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Si un neuroscientifique nie le libre arbitre, comment peut-il rédiger un texte de consentement éclairé volontaire et proposer de le faire signer ?

Cette question fait partie d'une étude récente (1er mai 2024*) publiée par un psychologue russe. Question qui est loin d'être anodine puisqu'elle laisse supposer qu'un neuroscientifique sceptique envers le libre arbitre n'aurait pas légitimité à faire signer un consentement éclairé à un patient. 

Ce qui revient à affirmer que le libre arbitre doit exister, faute de quoi un consentement réel du patient serait impossible (?).

C'est à nouveau un argument de la conséquence sous une forme des plus sournoises car le sceptique du libre arbitre ne s'adresse pas à la "volonté libre" inexistante du patient mais à son autonomie. Après avoir reçu et compris les bénéfices et risques d'un traitement, le patient doit pouvoir exprimer sa volonté, dans un sens ou l'autre. 

Certains diront oui, d'autres non, en fonction du poids des déterminants uniques de chacun (peur du traitement plus ou moins fort que la peur de la maladie / âge avancé / importance du risque / solitude / pression du conjoint, de la famille / expérience passée etc.). 

C'est donc l'autonomie du patient qu'il faut respecter, que la décision soit considérée comme rationnelle ou non pour un observateur extérieur comme le médecin, qu'il soit d'ailleurs sceptique ou non concernant un libre arbitre ontologique (à différencier de la sensation du libre arbitre que l'on perçoit tous et qui est une fonction sélectionnée par l'évolution). 

S'il n'est pas entravé, l'animal est autonome dans sa savane natale, sans besoin d'un libre arbitre, même pour les plus croyants dans cette chimère. L'animal-humain itou. Le déterminisme ne dit pas que tout est joué et que nous ne pouvons pas changer. Nous changeons en permanence du fait de l'environnement qui change, avec ou sans nous. Chaque nouveau déterminant - comme une nouvelle information montrant des effets indésirables plus importants qu'on ne le pensait - peut modifier l'acceptation d'u traitement... ou non.

Le Pr de neurobiologie Rober Sapolsky fait le point sur le libre arbitre et la possibilité d'évolution et de changements d'avis dans cette vidéo. 

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Autrement dit, quelle que soit la croyance du praticien dans le domaine philosophique, il se doit de fournir des informations les plus objectives possibles concernant la balance bénéfices / risques en l'état actualisé des données scientifiques. 

C'est seulement en cas de déficience cognitive (par exemple) que la question d'une réelle autonomie se pose. Un patient délirant porteur d'une tumeur cancéreuse galopante et qui refuse toute intervention qui pourrait le "sauver" (autant qu'on puisse le penser) fera généralement l'objet d'une décision collégiale incluant les soignants et sa famille dans un mélange chaotiques de déterminations personnelles diverses, de volontés parfois incompatibles au point de nécessiter le passage de la justice (débrancher un patient comateux depuis 10 ans ?). Soit la moins mauvaise des mauvaises solutions. 

Pour conclure, je dirais que je suis effondré de voir que des médecins en sont encore à se poser des questions sur la liberté de la volonté après tout le bagage scientifique accumulé depuis des dizaines d'années. 

Les illusions ont la vie dure. Ce ne serait pas bien grave si les conséquences n'étaient qu'accessoires.

*"Possibilities of Free Will in Different Physical, Social, and Technological Worlds: An Introduction to a Thematic Issue" - https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/38691214/

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Et pour aller plus loin, le livre "La dernière blessure" centré sur la notion du libre arbitre (illusoire)... en cliquant sur l'image ci-dessous