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Immigration ? Ou émigration ?

Le sujet de l'immigration est l'un des sujets les plus sensibles - en France comme ailleurs - depuis... toujours, ou presque. Les slogans anti-immigration ("la France aux français" / "On est chez nous" / "Préférence nationale" / "Abolition du droit du sol" / Stopper la submersion" comme à Poitiers en 732 etc.) représentent l'un des principaux marqueurs de l’extrême droite, avec de plus en plus de succès dans les urnes. 

Une vidéo pour mieux comprendre :

Lorsqu'on cherche à comprendre, il n'est pas accessoire de savoir d'où l'on parle, càd quel est le moteur idéologique sous-jacent. Dans le paradigme naturaliste scientifique (matérialiste), les opinions, choix et actions humaines ne peuvent pas être analysés en termes de volonté libre (libre arbitre) mais de déterminations diverses qu'il nous faut cerner si l'on souhaite modifier quoi que ce soit. 

Dans le cadre d'une certaine "dérive" droitière constatée un peu partout, affirmer que c'est le libre arbitre des populations concernées qui se serait modifié interdit toute possibilité de comprendre et d'agir puisqu'il n'existe aucun levier pour modifier un libre arbitre ontologique... qui n'existe pas. Quelle serait d'ailleurs la "liberté" d'une volonté qui changerait en fonction de nouveaux déterminants ? Les travaux en sociologie politique ne font - à raison - aucune place au libre arbitre, individuel comme collectif. 

Reste donc à examiner de près les déterminants psychologiques, sociaux, économiques, politiques...autant qu'on puisse les mettre à jour comme par exemple dans cette vidéo : "Pourquoi l'extrême droite gagne en Europe".

Par exemple, l'immigration - réelle ou "ressentie" comme on le dit maintenant depuis l'apport conceptuel météorologique - semble constituer un déterminant ancestral majeur . Les étrangers viennent manger le pain des français (allemands, suédois, américains etc.) alors qu'ils ont contribué à l'effort de guerre à certaines époques, à la reconstruction du pays, présentant l'opportunité d'une main d'oeuvre bon marché du côté des mines de charbon, de Renault, Peugeot etc. Les négros, bougnouls, ritals, bicots, polacks et autres portos ont bien souffert de discriminations ordinaires mais, avec le temps, se sont assimilés pour la plupart, devenant de "bons" français. 

Et le sujet est des plus complexes si l'on tient compte des dernières données de l'Insee* :

Les nouvelles vagues font face à la même discrimination mais il est toujours surprenant de voir que ce sont dans les petites communes de la "France périphérique" que ce rejet de l'immigration semble le plus fort ; alors que des immigrés, il n'y en a point (ou très peu) dans ces communes ! 

Au passage, en 2022 :

Face à un tel paradoxe, certains se sont dit qu'il faudrait envisager d'autres déterminants à ce rejet.

Le plus évident serait que l'on craint ce que l'on ne connaît pas, une peur de l'inconnu ancrée dans notre système nerveux comme mécanisme de survie dans le cadre de l'évolution. Encourager la curiosité, la flexibilité cognitive et l'ouverture d'esprit permettrait de mieux appréhender l'inconnu et de diminuer les réactions anxieuses ou craintives qui y sont associées. Vaste programme bien difficile à mettre en oeuvre dans l'état actuel de notre structure éducative !

Autre piste : des chercheurs** ont analysé les évolutions démographiques locales au sein de 28 pays européens et montré que le solde migratoire était négatif dans un grand nombre de municipalités - près du quart d’entre elles en France -, souvent rurales et phagocytées par les centres urbains. Le croisement de ces données avec les résultats aux élections nationales des années 2010 a révélé que plus une région se dépeuple, plus elle tend à voter à l’extrême droite. 

D’une part, les populations qui partent, plus jeunes et plus diplômées, votent majoritairement à gauche, d’où une augmentation des tendances droitières dans les régions de départ. 

D'autre part, la perte de population active contribue à un déclin économique et un sentiment de déclassement avec des services publics qui se détériorent, des petites entreprises qui font faillite, l’épicerie, le café du quartier qui ferment, comme la petite école du coin (plus assez d'enfants), la maternité qui se retrouve à 60 km de chez soi, le désert médical qui s'étend, la poste et la banque à 5 km... Tout ceci en raison à la fois de la diminution des effectifs locaux et de la diminution de l’assiette fiscale qui en résulte. Soit une qualité de vie en berne, un ressentiment profond contre les pouvoirs en place et une sorte de "dépression collective" selon certains maires. 

Si bien qu’en reprenant ces thématiques de la lutte contre l’immigration, les partis plus à gauche  risquent de s’enfermer dans un cercle vicieux : de façon assez ironique, les problèmes qui ont renforcé l’attrait pour l’idéologie anti-immigration de l’extrême droite (baisse du taux de natalité des françaises avec risque du "grand remplacement", services publics en panne, pénurie de main-d’œuvre, manque de nouvelles entreprises et de nouveaux services...) pourraient être résolus par… l’immigration ! Pour l'auteur de l'étude citée et ses collègues, mieux vaudrait alors s’attaquer à ce problème de déclassement local comme dans l’exemple suédois où a été mis en place un système de soutien aux petits commerces dans les zones vulnérables. Par ailleurs, en 2021, l’Espagne a annoncé un plan de 11,9 milliards de dollars visant à remédier au manque de connectivité téléphonique 5G et de villes technologiquement intelligentes dans les zones rurales. Parallèlement, le Fonds européen agricole pour le développement rural consacre plus de 100 milliards de dollars aux efforts visant à soutenir les zones rurales dans son budget 2021-2027.

Enfin, une immigration à "petite dose" localement (ne pas réveiller le spectre de l'insécurité !) pourrait peut-être contribuer à régler nombre de difficultés, à la condition d'une vigilance et d'une assistance à l'intégration, et permettre généralement une assimilation ultérieure. 

Car, comme l'écrivait fort justement BaudRim : "L'autre est un je".

https://www.insee.fr/fr/statistiques/3633212

** Dancygier et al.Emigration nd radical right populism, American Journal of Political Science, le 27 mars 202 -  https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/ajps.12852 et R. Dancygier et D. Laitin, Emigration : The hidden catalyst behind the rise of the radical right in Europe’s depopulating regionsThe Conversation, le 10 juin 2024 - https://theconversation.com/emigration-the-hidden-catalyst-behind-the-rise-of-the-radical-right-in-europes-depopulating-regions-231234

Penser... contre son cerveau

 Le philosophe des sciences Gaston Bachelard nous a prévenu concernant la pensée scientifique : 

«... le cerveau n’est plus absolument l’instrument adéquat de la pensée scientifique, autant dire que le cerveau est l’obstacle à la pensée scientifique. Il faut penser contre le cerveau ».[1]

Ce qui semble en premier lieu assez paradoxal puisque l’on pense a priori « avec » son cerveau plutôt que « contre ». Bachelard fait référence à une contradiction, un conflit interne entre les réactions instinctives ou impulsives du cerveau et les pensées rationnelles conscientes. 

Écarter de notre entendement par la raison tout ce qui émane de notre cerveau mystique, tout ce qui suppose des entités surnaturelles[2] ectoplasmiques plus qu’improbables dans le but de nous rassurer (constat de la finitude humaine versus la survie à tout prix), c’est effectivement « penser contre son cerveau » en actionnant un minimum de rationalité, ce qui n'est pas inutile pour mener à bien une réflexion scientifique... 

Mais « Penser contre son cerveau » n’est pas un long fleuve tranquille. Toute l’histoire des découvertes scientifiques montre cette lutte permanente entre l’évidence profane et les lois naturelles au sens large comme on peut le voir dans la théorie de l'évolution[3] ou de la chute des corps[4], l’origine de l'univers, l’âge de la Terre, le modèle héliocentrique, la physiopathologie des maladies, la théorie de la relativité, la mécanique quantique, la conscience comme produit du cerveau etc. 

Un aparté : ces scientifiques auraient-ils « plus » de Libre Arbitre « réel » que de reste de la population, ce qui leur permettrait de mieux penser « contre leur cerveau » ? Mais alors, ce LA ne serait pas - encore une fois - distribué également à tous ? On nous aurait menti à l’insu de notre plein gré ? Ce LA ne serait qu’un déterminant à géométrie variable comme les autres déterminants, tristement banal ? Mais alors, quid de la punition du fait de posséder un « mauvais » libre arbitre qui ne serait pas le produit d’un « choix libre » ? On se retrouve à nouveau devant l’aporie d’un Libre Arbitre surnaturel incompatible avec le paradigme naturaliste/matérialiste scientifique.

Pour revenir à notre sujet : dans la vie courante, si vous ressentez de la colère mais que vous choisissez de réagir avec une certaine compassion plutôt que de céder à l'impulsion et à la confrontation, on peut dire que vous pensez « contre votre cerveau ». Mieux connaître nos nombreux biais cognitifs et s’en méfier, c’est à nouveau « penser contre son cerveau », sachant que le cerveau humain "normal" est plutôt déficient dans nombre de situations (voir Le cerveau humain normal mais déficient).

De nombreuses cultures et religions ont enseigné que l'humain occupait une position dominante sur la Terre, en tant que couronnement de la création (fils de Dieu ) ou en raison de capacités spéciales telles que la raison, la conscience ou l'âme. Sortir de ces idées reçues qui nous confortent dans un hubris plaisant mais irrationnel, c’est aussi « penser contre son cerveau ». Et c'est tout, sauf facile.

Quelques exemples concernant le conflit entre corps, esprit et société : 

1) Quand un individu parfaitement immergé dans un bain culturel « conservateur » ressent à l’adolescence une attirance pour le même sexe que le sien, le désir de "premier ordre" entre en conflit direct avec la bienséance sociale du "second ordre" (bien que ce soit heureusement de moins en moins le cas, en tout cas dans les sociétés dites "avancées"). Ces déterminants ressentis comme incompatibles peuvent, selon les autres déterminants associés, aboutir à une révolte brutale avec remise en cause de l’ordre familial, voire sociétal, ou au contraire conduire à fonder une famille en bonne et due forme, apparemment... l'esprit, le désir et le corps capitulant devant les injonctions sociales. Comment "penser contre son cerveau" dans de telles situations ? C'est tout, sauf facile.

2) Autre exemple de l’importance de « penser contre son cerveau » : du fait d’un câblage cérébral dès la naissance, une étude montre notre préférence innée pour les visages de notre communauté, de notre "race" (ethnie) :

« Une tâche de préférence visuelle standard a été utilisée pour examiner les temps de regard des enfants de 3 mois sur les visages de leur propre race par rapport aux visages des autres races en fonction de l'exposition environnementale aux visages des deux catégories. Les participants étaient des nourrissons caucasiens vivant dans un environnement caucasien, des nourrissons africains vivant dans un environnement africain et des nourrissons africains vivant dans un environnement à prédominance caucasienne. Les résultats indiquent que la préférence pour les visages de race propre est présente dès l'âge de 3 mois, mais que cette préférence résulte de l'exposition à l'environnement facial prototypique. » [5]

Autant une sélection de l’évolution pour reconnaître « positivement » des visages qui nous ressemblent pouvait constituer un avantage « sécuritaire » par le passé (évaluation de la fiabilité des visages), autant ce câblage devient en partie source de racisme et de guerre dans le cadre actuel du métissage et du  brassage mondialisé des peuples[6].

Tout ceci alimente le « biais tribal » qui donne de "bonnes raisons" de s'entretuer :

"Depuis des millénaires les Homo sapiens ont tendance à considérer que certains sapiens sont quand même un peu moins sapiens que les autres, et peuvent pour cette raison servir de punching ball. Un instinct à double face, puisqu’il promeut les liens d’entraide et de coopération à l’intérieur des groupes, mais attise les conflits avec  les  communautés  déclarées différentes".* 

Comme le montrent nombre d'études, le cerveau humain contient des "catégories", des "câblages" prêts pour enclencher des logiques de bouc émissaire potentiellement destructrices : dérives nationalistes, pulsions identitaires, sectarismes, communautarismes défiant l'universalisme. Le coupable serait donc, pour partie au moins, un biais logé depuis des millénaires dans notre cerveau, biais évidemment inconscient qui nous pousse à privilégier les membres de notre groupe aux dépens des autres*.

"Un Français n’aura pas le droit d’appeler son fils Mohammed ", déclarait  Éric  Zemmour,  annonçant  ce  qu’il  ferait  s’il  était  élu  président  de  la  République. Il semble n'être compatible qu'avec son reflet dans un miroir pourvu d'un filtre instagram "caucasien".

La science nous apprend que les races n'existent pas et que nos ancêtres communs avaient tous la peau noire il y a à peine 10.000 ans... Deux bonnes raisons d'être racistes ? Et quand bien même il existerait des races différentes, doit-on pour autant discriminer certains individus pour en avantager d'autres ? Idem concernant par exemple des QI différents ! Personne n'a choisi "librement" son ethnie, sa couleur de peau ou son QI.

3) La science nous apprend plus globalement que le cerveau humain est faillible, comporte de nombreux biais cognitifs, nous fait confondre science et pseudo-science (voir sur ce sujet https://youtu.be/gGkJmikwozM) comme le montre plus globalement cette présentation du docteur en biologie Thomas Durand de la chaîne YT "La Tronche en Biais" :

4) Fin du mois contre fin du Monde : le débat concernant ce qu'il convient de faire en termes de priorité est peut-être en partie lié "physiquement" à notre cerveau comme le montre une étude** où il est question de l'hippocampe.


L'humain (et l'animal) se doit de suivre ses objectifs quotidiens, urgents et moins urgents, besoins qui sont sans cesse redéfinis en fonction des événements qui surviennent au fil de la journée. Ces objectifs diffèrent sur un paramètre fondamental : le temps. Alors que certains objectifs doivent être accomplis dans le présent, d’autres sont éloignés dans le temps des besoins du moi actuel, représentant des objectifs qui ont été accomplis dans le passé ou restent à accomplir dans le futur.

Des chercheurs se sont focalisés sur une région particulière du cerveau, l'hippocampe, en raison de son rôle dans la mémoire épisodique chargée de l'encodage, de la consolidation et de la récupération d'informations vécues en intégrant leur contexte émotionnel, spatial et temporel. Des images IRM de très haute résolution ont révélé que, lors de la récupération d'informations concernant des objectifs à atteindre dans le présent, l'hippocampe est activé dans sa région postérieure alors que lors de la remémoration d'objectifs passés ou à atteindre dans le futur, c'est la région antérieure qui est activée. Sur le plan comportemental, les objectifs pertinents pour les besoins actuels étaient traités plus rapidement que les objectifs passés et futurs temporellement éloignés. Les humains semblent former des constructions plus abstraites des entités distales que des entités proximales où le niveau de construction fait référence au degré de concrétude ou d'abstraction de la représentation mentale. 
D'une part, il n'est nullement question ici de libre arbitre dans le choix des priorités (tout est affaire de neurones hippocampiques) ; d'autre part, on peut s'inquiéter - même s'il s'agit du fruit de l'évolution - de la priorité des besoins urgents (fin du mois) sur les besoins futurs (fin du Monde). Ce qui devient politique au sens où ce n'est qu'en répondants aux besoins urgents (salaires / équité / redistribution des profits etc.) qu'il sera peut-être possible... de faire marcher au "mieux" notre hippocampe postérieur et d'éviter la catastrophe annoncée ? 

Finalement,"penser contre son cerveau" devrait faire partie de l'appareil critique qu'il faudrait enseigner au plus tôt dans les écoles de la République (sans injonction pour autant à tous devenir des neuroscientifiques). 

On en est loin.

Un témoignage de l'agrégé de philosophe Nathan Devers, même si je ne suis pas en plein accord avec sa disqualification des visions du monde, ne serait-ce que parce qu'il en a manifestement une, finalement assez proche de la mienne  :


... et la philosophe Eva Illouz nous invite à combattre la Madame Bovary qui est en nous (à l'insu de notre plein gré).



[1] « La Formation de l’esprit scientifique » - G. Bachelard - p. 282 - https://gastonbachelard.org/wp-content/uploads/2015/07/formation_esprit.pdf  et « Gaston Bachelard ou l’art de penser contre son cerveau » - https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-conversation-scientifique/gaston-bachelard-ou-l-art-de-penser-contre-son-cerveau-8814229

[2] Toutes les cultures dessinent l'espace d'un « surnaturel au sens large » (magie, sorcellerie, religion etc.). Les différentes religions et croyances surnaturelles ont souvent des descriptions et des doctrines contradictoires. Si le surnaturel était une réalité objective, on pourrait s'attendre à ce que les expériences et les descriptions concordent davantage. Des affirmations extraordinaires comme l’existence d’un surnaturel nécessitent des preuves aussi extraordinaires.... que nous n’avons jamais pu mettre en évidence.

[3] Darwin lui-même a pendant des années eu des doutes sur ce qu’il découvrait au et à mesure de ces travaux, tant ses conclusions mettaient drastiquement en cause les croyances de son temps.

[4] Deux objets de masses différentes lâchés simultanément dans le vide depuis une même hauteur atteindront le sol au même moment (Galilée). Or, ce n'est pas ce que la nature nous présente : quand elles sont lâchées de suffisamment haut, la boule de pétanque touche le sol avant la boule de billard - « La chute des corps expliquée par Etienne Klein » -  https://www.youtube.com/watch?v=dlDWHIX-c5M

[5] « Nature and nurture in own-race face processing » -  https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16466424/

[6] Notons que « les individus ayant plus d'expérience avec les autres races montrent plus de similitudes dans le traitement de leur propre visage et de ceux des autres races, tandis que ceux qui ont moins d'expérience montrent une plus grande disparité et une plus grande perturbation dans le traitement des visages des autres et des autres visages de sa propre race. » - https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2569819/

*Cerveau et psycho - Avril 2022

**"The hippocampus dissociates present from past and future goals" - https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC11156658/

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Injustice, inégalité... Un traitement simple : des probiotiques !

Dans un paradigme naturaliste (matérialiste), les idées, visions du monde, concepts philosophiques, lois sociales, décisions et choix etc. ne tombent pas d'un ciel spiritualiste mais sont les résultats provisoires de déterminants de toutes sortes, connus et bien souvent encore inconnus.

Quid du concept de justice dans ce cadre ? Émane-t-il d'un pur esprit détaché de toute influence "bassement matérielle" ? 

Nous savons que le "ventre" constituerait un second cerveau... Il est vrai qu'il existe de plus en plus de preuves du rôle du microbiote intestinal (bactéries intestinales principalement) dans la régulation du comportement socio-affectif chez les animaux. Des recherches antérieures sur des souris sans germes présentaient des déficiences sociales et une réduction des comportements anxieux. 

Des études ont montré que l'implantation du microbiote d'humains atteints de troubles du spectre autistique chez des souris les a amenés à afficher des comportements de type autistique dans une sorte de contagion surprenante... 

Par ailleurs, l'implantation des selles de patients dépendants de l'alcool a induit des déficiences sociales chez la souris, reflétant semble-t-il les difficultés affectives et sociales observées chez ces patients alcoolisés ! 

Des souris et des hommes : un même destin nous dirait Steinbeck ?

Cliquer sur le carré en bas à droite de l'écran vidéo pour la voir en plein écran

Dans ce cadre d'un comportement social qui pourrait être étroitement lié aux interactions intestin-cerveau, une étude récente** a testé les effets d'une intervention diététique avec des probiotiques (versus placebo) durant 7 semaines sur un comportement altruiste de punition sociale (= intérêt personnel pour pénaliser un comportement non conforme aux normes sociales = chacun a une aptitude à punir pour le bien commun) lors d'un jeu : l'Ultimatum Game***. 

"Les résultats ont montré que l'intervention a accru la volonté des participants de renoncer à une récompense monétaire lorsqu'ils sont traités injustement. Ce changement dans la prise de décision sociale était lié à des modifications des taux sériques à jeun de la tyrosine, précurseur de la dopamine, proposant un lien "mécanique" potentiel le long de l’axe intestin-microbiote-cerveau-comportement. Ces résultats améliorent notre compréhension du rôle bidirectionnel que jouent les interactions corps-cerveau dans la prise de décision sociale et des raisons pour lesquelles les humains agissent parfois de manière « irrationnelle » selon la théorie économique standard."

Ces résultats montrent pour la première fois un effet causal de la modification du microbiote intestinal sur le comportement de punition "altruiste" des humains. Ce résultat confirme donc la capacité du microbiote à influer sur des comportements complexes, sans doute via les composés chimiques qu’il libère dans l’intestin et qui gagnent la circulation sanguine, puis le cerveau.

Le concept d'injustice viendrait des tripes ? C'est sans doute un peu court mais la composante microbiotique intestinale semble - pour partie au moins - intervenir dans l'idée que l'on se fait de la justice et des choix... Et rappelons-nous que les juges sont plus cléments quand ils ont le ventre plein comme semble le montrer une étude... qui ne fait cependant pas l'unanimité****.

Un conseil : avant leur délibération, offrir aux juges et aux jurés un sandwich et 2 yaourts pourrait vous épargner quelques années de "taule"... peut-être.

Dans la rubrique "dis-moi ce que tu manges, je te dirai si tu vas tuer", un autre déterminant digestif peut surprendre : quelques études ont démontré que les aliments ultra-transformés sont nocifs pour la santé, y compris la santé mentale. Les aliments ultra-transformés sont des aliments et des boissons qui contiennent généralement de grandes quantités de sucre raffiné et/ou de graisses et/ou de sodium, contiennent de faibles quantités de fibres alimentaires et de composés phytochimiques naturels (tels que ceux que l’on trouve dans la matrice alimentaire minimalement transformée) et contiennent généralement des additifs tels que des émulsifiants, des exhausteurs de goût, des colorants et des fibres et antioxydants isolés qui ont été retirés de leur matrice alimentaire d’origine. Les aliments qui contiennent cinq de ces ingrédients ou plus sont généralement classés dans la catégorie des aliments « ultra-transformés ».

« Les régimes alimentaires riches en aliments ultra-transformés (et/ou riches en graisses/sucre) ont récemment été associés à la détresse mentale , à divers troubles mentaux, à l'impulsivité, à une moindre préoccupation pour les conséquences futures et à un comportement antisocial/agressif. Des études utilisant la neuroimagerie ont montré que les régimes alimentaires malsains sont associés à des volumes hippocampiques et cérébraux plus petits (...) Sur la base des preuves disponibles dans le domaine de la criminologie nutritionnelle, nous soupçonnons que les apports alimentaires contribuent aux vulnérabilités du comportement criminel (et les accentuent) d'une manière plus conséquente que celle actuellement appréciée dans le système de justice pénale» (The Intersection of Ultra-Processed Foods, Neuropsychiatric Disorders, and Neurolaw: Implications for Criminal Justice).

Ces éléments ont déjà été utilisés du point de vue pénal au USA : c’est l’affaire de la défense « Twinkie », une sorte de petit pain rempli de crème. Résumé : le 27 novembre 1978, Daniel J. White, un ancien employé mécontent de la ville de San Francisco, a utilisé une arme de poing pour blesser mortellement le maire de San Francisco, George Moscone, et le superviseur de la ville. Le procès de White s'est déroulé avec pour défense le concept de « capacité diminuée » - soit une déficience qui n'équivaut pas à la folie, mais qui est capable de supprimer la « préméditation » et d'autres états mentaux pouvant conduire au meurtre. En droit californien, l'accent était mis sur « la capacité mentale réduite, qu'elle soit causée par une maladie mentale, un défaut mental, une intoxication ou toute autre cause ». White encourait la peine de mort... mais il a été épargné grâce à cette « défense de capacité diminuée » : il souffrait certes de dépression... et également d'une alimentation malsaine (sucres++ et gras++ et Twinkies en particulier) qui contribuait à l’altération de son état mental. 

Ce régime alimentaire a été présenté comme un facteur de causalité dans sa cognition et son comportement meurtrier (https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/39483285/). 

Sortons du tube digestif pour aller du côté urinaire.
A l'insu de notre plein gré, et au delà de la malbouffe et des bactéries comme on vient de le voir, certains parasites sont capables de changer le comportement de leurs hôtes afin de favoriser leur propre propagation. C’est le cas de Toxoplasma gondii, agent de la toxoplasmose qui infecte de multiples espèces, mais qui ne peut accomplir son cycle de reproduction sexuée que dans l’organisme des félins. Par exemple, une souris ou un chimpanzé parasités sont attirés respectivement par l’urine de chat ou de léopard, s’exposant ainsi davantage à leur prédateur félin, pour le plus grand bonheur du parasite qui peut ainsi se reproduire. 

Chez l’Humain, ce parasite provoque des changements de comportement comme l’ont montré des chercheurs
[1]. Ce serait un vestige évolutif remontant à nos ancêtres communs avec les grands singes. Explication accréditée par une autre étude récente montrant que les humains parasités se mettent soudain à apprécier l’odeur de l’urine de chat ! De là à expliquer l’engouement pour les chats sur le web...

« Comment le parasite peut-il modifier le comportement d’organismes aussi perfectionnés que ceux des mammifères ? Selon certains travaux, il se logerait en préférence dans l’amygdale, une région cérébrale essentielle pour la réaction de peur et directement connectée au système olfactif. Lorsqu’un animal sain respire l’urine d’un prédateur, cette région s’active fortement et transmet l’information au reste du cerveau ; effrayé, l’animal évite alors le danger. C’est ce mécanisme que le parasite perturberait. »
En fait, la manipulation par un parasite est chose commune dans la nature[2]
Reste à faire un test sérologique en urgence pour savoir si nous sommes manipulés par l’une ou l’autre des bestioles en question... et mangeons sainement pour éviter la prison.

Quant au Libre Arbitre dans tout ça...

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* Sherwin - "Microbiote et cerveau social" - Science.366 - 2016 - https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31672864/

** "Impact of the gut microbiome composition on social decision-making" - - https://academic.oup.com/pnasnexus/article/3/5/pgae166/7667795

*** Etude classique d'économie comportementale dans laquelle les humains rejettent souvent les récompenses monétaires lorsqu'ils reçoivent une offre injuste. Plus précisément, un participant (le proposant) est doté d'une somme d'argent spécifique (par exemple 10 €) et offre une part de l'argent à un deuxième participant (le répondant), qui peut accepter ou rejeter l'offre. Si le répondant rejette l'offre, aucun des participants ne reçoit d'argent. Lorsque les participants ne jouent à ce jeu qu'une seule fois et avec un autre participant anonyme, il devrait être leur choix économiquement rationnel d'accepter toute offre supérieure à 0 €. Cependant, de nombreuses études montrent que les offres supérieures à 0 € mais perçues comme injustes (telles que 1 € ou 2 € sur 10 €) sont généralement rejetées en raison d'une punition altruiste. On observe dans la pratique que les joueurs refusent parfois les offres trop inéquitables parce qu’ils préfèrent encore une situation où tout le monde perd à une situation où certains gagnent beaucoup plus que d’autres.

****https://www.cambridge.org/core/journals/judgment-and-decision-making/article/irrational-hungry-judge-effect-revisited-simulations-reveal-that-the-magnitude-of-the-effect-is-overestimated/61CE825D4DC137675BB9CAD04571AE58

[1] Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive de Montpellier (CNRS UMR 5175)

[2] «12 effroyables parasites qui prennent contrôle du corps de leur hôte pour accomplir leur sombre dessein » - https://dailygeekshow.com/12-effroyables-parasites-qui-prennent-controle-du-corps-de-leur-hote-pour-accomplir-leur-sombre-dessein/ et Fatal Attraction in Rats Infected with Toxoplasma gondii

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Le peuple a-t-il toujours raison en démocratie ?

Question de bac philo ? Quid du vote des français en faveur du R Haine aux européennes en 2024 ?

Gagnons du temps : la réponse est évidemment NON ! Le peuple n'a pas toujours raison en démocratie !

Pas plus que l'individu, le peuple ne peut avoir toujours raison. Je ne parle pas ici de la foule qui prend d’assaut le Capitole aux USA...

... mais bien du "peuple" défini comme un ensemble d’individus vivant en société sur un territoire déterminé, qui partagent le plus souvent une communauté d’origine et présentent une homogénéité relative de civilisation.

Les exemples d'errances dramatiques dans les décisions des peuples sont légions. Sans vouloir cultiver à tout prix la tendance Godwin, les allemands en 1933 se sont bien fourvoyés démocratiquement ; les russes sont majoritairement pour la guerre (pardon, l'opération spéciale) en Ukraine etc. CQFD ! 

Mais non ! Je viens de vous manipuler : la réponse est évidemment OUI. Le peuple a toujours raison en démocratie !

Le peuple est souverain et a donc toujours raison... sur le moment, quitte à ce que la suite lui donne tort. Quelle serait la légitimité d'une élite quelconque (philosophe-roi dans la République de Platon) pour gouverner "raisonnablement" un peuple irrationnel ? Certes le peuple a dit non à 55 % au référendum de 2005, et une constitution européenne lui sera imposée deux années plus tard par "l'élite" du moment. Certes, le peuple voulait conserver la peine de mort que Robert Badinter a pourtant fort heureusement fait abolir. 

Mais plutôt qu'épiloguer - comme il conviendrait de faire dans une copie du bac - sur les subtilités inhérentes aux définitions de "peuple", raison" ou "démocratie", c'est le mot "toujours" qui pose problème dans la question. L'individu comme les peuples peuvent ici prendre les "bonnes" décisions, et là se tromper en étant par exemple manipulés (Brexit)... Mais le propre du manipulé est qu'il ne sait pas qu'il est manipulé. Et s'il se trompe, ce n'est pas sans causes, individu comme peuple. L'Histoire, les intérêts des uns, minoritaires mais puissants, s'accaparant au nom d'une pseudo liberté de la presse des chaînes de télé, des journaux, des maisons d'édition... soit autant de leviers pour "former" l'opinion contre les croyants d'une religion "étrangère", convaincre qu'il ne faut surtout pas toucher aux rentes de situation, aux héritages faramineux et à la méritocratie des privilégiés qui sont juste nés dans de "bonnes" familles.

Si l'on ajoute au passage que le vieillissement de la population n'est pas pour rien dans les convictions politiques droitières (besoin de plus de sécurité quand on se sent plus vulnérable...)*. Brefs autant de déterminants formant une "mauvaise" opinion provisoire en attente des conséquences nécessairement délétères qui agiront rétroactivement trop souvent après des dégâts irréversibles. Le peuple russe va pouvoir vérifier tout cela dans les années qui viennent ; et pas que le peuple russe. 

L'élite n'a pas toujours tort ou raison ; le peuple non plus. Seule la suite chaotique est juge de paix.

C'est ici que le paradigme dans lequel nous sommes - spiritualisme versus naturalisme - prend une place prépondérante dans l'analyse et la réponse à la question initiale comme aux autres d'ailleurs (voir https://illusionlibrearbitre.blogspot.com/2024/04/). 
Dans le cadre d'une idéologie matérialiste (naturalisme scientifique), il n'est pas question de "juger" la culpabilité d'un individu ou d'un peuple mais de travailler les déterminants à l'oeuvre pour placer au mieux le curseur de (sur)vie entre intérêt personnel - toujours présent - et intérêt collectif - toujours prégnant. Faim du mois versus fin du Monde.
Il est toujours inquiétant de voir le curseur se rapprocher un peu trop du côté intérêt personnel (groupe culturel compris) menant notamment au nationalisme identitaire, source de conflits divers, voire de guerre. 


Dans le petit jeu des différences entre les acquis sociétaux et politiques de la gauche versus la droite, on peut constater que les valeurs de gauche sont à l'origine :
  • Des droits sociaux, tels que le droit au logement, à l'éducation et à la santé pour tous, ainsi qu'un filet de sécurité sociale solide pour protéger les personnes défavorisées ou marginalisées ;
  • Des droits du travail, y compris un salaire minimum décent, des conditions de travail équitables et la protection contre le licenciement abusif ;
  • Des droits civils et libertés individuelles, telles que l'égalité des sexes, l'égalité raciale et ethnique, et la protection des minorités ;
  • De la protection de l'environnement et le développement durable, avec une attention particulière portée aux questions climatiques et à la préservation de la biodiversité ;
  • D'une approche progressiste en matière de justice pénale, axée sur la réhabilitation plutôt que sur la punition, avec opposition à la peine de mort.
De l'autre côté, les acquis sociétaux et politiques fréquemment associés à la droite comprennent :
  • Le libre marché et la limitation de l'intervention de l'État dans l'économie... afin de permettre de faire des affaires sans entrave (évasion dans les paradis fiscaux, pollution, profits illégitimes par effet d'aubaine, pillage des ressources communes...) ; 
  • Des baisses d'impôts - en faveur des plus riches principalement - et une réduction de la taille de l'État afin de renouer avec le bon temps du Far Ouest ;
  • Un accent mis sur la loi et l'ordre, y compris une position plus ferme contre la criminalité (autre que financière), avec plus de prisons et de punitions au lieu de modifier les déterminations sociales menant à la transgression sociale ;
  • Une vision traditionaliste de la famille et des rôles de genre... au mépris de la liberté de chacun que l'on devrait pourtant protéger tant qu'elle n'empiète pas sur celle des autres citoyens ;
  • Une méfiance à l'égard de l'immigration et une volonté de restreindre l'accès à certaines prestations sociales pour les immigrants... soit des atteintes constantes aux droits des humains que l'on espère déconsidérer en parlant des "droits-de-l'hommisme"**.

Notons au passage que les réformes sociales importantes promues par la gauche ne sont pratiquement jamais « détricotées » lorsque la droite reprend le pouvoir. Qui, de droite ou d’extrême droite, oserait revenir sur le droit au divorce, le droit de se syndiquer, le droit de grève, les congés payés, l’abolition de l’esclavage, la peine de mort, les lois sur la laïcité, l’IVG, la discrimination (ethnie, nation, race, religion), le PACS, le « mariage pour tous » etc. ? Il est toujours étonnant de voir que la droite récupère les avancées sociétales issues de la gauche qu’elle avait honnies et rageusement combattues quelques années plus tôt. Des responsables de droite comme Christophe Béchu, Gérald Darmanin, Damien Abad ou François Copé ont « regretté » dix ans plus tard de s’être opposés au « mariage pour tous ». C’est ce qu’on appelle l’effet « cliquet » dans la marche du progrès : les avancées sociales venues de la gauche politique et syndicale deviennent la normalité acceptée par la majorité des citoyens. De là à considérer que la droite - conservatrice et/ou réactionnaire - est un boulet qui entrave la marche du progrès...

La plupart des "valeurs" de droite - conservatrices voire réactionnaires - fournissent la base idéologique d'une frange de "dominants" souhaitant ardemment conserver leurs avantages acquis au cours de l'Histoire, auxquels se joignent des "dominés" effrayés par le progressisme des mœurs (divorces, athéisme, transgenres, LGBT, droits des homosexuels, des femmes, des minorités etc.). Nostalgie du triptyque travail / famille / patrie, soit la Révolution Nationale de Pétain considérant les juifs, les protestants, les étrangers, les francs-maçons comme des "mauvais Français". Mais l'époque a changé : ce sont maintenant les musulmans, les athées, les étrangers (là ça ne change pas !), les "gauchistes" qui menacent la grandeur de la France.

L'assise populaire de l'extrême droite se nourrit de la souffrance d'un peuple qui le mène à agir contre ses propres intérêts, guidé, encouragé par ceux qui - eux - ne souffrent pas du fait de l'héritage, du mérite supposé (mais illégitime en l'absence de libre arbitre), et qui sont à la tête de médias formant l'opinion dans leur sens. 
Mais le repli sur soi, "la France aux français", le nationalisme brun ou rouge-brun ne "valent" pas les efforts de coopération (l'altruisme est un égoïsme intelligent : https://illusionlibrearbitre.blogspot.com/search?q=prisonnier) et de solidarité qui sont au cœur de la survie, humaine comme animale. 

Et la démocratie est elle-même en jeu. Nous en serions réduits à souhaiter la moins pire des solutions politiques comme nous le dit en se bouchant le nez le philosophe Pierre-Henri Tavoillot qui se dit « libéral conservateur » :

"Si le RN arrive en tête, on ne peut exclure une mise en péril de l’État de droit [et mouche dans l'lait] la moins pire des solutions – qui reste mauvaise en soi, j’insiste – serait donc que le RN obtienne une majorité absolue...".*** 

Ce souhait, cette prise de position - qui plus est émanent d'une "figure d'autorité philosophique" - dans des moments politiquement tendus ne souffre pas l'approximation d'une fiction politique adoubant un R Haine soi-disant meilleur car moins pire. J'espère qu'il n'engage pas par ces déclarations  l'ensemble du Collège de Philosophie - dont il est l'actuel Président -, Collège qui gagnerait à le démissionner sur le champ.

Finalement, la question initiale n'a pas grand sens : nous ne sommes co-coupables de rien et co-responsables de tout.
Il ne sert à rien de chouiner : nous sommes tous embarqués comme disait Blaise Pascal. Nous sommes forcés à l'engagement, une action exigeante en termes de culture et d'énergie. 

Si l'on ne s'occupe pas de la politique, la politique s'occupe de nous.
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*« What Matters Most in Life? A German Cohort Study on the Sources of Meaning and Their Neurobiological Foundations in Four Age Groups » - https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8671042/

Esthétique, éthique et toc (TikTok ?)

Le narcissisme, la distinction, la réputation, une petite part d'hubris... sont au cœur de la "nature" humaine (pour peu qu'elle existe vraiment), probablement en lien avec la survie en groupe au cours de l'évolution. 

Il faut bien constater que la télévision, les réseaux sociaux et ses "filtres", TikTok et compagnie permettent d'exacerber cette tendance naturelle à fédérer virtuellement autour de soi un maximum de "followers" : regardez ce que je vais manger à midi, ma nouvelle coupe de cheveux, ma liposuccion, moi, moi, moi... quand ce n'est pas de l'ordre d'une exhibition intime. Un(e) gamin(e) harcelé(e) sur les réseaux en vient à se suicider plutôt que de fermer son compte. Dramatique déficit d'éducation.

La médecine et la chirurgie esthétiques sont fort heureusement là pour combler les souhaits d'adolescent(e)s dont on sait que le cerveau n'a pas fini son développement avant l'âge de 30 ans. La peau, les lèvres, les seins, les cuisses, le ventre, les hanches, le sexe... rien ne va. Le rapport taille sur hanche devrait approcher le chiffre magique de 0,7 pour une meilleure fécondité chez la femme ! Sans oublier le fameux nombre d'or (0,618...) censé gouverner l'harmonie physique (= les gènes sont donc bons), ce qui permet enfin de comprendre l'expression vintage du désespoir amoureux : "il (elle) ne m'a même pas calculé(e)". La calculette darwinienne que nous avons dans la tête est sensible au bug.

De quoi combler quelques médecins peu scrupuleux - et de plus en plus de non médecins - qui injectent des produits divers et variés, voire pratiquent des techniques "personnelles" sauvages qui n'ont fait l'objet d'aucune étude digne de ce nom. Quand on connaît les difficultés de demander des comptes dans le cadre de "ratages" du fait notamment d'une signature sur un contrat de consentement "éclairé" incomplet, ambigu, mais qui permet heureusement de se défausser devant le tribunal... Dramatique déficit d'éducation et démission des pouvoirs publics.

"Mais après tout, il existe aussi des techniques sérieuses, éprouvées. Puisque c'est possible, pourquoi ne ferait-on pas ?" 

Parce que pouvoir n'est pas devoir. On peut tuer son voisin mais on ne le fait (généralement) pas. 

Autant la chirurgie reconstructrice prise en charge financièrement par la communauté (SS) ne pose pas de problème d'éthique car il s'agit ici de retrouver une "normalité" autant qu'il est possible techniquement, autant la chirurgie et la médecine esthétiques n'existent que pour "améliorer" ce qui est statistiquement "normal" dans une société donnée. On veut être "mieux" que la moyenne afin d'augmenter ses chances de trouver un(e) meilleur(e) partenaire, un travail plus épanouissant, mieux payé... là où le choix vestimentaire et le maquillage semblent ne plus suffire. De fait, la médecine et la chirurgie esthétiques sont de mauvaises solutions à un vrai problème qui est de se sentir mal dans sa peau. Avant toute intervention esthétique, une consultation avec un psy afin de faire le point, voire dépister des pathologies comme la dysmorphopathie* ou un simple déficit d'estime de soi, devrait être obligatoire mais ne l'est pas. Dramatique déficit d'éducation et démission des pouvoirs publics.

Ce besoin d'amour, de reconnaissance, de réputation afin d'augmenter ses chances de survie dans le groupe va jusqu'à intégrer les injonctions sociétales du moment dans la fabrication artificielle d'un handicap (talons hauts instables, pieds bandés en Chine, corset comprimant la taille et limitant la respiration, prothèses de fesses gênant la position assise, voiture de sport montant à 220 sur des routes limitées à 110/130 km/h...) : c'est ce qu'on appelle le handicap de Zahavi (1975), un éminent ornithologue et biologiste évolutionniste israélien qui nous dit que...

« de nombreuses manifestations sexuelles, sinon toutes, mettent en danger leurs interprètes. Beaucoup d'entre eux semblent avoir été conçus spécifiquement à cet effet. »

Zahavi affirme que nous pouvons supposer que les femelles sont attirées par les parades sexuelles mâles parce que ces traits permettent aux femelles d'obtenir des partenaires de haute qualité et d'améliorer la qualité génétique de leur progéniture (voir Art, créativité, esthétique et naturalisme). En simplifiant, si un mâle est capable d’autant d’énergie pour bâtir un superbe nid, doté éventuellement d'un plumage très coloré (donc très visible pour un prédateur), et qu’il est toujours en vie... c’est que ses gènes sont performants. Autant de gages d’une excellente descendance = séduction assurée ! Il en va de même concernant la queue des hirondelles : on a pu vérifier que des queues postiches de plus grande longueur favorisaient la séduction des mâles chez qui on les posait. Chez l’animal, les exemples de ce type sont nombreux, laissant supposer que certaines caractéristiques physiques attirent les partenaires sexuels parce qu’elles sont paradoxalement encombrantes, voire dangereuses.

Creusons l'exemple cité précédemment un peu hâtivement. Chez l’homme, l’achat d’une voiture de sport de prix, n’ayant que deux places, un coffre minuscule, circulant à 220 km/h sur des routes limitées à 110 km/h (voire 80), d’une belle couleur rouge éclatante et difficile à piloter de préférence... montre à tous la richesse, la puissance du bonhomme qui ne peut qu’avoir d’excellents gènes pour arborer ainsi toutes ces simagrées censées attirer certaines partenaires. 

Une publicité (1993) mettait en scène ce beau rituel animalier :

« Il a l’argent, il a le pouvoir, il a la voiture, il aura la femme... Une belle voiture sert à montrer la beauté de son âme ! »

Rien que ça : la beauté de son âme ! Cette publicité fut rapidement interdite, tant elle était explicite d’un machisme bas du front (le mâle alpha peut s’avérer être un peu bêta). Parmi de nombreux exemples, la mode actuelle des tatouages pourrait s’interpréter de cette façon** (à l'exception de Philippe Caverivière que je mets - je l'avoue - arbitrairement hors concours ici).

Le voile intégral pour les femmes ne semble pas profiter aux intéressées dans un premier temps vu les handicaps associés, dont l’inconfort en plein été... En revanche, certaines (et certains) considèrent que c’est la marque d’une vertu bien plus précieuse que le « petit » handicap vestimentaire. Un réel atout de séduction pour celles et ceux « déterminés » à en voir l’intérêt...

Bref, nous sommes des animaux-humains présentant de sérieuses difficultés à basculer un peu plus du côté humain, soit une humanité qui pourrait peut-être prendre conscience de tous ses déterminants "utiles" à une époque, débiles actuellement..

Finalement, un problème de vulnérabilité individuelle traversée par un déficit d'éducation et de culture, encore, toujours.

*La dysmorphopathie, plus communément appelée dysmorphophobie ou trouble dysmorphique corporel (TDC), est un trouble psychiatrique caractérisé par une préoccupation excessive pour un défaut physique perçu. Les personnes atteintes peuvent être obsédées par une imperfection réelle, souvent mineure, ou imaginaire, et peuvent prendre des mesures extrêmes pour la cacher ou l’améliorer.

** https://www.pourlascience.fr/sd/psychologie/les-genes-du-tatoue-10613.php

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Pour aller plus loin : le livre "La dernière blessure" centré sur la notion du libre arbitre (illusoire)... en cliquant sur l'image ci-dessous

Combien de Mondes ? 8 milliards !

La génétique, l'épigénétique, le climat, la culture locale, l'Histoire... soit des centaines de milliers (millions ? milliards ?) de déterminants dans des proportions différentes d'un individu à l'autre, avant même la naissance.

Bref, chacun est unique dans sa perception du monde, ses valeurs, ses préoccupations pour la survie de lui-même, de son groupe, de ses croyances... 8 milliards de Mondes différents sur une seule Terre.

Comme l'exprime dans cette vidéo le psychologue et Prix Nobel d'économie qui vient de nous quitter Daniel Kahneman (mars 2024), nous sommes littéralement farcis de biais divers, préjugés trop souvent insurmontables, partis pris menant à l'injustice etc.


Et pourtant, il nous faut trouver un terrain commun acceptable pour tous... Nous ne pouvons pas continuer à nous affronter périodiquement ("guerre de territoire et/ou de civilisation"), à accepter la domination des tous par quelques-uns, à attendre que les autres fassent des efforts sur les émissions de CO2 avant de s'y mettre nous-mêmes etc.

Une utopie ou une question de vie et de mort ?
Mais la démocratie, l'abolition de l'esclavage, les droits de l'Humain - dont ceux des femmes - étaient des utopies il n'y a pas si longtemps, même si leur généralisation n'est pas totalement acquise pour l'instant. La coopération est en marche - malgré quelques soubresauts de trahisons ici ou là - car la survie est à ce prix comme le montre notamment le jeu du dilemme du prisonnier (https://illusionlibrearbitre.blogspot.com/2024/05/un-sacre-dilemme-pour-la-morale.html) et l'utopie serait de croire que l'on peut continuer comme ça sans remettre en cause nos croyances par défaut.

Tout semble se passer comme si chacun vivait dans son bunker culturel identitaire (religion / rituels / morale / valeurs du lieu et du moment...) avec quelques sorties punitives erratiques contre le bunker voisin. 


En poussant la métaphore, tous ces bunkers encerclent une place commune (agora ?) formée des besoins humains - et plus généralement du vivant -, d'une nécessaire coopération, d'une plus grande tolérance (sans tout tolérer)... soit le plus Grand Commun Diviseur (PGCD) des bunkers. D'après une étude des plus sérieuses (la mienne), 99,32 % des discussions dans les médias et les foyers concernant la "communauté humaine" (politique / économique etc.) sont du même niveau que les discussions sur les goûts et les couleurs.

Parlant de couleurs, prenons l'exemple de la "préférence nationale" (priorité nationale), concept  théorisé et promu par certains groupes politiques, notamment d’extrême droite ; soit une politique visant à donner la priorité aux nationaux d'un pays dans l'attribution de certains droits, prestations ou services, par opposition aux non-ressortissants. Cette politique peut s'appliquer à différents domaines tels que l'emploi, le logement, l'accès aux soins ou encore l'allocation de ressources financières afin de protéger - selon la droite -  la cohésion sociale et la stabilité politique du pays, lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale en limitant l'immigration économique, en freinant la course au moins-disant salarial et social et en incitant les employeurs à embaucher en priorité des travailleurs locaux...

Soit. Mais en accordant des traitements différenciés selon la nationalité, la préférence nationale crée des discrimination illégales, injustifiables et contraires aux principes garantis par les conventions internationales et les constitutions nationales. Du point de vue économique cette fois, certaines études* montrent que la restriction de l'immigration et la limitation de l'accès aux marchés du travail et du logement peuvent entraîner des pertes de productivité et de croissance économique, ainsi qu'une augmentation des prix et une baisse de la qualité des biens et des services proposés. En opposant les nationaux aux étrangers, la préférence nationale contribue à creuser les clivages identitaires et à alimenter les discours xénophobes et racistes, minant ainsi le vivre ensemble et la solidarité entre les citoyens.

Toujours cette question de la place du curseur entre d'un côté le "moi d'abord" (America first) et ma survie personnelle, et de l'autre l'égalité des droits humains et la survie du groupe : dilemme entre trahison et coopération si l'on se réfère au dilemme du prisonnier sus-cité. 
Et tout ceci est histoire d'idéologie car s'il existe 8 milliards de Mondes, il n'existe en fait que deux visions concurrentes possibles : la vision spiritualiste (idéaliste) et la vision matérialiste (naturaliste scientifique), chacune se déclarant légitime pour réguler l'agora commune (justice / économie / politique etc.). 

Ce qui revient à poser un question princeps à toute discussion : d'où parle-t-on quand on émet un avis, une conviction, une injonction normative ? Avez-vous souvenir d'un débat de fond sur le sujet ? Une émission ? Un article ?

C'est tout l'objet de la vidéo ci-dessous... avec une décision / responsabilité personnelle à prendre si l'on souhaite gommer en partie le défaut... de penser par défaut, ce qui engage parfois à devoir penser "contre son cerveau" ( voir https://illusionlibrearbitre.blogspot.com/2024_06_23_archive.html).