« la santé c'est la vie dans le silence des organes »
« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. Cette définition a pour important corollaire que la santé mentale est davantage que l’absence de troubles ou de handicaps mentaux. La santé mentale est un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de sa communauté. Dans ce sens positif, la santé mentale est le fondement du bien-être d’un individu et du bon fonctionnement d’une communauté. Les déterminants de la santé mentale comportent des facteurs sociaux, psychologiques et biologiques multiples déterminent le degré de santé mentale d’une personne à un moment donné. Ainsi, des pressions socio-économiques persistantes sont des facteurs de risque reconnus pour la santé mentale des individus et des communautés.
« un syndrome caractérisé par des perturbations cliniquement significatives dans la cognition, la régulation des émotions, ou le comportement d'une personne qui reflète un dysfonctionnement dans les processus psychologiques, biologiques, ou développementaux sous-jacents au fonctionnement mental ».
« le trouble mental est un « syndrome comportemental ou psychique cliniquement significatif, survenant chez un individu et associé à une détresse concomitante (p.ex., symptôme de souffrance), ou à un handicap (p. ex, altération d’un ou plusieurs domaines de fonctionnement) ou à un risque significativement élevé de décès, de souffrance, de handicap ou de perte importante de liberté ».
« N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.La personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable. Toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu'elle détermine la peine et en fixe le régime. Si est encourue une peine privative de liberté, celle-ci est réduite du tiers (...) Lorsque, après avis médical, la juridiction considère que la nature du trouble le justifie, elle s'assure que la peine prononcée permette que le condamné fasse l'objet de soins adaptés à son état. »
Les "experts" ne disposent évidemment pas d’outils cliniques leur permettant d’inférer directement le degré d’altération ou d’abolition du discernement. Comme l’indique les travaux de la Fédération Française de Psychiatrie :
« Dans aucun pays il n’a été possible de lister tous les états pathologiques conduisant a priori à une proposition d’abolition du discernement et donc à une irresponsabilité pénale. »
« Le discernement et le contrôle des actes sont laissés à l’analyse du psychiatre. Ces termes ne sont cependant pas des termes spécialisés et sont fréquemment usités dans la langue courante, avec les fluctuations de sens liées à tout terme polysémique. Ils ne sont pas associés à une séméiologie spécifique dont l’étude serait inscrite dans la formation médicale. Leur appréciation renvoie à des conceptions différentes tant chez les cliniciens que chez tout un chacun, puisqu’elle se rattache aussi à notre conception de l’homme et de la liberté individuelle.
En fait, le discernement ne bénéficie d'aucune définition consensuelle, qu'elle soit juridique ou médicale. Tout au plus peut-on parler de « capacité de distinguer les actes autorisés des actes interdits ». Cette connaissance « éducative » du bien et du mal, plus ou moins correctement intériorisée selon les cerveaux et les conditions socioculturelles des sujets, est en compétition avec la survie : peut-on réellement reprocher à un « sans domicile fixe » (SDF) affamé de voler une pomme ? Ou doit-on plutôt se demander comment on devient SDF, comment on devient délinquant, criminel, et ce qu’on a quelque part raté pour en arriver là[3] ?
« Au même titre que 1789 a mis fin à des pratiques que l'époque érigeait en dogme [...] la période qui a suivi la Libération a refusé de tenir plus longtemps pour intangible le principe d'explication par le libre arbitre de tout comportement humain. Cette conception rigoriste, qui reposait sur le double postulat du libre arbitre de l'homme et de l'efficacité de la peine comme moyen de lutte contre la criminalité devait s'assouplir peu à peu au gré de l'évolution - rapide - des idées au cours des XIXème et XXème siècles. » [4]
« Un modèle neuroscientifique de comportement volontaire (aurait) le potentiel de moderniser les notions médico-légales de responsabilité et de sanction pénale afin d'éclairer les politiques publiques. En fin de compte, s'éloigner du langage du libre arbitre vers le langage du contrôle volontaire peut entraîner une meilleure compréhension de la nature de nous-mêmes. »[5]
Autre stratagème cette fois sous la plume du docteur en sciences cognitives Aurélien Nioche[7] : exercer son libre arbitre, c'est simplement « faire preuve de raison ». Quand on connait l’importance des fluctuations de notre « raison » du fait des affects, des influences inconscientes, des anomalies cérébrales, des traitements médicamenteux éventuels, des biais cognitifs etc., « faire preuve de raison » nécessiterait quelques explications connexes, voire plusieurs ouvrages sur le sujet.
« comprendre le libre arbitre non comme quelque chose dont on disposerait pleinement ou aucunement, mais comme quelque chose auquel on peut plus ou moins faire appel. Là aussi, il semble pourtant crucial de pouvoir situer sur un gradient le phénomène dont on parle ».
Qui plus est, rappelons que les experts ne disposent d’aucun outil clinique leur permettant d’inférer directement le degré d’altération ou d’abolition du discernement comme l’indique les travaux de la Fédération Française de Psychiatrie[8].
« Le discernement et le contrôle des actes sont laissés à l’analyse du psychiatre. Ces termes ne sont cependant pas des termes spécialisés et sont fréquemment usités dans la langue courante, avec les fluctuations de sens liées à tout terme polysémique. Ils ne sont pas associés à une séméiologie spécifique dont l’étude serait inscrite dans la formation médicale. Leur appréciation renvoie à des conceptions différentes tant chez les cliniciens que chez tout un chacun, puisqu’elle se rattache aussi à notre conception de l’homme et de la liberté individuelle.[9]
« On ne nous pose jamais la question du Libre Arbitre (...) Je pense qu’un expert qui répondrait en termes philosophiques serait vite remis dans le droit chemin par le président, qui dirait : Écoutez monsieur, vous avez peut-être des idées, mais enfin ce n’est peut-être pas ici que vous pouvez en débattre. »[10]
« Si l’influence de prédispositions neurobiologiques est indéniable, elles cohabitent ou rentrent en conflit avec d’autres déterminants d’origine sociale et, c’est justement parce qu’il existe une compétition entre ces différents facteurs biologiques et culturels, que l’idée de libre-arbitre reste plausible. Tout au moins à la marge.» [11]
« On peut au moins espérer que sur le chemin criminel (...) l’individu conserve un pouvoir de veto, un pouvoir de bloquer le passage à l’acte. En tout état de cause, à supposer que le libre-arbitre tient de la fiction, il s’agit d’une fiction nécessaire au bon fonctionnement de la vie en société. En effet, si nous étions certains d’être déterminés, nous n’aurions plus à nous soucier des conséquences de nos actes ni de quoi que ce soit d’ailleurs. Il faut donc nous résigner à faire semblant... »[12]
- D’une part les « troubles mentaux / maladies mentales » justifiables d’une prise en charge psychiatrique en milieu fermé : comme on l’a vu, ils ne sont pas considérés comme « coupables » en cas d’abolition totale du discernement (LA) au moment des faits criminels ;
- D’autre part les « troubles de personnalité »[13] qui sont actuellement redevables de la prison en cas de crime ou délit, car eux sont « coupables » puisque censés avoir pu faire autre chose que ce qu’ils ont fait (agression, crimes...) du fait d’une pleine possession de leur discernement (LA) ou d’un discernement simplement altéré. Une injonction thérapeutique peut toutefois être nécessaire (délinquants sexuels, toxicomanie etc.) depuis la loi de 1998, mais ils ont tout de même droit à la punition : ils sont coupables d’être malades...
« Comment pouvez-vous dire que Guy George n’est pas malade tout en étant incurable ? »
Le psychiatre Ali Amad a examiné 83.000 scanners cérébraux :
« La recherche en imagerie cérébrale appliquée a ainsi pu montrer que les maladies mentales étaient associées à des anomalies de la structure et de la fonction du cerveau. Ces données corroborent les conclusions venant de la génétique, de la neurobiologie, et de la recherche pharmacologique clinique. Il s’agit d’une évolution majeure dans la conception de la maladie mentale qui a longtemps été définie par son absence de lésion « organique ». Il convient ici de souligner que la dichotomie entre maladies psychiatriques et organiques (ou « somatiques ») est encore très présente dans le vocabulaire médical. Pourtant, à la lumière des recherches menées ces dernières décennies, cette dichotomie n’a plus lieu d’être ».
« Il n’y a aucune base moralement solide pour sélectionner une maladie mentale ou un défaut comme justification de la non culpabilité d’un individu tout en excluant d'autres déterminants comportementaux, tels que l'hérédité, la pauvreté, l'environnement familial et la privation culturelle. »
[1] « Santé mentale » - https://oip.org/decrypter/thematiques/sante-mentale/
[2] « Santé mentale : renforcer notre action » - https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/mental-health-strengthening-our-response
[3] « Nos jeunesses perdues » - ARTE VIDEO - https://www.youtube.com/watch?v=IDtDuoCWpZE
[4] « Psychiatrie et droit pénal : discernement ou contrôle des actes, un dilemme médico-légal ? » - Benjamin Godechot - https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01082093/document
[5] « Les neurosciences du libre arbitre : implications pour la psychiatrie » - 2014 - https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24330830/
[6] https://www.tokyvideo.com/fr/video/la-vie-est-un-long-fleuve-tranquille
[7] « Exercer son libre arbitre : un processus décisionnel » - https://books.openedition.org/cdf/4965?lang=fr
[8] « Expertise psychiatrique pénale » - Sous la direction de Jean-Louis Senon, Jean-Charles Pascal et Gérard Rossinelli - 2007
[9] « Qui est irresponsable? » - 2014 - https://www.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2014-3-page-173.htm?contenu=resume
[10] « Psychiatrie et droit pénal » - p.28 - https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01082093/document
[11] « La psychologie, le droit et la régulation » N° 5 p.75 - 2020 - https://psycho-droit.com/wp-content/uploads/2021/03/Psycho-Droit.5.2020.pdf
[12] « La neurojustice, entre ombres et lumières » - Peggy Larrieu - https://www.academia.edu/38944963/La_neurojustice_entre_ombres_et_lumi%C3%A8res?email_work_card=view-paper
[13] « Troubles de la personnalité » - http://psyfontevraud.free.fr/cours/286.htm
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