Wikipedia

Résultats de recherche

Traduction

Délibération, décision... des preuves de libre arbitre ?

on croit pouvoir faire intervenir un Libre Arbitre « réel » au moment de choisir, de décider de choses d’importance comme divorcer ou non, changer de travail ou non, acheter une maison etc. C’est ici que la délibération est la plus difficile, la plus longue, la plus risquée dans ses conséquences. C’est dans ce contexte de tension du fait des enjeux de survie au sens large que la notion de volonté prend tout son sens comme le souligne le professeur de neurosciences et de psychologie Antonio Damasio[1] :

« La volonté n'est qu'un autre nom pour l'idée de choisir en fonction des résultats à long terme plutôt qu'à court terme ».


La volonté existe ! Peut-elle être libre de toute détermination ?

Une idée qui « mérite » quelques réflexions : on ne peut pas penser quelque chose avant d'y penser. Combien de fois a-t-on pu se dire : « mais pourquoi n’y ai-je pas pensé plus tôt » ? Tout simplement parce qu’on ne choisit pas librement les idées qui nous viennent à l’esprit. Nous ne faisons que constater leur irruption. Si les idées font irruption sans contrôle, si ce matériau idéique avec lequel nous pesons le pour et le contre dans la délibération décisionnelle est d’origine inconsciente, non libre, comment peut-on affirmer que la pondération finale devrait être elle-même « libre » ?

Et il ne faudrait pas oublier dans cet inventaire de déterminants à la Prévert  tout ce qui est désirs, pulsions, affects, peurs, passions plus ou moins répressibles. La balance mentale se fait alors entre les « pour » et les « contre » telle décision, tel comportement. 

Sans prendre pour exemple le choix majeur lors de la dernière guerre entre résistance, neutralité[2] et collaboration, prenons une situation plus récente non dénuée de conséquences importantes - suite à la COVID notamment - comme celle d’une alternative possible entre garder son emploi urbain ou partir vivre à la campagne, loin des virus... 

Dans les arguments « pour la campagne » : vie plus saine, plus authentique, contact avec la Nature etc. Mais pari risqué du point de vue professionnel, éloignement des repères familiaux, amicaux... On pèse d’un côté et de l’autre, en donnant à chaque critère un certain poids qui fluctue au cours de la réflexion qui dure d’autant plus longtemps que la décision est perçue comme grave : on ne veut rien oublier d’important qui pourrait fausser à terme notre jugement. Le calcul final est censé donner la décision la plus « rationnelle », bien que l’affect ne soit jamais très loin : le désir de campagne peut être en rapport étroit avec le souvenir des merveilleuses vacances estivales passées chez papy et mamie ! Mais au fait, suis-je vraiment libre de ce qui ne me vient pas à l’esprit comme argument pour ou contre à mettre dans la balance ? Combien de fois a-t-on pu se dire qu’on aurait fait un autre choix si telle pensée était parvenue à la conscience au moment crucial ? Est-on « coupable » de ne pas avoir pensé à tel critère de jugement ? Quel est le poids, dans mes décisions, des « variables cachées » comme on dirait en physique quantique ? Et serait-on « coupable » de notre « non conscient » ?

L’attribution du « poids » de ces différents critères - en tout cas ceux qui viennent à l’esprit (plus précisément le cortex orbitofrontal, support de notre système de valeurs) - est intimement liée au passé de chacun ; passé unique, singulier. Je peux donner un poids positif de 5 au critère « vie plus saine pour élever mes enfants » loin des virus citadins et de la pollution, mais 12 en négatif au critère « je vais devoir changer de métier »... ou seulement 2 à ce même critère si je peux travailler en visioconférence ! Et lorsque nous ne savons pas encore ce que nous voulons, c’est parce que nous ne voyons pas vers où nous penchons le plus ; au point de jouer (rarement) la décision à pile ou face, en désespoir de cause. Une pincée d’indéterminable (hasard) pour déterminer l’indéterminable.

Plus généralement, lors de la prise de décision parmi plusieurs alternatives possibles, il semble bien que le cerveau utilise des modèles statistiques de type bayésien comme le montre le neuroscientifique Stanislas Dehaene[3] pour évaluer les conséquences potentielles de chaque action, en fonction des informations disponibles et des objectifs à atteindre. Par exemple, si on doit choisir entre deux restaurants, le cerveau va estimer la probabilité que chacun soit satisfaisant, en tenant compte de ses préférences, de ses souvenirs, des avis d’autres personnes, etc. Il va aussi prendre en compte les coûts et les bénéfices associés à chaque option, tels que le prix, la distance, le temps d’attente... Le cerveau va ensuite pondérer, comparer ces estimations et sélectionner l’action qui maximise son utilité espérée. Un « simple » calcul, plus ou moins urgent selon les situations, à partir des déterminants connus, sans LA « réel ». Quand nous délibérons, c’est sur ce que l’on va faire, pas sur ce que l’on va vouloir !

Et la plupart du temps, nous n’avons évidemment pas en tête la totalité des déterminants à l’œuvre dans nos décisions, quitte à bidouiller notre propre logique. Pour Freud :

« Une formation intellectuelle nous est inhérente, qui exige de tous les matériaux qui se présentent à notre pensée un minimum d’unité, de cohérence et d’intelligibilité; et elle ne craint pas d’affirmer des rapports inexacts, lorsque, pour certaines raisons, elle est incapable de saisir les rapports corrects » (Totem et tabou 3 , 1913, p. 111).

On ne connaît pas l’avenir comme le rappelle Petit Gibus de la « Guerre des boutons » : « si j’aurais su, j’aurais pas v’nu »... Œdipe tue son père, épouse sa mère, en toute méconnaissance de cause. Mais le « destin » et le « fatalisme » n’existent pas pour autant dans un monde déterministe imprévisible puisque chaotique. Et rien n’est écrit dans un grand livre englobant passé, présent et avenir.

Comme conclut fort chrétiennement le philosophe Cyrille Michon :

« Si le choix est libre, il doit être inexplicable ».[4]

On ne peut être plus clair sur la nécessité d’un « acte de foi » pour croire au Libre Arbitre ; mais on est plus proche ici d’une apologie aporétique que d’un argument apodictique* ! Je plaisante. Si l’on trouve quelques explications, quelques déterminants de nos choix, c’est bien que ce choix n’est pas si « libre » que ça. Et si l’on ne trouve pas d’explication, ceci ne prouve pas pour autant la liberté du choix : notre méconnaissance (provisoire ?) des mécanismes d’un phénomène naturel n’est en rien la porte ouverte au surnaturel. Et que dire lorsqu’on vient de faire quelque chose sans comprendre pourquoi on l’a faite, ce qui arrive un jour ou l’autre, souvent avec l’âge qui avance...

Quand le docteur en neuropsychologie Philippe Allain aborde la « mécanique » de nos choix et prises de décisions, il en précise plusieurs formes dont la prise de décision « sous risque » et la prise de décision « sous ambiguïté », sans jamais faire intervenir un quelconque LA « réel »[5].

Le neuroscientifique Mathias Pessiglione résume ainsi le processus de motivation/décision, sans faire appel à une « volonté libre » : notre expérience subjective du libre arbitre est souvent biaisée par notre incapacité à percevoir les processus cognitifs inconscients qui ont précédé notre prise de décision. Notre cerveau génère une « illusion rétrospective » dans laquelle nous avons l'impression d'avoir choisi consciemment une option parmi plusieurs, alors que notre décision a déjà été influencée par des facteurs préexistants[6].

Le concept de prise de décision semble plus accessible d’un point de vue expérimental en neuroscience plutôt qu’un Libre Arbitre qui ressemble à une entité fantomatique. Selon les neuroscientifiques spécialistes de la décision Abbas Khani et Gregor Rainer[7], la prise de décision...

« est un comportement adaptatif qui prend en compte plusieurs variables d’entrée internes et externes et conduit au choix d’un plan d’action plutôt que d’autres alternatives disponibles et souvent concurrentes ».

On retrouve l’idée d’inférence statistique Bayésienne précédemment évoquée concernant le « calcul » algorithmique cérébral de la prise de décision.

Notons que nos idées ont quelque chose à voir avec nos sens et nos expériences passées. Ces idées apparaissent et s’associent en formant un chapelet pratiquement ininterrompu le jour, et jusque dans nos rêves la nuit. Ainsi, dans le cas d'une personne aveugle de naissance, les images dans les rêves ne sont pas basées sur des souvenirs visuels qu’elle ne peut avoir, mais plutôt sur des sensations, des émotions et des concepts abstraits. Une personne aveugle de naissance peut rêver de se déplacer dans un environnement, mais ses sensations seront basées sur des sens comme le toucher, l'ouïe ou l'odorat, c’est-à-dire ce qu’il connait ; il ne peut « inventer » des images dans ses rêves inconscients du fait qu’il ne sait pas ce que c’est de « voir » d’un point de vue phénoménal. Où l’on voit bien, ici comme partout, le continuum de déterminants auquel rien ne peut échapper.

Pour finir, deux spécialistes en neurosciences nous parlent des interactions entre raison et émotions dans nos prises de décision, sans aucune trace de libre arbitre ontologique.

Cliquer sur le carré en bas à droite des vidéos pour agrandir l'écran.


________________________________________________________

Et pour aller plus loin, le livre "La dernière blessure" centré sur la notion du libre arbitre (illusoire)... en cliquant sur l'image ci-dessous


*Autrement dit, la position exposée est loin d'être claire et indiscutable ; elle est au contraire empreinte d'incertitudes et d'ambiguïtés

[1] « L'Erreur de Descartes » - 1994 - https://journals.openedition.org/osp/748

[2]  Le philosophe Vladimir Jankélévitch a fustigé l’inaction durant la seconde guerre mondiale de ses collègues Sartre et Merleau-Ponty (« Merleau-Ponty, ce n'est vraiment rien du tout ! Un petit caractère »)

[3] « Le cerveau statisticien : La révolution Bayésienne en sciences cognitives » - Stanislas Dehaene - https://www.youtube.com/watch?v=Q0AO6GmqzSQ et https://www.youtube.com/watch?v=91INXTG4-uY et généralités : « Inférence bayésienne » - https://fr.wikipedia.org/wiki/Inf%C3%A9rence_bay%C3%A9sienne

[4] « Qu’est-ce que le libre arbitre » - p. 122 - 2011- VRIN

[5] « La prise de décision : aspects théoriques, neuro-anatomie et évaluation » - https://www.cairn.info/revue-de-neuropsychologie-2013-2-page-69.htm

[6] « Subliminal Instrumental Conditioning Demonstrated in the Human Brain » - 2008 -https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2572733/  et “Les Vacances de Momo Sapiens : notre cerveau entre raison et déraison  » - 2021 - Odile Jacob

https://www.google.fr/books/edition/Les_Vacances_de_Momo_Sapiens/EZAmEAAAQBAJ?hl=fr&gbpv=1&printsec=frontcover

Théorème du libre arbitre

Les mathématiciens John Conway et Simon Kochen ont publié en 2006 (actualisé en 2009) « le théorème du libre arbitre » (« The Free Will Theorem ») qui s’appuie sur trois axiomes liés à la mécanique quantique et à la relativité. Sur la base de ces axiomes, les auteurs démontrent que si un expérimentateur dispose du libre arbitre (LA), alors toutes les particules de l’Univers disposent également d’un libre arbitre[1]

C’est la loi du tout ou rien : ou un LA « réel » ne peut pas exister, ou chaque parcelle de l’Univers en dispose... 

Ce libre arbitre étant le fondement même de la culpabilité (car on aurait pu faire autrement que ce qu'on fait) et de la punition, reste à savoir comment traîner en justice des photons coupables d’un mélanome, un volcan irascible, un chien renversant un cycliste... Une sorte de démonstration par l’absurde que la volonté libre, propriété « exclusive » de l’Humain, est une totale ineptie.

Certains ont remis en cause les résultats de Conway et Kochen :

« Dans la manière dont le théorème du libre arbitre est formulé et démontré, il ne concerne que les modèles déterministes (...) et non les modèles stochastiques (càd calcul des probabilités) »[2]

Ce à quoi les auteurs du théorème font cette réponse cinglante :

« Certains pensent que la seule alternative au déterminisme est l’aléatoire de la théorie des probabilités et ajoutent pourtant qu’autoriser l’aléatoire dans le monde n’aide pas vraiment à comprendre le libre arbitre. »

Pour en revenir à notre théorème du LA, les particules, les rochers, les bactéries, les fourmis, les lions, les humains... auraient un libre arbitre entier, ou n’en auraient pas du tout ! De quoi en rabattre quelque peu concernant notre arrogance d’Homo Sapiens envers la fourmi.

En résumé, 3 possibilités :

1) univers déterministe : le cerveau animal - comme celui de l'humain - est constitué de neurones, neuromédiateurs, flux électriques le long des axones etc., le tout obéissant aux lois déterministes (causes => conséquences) de la nature, et le libre arbitre "réel", ontologique ne peut exister. La volonté elle-même est le résultat d'événements antérieurs remontant... au Big Bang (ou tout autre commencement, si commencement il y a eu...).

2) univers indéterministe, soumis aux aléas, au hasard "pur" : pour le cerveau animal - comme pour celui de l'humain - certaines molécules impliquées dans la transmission des signaux nerveux, comme les neurotransmetteurs, pourraient exister dans des superpositions quantiques de plusieurs états simultanément jusqu'à ce qu'elles soient mesurées (c'est-à-dire jusqu'à ce qu'une synapse soit activée ?). Cela permettrait aux neurones de traiter plusieurs informations en parallèle plutôt que séquentiellement, offrant ainsi un potentiel d'accélération du traitement de l'information et de résolution de problèmes complexes. Malheureusement, une idée peu viable du fait que les systèmes quantiques ont tendance à se désintégrer rapidement lorsqu'ils interagissent avec leur environnement (décohérence quantique). Il serait très difficile de maintenir des états quantiques cohérents dans le cerveau, compte tenu de sa complexité et de son interaction constante avec l'environnement, sans compter la chaleur (37°C) peu propice au phénomènes quantiques. Par ailleurs, il n'existe pas de cadre théorique solide permettant d'expliquer comment les processus quantiques pourraient avoir un impact significatif sur le fonctionnement global du cerveau ; sans oublier le vide absolu côté preuve expérimentaleDes études suggèrent plutôt que les propriétés statistiques des réseaux de neurones peuvent s'expliquer entièrement par des modèles classiques sans recourir à la mécanique quantique. In fine, quel rapport entre un libre arbitre permettant théoriquement de décider en conscience et un processus de hasard pur ne donnant plus aucun sens à une délibération du sujet ?

3) univers mixte mélangeant déterminisme et indéterminisme : mais dans quelles proportions
Un mixte fixe (30 % de détermination + 70 % de hasard "pur"... ou l'inverse) ? 
Ou bien en fonction de la situation avec des proportions changeantes, aléatoires, selon que l'on choisit de se reposer ou de tuer son voisin ? Ce qui ressemble fort à la position philosophique "compatibiliste" qui fait se côtoyer déterminants et hasard dans des proportions jamais précisées ; pour cause. Cette position compatibiliste est dominante dans notre société et s'exerce tous les jours notamment dans le domaine de la justice. Ce qui n'est pas sans poser des problèmes éthiques insolubles : ce dealer de banlieue, combien d'années de prison en proportion de sa "quantité" / "qualité" de LA (culpabilité), desquelles il faudrait retrancher ses déterminants éducatifs délétères d'origine ? Ce qui donne finalement... l'âge du capitaine, ou de son second ou ... (voir Les expertises psychiatriques).

Sur le fond : si le déterminisme strict n’autorise pas le LA, pas plus que l’indéterminisme strict (alea) ou même le mélange des deux, que reste-t-il pour croire à un libre arbitre « réel » à part une obsession axiomatique d’entités surnaturelles agissantes ? Ne reste que la première hypothèse - pas de libre arbitre "réel" possible - si l'on souhaite garder un peu de cohérence.

Au passage, remarquons qu’un certain indéterminisme peut être réfuté dans des cas précis, par exemple chaque fois que la science découvre un déterminisme inconnu auparavant. Les tempêtes, les ouragans et autres phénomènes météorologiques violents étaient généralement attribués à l'intervention directe des dieux , mais les sciences de l'atmosphère ont progressivement démystifié ces phénomènes en termes de pressions, vents et courants marins. Mais l’expérience montre que, pour des raisons psychologiques ou idéologiques, dès qu’une forme de déterminisme a été mise à jour par la science, on fait resurgir dès que possible l’indéterminisme ailleurs, dans l’un quelconque des « asiles de notre ignorance » où résident probablement les dieux. Comme l’écrit le médecin, biologiste et philosophe Henri Atlan[3] :

« Tant qu’il reste un “trou” dans le déterminisme, on s’y accroche en y voyant le fondement métaphysique de notre liberté humaine. »

Mais en fait, de l’indétermination apparente, on ne peut jamais conclure à l’indétermination réelle car il faudrait pour cela pouvoir exclure la possibilité de variables explicatives encore inconnues, cachées, ce qui est impossible. Et plus on explique par la méthode scientifique des phénomènes jusqu'alors inexpliqués, plus le spiritualisme (conscient ou non) déplace ses exigences de « preuves » matérialistes / naturalistes sur des phénomènes non encore expliqués, repoussant toujours un peu plus la frontière entre connu et inconnu, et ce probablement à l’infini puisque, très probablement, nous ne saurons jamais « tout ». 

Soit une objection bien pratique des spiritualistes... mais irrecevable.

Autre exemple : Alain Aspect dans une expérience de physique quantique a bien mis en évidence le phénomène d’intrication qui consiste à ce que deux particules partagent un état quantique commun, même si elles sont séparées par une grande distance. Cette expérience démontrant la non séparabilité quantique a eu des conséquences philosophiques importantes : elle a remis en question certaines notions classiques de la physique, comme la causalité, la localité et le réalisme puisque deux particules intriquées peuvent influencer instantanément leur état respectif, sans qu’il y ait de signal ou de mécanisme qui les relie. Ce qui viole la notion de localité car il y a une action à distance qui dépasserait la vitesse de la lumière, ce qui paraît impossible dans l'état des connaissances actuelles en physique. Enfin, ce résultat semble violer également le « réalisme », car il n’y a pas de réalité préexistante à l’observation. Certains y ont vu une preuve de l’existence d’une réalité cachée ou d’une dimension supplémentaire ; d’autres une manifestation de la conscience ou du libre arbitre ; d’autres encore une limite de la science ou une invitation à la métaphysique... En fait, un vrai test de Rorschach[4] qui parle plus de celui qui interprète que du dessin lui-même. 

Il serait peut-être urgent d’attendre d’en savoir un peu plus avant de rétablir Dieu dans tous ses attributs, dont la physique quantique et sa réalité non-locale ! 

Alain Aspect lui-même reste circonspect concernant ces extrapolations...

Pour le plaisir : quelques lumières sur le merveilleux monde quantique :



[2] « What Does the Free Will Theorem Actually Prove? » - https://www.ams.org/notices/201011/rtx101101451p.pdf

[3] « La liberté est un acquiescement actif et joyeux à la nécessité » - http://grit-transversales.org/archives/revue/001/pdf/dossier.pdf et « L’auto-organisation selon H. Atlan » - https://marzat-informatique.fr/sarlmedia/atlan4.mp3

[4] Test psychologique qui consiste à présenter au sujet une série de planches comportant des taches d’encre symétriques et ambiguës, en lui demandant ce qu’il y voit. Le but est d’analyser les associations d’idées, les sentiments, les fantasmes, les conflits ou les mécanismes de défense du sujet, en fonction de ses réponses.

______________________________________________

Et pour aller plus loin, le livre "La dernière blessure" centré sur la notion du libre arbitre (illusoire)... en cliquant sur l'image ci-dessous


Art, créativité, esthétique et naturalisme

Pour la plupart des artistes, il ne peut y avoir de déterminisme dans leur inspiration, leurs créations qui ne peuvent de toute évidence pas être "trivialement" le fruit de réactions physiques ou chimiques : l'Art est pour eux d'une autre nature. Ils sont le plus souvent de fervents partisans du libre arbitre et s'emportent facilement s'ils sont confrontés à des arguments contraires comme ceux du naturalisme, une sorte d'injure à leur liberté et leur talent.

Pourtant, comme l'écrit le philosophe Miguel Espinoza : 

« La créativité (...) et l’imagination signifient un commencement nouveau de l’activité consciente. Mais il ne faudrait pas tomber dans le travers, assez courant, de considérer ce nouveau commencement comme un départ absolu - rien ne vient de rien. L’imagination n’est pas un commencement absolu de la conscience mais sa capacité à combiner inconsciemment ou consciemment, d’une nouvelle manière, les éléments qu’elle maîtrise ou qui la conforment. »

Ce qui semble évident pour Salvador Dali :

 "Ceux qui ne veulent rien imiter ne produisent rien."


Les activités mentales dans le domaine de la création artistique, au même titre que la philosophie, les sciences etc. sont des produits du cerveau dans le cadre de l’évolution. Ce que l'on peut mettre en évidence dans des expériences comme celle-ci : le musée Mauritshuis de La Haye a présenté les résultats d’une recherche en neuroscience menée sur son chef d’œuvre “La Jeune Fille à la Perle” de Vermeer. Cette étude récente montre que regarder un "vrai" tableau au Mauritshuis active le cerveau différemment par rapport à une reproduction du même tableau. La réaction émotionnelle du spectateur est dix fois plus forte lorsqu’il se trouve face à face avec le tableau dans le musée. Les chercheurs ont utilisé des électroencéphalogrammes (EEG) pour révéler que les œuvres d’art réelles, dont “La Jeune Fille à la perle”, suscitent une réaction positive puissante bien supérieure à celle des reproductions. Le secret de l’attraction de la « Fille » repose également sur un phénomène neurologique unique. Contrairement à d’autres peintures, elle parvient à « captiver » le spectateur, dans une « boucle d’attention soutenue ». Comme pour la plupart des visages, les visiteurs regardent d’abord les yeux et la bouche de la Fille, mais leur attention se déplace ensuite vers la perle, qui ramène ensuite l’attention sur les yeux et la bouche, puis sur la perle, et ainsi de suite. Un autre résultat frappant de l’étude est le fait que, lorsque quelqu’un regarde la Fille, c’est le précunéus qui est de loin la partie la plus stimulée de son cerveau (le précunéus est impliqué dans le sens de soi, l’introspection et les souvenirs épisodiques) Réf.


Mozart ne pouvait pas créer sa musique au paléolithique : il fallait tous ses « ancêtres » musiciens pour en arriver là. L’art a également une histoire, avec ses déterminants propres. Par exemple, après l’art pictural académique survient l’impressionnisme - non sans mal d’ailleurs -, accompagné par des inventions qui montrent l’interconnexion entre les différentes activités humaines comme l'invention du tube de peinture souple par l'industrie à partir du milieu du XIXème siècle, le train qui permet de se rendre à la campagne... ce qui a permis à de jeunes peintres parisiens de sortir des ateliers pour peindre en plein air et saisir l'instant, la lumière. 

Le développement de la technique photographique à la même époque remet en cause ce qui jusqu'alors avait été l'une des fonctions principales de l'art : la représentation la plus fidèle possible de la réalité. Ces éléments, et d’autres, ont amené les impressionnistes à explorer d’autres sujets, d’autres façons de peindre qui privilégient la vision de l'artiste, son impression face au réel, et non la simple description « photographique » du réel. Un Monet au XVème siècle est improbable, et de toute façon nullement en adéquation avec ce qui était attendu d’un peintre à cette époque. Il a peut-être ouvert la voie à l’abstraction du fait de ses problèmes de cataracte[1], un déterminant dont il se serait bien passé. Un peintre cubiste au XIIIème siècle ne serait qu’un enfant ou un fou ; pas un Picasso. Faire écouter Mozart à des peuples "premiers" n'aurait peut-être pas grande signification pour les membres de ces communautés qui n’ont pas le contexte culturel musical préalable pour apprécier ce type de musique. Il serait bien difficile d’interpréter objectivement leurs réactions et l'on ne peut affirmer qu'il existerait une transcendance esthétique musicale universelle devant laquelle on devrait se prosterner. 

Je connais même un dissident qui préfère Salieri à Mozart : c'est dire !

On peut également voir l’art comme une fonction sociale complexe comme le proposait magistralement le sociologue Pierre Bourdieu :

« La pratique culturelle sert à différencier les classes et les fractions de classe, à justifier la domination des unes par les autres. »[2]

Le bon goût, le mauvais goût, le dégoût du goût des autres[3]... plus généralement, la culture, comme le reste du vivant, semble obéir aux mêmes exigences de l’évolution Darwinienne[4], et individuellement, de la classe sociale. 

Pour Pierre Bourdieu :

« Le privilège du sociologue, s’il y en a un, n’est pas de se tenir en survol au-dessus de ceux qu’il classe, mais de se savoir classé et de savoir à peu près où il se situe dans les classements. À ceux qui, croyant s’assurer ainsi une revanche, me demandent quels sont mes goûts en peinture ou en musique, je réponds - et ce n’est pas un jeu - : ceux qui correspondent à ma place dans le classement. »[5]

Un exemple très personnel : le tableau ci-dessous du peintre Bruno TESSIER* est « horrible » pour une frange de la population, mais terriblement parlant pour moi : c’est le spectateur qui "fait aussi" le tableau. 

*Bruno TESSIER sur Instagram

En l’occurrence, j’y vois le petit enfant rose que l’on reste tout au long de sa vie, quoiqu’on en dise, avec les égratignures plus ou moins profondes (sous forme d'agrafes) que tout enfant a connues.
Cet enfant doit porter, tel Atlas portant le Monde, une tête d’adulte avec ses propres souffrances et celles du Monde (maladies, guerres, massacres divers...). Le tout sur un fond cosmologique goudronneux de physique classique mâtinée de quantique, soit autant d’impossibilité de connaître et de comprendre réellement ce que nous faisons là...

Pour moi, voici l’Homme (Ecce homo).

Et le cadre doré n’est pas arbitraire : il fait référence (toujours pour moi seulement peut-être) au contraste entre les conventions d’encadrement classique mettant en valeur des scènes bibliques ou autres sujets convenus et un contenu qui renvoie intensément aux questions de la connaissance, de la métaphysique et de l’humilité qui devrait être la nôtre.

Le naturalisme scientifique ne sous-entend pas que seule la science est digne d’intérêt et que les autres activités, dont les arts, seraient inutiles ou futiles. 

Esthétique ou non, tout plaisir comme celui de déguster un croissant chaud dans un bol de chocolat au lait est essentiel, évidemment. Nul besoin d’analyser les particules élémentaires du croissant à cet instant, mais elles sont bien là. Nul besoin d’analyser au microscope les pigments du tableau « Salvator Mundi » pour en apprécier la beauté mystique, à moins de vouloir vérifier qu’il est bien de Léonard, ce qui est un autre sujet, scientifique cette fois ! La beauté du monde s'impose à notre sensibilité mais elle est sérieusement mise en doute en cas de maladie, de handicap, de deuil, de catastrophe.

En tout cas, la production artistique humaine n’est pas en lien avec une transcendance quelconque, ni un argument contre le matérialisme comme certains voudraient nous le faire croire. Il suffit de voir ce que certains oiseaux sont capables de faire du point de vue fonctionnel et esthétique pour s’en convaincre...

La beauté et l’architecture du nid construit par le mâle est une indication précieuse intervenant dans le choix de la femelle en montrant la capacité du mâle à construire un abri solide, confortable et sécurisé pour la reproduction et la sauvegarde des oisillons. Un « beau » nid peut protéger les œufs et les jeunes des intempéries, des parasites et des prédateurs, attestant la santé, l’intelligence et la créativité du mâle ; soit autant de qualités recherchées par la femelle. 

Mais pourquoi des objets en plastique de couleur bleu ? Peut-être parce que cette couleur est assez rare dans la nature. Ce qui est rare est cher ! Une façon de montrer ses compétences, sa capacité d'investissement, sa "distinction" comme nous dirait le sociologue Pierre Bourdieu... Ainsi, l’esthétique d’un nid peut être considérée comme un "signal honnête" de la qualité génétique du mâle, ce qui augmente ses chances d’être choisi par la femelle et de transmettre ses gènes à la génération suivante : c’est ce qu’on appelle la sélection sexuelle, un mécanisme évolutif qui favorise l’apparition et le maintien de certains traits dans le cadre de la reproduction. 

On retrouve chez l’humain cette même tendance naturelle, mais à un plus haut degré de sophistication : tous les ados mâles savent bien qu’il est important de chanter en s’accompagnant à la guitare pour séduire une belle ou un beau. 

L’artiste en herbe semble - peut-être à tort - beaucoup plus intéressant qu’un(e) étudiant(e) en comptabilité qui ne joue pas de la guitare. 

Seul l'avenir le dira, de façon chaotique...

Pourquoi l'Art ? 
Peut-être parce que le monde n'est pas parfait !
_________________________

[2] « La Distinction » - 1979

[3] « Bacri vs Bourdieu : le (dé) goût des autres » - VIDEO Youtube https://www.youtube.com/watch?v=bz_P7Rz7K5g

[4] On pourrait considérer que le « passage de relais » culturel d’une génération sur l’autre serait plutôt de type Lamarckien, beaucoup plus rapide que la lente évolution Darwinienne, grâce notamment aux neurones miroirs - cf. « The neurons that shaped civilization » - https://www.ted.com/talks/vilayanur_ramachandran_the_neurons_that_shaped_civilization

[5] « Questions de sociologie » - 1980 - Les Editions de Minuit -https://monoskop.org/images/4/47/Bourdieu_Pierre_Questions_de_sociologie_2002.pdf

__________________________________

Pour aller plus loin : le livre "La dernière blessure" centré sur la notion du libre arbitre (illusoire)... en cliquant sur l'image ci-dessous

Steven Pinker nous explique le libre arbitre... mais mal

Steven Pinker est un psychologue cognitif, linguiste et vulgarisateur des sciences canado-américain.
Il nous affirme que le libre arbitre (LA) existe, que ce n'est pas un miracle, qu'il n'y a pas de fantôme dans la machine, que les preuves scientifiques ne soutiennent pas la croyance dans une divinité interventionniste ou dans un quelconque surnaturel (il est donc athée) ... mais qu'il existe tout de même, ce libre arbitre, cette volonté libre de l'humain...
Regardez ci-dessous la vidéo* sous-titrée précédant quelques commentaires concernant des approximations et incohérences dans les propos de Pinker... qui se veut pourtant des plus rationalistes. 
Ce type de discours est malheureusement assez habituel chez ceux qui renient, la main sur le cœur, tout surnaturel, avant d'en faire la promotion dans le cadre du libre arbitre. 
Pour eux, Dieu est mort (bien qu'il convulse encore : voir Dieu est mort mais le cadavre convulse), mais le libre arbitre est sauf...

Cliquer sur le carré en bas à droite de l'écran vidéo pour voir en plein écran


Commentaires :
Donc pour Pinker, ce libre arbitre ne défie pas les lois naturelles et les relations de cause à effet. Il différencie pourtant fondamentalement - alors que c'est de même nature pour un naturaliste - le réflexe rotulien "mécanique" en opposition au choix du dîner qui, lui, nécessite un processus délibératif plus lent et plus complexe convoquant, selon le cas, mémoire, faim, objectifs, environnement, attentes et jugement des autres etc. Le tout de manière chaotique, non linéaire, imprévisible bien souvent, ce qui est probable du fait d'un déterminisme chaotique ambiant permanent. 
Remarquons que tout ceci peut s'appliquer, certes de façon moins élaborée, au comportement animal, celui-ci pouvant agir par réflexe de défense comme par délibération plus lente devant la manière d'attaquer une proie... Pourtant, l'animal n'est pas censé posséder de libre arbitre. Pour le naturalisme, il n'y a pas ici de différence de nature mais seulement de niveau de complexité.
Ensuite, Pinker affirme - en forme d'expérience de pensée invérifiable -, que si l'on mettait la même personne strictement dans les mêmes conditions à un jour d'intervalle, elle pourrait avoir des décisions ou comportements différents. En constante évolution, l'univers au moment où vous lisez cette phrase n'est plus l'univers d'il y a 5 minutes. Donc la prémisse "strictement dans les mêmes conditions" ne veut rien dire car il n'existe aucune possibilité d'affirmer qu'il n'y a pas de déterminants nouveaux qui se sont glissés à notre insu lors de la seconde occurrence.

Mais admettons la prémisse "strictement dans les mêmes conditions" et regardons plus en détail l'alternative proposée :
- soit nous prenons dans le cadre de cette prémisse deux décisions différentes à un jour d'intervalle, et ce serait un libre arbitre "indéterminé" qui ferait la différence ; mais alors c'est le libre arbitre qui a changé ? Si le libre arbitre a changé, c'est que nous ne sommes pas dans les mêmes conditions, détruisant brutalement la prémisse "strictement dans les mêmes conditions" !
- soit nous prenons à nouveau la même décision et le libre arbitre aurait alors le même statut que les autres déterminants non choisis "librement". Soit un libre arbitre qui ne change pas, un déterminant comme un autre donc... Aporie pourrie.

Prendre l'exemple de vrais jumeaux, comme le fait Pinker, jumeaux qui pourraient prendre des décisions différentes, ce qui serait la preuve que le libre arbitre existe... Un exemple qui montre une certaine méconnaissance de la part de Pinker : les "vrais" jumeaux ont des différences épigénétiques, des expériences différentes, une éducation "presque identique" comme Pinker l'avoue lui-même... S'il est vrai qu'aucun couple d'individus ne se ressemble plus que les vrais jumeaux (homozgotes), ils présentent pourtant bien des différences significatives : les constantes biologiques peuvent différer ; les empreintes digitales sont proches mais non identiques ; le fonctionnement du système immunitaire diffère ; le répertoire des lymphocytes qui reconnaissent les antigènes n'est pas le même ; la concordance de survenue de la plupart des maladies génétiques dépendant de plusieurs gènes n'atteint pas 100 % et se trouve souvent bien en deçà : 30 à 40 % pour le diabète, 15 % pour la sclérose en plaques... Chaque individu est donc unique.

Bref de bonnes "raisons" (déterminants suffisamment différents) pour que ces jumeaux ne soient pas en accord sur nombre de points, ce qui ne prouve donc en rien l'existence d'un libre arbitre d'essence surnaturelle.

Reste enfin l'argument majeur habituel des croyants dans le LA : "oui mais comment fait-on pour punir, blâmer ou faire des éloges en l'absence de libre arbitre" ? Soit un argument par (de) la conséquence toujours aussi pitoyable (voir L'argument de la conséquence). 
Personne ne peut faire autrement que ce qu'il fait, même après délibération. L'approbation ou la désapprobation d'une action ne nécessite nullement un libre arbitre surnaturel. 
Sans LA, la culpabilité s'effondre... mais reste la responsabilité sociale de ce que chacun fait (voir Mais alors, sans culpabilité ni punition possible... que faire ?).

Pinker finit par affirmer que le LA n'est pas un miracle mais tout ce qu'il avance va pourtant dans ce sens !
________________________________

Si Pinker explique mal, le Pr de philosophie et d'éthique Derk Pereboom explique mieux dans la vidéo ci-dessous l'impossibilité d'un libre arbitre dans un monde naturaliste scientifique. 

Cliquer sur le carré en bas à droite de l'écran vidéo pour voir en plein écran


*Vidéo originelle en anglais : https://www.youtube.com/watch?v=qioB1KB1Rbk
________________________________________

Et pour aller plus loin, le livre "La dernière blessure" centré sur la notion du libre arbitre (illusoire)... en cliquant sur l'image ci-dessous


Un psychiatre sceptique du libre arbitre... à raison !

Joachim Müllner est un jeune psychiatre français, spécialisé en médecine légale, qui s'est posé la question du libre arbitre (LA) : sujet majeur dans le cadre de son exercice de praticien en relation avec des personnes atteintes de troubles psychiatriques dont la liberté de la volonté peut être altérée, voire abolie selon les canons en vigueur actuellement.

Sujet qui devrait intéresser également au plus haut point la Justice puisque ce LA est à l'origine des notions de culpabilité et de punition, sans oublier le mérite et le talent qui s'appuient sur la même chimère et seraient censés justifier les inégalités de traitement entre humains. On ne peux pas dire que ce débat philosophique et scientifique de fond soit abordé tous les jours dans l'espace médiatique ou éducatif... 

Mais restons sur le versant médical en général, et psychiatrique en particulier. Dans sa chaîne youtube, Joachim Müllner rend compte de données neuroscientifiques qui vont à l'encontre de la croyance dans le LA (voir https://www.youtube.com/watch?v=i7MRqObiJ0Y). 

Au delà, toutes les rubriques de la chaîne méritent une écoute attentive : https://www.youtube.com/@lelibrearbitrenexistepas  

Cette conviction que le libre arbitre est proprement illusoire, conviction étayée scientifiquement, n'est pas sans conséquence sur la pratique psychiatrique, voire au-delà. Ainsi, le hasard a conduit Joachim Müllner à devoir examiner en garde à vue un prévenu ayant tué une femme âgée, un "fait divers" particulièrement atroce et abondamment relayé par la presse. 

Suite à la consultation "à chaud" du meurtrier, le Dr Müllner écrit : 

« L’examen révèle que la personne conduite présente des troubles mentaux manifestes et qu’elle représente un danger imminent pour la santé des personnes et/ou pour elle-même, nécessitant un transfert à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police, sous réserve de l’absence de pathologies somatiques nécessitant une hospitalisation. »  

Ce qui conduit le patient meurtrier vers l'infirmerie psychiatrique - et non pas la prison. Par la suite, huit experts mandatés ont conclu à l’abolition du discernement du meurtrier au moment des faits, dont un expert qui a précisé que cette abolition du discernement était liée à une consommation de substances toxiques. L'hospitalisation - plutôt que la punition et la prison - a engendré immédiatement un scandale médiatique avec manifestation de plus de 20.000 personnes (procureurs/médecins ?), ainsi qu'une déclaration du Président Macron soutenant la pertinence d'un procès (?) pour ce patient psychiquement irresponsable. Voir https://www.youtube.com/watch?v=lVKMOt1ZuFg. Affligeant.

Assez curieusement, le Dr Müllner a été convoqué 5 années plus tard par une représentation nationale afin qu'il justifie sa décision de l'époque. Situation exceptionnelle... probablement stressante quand on est convaincu de n'avoir fait que son travail, en toute bonne foi. Il n'a fait que rendre un avis médical constatant le trouble mental et la dangerosité du patient pour lui-même (suicide possible) et pour la société, en toute indépendance. Les expertises ultérieures ont d'ailleurs bien montré la pertinence de cette décision initiale.

Sur le fond, "discernement" et "contrôle des actes" sont des euphémismes pour éviter de citer le "libre arbitre", terme trop chargé du point de vue philosophique et frontalement remis en cause par nombre de neuroscientifiques. Les juges évitent tout débat sur un sujet aussi brûlant et doivent se réfugier - quel que soit leur avis personnel - derrière le sens commun, malheureusement erroné. La question de l’altération ou de l’abolition du discernement concerne la société, les juges, les députés... et logiquement la science qui semble paralysée concernant un sujet aussi conséquent pour nous tous, alors même que nous détenons depuis des d'années les éléments scientifiques et philosophiques conduisant à abolir cette chimère d'un libre arbitre ontologique. 

Les troubles de personnalité (psychopathes, sociopathes, pervers narcissiques etc.) sont à l'origine d'un grand nombre de délits et d'incarcérations mais ne sont pas décrits par les spécialistes comme étant pourvus d'un "mauvais" libre arbitre (pour cause) mais plutôt "victimes" d'un patrimoine génétique particulier* associé à un environnement délétère. Des victimes produisant d'autres victimes. Ce qui n'est pas - certes - une raison suffisante pour permettre à ces "malades" de continuer à enfreindre les lois, mais ce qui doit nous faire considérer que leur volonté de "faire mal" n'est pas "libre" et d'en tenir compte dans le sort dramatique qu'on leur réserve actuellement (voir Mais alors, sans culpabilité ni punition possible... quefaire ?)


N.B : suite à l'une des questions de la salle, ce spécialiste indique que les psychopathes sont pour lui "responsables" de leurs actes (préméditation / intentionnalité) en laissant entendre par là qu'ils sont "coupables" et auraient pu faire autrement. 
Responsables certainement (ils doivent rendre des comptes à la société et aux victimes), mais "coupable" certainement pas ; ou alors il faut considérer qu'ils ont un cerveau génétiquement  "normal" de même qu'un environnement non toxique, soit l'inverse de ce que ce spécialiste a affirmé précédemment... Cette confusion entre responsabilité et volonté libre (Libre Arbitre) rend les explications incompréhensibles, ici comme ailleurs. Dommage quand ce type de confusion émane d'un scientifique renommé. Notons que les prémisses de ces psychopathies interviennent dès la petite enfance voire l'adolescence... alors que ces individus ne sont pas censés posséder un quelconque Libre Arbitre (LA) à ces âges, même pour ceux qui croit dans la chimère LA ! Quant à l'espoir de "soigner" ces individus : n'est-ce pas l'indice qu'ils ne sont que malades de leurs gènes et de leur environnement délétère, et que le reste n'est que la persistance erronée de la croyance en une dualité corps / esprit ? 
Concernant la complexité de ces questions, voir https://librearbitre.eu/static/pdf/Evaluation_du_fait_criminel.pdf.

Et puis, il existe des troubles psychiques** qui ne mettent généralement pas en danger la société comme notamment  le Trouble Obsessionnel Compulsif (TOC), l'Hypocondrie, la Syllogomanie, le Syndrome de Gilles de la Tourette (SGT) ou le Trouble Dissociatif de l’Identité (TDI) (cf. témoignage vidéo ci-dessous).


Ces patients ne peuvent lutter contre leurs angoisses, rituels, accumulations d'objets, comportements inadaptés... rendant leur vie - et celle de leurs proches - invivable. Ils en ont pourtant toute conscience mais sont impuissants à contrôler des comportements qu'ils jugent absurdes. Quid de leur libre arbitre ? Ils n'en ont plus ?... Ou alors celui-ci est déficient spécifiquement quand il s'agit de ne pas compter toute la journée le nombre de chaussettes dans l'armoire, de ne pas dire "merde" à tout bout de champ, de ne pas encombrer leur maison avec des détritus variés, de ne pas réagir de façon agressive aux frustrations du quotidien ? 
Ou, plus rationnellement, ces sujets n'ont pas plus de LA que les autres humains et ces troubles ne sont finalement que des dysfonctionnements organiques / biologiques cérébraux en interaction avec l'environnement. Pour le commun des mortels, ces patients ne sont pas "coupables" car ils ne peuvent pas faire autrement, contrairement aux individus dont les troubles dérogent aux lois et qui deviennent subitement "coupables" et punissables alors que le fond du problème est strictement de même nature. Dans le premier cas, on soigne, dans le second, on punit. Et personne ne s'en soucie (c'est tellement bon de punir dès qu'on peut).

La croyance dans un LA ontologique (réel) est non seulement fausse mais délétère à bien des égards pour la communauté humaine, et au delà... (voir Le côté obscur du Libre Arbitre). Finalement, nous portons tous une coresponsabilité à ne pas en tenir compte de l'absence d'un libre arbitre "réel" (en dehors de la sensation qu'on en a) et la charge de la preuve incombe à ceux qui affirment l'existence de ce libre arbitre ontologique que les lois naturelles ne sauraient tolérer. 

“Rien de plus fragile que la faculté humaine d’admettre la réalité, d’accepter sans réserve l’impérieuse prérogative du réel” nous confie le philosophe Clément Rosset ("Le Réel et son double" - 1976).

Cultivons la lucidité, aussi dérangeante soit-elle : il faut s'efforcer de croire dans la réalité, ce qui n'est pas chose facile. 

Mais les faits sont têtus !

N'est-il pas temps d'en tirer enfin les conséquences ? 

________________________________________________

* Etude "Racines neurobiologiques de la psychopathie" (2020) https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7714686/

** Trouble Obsessionnel Compulsif (TOC) : trouble anxieux caractérisé par des obsessions et des compulsions. Les obsessions sont des pensées, des images ou des impulsions récurrentes et intrusives qui causent une grande anxiété. Pour réduire cette anxiété, les personnes atteintes de TOC effectuent des compulsions, qui sont des comportements répétitifs ou des actes mentaux. Par exemple, une personne peut se laver les mains de manière excessive par peur des germes. Les TOC peuvent grandement affecter la vie quotidienne et nécessitent souvent une prise en charge thérapeutique.

 Hypocondrie : trouble anxieux où une personne est excessivement préoccupée par sa santé, craignant constamment d’être atteinte d’une maladie grave malgré des examens médicaux rassurants. Les hypocondriaques interprètent souvent des sensations corporelles normales comme des signes de maladies graves. Ce trouble peut être déclenché par des facteurs de stress psychosociaux, comme la maladie ou la mort d’un proche. La prise en charge inclut souvent une psychothérapie et, si nécessaire, des médicaments pour traiter l’anxiété ou la dépression associée.

Syllogomanie : également connue sous le nom d’accumulation compulsive, est un trouble psychique qui se manifeste par une accumulation excessive et désordonnée d’objets, même s’ils sont inutiles, encombrants, insalubres ou dangereux. Les personnes atteintes de ce trouble ont une grande difficulté à se débarrasser de ces objets, ce qui peut rendre leur lieu de vie quasi-invivable.

Syndrome de Gilles de la Tourette (SGT) : trouble neurologique caractérisé par des tics moteurs et vocaux répétitifs et involontaires décrits par le neurologue français Georges Gilles de la Tourette en 1885. Le SGT est un trouble du développement du cerveau qui se caractérise par des tics comportant des mouvements ou des sons répétitifs et involontaires. Les tics peuvent être moteurs (mouvements du corps) ou vocaux (sons ou mots) => Voir https://www.youtube.com/watch?v=48bpQXVVUH0.

Trouble Dissociatif de l’Identité (TDI) : anciennement connu sous le nom de trouble de la personnalité multiple, le TDI est un trouble mental où une personne présente deux ou plusieurs identités distinctes. Chaque identité peut avoir ses propres souvenirs, comportements et façons de penser. Ce trouble est souvent lié à des traumatismes majeurs vécus pendant l’enfance. Les personnes atteintes de TDI peuvent éprouver des pertes de mémoire pour des événements quotidiens et des informations personnelles importantes. Le traitement inclut généralement une psychothérapie à long terme.

_________________________________

Pour aller plus loin : le livre "La dernière blessure" centré sur la notion du libre arbitre (illusoire)... en cliquant sur l'image ci-dessous