s’observe jusqu'au phénomène de
déshumanisation, un mécanisme psychologique par lequel des personnes sont
perçues comme moins « humaines » et, par conséquent, ne sont pas pleinement
prises en compte sur le plan moral." (1)
Ce qui devrait tempérer, sinon invalider la mise dos à dos au sommet de l'état (Macron) des "extrêmes" de gauche et de droite. Un début de "ni ni" au second tour visant spécifiquement le R Haine et LFI, le tout repris en cœur par des responsables Macronistes et des LR dont Bruno Le Maire, Aurore Bergé,Édouard Philippe, Jean-Pierre Raffarin qui s'était illustré avec sa saillie concernant "la France d'en bas" en 2002 ; et notre nouveau Premier Ministre Michel Barnier qui - sitôt en place - déclare bien vouloir "écouter les gens d'en bas", ce qui rappelle étrangement "les gens qui ne sont rien" du patron Macron ou encore le "nettoyage au Karcher" des vermines de cité par Nicolas Sarkozy. Et puis Mme Braun-Pivet qui, du haut de son perchoir, nous assène : "Moi, je parle toujours à l'intelligence des gens", soit une pitoyable manipulation en forme d'insulte pour qui ne serait pas en accord avec ses propos. Elle demande probablement le QI des interlocuteurs avant de leur adresser la parole. Malheureusement, son hubris personnelle pète plus haut que son QI. Quant au nouveau ministre de l’intérieur Bruno Retailleau qui estime dans le JJD que « l’Etat de droit, ça n’est pas intangible, ni sacré » : bravo ! Voir l'analyse malheureusement pertinente du Dr en science politiqueClément Viktorovitch (https://www.youtube.com/watch?v=n-7UHOb0HnY).
Le même B. Retailleau avait qualifié les Français issus
de l’immigration de « Français de papier ». La bonne nouvelle est qu'une fois qu'on a touché le fond, on devrait pouvoir remonter...
Ce surplomb permanent de ceux qui ont eu plus de chance est tout bonnement insupportable quand on sait à quel point les "mérites" et autres "talents" ne sont en fait que le résultat de déterminants favorables, et non la qualité d'un libre arbitre d'exception... qui ne sautait exister (voir https://illusionlibrearbitre.blogspot.com/2024/05/libre-arbitre-quesaco.html). Et dire que certains - probablement d'affreux bolcheviques - perçoivent ici et là un mépris de classe endémique à droite ! Il ne manque plus que le
soviet avec son couteau entre les dents, histoire de faire peur, vrai bon levier pour dissoudre la réflexion après avoir dissous l'Assemblée Nationale.
Sans doute J.L Mélenchon quand il avait encore sa moustache
Les discours de Trump, la chaîne CNews ("C" pour catholique) - et bien d'autres - se sont spécialisées dans la haine des autres et l'entretien d'une peur quotidienne : vous voyez bien qu'il vous faut un homme providentiel, un sauveur autoritaire, un apprentis dictateur façon Trump !
La position du NFP de se désister lorsqu'il arrive en troisième place lors du premier tour a eu le mérite de la clarté et de la préservation d'un "bouclier républicain". La position du Président Macron, de François Bayrou et de beaucoup d'autres - excepté Gabriel Attal - de ne se désister qu'au "cas par
cas" avec 50 nuances de Front Républicain : indigne.
Pour ces responsables politiques et commentateurs agitant le chiffon rouge de la peur, la question semble être : la France Insoumise fait-elle "vraiment" partie du "cercle républicain"?
Comme nous disait finement le philosophe des réseaux sociaux : "la question, elle est vite répondue" puisque le Conseil
d’État a classé LFI dans le bloc de « la gauche »* et non de l'extrême
gauche comme certains le prétendent, dont des journalistes comme Apolline de Malherbe, neutralité déontologique oblige, qui veut réformer le Conseil d'Etat sur son compte X : "Devons nous, en tant que journalistes, nous contenter de répéter ce qu'affirme le Ministère de l'intérieur, avec le tampon du Conseil d'Etat ?" Le respect des institutions est de quel côté ?
En effet - à la demande du R Haine qui cherchait à consolider sa "normalisation" - le Conseil d’État dans sa décision du 11 mars
2024 a tranché en considérant que LFI, tout comme le Parti communiste français,
faisaient partie du bloc « gauche », et non "extrême gauche". Belle tentative de la part du R Haine. Ratée. Dont acte... Acte officiel sur lequel s'assied une grande partie du centre et de la droite, dite pourtant "républicaine", mais qui ne tient compte du Conseil d'Etat que lorsque ce dernier approuve des convictions droitières.
Cette gauche a garanti à maintes reprises un barrage efficace contre un Front National fondé par de "bons" français xénophobes, antisémites, racistes, homophobes, chrétiens anti-musulmans et contre les francs-maçons, pour l'Algérie française et contre le Général De Gaule (Jean-Marie Le Pen avait tenté de
faire évader le cerveau de l’attentat du Petit-Clamart)**. Plus quelques rescapés des Waffen-SS, poujadistes et autres nostalgiques de l'Action Française. On traite néanmoins certains membres LFI comme des antisémites lorsqu'ils s'émeuvent du massacre des palestiniens (45.000 morts dont environ 30.000 femmes et enfants sans rapport avec les crimes du Hamas) alors qu'aucun de ses membres n'a été condamné pour antisémitisme, à l'inverse du Front National - matrice du R Haine - avec son ex-dirigeant condamné à maintes reprises***.
Dans un retournement de veste spectaculaire du fait notamment d'une détestation encore plus vive envers les musulmans, la droite et l'extrême droite sont devenus des pourfendeurs de l'antisémitisme (tant mieux), au point de soutenir à tord becs et ongles le gouvernement d'Israël dans la perpétuation du massacre de Gaza. Personne à droite ne semble vouloir faire une différence entre la politique d'un gouvernement et les considérations antisémites des plus débiles. Netanyahou, le nouveau Dreyfus selon lui-même, est soutenu cette fois-ci par une droite (!!) se disant républicaine.
Ce bastion bien connu de l'antisémitisme - la Cour Pénale Internationale - a eu le malheur d'émettre un mandat d'arrêt contre Benjamin Netanyahou. C'est nouveau : en France, on peut être poursuivi pour « crimes contre
l’humanité et crimes de guerre », et bénéficier du soutien de partis
politiques. Du moins, du R Haine et des Républicains. C’est le
cas du député LR Philippe Juvin, qui reprend mot pour mot la défense de
Benjamin Netanyahu. « À votre question, « faut-il ou non arrêter M. Netanyahu
s’il venait en France ? », la réponse est non, évidemment », a-t-il estimé
sur Sud Radio, dénonçant des « institutions internationales » qui « brillent
par leur anti-israélisme primaire ». Un avis que partage son collègue du
Rassemblement national Philippe Ballard. Pour cet élu lepéniste, il « serait
ubuesque, délirant » que la France exécute le mandat de la CPI. La
droite est pour les peines planchers des voleurs de pommes mais aussi pour la relaxe
des responsables de massacres de masse - sous couvert de légitime défense - assassinant femmes et enfants. Il faut dire qu’ils sont tous complices du Hamas
puisqu’ils habitent Gaza. Mais le respect du droit international est fort heureusement un élément central du
discours diplomatique de Paris, comme l’a noté sur LCI l’ancien ministre des
Affaires étrangères Dominique de Villepin.
« La France a déjà répondu. Elle
appliquera — et elle l’avait déjà annoncé par la bouche de M. Séjourné — bien
évidemment la décision de justice par la Cour pénale internationale »
... a
expliqué l’ancien Premier ministre, soulignant que la France perdrait en
crédibilité (particulièrement sur le dossier ukrainien) si elle balayait d’un
revers de main le respect des règles internationales.
Selon la définition de l'historien Jean-Etienne Dubois dans son ouvrage l’"Extrême droite française", ces partis sont « des organisations qui contestent le système
politique républicain et démocratique (anti-électoralisme, antiparlementarisme,
aspirations autoritaires, etc.) et/ou le caractère universel des valeurs
républicaines de liberté et d’égalité". Peut-on décemment classer les représentants et électeurs de LFI dans cette catégorie idéologique ?
Cette idée que les extrêmes se
rejoignent, appelée « la théorie du fer à cheval », est une formule dont le but est surtout tactique afin d’empêcher les alliances et casser une dynamique électorale.
Malgré de gros efforts épigénétiques de circonstances, l'ADN (Autoritarisme / Discrimination / Nationalisme) du R Haine n'a guère changé si l'on tient compte des dérapages**** de militants aux propos de plus en plus "décomplexés" depuis quelques prémisses de victoire, en fait une belle tache sur la "cravate" du nom de la tactique déployée à la chambre des députés pour faire office de respectabilité. L'habit ferait-il enfin le moine ? Rien n'est moins sûr.
Et le R Haine ne fait pas partie de "l'arc républicain" puisqu'il remet notamment en cause nos bases constitutionnelles en prônant la préférence nationale et l'abolition du droit du sol.
Mais comment en sommes-nous arrivés là ? Pour Aurélien Dubuisson, chercheur associé au
Centre d’histoire de Sciences Po, la classification de LFI comme appartenant à l'extrême gauche est une erreur provoquée par la droitisation de l’échiquier
politique ces dernières années. La dé-diabolisation progressive du R Haine a permis l'ouverture d'un champ politique à la droite de l'extrême droite : le parti Reconquête fondé par Éric Zemmour. Marine Le Pen devient tout compte fait "modérée" en comparaison du nouveau venu, soit une belle exploitation de la fenêtre d'Overton (vidéo ci-dessous).
Mais pour nommer contre toute attente un Premier Ministre de droite - sans plus de sécurité concernant une majorité de gouvernement que l'option Lucie Castets - il faut bien rabâcher ce mantra : la France est de droite !
Et quand on hésite entre "coalition" et "cohabitation" gouvernementale suite à la nomination de Michel Barnier, autant bricoler un néologisme : la "coalitation" ! Bel effort pour masquer autant que possible la réalité d'une coalition entre macronisme et LR. Dans le même ordre de manipulation sémantique et d'élément de langage, je propose le mot "coagulation", soit la formation d'un caillot instable qui risque bien de migrer vers le cerveau de Marianne.
Et des extrêmes, on peut même en retrouver... au centre de l'échiquier politique selon Pierre Serna, professeur d'histoire
spécialisé dans la Révolution français :
"En se plaçant au-dessus des partis, le
président Macron abuse d’une recette éprouvée depuis 1793. Le pouvoir exécutif,
en la personne d’un sauveur, supplante le pouvoir législatif au risque de
fragiliser la démocratie représentative. La modération du centre est censée
constituer une réponse aux postures de droite et de gauche, repoussées aux
extrêmes. La saison des tourne-veste prétendant inventer une nouvelle morale
politique pour légitimer leur renoncement répète les crises françaises de la
politique depuis 200 ans. La vie politique n’est pas bloquée par une lutte
handicapante entre droite et gauche mais par un poison sournois ; celui d’un
extrême centre qui vide de sa substance démocratique la République en la
faisant irrémédiablement basculer dans l’autoritarisme." (L’extrême centre ou le poison français - 2024 - https://gavrochemedia.fr/extreme-centre-entretien-serna/pierre-cazemajor/)
Trop de journalistes - qui se déclarent "neutres" - véhiculent des éléments de langage sans les questionner. Pour BFM TV et autres médias, le nouveau ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau (LR) a des "positions fermes sur la sécurité et l'immigration" ; ce qui sous-entend de facto que les autres (la gauche évidemment) auraient des "positions molles". C'est ce même Bruno Retailleau qui veut supprimer l'AME (Aide Médicale d'Etat pour les étrangers en situation irrégulière), qui s'est positionné contre le mariage pour tous, pour les peines planchers, pour déroger au droit européen en matière d’immigration et élargir le champ du référendum, propositions retoquées par le Conseil d'Etat... On pourrait donc considérer que Bruno Retailleau a une position "molle" concernant les droits humains, là où la gauche est "ferme". Mais ce n'est jamais ce qui vient à l'esprit des journalistes "neutres". Toujours le même Bruno R. nous déclare que "les immigrés en situation irrégulières n'ont pas vocationà rester sur le territoire français". Sans débattre du fond, on peut remarquer le choix du terme "vocation" qui est ici tordu pour adoucir le propos. C'est beau une vocation. Mais c'est justement selon Larousse "une "inclination, un penchant particulier pour
un certain genre de vie, un type d'activité", et c'est bien ce que souhaitent ces immigrés ! Ils ont justement "vocation" à rester, c'est tout le problème !
Autant parler de “réduction de personnel” au lieu de
“licenciements”, de "maintien de la paix" ou d'une "opération spéciale" quand il s'agit de guerre... Quelle est donc cette pathologie singulière très partagée qui fait considérer les citoyens comme étant des abrutis ?
Toujours dans le dessein de brouiller les pistes à son avantage, le mantra "pas question d'augmenter les impôts" que l'on nous assène tous les jours - du centre à l'extrême droite - semble constituer une menace qui toucherait tout le monde, même ceux qui ne payent pas d'impôts. Il s'agit en fait de taxer les plus riches (individus et entreprises) et non la classe moyenne !
Voir cette vidéo sur la guerre des taxes et des impôts :
Sur le fond, les "mérites" et autres
"talents" qui légitimeraient la richesse ne sont en fait que le résultat de déterminants favorables,
et non la qualité d'un libre arbitre d'exception... qui ne saurait exister
(voir Libre arbitre : QUEZACO ?).
Enfin, ce n'est pas ce que nous disent les milliardaires, dont Xavier Niel qui nous a fait son show à l'Olympia intitulé "Comment devenir milliardaire" (18/09/2024).
Selon lui (prenez des notes), il faut
en passer par la case prison (recel d'abus de bien sociaux, Minitel rose,
sex-shops, « peep show », proxénétisme) et flirter - sans les dépasser - avec
les lignes jaunes des lois et règlements, le tout dans une prestation façon
rock star assortie de quelques blagues potaches (comme il est sympa, si proche
tout compte fait !)...
Pour devenir milliardaire (en dehors de l'héritage pur et simple),il faut avoir des idées - visionnaires si possible -, être tenace, tomber souvent de cheval et se remettre toujours en selle, constituer une équipe idéale prête à travailler jours et nuits comme soi-même, avoir de la chance...
Mais ce n'est pas suffisant.
Il faut surtout, au fur et à mesure que l'entreprise devient rentable, prendre un peu (beaucoup) sur les salaires des collaborateurs, faute de quoi l'enrichissement (le premier milliard !) serait hors de portée. Ce qui rend malheureusement impossible l'injonction "tout le monde peut devenir milliardaire", car si chacun prend sur le dos du collaborateur voisin... d'autant que les ressources du monde sont limitées...
Et puis, même si cet enrichissement (milliards !) est du point de vue philosophique matérialiste totalement injuste, il ne faudrait pas que la fiscalité récupère les fruits de ce vol légal ; d'où pérennisation des paradis fiscaux qu'on nous avait promis de supprimer, optimisations et niches, Flat Tax, suppression de l'ISF, délocalisations et expatriations fiscales, pacte Dutreil lors des donations et successions, sociétés écran, rachat d'actions de l'entreprise par l'entreprise elle-même afin de faire monter les cours et donc sa propre richesse personnelle dépendante du montant des actions en bourse (hausses de BPA, de dividende et de
cash flow par action)...
Par exemple - au hasard - cette belle augmentation du cours (4 %) après l'annonce d'un rachat d'actions dans la grande distribution :
J'espère que vous avez bien pris note de ces révélations et vous remercie par avance de bien vouloir me faire parvenir 5 % de votre premier milliard obtenu grâce à mes conseils (5.000.000, une bagatelle).
Pour en revenir à la politique politicienne, il serait effectivement temps de "parler à
l'intelligence des gens" en commençant par arrêter de les prendre pour des
imbéciles qui n'auraient pas de mémoire. Le Président Macron a par deux fois déclaré que le choix des français "l'obligeait" au changement et au partage du pouvoir avec prise
en compte du suffrage des Français (Lettre aux Français en juin 2024 et discours
devant le Conseil d’État en septembre 2024) : il nous a finalement bricolé sur mesure un marchepied en faveur du R Haine.
Les convictions ne seraient plus que du vent animant des girouettes ?
"Ce n'est pas moi qui tourne, c'est le vent" se dédouanait Edgar Faure en son temps.
Il est vrai qu'il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis...
*** En 1991, il a été condamné à
une amende de 1,2 million de francs (environ 183 200 euros) pour avoir déclaré
que les chambres à gaz étaient “un point de détail de l’histoire de la Seconde
Guerre mondiale” sur RTL en septembre 1987.
Injure publique : En 1993, il a été condamné à
10 000 francs d’amende (environ 1 524 euros) pour avoir utilisé l’expression
“Durafour crématoire” dans un jeu de mots avec le nom du ministre de la Fonction
publique, Michel Durafour.
Provocation à la haine : En février 2005, la
cour d’appel de Paris l’a condamné à 10 000 euros d’amende pour des propos
tenus en avril 2003, où il prédisait que les Français “raseront les murs” si le
nombre de musulmans en France atteignait 25 millions.
Racisme et antisémitisme : Le 30 août 1996, il a
déclaré croire à “l’inégalité des races”, ce qui a provoqué un débat sur l’interdiction
du Front National.
Le sujet de l'immigration est l'un des sujets les plus sensibles - en France comme ailleurs - depuis... toujours, ou presque. Les slogans anti-immigration ("la France aux français" / "On est chez nous" / "Préférence nationale" / "Abolition du droit du sol" / Stopper la submersion" comme à Poitiers en 732 etc.) représentent l'un des principaux marqueurs de l’extrême droite, avec de plus en plus de succès dans les urnes.
Une vidéo pour mieux comprendre :
Lorsqu'on cherche à comprendre, il n'est pas accessoire de savoir d'où l'on parle, càd quel est le moteur idéologique sous-jacent. Dans le paradigme naturaliste scientifique (matérialiste), les opinions, choix et actions humaines ne peuvent pas être analysés en termes de volonté libre (libre arbitre) mais de déterminations diverses qu'il nous faut cerner si l'on souhaite modifier quoi que ce soit.
Dans le cadre d'une certaine "dérive" droitière constatée un peu partout, affirmer que c'est le libre arbitre des populations concernées qui se serait modifié interdit toute possibilité de comprendre et d'agir puisqu'il n'existe aucun levier pour modifier un libre arbitre ontologique... qui n'existe pas. Quelle serait d'ailleurs la "liberté" d'une volonté qui changerait en fonction de nouveaux déterminants ? Les travaux en sociologie politique ne font - à raison - aucune place au libre arbitre, individuel comme collectif.
Reste donc à examiner de près les déterminants psychologiques, sociaux, économiques, politiques...autant qu'on puisse les mettre à jour comme par exemple dans cette vidéo : "Pourquoi l'extrême droite gagne en Europe".
Par exemple, l'immigration - réelle ou "ressentie" comme on le dit maintenant depuis l'apport conceptuel météorologique - semble constituer un déterminant ancestral majeur . Les étrangers viennent manger le pain des français (allemands, suédois, américains etc.) alors qu'ils ont contribué à l'effort de guerre à certaines époques, à la reconstruction du pays, présentant l'opportunité d'une main d'oeuvre bon marché du côté des mines de charbon, de Renault, Peugeot etc. Les négros, bougnouls, ritals, bicots, polacks et autres portos ont bien souffert de discriminations ordinaires mais, avec le temps, se sont assimilés pour la plupart, devenant de "bons" français.
Et le sujet est des plus complexes si l'on tient compte des dernières données de l'Insee* :
Les nouvelles vagues font face à la même discrimination mais il est toujours surprenant de voir que ce sont dans les petites communes de la "France périphérique" que ce rejet de l'immigration semble le plus fort ; alors que des immigrés, il n'y en a point (ou très peu) dans ces communes !
Au passage, en 2022 :
Face à un tel paradoxe, certains se sont dit qu'il faudrait envisager d'autres déterminants à ce rejet.
Le plus évident serait que l'on craint ce que l'on ne connaît pas, une peur de l'inconnu ancrée dans notre système nerveux
comme mécanisme de survie dans le cadre de l'évolution. Encourager la curiosité, la flexibilité cognitive et
l'ouverture d'esprit permettrait de mieux appréhender l'inconnu et de diminuer les
réactions anxieuses ou craintives qui y sont associées. Vaste programme bien difficile à mettre en oeuvre dans l'état actuel de notre structure éducative !
Autre piste : des chercheurs** ont analysé les évolutions démographiques
locales au sein de 28 pays européens et montré que le solde migratoire
était négatif dans un grand nombre de municipalités - près du quart d’entre
elles en France -, souvent rurales et phagocytées par les centres urbains. Le
croisement de ces données avec les résultats aux élections nationales des
années 2010 a révélé que plus une région se dépeuple, plus elle tend à voter à
l’extrême droite.
D’une part, les populations qui partent, plus jeunes et plus diplômées, votent majoritairement à gauche, d’où une augmentation des
tendances droitières dans les régions de départ.
D'autre part, la
perte de population active contribue à un déclin
économique et un sentiment de déclassement avec des services publics qui se
détériorent, des petites entreprises qui font faillite, l’épicerie, le café du quartier qui ferment, comme la petite école du coin (plus assez d'enfants), la maternité qui se retrouve à 60 km de chez soi, le désert médical qui s'étend, la poste et la banque à 5 km... Tout ceci en raison à la fois de la diminution des effectifs locaux et de la
diminution de l’assiette fiscale qui en résulte. Soit une qualité de vie en berne, un ressentiment profond contre les pouvoirs en
place et une sorte de "dépression collective" selon certains maires.
Si bien qu’en reprenant ces
thématiques de la lutte contre l’immigration, les partis plus à gauche risquent de
s’enfermer dans un cercle vicieux : de façon assez ironique, les
problèmes qui ont renforcé l’attrait pour l’idéologie anti-immigration de
l’extrême droite (baisse du taux de natalité des françaises avec risque du "grand remplacement", services publics en panne, pénurie de main-d’œuvre, manque
de nouvelles entreprises et de nouveaux services...) pourraient être résolus par…
l’immigration ! Pour l'auteur de l'étude citée et ses collègues, mieux vaudrait alors
s’attaquer à ce problème de déclassement local comme dans l’exemple suédois où a été mis en place un système de soutien aux petits commerces dans
les zones vulnérables. Par ailleurs, en 2021, l’Espagne a annoncé un plan de 11,9 milliards de
dollars visant à remédier au manque de connectivité téléphonique 5G et de
villes technologiquement intelligentes dans les zones rurales. Parallèlement,
le Fonds européen agricole pour le développement rural consacre plus de 100
milliards de dollars aux efforts visant à soutenir les zones rurales dans son
budget 2021-2027.
Enfin, une immigration à "petite dose" localement (ne pas réveiller le spectre de l'insécurité !) pourrait peut-être contribuer à régler nombre de difficultés, à la condition d'une vigilance et d'une assistance à l'intégration, et permettre généralement une assimilation ultérieure.
Car, comme l'écrivait fort justement BaudRim : "L'autre est un je".
Le philosophe des sciences Gaston Bachelard nous a prévenu concernant la pensée scientifique :
«... le
cerveau n’est plus absolument l’instrument adéquat de la pensée scientifique,
autant dire que le cerveau est l’obstacle à la pensée scientifique. Il faut
penser contre le cerveau ».[1]
Ce qui semble en premier lieu assez paradoxal puisque l’on
pense a priori « avec » son
cerveau plutôt que « contre ». Bachelard fait référence à une
contradiction, un conflit interne entre les réactions instinctives ou
impulsives du cerveau et les pensées rationnelles conscientes.
Écarter de notre
entendement par la raison tout ce qui émane de notre cerveau mystique, tout ce
qui suppose des entités surnaturelles[2]
ectoplasmiques plus qu’improbables dans le but de nous rassurer (constat de la
finitude humaine versus la survie à
tout prix), c’est effectivement « penser
contre son cerveau » en actionnant un minimum de rationalité, ce qui n'est pas inutile pour mener à bien une réflexion scientifique...
Mais « Penser contre
son cerveau » n’est pas un
long fleuve tranquille. Toute l’histoire des découvertes scientifiques montre
cette lutte permanente entre l’évidence profane et les lois naturelles au sens
large comme on peut le voir dans la théorie de l'évolution[3]
ou de la chute des corps[4],
l’origine de l'univers, l’âge de la Terre, le modèle héliocentrique, la
physiopathologie des maladies, la théorie de la relativité, la mécanique
quantique, la conscience comme produit du cerveau etc.
Un aparté : ces scientifiques
auraient-ils « plus » de Libre Arbitre « réel » que de
reste de la population, ce qui leur permettrait de mieux penser « contre leur cerveau » ?
Mais alors, ce LA ne serait pas - encore une fois - distribué également à
tous ? On nous aurait menti à l’insu de notre plein gré ? Ce LA ne
serait qu’un déterminant à géométrie variable comme les autres déterminants,
tristement banal ? Mais alors, quid
de la punition du fait de posséder un « mauvais » libre
arbitre qui ne serait pas le produit d’un « choix libre » ?
On se retrouve à nouveau devant l’aporie d’un Libre Arbitre surnaturel incompatible avec
le paradigme naturaliste/matérialiste scientifique.
Pour revenir à notre sujet : dans la vie courante, si vous ressentez de la colère mais que
vous choisissez de réagir avec une certaine compassion plutôt que de céder à
l'impulsion et à la confrontation, on peut dire que vous pensez « contre votre cerveau ».
Mieux connaître nos nombreux biais cognitifs et s’en méfier, c’est à nouveau « penser contre son cerveau », sachant que le cerveau humain "normal" est plutôt déficient dans nombre de situations (voir Le cerveau humain normal mais déficient).
De nombreuses cultures et religions ont enseigné que l'humain occupait une
position dominante sur la Terre, en tant que couronnement de la création (fils de Dieu ) ou en
raison de capacités spéciales telles que la raison, la conscience ou l'âme.
Sortir de ces idées reçues qui nous confortent dans un hubris plaisant mais irrationnel, c’est aussi « penser contre son cerveau ». Et c'est tout, sauf facile.
Quelques exemples concernant le conflit entre corps, esprit et société :
1) Quand
un individu parfaitement immergé dans un bain culturel
« conservateur » ressent à l’adolescence une attirance pour le même
sexe que le sien, le désir de "premier ordre" entre en conflit direct avec la
bienséance sociale du "second ordre" (bien que ce soit heureusement de moins en moins le cas, en tout cas dans les sociétés dites "avancées"). Ces déterminants ressentis comme incompatibles peuvent,
selon les autres déterminants associés, aboutir à une révolte brutale avec
remise en cause de l’ordre familial, voire sociétal, ou au contraire conduire à
fonder une famille en bonne et due forme, apparemment... l'esprit, le désir et le corps capitulant devant les injonctions sociales. Comment "penser contre son cerveau" dans de telles situations ? C'est tout, sauf facile.
2) Autre exemple de l’importance de « penser contre son cerveau » : du fait d’un câblage
cérébral dès la naissance, une étude montre notre préférence innée pour les
visages de notre communauté, de notre "race" (ethnie) :
« Une tâche de
préférence visuelle standard a été utilisée pour examiner les temps de regard
des enfants de 3 mois sur les visages de leur propre race par rapport
aux visages des autres races en fonction de l'exposition environnementale aux
visages des deux catégories. Les participants étaient des nourrissons
caucasiens vivant dans un environnement caucasien, des nourrissons africains
vivant dans un environnement africain et des nourrissons africains vivant dans
un environnement à prédominance caucasienne. Les résultats indiquent que la
préférence pour les visages de race propre est présente dès l'âge de 3 mois,
mais que cette préférence résulte de l'exposition à l'environnement facial
prototypique. » [5]
Autant une sélection de l’évolution pour reconnaître
« positivement » des visages qui nous ressemblent pouvait constituer
un avantage « sécuritaire » par le passé (évaluation de la fiabilité
des visages), autant ce câblage devient en partie source de racisme et de guerre
dans le cadre actuel du métissage et du
brassage mondialisé des peuples[6].
Tout ceci alimente le « biais tribal » qui donne de "bonnes raisons" de s'entretuer :
"Depuis des millénaires les Homo sapiens ont tendance à considérer que certains sapiens sont quand même un peu moins sapiens que les autres, et peuvent pour cette raison servir de punching ball. Un instinct à double face, puisqu’il promeut les liens d’entraide et de coopération à l’intérieur des groupes, mais attise les conflits avec les communautés déclarées différentes".*
Comme le montrent nombre d'études, le cerveau humain contient des "catégories", des "câblages" prêts pour enclencher des logiques de bouc émissaire potentiellement destructrices : dérives nationalistes, pulsions identitaires, sectarismes, communautarismes défiant l'universalisme. Le coupableserait donc,
pour partie au moins, un biais logé depuisdes millénaires dans notre cerveau, biais évidemmentinconscient qui nous pousse à
privilégier les membres de notre groupe aux dépens des autres*.
"Un Français n’aura pas le droit d’appeler son fils
Mohammed ", déclarait Éric
Zemmour, annonçant
ce qu’il ferait
s’il était élu
président de la République. Il semble n'être compatible qu'avec son reflet dans un miroir pourvu d'un filtre instagram "caucasien".
La science nous apprend que les races n'existent pas et que nos ancêtres communs avaient tous la peau noire il y a à peine 10.000 ans... Deux bonnes raisons d'être racistes ? Et quand bien même il existerait des races différentes, doit-on pour autant discriminer certains individus pour en avantager d'autres ? Idem concernant par exemple des QI différents ! Personne n'a choisi "librement" son ethnie, sa couleur de peau ou son QI.
3) La science nous apprend plus globalement que le cerveau humain est faillible, comporte de nombreux biais cognitifs, nous fait confondre science et pseudo-science (voir sur ce sujet https://youtu.be/gGkJmikwozM) comme le montre plus globalement cette présentation du docteur en biologie Thomas Durand de la chaîne YT "La Tronche en Biais" :
4) Fin du mois contre fin du Monde : le débat concernant ce qu'il convient de faire en termes de priorité est peut-être en partie lié "physiquement" à notre cerveau comme le montre une étude** où il est question de l'hippocampe.
L'humain (et l'animal) se doit de suivre ses objectifs quotidiens, urgents et moins
urgents, besoins qui sont sans cesse redéfinis en fonction des événements qui surviennent
au fil de la journée. Ces objectifs diffèrent
sur un paramètre fondamental : le temps. Alors que certains objectifs doivent
être accomplis dans le présent, d’autres sont éloignés dans le temps des
besoins du moi actuel, représentant des objectifs qui ont été accomplis dans le
passé ou restent à accomplir dans le futur.
Des chercheurs se sont focalisés sur une région particulière du cerveau, l'hippocampe, en
raison de son rôle dans la mémoire épisodique chargée de
l'encodage, de la consolidation et de la récupération d'informations vécues en intégrant leur contexte émotionnel, spatial et
temporel. Des images IRM de très haute résolution ont révélé que, lors de la récupération d'informations concernant des objectifs
à atteindre dans le présent, l'hippocampe est activé dans sa région
postérieure alors que lors de la remémoration d'objectifs passés ou à
atteindre dans le futur, c'est la région antérieure qui est activée. Sur le plan
comportemental, les objectifs pertinents pour les besoins actuels étaient
traités plus rapidement que les objectifs passés et futurs temporellement
éloignés. Les humains semblent former des
constructions plus abstraites des entités distales que des entités proximales où le niveau de construction fait référence au degré de concrétude ou
d'abstraction de la représentation mentale.
D'une part, il n'est nullement question ici de libre arbitre dans le choix des priorités (tout est affaire de neurones hippocampiques) ; d'autre part, on peut s'inquiéter - même s'il s'agit du fruit de l'évolution - de la priorité des besoins urgents (fin du mois) sur les besoins futurs (fin du Monde). Ce qui devient politique au sens où ce n'est qu'en répondants aux besoins urgents (salaires / équité / redistribution des profits etc.) qu'il sera peut-être possible... de faire marcher au "mieux" notre hippocampe postérieur et d'éviter la catastrophe annoncée ?
Finalement,"penser contre son cerveau" devrait faire partie de l'appareil critique qu'il faudrait enseigner au plus tôt dans les écoles de la République (sans injonction pour autant à tous devenir des neuroscientifiques).
On en est loin.
Un témoignage de l'agrégé de philosophe Nathan Devers, même si je ne suis pas en plein accord avec sa disqualification des visions du monde, ne serait-ce que parce qu'il en a manifestement une, finalement assez proche de la mienne :
... et la philosophe Eva Illouz nous invite à combattre la Madame Bovary qui est en nous (à l'insu de notre plein gré).
[2] Toutes
les cultures dessinent l'espace d'un « surnaturel au sens large » (magie,
sorcellerie, religion etc.). Les différentes religions et croyances
surnaturelles ont souvent des descriptions et des doctrines contradictoires. Si
le surnaturel était une réalité objective, on pourrait s'attendre à ce que les
expériences et les descriptions concordent davantage. Des affirmations
extraordinaires comme l’existence d’un surnaturel nécessitent des preuves aussi
extraordinaires.... que nous n’avons jamais pu mettre en évidence.
[3] Darwin
lui-même a pendant des années eu des doutes sur ce qu’il découvrait au et à
mesure de ces travaux, tant ses conclusions mettaient drastiquement en cause
les croyances de son temps.
[4] Deux
objets de masses différentes lâchés simultanément dans le vide depuis une même
hauteur atteindront le sol au même moment (Galilée). Or, ce n'est pas ce que la
nature nous présente : quand elles sont lâchées de suffisamment haut, la boule
de pétanque touche le sol avant la boule de billard - « La chute des corps
expliquée par Etienne Klein » - https://www.youtube.com/watch?v=dlDWHIX-c5M
[6] Notons
que « les individus ayant plus
d'expérience avec les autres races montrent plus de similitudes dans le
traitement de leur propre visage et de ceux des autres races, tandis que ceux
qui ont moins d'expérience montrent une plus grande disparité et une plus
grande perturbation dans le traitement des visages des autres et des autres
visages de sa propre race. » - https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2569819/