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Autain contre Fourest : me too

Caroline Fourest, féministe convaincue et convaincante jusqu'à récemment, sort un livre qui (d)effraie la chronique : "Le Vertige Me Too" (Grasset - 2024).

Pour elle, ce mouvement va trop loin et risque de provoquer des drames dans certains cas où les accusations d'agression/viol ne sont pas suffisamment étayées, prouvées, suscitant - sans autre forme de procès - lynchage médiatique et difficultés relationnelles (famille / travail). 

Ouvrage et arguments qui ne font pas l'unanimité :

"Ce brûlot réactionnaire, porté par une promotion conséquente, sème dans les esprits les graines d’un backlash anti-féministe auquel Caroline Fourest pourra se targuer d’avoir, aussi adroitement que malhonnêtement, contribué. " (Lesinrocks.com) 

L'ouvrage contient effectivement nombre d'inexactitudes que je ne vais pas préciser ici (internet est là pour ça). 
Fourest pense probablement qu'elle en a suffisamment fait côté "Révolution" féministe pour se consacrer d'urgence à la "Terreur" qui suit généralement toute révolution. Ses critères moraux semblent être par ailleurs franchement démonétisés depuis qu'elle soutient qu'un bébé palestinien mort ne vaut pas un bébé israélien mort...

« Un enfant qui meurt, d’un côté ou de l’autre, c’est toujours grave», selon l’essayiste, mais  une « distinction intellectuelle et morale doit se faire car ce n’est pas la même démarche, ce n’est pas la même intention, et c’est normal que ça n’entraîne pas exactement les mêmes réactions, les mêmes commentaires. » 

Il semble que les dommages collatéraux - enfant mort à Gaza versus homme accusé d'agression sexuelle à tort - nécessite un ouvrage de plus de 300 pages... concernant l'homme. 
Pour en revenir aux propos du livre, la réponse cinglante de Clémentine Autain me semble remettre sainement quelques idées en place : 


Le balancier de "balancetonporc" va trop loin ? Certaines plaignantes en profiteraient-elles pour abuser à leur tour par effet d'aubaine pécuniaire ou pour se venger de ne pas avoir obtenu tel ou tel rôle dans un film ? Ici ou là, peut-être. Mais c'est aux juges d'en décider ; juges d'ailleurs bien démunis dans nombre de cas (parole contre parole). Et l'exception statistique d'un homme accusé à tort ne fait pas la règle, règle qui peut se résumer par le constat de 80.000 accusations viols par an en France pour seulement 1.300 condamnations. La « culture du viol », sorte d’oxymore, ne va pas de soi : le viol est pénalisé en France depuis plus de 2 siècles et fait l’objet d’une très forte réprobation sociale.

Mais tout cela vient de très loin si l'on tient compte des préceptes écrits par des hommes... pour eux-mêmes :

Genèse 3:16

"Il dit à la femme: J'augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur, et tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi."

Corinthiens 14:34

"Que les femmes se taisent dans les assemblées, car il ne leur est pas permis d'y parler; mais qu'elles soient soumises, selon ce que dit aussi la loi."

 Pierre 3:1-6

"Femmes, soyez de même soumises à vos maris, afin que, si quelques-uns n'obéissent point à la parole, ils soient gagnés sans parole par la conduite de leurs femmes"

Coran  4/34

« Les hommes ont autorité sur les femmes, en raison des faveurs que Dieu accorde à ceux-là sur celles-ci, et aussi à cause des dépenses qu'ils font de leurs bien ...  quant à celles dont vous craignez la désobéissance, exhortez-les, éloignez-vous d'elles dans leurs lits et frappez-les. »

Coran 2/223

« Vos épouses sont pour vous un champ de labour ; allez à votre champ comme [et quand] vous le voulez »

Sans compter que la parole des femmes au commissariat est sujette à caution :

Le Prophète a dit : "Le témoignage d'une femme n'est-il pas égal à la moitié de celui d'un homme ? » Les femmes ont dit : "oui." Il a dit : "C'est en raison de la déficience de l'esprit de la femme."

L'épouse mécréante de Dominique Pélicot ("viols de Mazan") n'a-t-elle pas lu ces perles de morale obligeant son pauvre mari à devoir user - sans autre issue possible - de la soumission chimique ? 

Les violeurs de Mazan sont décrits selon leurs avocats comme des hommes ordinaires, piégés par le mari. Venir s'accoupler avec une femme aussi inconsciente qu'inconnue sous le regard du mari : c'est d'un banal ! Tant que ça reste - plus ou moins - en famille, ma foi... Entre «Familles, je vous hais! Foyers clos, portes refermées... » selon Gide et « Familles, je vous ai» pour Hervé Bazin, les nuances de gris sont nombreuses.

A propos de famille : une enquête Ipsos (2020) révélait qu’un Français sur 10 affirmait avoir été victime d'inceste. Dans 8 cas sur 10, les victimes étaient des femmes. D’autres enquêtes ont confirmé l’ampleur des violences sexuelles commises dans la famille, lors de la période cruciale de l’enfance, et souligné leur caractère globalement genré : les agresseurs, dans une écrasante proportion, sont des hommes, plus âgés ; il s’agit essentiellement de pères ou de beaux-pères et des oncles quand les victimes sont des filles, de frères et de pères ou de beaux-pères quand les victimes sont des garçons. 

De là à considérer que l'homme, c'est le mal... 

Pas franchis par la plateforme TikTok "Tanaland" :


Enfin un monde merveilleux sans hommes ! 

Mais - c'est assez curieux - les femmes en question se maquillent "outrageusement" (selon certains jugements, hommes et femmes confondus), portent des talons les plus hauts possibles défiant la gravité et rappelant les bandages mutilants les anciennes aristocrates chinoises, des jambes nues, des décolletés en supports de prothèses... très préoccupées qu'elles sont par une esthétique revendiquée reprenant les poncifs et codes des prestations tarifées (voir Esthétique...). D'où le nom de "Tana" synonyme de fille de mauvaise vie. 

Il n'y a aucun jugement de valeur ici ; juste une incohérence de fond. Car si la prémisse est de bannir les hommes tout en adoptant les attributs de séduction à leur égard les plus primaires, on ne voit pas très bien à quoi tout ceci mène, sauf à considérer que c'est une forme de coup de gueule contre les prédateurs. D'ailleurs, nombre de ces derniers ont manifesté sur internet leur souhait de partir en vacances à Tanaland. Ben voyons...

Mais les hommes ne sont pas tous des prédateurs à mettre dans le même sac poubelle (#notallmen) et l'essentialisation de ce point de vue n'est pas acceptable.

Il est malheureusement probable que la honte (qui devrait changer de camp) et les poursuites judiciaires ne soient pas suffisantes pour corriger cette masculinité toxique (hégémonique) qui vient de très loin. Croit-on réellement que l'on va purger des millénaires de prédation sexuelle et autres viols en une dizaine d'années ? Que les pulsions de pouvoir et de sexe vont disparaître - par miracle - de la masculinité ordinaire ? 

La notion de consentement est de plus en plus fragile dès lors qu'on tente de la clarifier. "Non, c'est non !" Mais un "non" peut se transformer en "oui" parfois ; et l'inverse existe également. 

"Souvent femme varie, bien fol qui s'y fie"

Voyez, un peu d'inattention, et hop c'est reparti !! D'où l'intérêt de relire parfois  la "feuille de route" permettant - peut-être pour certains - la sortie d'un certain masculinisme délétère afin d'éviter justement les "sorties de route" (voir la Feuille de route). 

Mais les abus sexuels ne sont malheureusement qu'une partie de la domination masculine ancestrale prescrite par tous les textes sacrés du monde...

Ne serait-il pas temps de comprendre ce qui se passe à travers les quelques travaux scientifiques qui existent déjà et qu'il faudrait consolider pour proposer des pistes autres que de donner (à l'insu de leur plein gré) des anti-androgènes à tous les hommes dès l'adolescence. Et quelle serait la part d'un "mauvais" libre arbitre dans ces comportements abjects ? Pourrait-on enfin reconnaître que le libre arbitre ne peut pas s'améliorer puisque c'est une chimère, et qu'il convient plutôt de travailler les déterminants qui sont à l'origine de ces abus divers qu'une justice débordée ne peut traiter correctement ? 

La psychologie évolutionniste propose l'hypothèse que certains comportements masculins, comme l’agression et la domination, peuvent avoir des racines dans des stratégies de reproduction ancestrales. Ces comportements auraient pu augmenter les chances de survie et de reproduction dans des environnements compétitifs. Ce n'est pas pour autant une légitimation de comportements datant du Pléistocène : notre morale a fortement évolué et n'autorise plus cette domination masculine hégémonique (voir Sciences et moralité).

Par ailleurs, la socialisation joue un rôle crucial dans la perpétuation de la masculinité toxique. Les normes culturelles et les attentes sociales encouragent souvent les hommes à adopter des comportements agressifs et à réprimer leurs émotions, ce qui peut conduire à des problèmes de santé mentale et à des comportements violents. La domination et la violence peuvent être analysées en termes de rapports de pouvoir entre groupes sociaux. Les normes sociales et les structures institutionnelles peuvent encourager certains types de comportements et décourager d'autres, créant ainsi des inégalités systémiques entre groupes. Par exemple, la société peut valoriser la force physique et la dominance globale des hommes, ce qui n'est plus accepté.

Voir sur le sujet des déterminants sociaux cette vidéo intéressante d'un jeune... non encore bodybuildé (+ voir avec LUZ "Testosterror, ou comment être un homme à l'heure du féminisme" => Testosterror)

Concernant la santé mentale, la masculinité toxique est liée à des taux plus élevés de dépression, d’anxiété, et de suicide chez les hommes. Les comportements sociaux qui découragent l’expression des émotions et la recherche d’aide peuvent exacerber ces problèmes.

Il est probablement possible de réduire les effets négatifs de la masculinité toxique en promouvant des modèles de masculinité plus diversifiés et inclusifs. Encourager les hommes à exprimer leurs émotions, à rechercher de l’aide et à adopter des comportements non violents peut améliorer leur bien-être et leurs relations interpersonnelles. Les programmes éducatifs et les campagnes de sensibilisation peuvent jouer un rôle clé dans la transformation des normes de genre. 

Soyons fous : en remettant en question les stéréotypes de genre et en offrant des alternatives positives, il est possible de créer une culture qui valorise l’égalité et le respect mutuel. 

Plus facile à dire qu'à faire... mais a-t-on le choix ?

Un chantier à ouvrir d'urgence, en commençant par l'école.

https://www.lefigaro.fr/politique/conflit-israel-hamas-choques-par-des-propos-de-caroline-fourest-les-deputes-insoumis-saisissent-l-arcom-20231030

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Pour aller plus loin : le livre "La dernière blessure" centré sur la notion du libre arbitre (illusoire)... en cliquant sur l'image ci-dessous

Économistes fous

Croissance, croissance, croissance... d'un côté, et Extinction Rebellion de l'autre.

Choix cornélien.

En 1972 aux États-Unis, une équipe du MIT (Massachusetts Institute of Technology) publie un rapport qui prédit la fin du monde. Ce rapport nommé "Les Limites à la Croissance" - ou rapport Meadows d’après les deux principaux auteurs (Donella et Dennis) - mets le monde en équation pour voir son évolution. 

L’équipe a développé un modèle informatique qui prend en compte certaines grandeurs et leurs interactions : population, nourriture, ressources non-renouvelables, production industrielle et pollution. Très logiquement, une augmentation de la population demande plus de production qui produit aussi plus de pollution.

Un algorithme permet de simuler ainsi l’évolution du système jusqu’en 2100. Mais un premier scénario basé sur les données et tendances de 1972 prévoit un effondrement, c’est-à-dire une chute drastique de la population et de la production industrielle du fait de la surexploitation des ressources. 
Ce qui est rassurant, c'est que le jour et l'heure de cette catastrophe ne sont pas connus de l'ordinateur. 
Ouf ! 


Du coup, l'écoanxiété - notamment des plus jeunes - semble bien exagérée... A leur âge, on avait des préoccupations bien plus essentielles : quelle voiture, quelle maison, quel travail, combien d'enfants, quelles vacances à l'autre bout de la Terre, quelle tendance couleur à la mode pour la rentrée etc. 
Et puis, les avancées technologiques vont probablement nous trouver des ressources énergétiques nouvelles ; et hop, le problème sera résolu, n'en déplaise aux Cassandres. 

Mais l'ordinateur, qui nous veut décidément du mal, nous dit que même si l'on disposait d'une source d’énergie infinie, l'effondrement surviendrait du fait d'un excès de pollution. Il semble bien que seule une croissance économique maîtrisée ne mènerait (peut-être) pas à la catastrophe !! Bon, même sans ordinateur, on aurait pu y penser : la croissance ne peut pas être illimitée dans un monde aux ressources limitées. 

Il faut dire que le sujet est des plus complexes, notamment du fait de "l’effet rebond" mis en évidence en 1865 par l’économiste Stanley Jevons. 

Il analyse alors la consommation de charbon du pays, et sa conclusion ne semble pas logique : alors que les machines à vapeur sont de moins en moins gourmandes, on brûle de plus en plus de charbon ! Paradoxe ? En fait, les machines sont effectivement plus efficaces et pour une même action, elles demandent moins de charbon. Les faire fonctionner coûte donc moins cher, ce qui incite les propriétaires d’usines à acheter plus de machines. Et celles-ci ont beau être plus efficaces, elles sont tellement plus nombreuses qu’elles font grimper la consommation de charbon.

Plus récemment, les progrès sur les moteurs thermiques ont certes réduit la consommation des voitures... mais celles-ci deviennent de plus en plus grosses, roulent plus et sont plus nombreuses sur les route. Bref, la consommation de pétrole grimpe toujours plus, rejouant, un siècle plus tard, le phénomène de rebond observé par Jevons. L’effet peut aussi être indirect, notamment quand l’amélioration technologique augmente le pouvoir d’achat. Si une voiture consomme moins, on économise de l'argent que l'on peut dépenser ailleurs, en prenant plus souvent l’avion ! C’est lorsque cette surconsommation dépasse la situation initiale que l’on parle du paradoxe de Jevons.  En général, l’effet rebond est difficile à quantifier, surtout concernant les conséquences indirectes. Pourtant, le prendre en compte dans les politiques publiques est essentiel. Idem du côté des consommateurs qui, s’ils veulent "bien faire", doivent limiter leurs usages.

Selon l'économiste Kenneth E. Boulding :

 "Celui qui croit qu'une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste." 

L'un n'empêche pas l'autre.

Pour revenir au rapport Meadows, il a bien évidemment été envoyé aux principaux décideurs mondiaux et il s'est même vendu à des millions d’exemplaires. 
Résultat ? RIEN.
Le débat Harris-Trump pour la présidence des USA (sept. 2024) en est une belle illustration : rien sur l'écologie ! Pire même, Kamala Harris avait précédemment déclaré (2019) qu'elle n'autorisera plus la fracturation hydraulique nécessaire pour la production du gaz et du pétrole de schiste... Mais tout compte fait, c'était devenu pour elle une bien mauvaise idée vu le nombre de salariés dépendant de cette activité polluante (fin du mois contre fin du monde...). En France, la puissance publique en recherche de ressources ravale ses promesses et son chapeau en décidant quelques coupes sombres dans le budget de la transition énergétique...
Laissons le problème pour les prochaines générations, économie et déficit publique obligent.

Car le cerveau humain n'est pas fait pour limiter sa consommation à une petite noisette de Nutella de temps en temps. Sébastien Bohler, docteur en neuroscience et rédacteur en chef du magazine Cerveau et Psycho, a défendu la thèse du « Bug humain[1] ». Selon lui, c’est dans le fonctionnement de notre "vieux" cerveau que résiderait le problème : notre striatum produit de la dopamine lorsque nous mangeons, nous reproduisons ou recherchons du pouvoir. Ce mécanisme de récompense - sélectionné par l’évolution parce qu’il favorisait la survie dans un monde de rareté - nous conduirait aujourd’hui à poursuivre indéfiniment la croissance économique et la surconsommation au mépris des conséquences à long terme. 
Et personne ne pourra alors s'en prendre aux politiques et autres décideurs en bonne partie responsables : ils seront tous morts.

Mais n’oublions pas le message optimiste du rapport Meadows : la fin du monde est évitable ! Il faut juste accepter de maîtriser la croissance - dont le nombre de naissances - et partager les ressources entre tous. On le savait déjà, sans le faire pour autant.

L'injonction biblique...

"Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l'assujettissez; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre"

... est, sans intention de froisser les diverses confessions, dépassée par une croissance humaine exponentielle depuis l'an 1000, même si un ralentissement semble s'opérer actuellement. 

Augmentation de la population mondiale au cours des âges

Peut-on compter sur les actionnaires des entreprises, notamment les plus polluantes, pour accepter moins de production et de rendement par action, voire plus de contributions à la préservation de Gaïa ? 

Non, sauf cas exceptionnel, comme celui de l'entreprise Patagonia**. 

En fait, malheureusement, seules des décisions de la puissance publique - tous états confondus - peuvent apporter des limitations que certains appellent "punitives". On ne parle pourtant pas de punition lorsqu'il s'agit de retirer le permis de conduire à un patient épileptique non équilibré : c'est pour le bien commun, patient comme usager de la route. Limiter le nombre de transports aériens (simple exemple, non la panacée) entre dans cette catégorie.

L'alternative devient : doit-on diminuer rapidement et drastiquement notre consommation en tenant compte d'un rééquilibrage Nord-Sud (un peu de justice ne ferait pas de mal) ou allons-nous attendre que les faits nous imposent cette révolution dont (presque) personne ne veut du fait d'un cerveau ancestral inadapté aux conditions actuelles ? 

Voici peut-être dans cette vidéo sous-titrée une direction à prendre : réallouer la production des biens en regardant du côté des finalités souhaitables. A-t-on d'autres choix ?

Pour finir en beauté, après la prise d'un cp d'anxiolytique et si vous avez 1 h 10 mn devant vous, voici l'interview de l'auteur du rapport Dennis Meadows (vidéo sous-titrée) :



[1] « Le bug humain. Pourquoi notre cerveau nous pousse à détruire la planète et comment l’empêcher » - 2019 - Robert Laffont - https://www.erudit.org/fr/revues/npss/2020-v15-n2-npss05479/1071322ar.pdf
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Dennet et le compatibilisme

Le compatibilisme est une théorie philosophique qui soutient que le déterminisme et le libre arbitre sont compatibles. 

En d'autres termes, il est possible d'être à la fois déterminé par des causes antérieures et libre dans ses actions. Cette position - la plus commune chez la plupart des philosophes et même certains scientifiques - s'oppose à l'incompatibilisme qui affirme que le libre arbitre et le déterminisme ne peuvent coexister : ce qui est ma position (matérialisme / naturalisme scientifique).

Parmi les auteurs notables du compatibilisme, on trouve de nombreux philosophes dont Daniel C. Dennett, Florian Cova, Michael Esfeld, Saul Smilansky... (voir pour ce dernier https://illusionlibrearbitre.blogspot.com/2024/05/un-libre-arbitre-necessaire.html)

Par exemple, Michael Esfeld écrit que... 

« Suivant le compatibilisme, il est essentiel pour la liberté de la volonté de ne pas se laisser entraîner par ses désirs, mais de réfléchir au type de volonté qu'on désire posséder »*

Ce qui est pour moi - et quelques autres - absolument incompréhensible. S'il faut effectivement maîtriser certains désirs qui peuvent être délétères pour soi-même ou la société (ligne rouge du consentement, des lois du moment etc.), il nous faudrait la volonté de réfléchir à la volonté qu'on désire ??? Nous y reviendrons.

Intéressons-nous à D. Dennet qui vient de nous quitter (avril 2024), probablement le plus connu des compatibilistes. 


Naturaliste et évolutionniste athée, ce qui part plutôt bien, Dennet pense qu'il n’y a nulle part dans le cerveau des neurones ou des ensembles de neurones qui « voient », « comprennent » ou « veulent », car, pris isolément, ils font un travail très limité et stéréotypé. Leur activité collective fait cependant émerger des propriétés fonctionnelles intéressantes pour l’individu, que nous appelons « voir », « comprendre » ou « vouloir ». Fort bien. Il a théorisé dans un ouvrage l’hypothèse d’une « néo-dualité moderne » qui ne serait toutefois pas celle de Descartes que tous ont abandonnée pour de bonnes raisons. 
Dennet écrit : 

« L’amour authentique n’implique aucun dieu volant (tel Cupidon). Le problème du libre arbitre est identique. Si vous êtes de ceux qui pensent que le libre arbitre n’est vraiment libre que s’il surgit d’une âme immatérielle qui se balade tranquillement dans le cerveau, envoie ses décisions (ses flèches) dans votre cortex moteur, alors, étant donné votre conception du libre arbitre, ma position est qu’il n’y a pas de libre arbitre du tout ». 

Pour l'instant, tout va bien. Le concept, l’essence d’un Libre Arbitre « réel/ontologique » n’existe pas plus que le concept "ontologique" de cheval, de peur, d’immortalité, de mal, d’amour etc. Et si les circuits neuronaux de la sensation de volonté libre (càd cortex cingulaire antérieur et précuneus → cf. « Lesion network localization of free will » - 2018 - https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6196503/) sont différents des circuits de la sensation de peur (amygdales), ils ont finalement des fonctions différentes pour un but similaire : la survie, la préservation de l’individu et de l’espèce.

Ces circuits sous influence des expériences passées, du contexte, d’éventuelles anomalies génétiques peuvent ne pas être « adaptés » à la vie en société avec ses normes du moment. Un caractère très (trop) colérique peut être à l’origine de quelques déboires en société du fait d’un contrôle insuffisant du sujet. Mais ce dernier ne « contrôle » pas ce « contrôle déficient de la colère », car sinon il n’aurait pas d’accès de colère. 

Côté Libre Arbitre, on ne peut que vouloir, c’est-à-dire choisir une action permettant au mieux sa survie avec les moyens du bord (expériences passées, humeur du moment, capacités cognitives etc.). La volonté est elle-même un résultat chaotique des déterminants précédents.
Mais si l’on peut « vouloir », on ne peut « ni vouloir vouloir, ni ne pas vouloir vouloir ». Ce serait vouloir avant de vouloir : une ineptie comme le remarquait déjà il y a quatre siècles le philosophe Thomas Hobbes. Comme vu précédemment, Michael Esfeld, en bon compatibiliste, passe outre...

La position de Dennet semble moins triviale. Il rejette bien un libre arbitre qui émanerait d’une puissance immatérielle (surnaturelle), et pense à raison que notre sentiment de libre arbitre est réel avec des circuits cérébraux dédiés comme le montre l'étude sus-citée. Ce sentiment pourrait être l’expression d’une faculté ayant évolué pour nous permettre de peser le pour et le contre des situations que nous rencontrons où les choix sont multiples. Je suis tout à fait en accord avec cette notion de sensation/sentiment de Libre Arbitre mise en place par l’évolution, peut-être présente chez l’animal même s’il ne fait pas des colonnes pour et contre sur un paper-board avant de prendre une décision. Mais nul besoin d’invoquer ici une nouvelle dualité qui ne peut que mélanger encore un peu plus les cartes et mène à confondre sensation subjective et réalité

Dennet affirme qu’il ne s’agit pas de magie... Mais parler de responsabilité quand il s’agit en fait de culpabilité (pour lui l’individu serait-il censé pouvoir faire autrement ?), avancer l’hypothèse de « formes de libre-arbitre » ou encore affirmer que « les humains ont un nombre incalculable de degrés de liberté » comme il le dit dans une discussion avec Sam Harris (un neuroscientifique très sceptique concernant un LA "réel") : tout ceci devient incompréhensible... Quelles seraient donc ces « formes » et « degrés de liberté » du LA ? Supportés par quelle base théorique un tant soit peu scientifique ? Avec quelle mesure, quelle définition de ces "degrés" ? Les juges seraient très intéressés par cette échelle de LA que nous laisse espérer Dennet. Mais il n'en est toujours rien ; et les juges en sont réduits à juger au doigt mouillé (expertise psychiatrique) la présence, la demi présence voire l'absence de "discernementchez le délinquant ou le meurtrier. Discernement : joli nom pour camoufler le concept intenable de libre arbitre ontologique (voir https://illusionlibrearbitre.blogspot.com/2024/05/limite-entre-sante-mentale-et.html).

Et puis l’assemblage de déterminants divers + une sensation de LA elle-même déterminée dans le cadre de l’évolution, cela ressemble fort à une somme de déterminants qui n’autorise ni liberté de la volonté, ni culpabilité, ni punition. Ou alors on en vient à remettre sur la table la pierre philosophale qui transmuterait de vils métaux (déterminants) en or pur (esprit / Libre Arbitre / conscience...) et donc prétendre que l'on est naturaliste quand on est en fait surnaturaliste ! Avoir la sensation d'avoir raison (ou d'avoir un LA) n'est pas une preuve que l'on a raison (que le LA existe réellement).

En revanche, la responsabilité sociale et morale (et non pas la culpabilité) qui semble être profondément la préoccupation de Dennet (argument de la conséquence) reste pour moi évidemment entière dans un paradigme matérialiste, sans LA ontologique. 

Reste à savoir comment faire - socialement notamment - pour reconnaître la responsabilité sans le cortège punitif associé qui n'a pas lieu d'être en l'absence de Libre Arbitre "réel" ? (voir https://illusionlibrearbitre.blogspot.com/2024/05/mais-alors-sans-culpabilite-ni-punition.html)

*"La philosophie de l'esprit : Une introduction aux débats contemporains" - 3ème éd. - Armand Colin - 16 septembre 2020

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Corrélation ou Causalité : l’embrouille !

Dans le monde de la recherche et des statistiques, les termes "corrélation" et "causalité" sont souvent utilisés, mais ils ne signifient pas la même chose. Ce n'est pas bien grave quand on ne fait pas de science, apparemment. 

Sauf que ces erreurs d'attribution dépassent largement le domaine des sciences. Ainsi, dans les années 1930, en Allemagne, des slogans affirmaient :

« Trois millions de chômeurs, trois millions de Juifs » 

L’une des raisons qui rend ce type de slogan attractif vient du fait qu’il est subrepticement soutenu par une erreur, une confusion entre corrélation et causalité.

Et l'on peut sans problème remplacer juifs par immigrés : ça marche aussi.



Autre exemple : après les attentats de Charlie Hebdo, les théories du complot ont été particulièrement vives, dont l’une affirmant qu'Israël était le commanditaire du massacre de l’équipe éditoriale. L’une des "preuves" avancées était qu’à chaque fois qu’une résolution était soutenue par la France contre Israël à l’ONU, nous avions droit à une attaque terroriste !

Quelques définitions pour y voir plus clair : la corrélation mesure la force et la direction d'une relation entre deux variables. Si deux variables sont corrélées, cela signifie qu'elles ont tendance à varier ensemble. Cependant, cela ne signifie pas nécessairement que l'une est cause de l'autre.

De l'autre côté, la causalité indique qu'un changement dans une variable provoque un changement dans une autre. Pour établir une relation causale, il faut démontrer que la variation de la variable indépendante entraîne la variation de la variable dépendante.

Exemples de corrélations :

  • Glaces et noyades : En été, les ventes de glaces augmentent en même temps que les noyades. Ces deux événements sont corrélés, mais manger des glaces ne cause pas les noyades. La chaleur estivale est un facteur commun (variable cachée) qui influence glaces et noyades
  • Taille des pieds et compétences en lecture : Chez les enfants, il existe une corrélation entre la taille des pieds et les compétences en lecture. Cela ne signifie pas que des pieds plus grands causent de meilleures compétences en lecture. L'âge est ici le facteur commun (variable cachée).

Exemples de causalité :

  • Fumer et cancer du poumon : De nombreuses études ont montré que fumer cause le cancer du poumon. Ici, la relation causale est bien établie.
  • Vaccination et prévention des maladies : Les vaccins causent une réduction des maladies infectieuses. La relation causale est démontrée par des études cliniques rigoureuses.

Séparer corrélation et causalité peut être complexe pour plusieurs raisons :

  • Facteurs confondants : Parfois, une troisième variable (variable "cachée") influence les deux variables étudiées, créant une corrélation apparente sans relation causale directe.
  • Temporalité : Pour établir la causalité, il faut démontrer que la cause précède l'effet dans le temps.
  • Expérimentation : Les études observationnelles peuvent montrer des corrélations, mais des expériences contrôlées randomisées (ex : études en double insu versus placebo en médecine) sont nécessaires pour prouver la causalité en éliminant le simple hasard... autant que possible (calcul de significativité avec un p<0.05) et les facteurs de confusion**.

Pour reprendre l'exemple assimilant les immigrés aux chômeurs : le chômage est influencé par de nombreux facteurs économiques, sociaux et politiques, tels que la conjoncture économique, les politiques de l'emploi, les compétences des travailleurs etc. Réduire le chômage à la seule question de l'immigration simplifie à l'excès une réalité complexe¹.

Par ailleurs, les immigrés ne forment pas un groupe homogène. Ils viennent de différents pays, ont des niveaux de qualification variés et des expériences professionnelles diverses. Certains peuvent rencontrer des difficultés d'intégration sur le marché du travail, mais d'autres contribuent de manière significative à l'économie². Les immigrés peuvent faire face à des discriminations à l'embauche et à des obstacles structurels, tels que la reconnaissance des diplômes étrangers ou des barrières linguistiques pouvant affecter leur taux de chômage³. 

Enfin, de nombreuses études montrent que les immigrés peuvent avoir un impact économique positif en comblant des pénuries de main-d'œuvre dans certains secteurs, en créant des entreprises et en contribuant à la diversité et à l'innovation⁴. Il est important de considérer le chômage dans toute sa complexité et d'éviter les slogans et raccourcis simplistes qui peuvent mener à des conclusions erronées, voire racistes.

Autre exemple concernant la réussite scolaire qui semble en relation directe avec le niveau socio-économique des parents selon nombre d'études en sociologie. Pourtant l'héritage génétique est partie prenante dans le niveau scolaire des enfants et des étudiants selon quelques études récentes. 

"En vérité, le revenu de la famille explique 7% des différences individuelles de réussite scolaire, soit moins que le score polygénique produit dans cette étude (11%). Voilà qui donne toute sa dimension à ce nouveau résultat! Néanmoins, même 7%, c’est loin d’être négligeable. C’est pour cela que tous les chercheurs en sciences sociales et en sciences de l’éducation, lorsqu’ils souhaitent évaluer l’effet d’un type d’intervention, d’une méthode pédagogique, d’un type d’école, etc., prennent en compte le revenu de famille, et de nombreux autres facteurs qui peuvent expliquer en partie la réussite scolaire. Imaginez par exemple que vous vouliez comparer les résultats des écoles publiques et des écoles privées (ou Montessori, ou Steiner, ou tout autre courant). Les statistiques montrent que les élèves de ces dernières ont de meilleurs résultats au brevet et au baccalauréat. Faut-il en conclure que cela apporte la preuve d’une pédagogie plus efficace? Non, parce que les élèves des écoles privées ne sont pas représentatifs de la population générale. Par conséquent, si l’on veut pouvoir comparer les résultats des élèves de différentes écoles (ou de groupes exposés à des pédagogies différentes), il faut les comparer à revenu familial égal, et de même pour d’autres facteurs comme le niveau d’éducation des parents, etc. Plus on contrôle statistiquement de tels facteurs dans l’analyse, moins on court le risque de conclure à tort que telle école ou pédagogie est meilleure que telle autre, alors qu’en fait les élèves comparés n’étaient pas comparables...

... il est possible, en génotypant les élèves, de vérifier si deux groupes diffèrent par leurs prédispositions génétiques, et le cas échéant, soit de mieux les apparier sur ce critère, soit d’ajuster statistiquement ce facteur dans les analyses, comme on le fait déjà pour le revenu et le niveau d’éducation des parents. En utilisant de telles méthodes, il sera donc possible de produire des résultats plus fiables en sciences de l’éducation, et donc d’éviter de se leurrer sur des approches pédagogiques qui semblent « marcher » alors que les facteurs de confusion sont insuffisamment contrôlés."***


Rappelons - au cas où ce serait nécessaire - que, sans Libre Arbitre - le "mérite" génétique comme environnemental (sociétal) n'existe pas. Mais comprendre la différence entre corrélation et causalité est essentiel pour éviter facteurs confondants, conclusions hâtives et erreurs d'interprétation. En gardant à l'esprit cette distinction et en utilisant des méthodes rigoureuses pour tester les hypothèses, nous pouvons mieux résister aux sirènes complotistes et/ou conspirationnistes*, le tout pouvant spontanément s'articuler avec un « biais de confirmation », soit la tendance à croire les histoires qui vont dans le sens de nos convictions ou préjugés... Car si les faits vont à l’encontre de vos préjugés et croyances, nous aurons tendance à les nier pour éviter que notre conception du monde soit ébranlée. De plus, si l’on attaque nos croyances à partir de faits, celles-ci se verront renforcées ! 

Un cerveau en danger résiste et les faits ne suffisent pas à convaincre les gens qu’ils ont tort !
Peut-être s'entraîner à "penser contre son cerveau" ? (voir https://illusionlibrearbitre.blogspot.com/2024_06_23_archive.html)
 
Une petite vidéo pour illustrer Corrélation versus Causalité, si besoin...

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 (1) Immigrés et descendants d'immigrés Édition 2023 - INSEE - https://www.insee.fr/fr/statistiques/6793274?sommaire=6793391
(2) Inactivité, chômage et emploi des immigrés et des descendants - https://www.insee.fr/fr/statistiques/4195420
*Une grande partie du mouvement anti-vaccin, par exemple, repose sur des preuves pseudo-scientifiques qui confondent corrélation et causalité McArdle, M. (2008). Corrélation, causalité, vaccination. The Atlantic - https://www.theatlantic.com/business/archive/2008/03/correlation-causation-vaccination/3087
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Et pour aller plus loin, le livre "La dernière blessure" centré sur la notion du libre arbitre (illusoire)... en cliquant sur l'image ci-dessous

Philosophie : des questions sans réponses ?

Il est assez fréquent d'entendre des "vérités" comme "la philosophie est l'art de poser les grandes questions existentielles (nature de la réalité, transcendance, connaissance, morale, existence de Dieu, immortalité de l'âme, libre arbitre et causalité, signification de la vie humaine) ... sans jamais donner de réponse définitive."
Socrate ne savait qu'une chose, c'est qu'il ne savait rien. La philosophie ne servirait à rien ?

Tout ce discours quelque peu sceptique se heurte de plein fouet à une constatation du quotidien : chacun a sa vision du monde et une philosophie - le plus souvent par défaut - qui nous guide dans nos croyances, opinions et actions personnelles, familiales, sociales, politiques... 

Un scepticisme absolu (est-on bien certain d'exister ?) n'aide en rien la survie de l'individu ou du groupe. Or nous sommes "fabriqués" pour cette survie à tout prix (dépression suicidaire mise à part : c'est une maladie). Dans ce cas, à quoi sert de "faire de la philosophie" ? Et « se moquer de la philosophie, c'est vraiment philosopher » comme écrivait Blaise Pascal ? 

Ou alors c'est un art comme un autre, un passe-temps du niveau du scrabble, des échecs ; un concours d'intelligence, une affaire de distinction façon Bourdieu ? Certains diront que c'est l'art de poser les "bonnes" questions. Mais alors dans ce cas, ce serait déjà donner une réponse à "quelles sont les bonnes questions" !

Nous sommes "embarqués" nous dit à raison Pascal, qu'on le veuille ou non : nos parents ont décidé pour nous, à moins de n'être qu'un accident orgasmique... 
Et alors ?

Donc, embarquons. Mais dans quel bateau ? 

Le choix - inévitable - ne peut s'effectuer que dans le cadre d'une alternative : le surnaturel existe ou n'existe pas.
Le "choix" du surnaturel, faisant référence à ce qui est au-delà ou en dehors de la nature et des lois physiques établies, ouvre des perspectives incommensurables : religions, chamanisme, énergies, magie, esprits et fantômes, télékinésie, précognition, voyancemédiumnité, anges et démons, réincarnation, astrologie, miracles... Le fait de ne pas tout savoir, tout comprendre et tout expliquer n'est pas la preuve de l'existence d'une quelconque transcendance. Puisque l'imagination humaine - comme la bêtise (Einstein) - n'a aucune borne connue, suffirait-il de penser à quelque chose pour lui donner un semblant de réalité empirique ? 
Soit un beau terrain de jeu pour des cohortes d'illuminés et d'escrocs de tous poils très attentifs à manipuler les faiblesses humaines, usant d'un jargon ésotérique et proposant du "sens" métaphysique en carton-pâte.


Sans compter que les illusions d'optique  peuvent nous embarquer - puisqu'on parle de bateau - dans des navires volant au dessus de l'eau, comme dans cette vidéo.


Cet effet d'optique (fata morgana) - probablement à l'origine de la légende du "Hollandais volant" - est assez bluffant. Evidemment un effet du surnaturel... jusqu'à ce qu'il soit expliqué scientifiquement. 
Combien de "choses" autrefois surnaturelles ont été sagement rangées par la suite dans les tiroirs de la science ou de la supercherie (tables tournantes, boules de feu, foudre, aurore boréale, pluie de grenouilles, météores, stigmates religieux, larmes de sang coulant de la statue d'une vierge à l'enfant, crop circles, hallucinations auditives et visuelles, phénomènes de combustion spontanée, mirages, homéopathie...). 
Les propriétés des particules quantiques sont certes surprenantes... mais naturelles, sans faire appel à une transcendance pour autant. 
Quant au "soleil qui aurait dansé" réellement dans le ciel de Fatima (70.000 témoins !) : c'est de l'ordre de l'impossible, tout simplement. 

La science n'expliquera probablement jamais tout, mais c'est la seule activité humaine permettant de comprendre et de connaître le monde qui nous entoure avec un certain degré de certitude par la découverte de lois naturelles universelles qui évoluent - comme le reste de l'univers - de paradigmes en paradigmes pour un esprit limité comme le nôtre. Certains choix de croyance sont pourtant des plus simples :
  • Imposition des mains ou chirurgie moderne ? 
  • Cure de jus de betteraves ou immunothérapie ?
  • Prière ou restos du cœur ?
  • Télépathie ou portable ?
  • Création de la femme à partir d'une côte ou évolution darwinienne ?
En admettant même que tout est croyances, certaines sont manifestement plus fortes, plus étayées, plus crédibles que d'autres. Les péripéties concernant les vaccins contre la Covid nous ont un peu renseigné sur le sujet, comme auraient dû conclure les frères Bogdanoff (scientifiques, vraiment ?) qui semblent avoir préféré des injections de silicone dangereuses aux vaccins qui ont sauvé des millions d'humains. 
Certaines croyances tuent quand d'autres sont bénéfiques.

Concernant la diversité des croyances, positions et choix des humains sur leur vision du monde, une question vient à l'esprit : comment se fait-il que des philosophes mais aussi des scientifiques (physiciens, médecins, sociologues, anthropologues etc.) - dûment diplômés - professent des avis très divergents en partant des mêmes bases académiques ? De deux choses l'une : ou le libre arbitre domine les déterminants (génétiques et environnementaux) et tout ce monde devrait avoir le même avis sur tout, ce qui n'est pas le cas ; ou ce sont les déterminants différents pour chacun (émotions, affects, culture reçue etc.) qui l'emportent... Et que devient dans ce cas le concept même de libre arbitre ? (voir https://librearbitre.eu/accueil/libre-arbitre/). 

De plus, si des "scientifiques" nous racontent n'importe quoi sur les chaînes publiques... (https://www.youtube.com/watch?v=cZRedorx7Vk). 
On en vient à souhaiter la création d'un "conseil scientifique" compétent au sein des médias publics afin de passer au crible toutes ces informations délirantes -  mais lucratives - qui ne font que rajouter de l'eau dans la machine à brouillard. 

On pourrait également espérer la création d'un "conseil politique" afin d'y voir plus clair dans les affirmations des uns et des autres.
Par exemple : nombre de collectivités locales - notamment les plus petites - sont actuellement au bord du gouffre financier. En 2023, cette dette a augmenté pour atteindre 208,5 milliards d’euros !! Les communes et les intercommunalités représentent 68 % de cette dette, les départements 15 %, et les régions 17 %.
La gauche assure que cette dette des collectivités locales est stable depuis 30 ans malgré la décentralisation et du transfert de certaines compétences de l’État vers les communes (hausse du coût de l'énergie, revalorisation salariale, investissement dans la transition écologique...). De l'autre coté, la droite fustige des dépenses injustifiées, un manque de gestion rigoureuse des collectivités de gauche etc. 
Comment s'y retrouver sans base philosophico-idéologique ?

Pour la droite, moins de dépenses = moins d'impôts à prélever = plus d'enrichissement personnel pour ceux qui sont du côté du manche (culture / études / "mérite" et "talent" / héritage...). Chacun doit se débrouiller avec ses moyens, ce qui est plus facile... quand on a des moyens. C'est la vision libertarienne du chacun pour soi, et tant pis pour ceux qui n'ont pas de chance (voir Ayn Rand).

Pour la gauche, chaque humain devrait avoir les mêmes droits à la santé, à la culture, aux biens de première nécessité... car personne n'a choisi "librement" d'être pauvre, affamé, ignare ou malade. Pour viser autant que possible cette équité, une redistribution drastique des profits est nécessaire car personne ne "mérite" de gagner ou d'hériter 100 fois plus que son voisin.
Il est donc bien question de la vision du monde et des autres, de la place de chacun dans notre collectivité humaine : c'est bien de la philosophie au sens le plus noble et un "choix" par défaut serait la pire des calamités.


Pour conclure, la philosophie n'est pas un simple jeu de l'esprit sans conséquences et la philosophie matérialiste (tout est matière, énergie, et rien d'autre n'est connaissable / testable) est la mère de cette merveilleuse aventure qu'est la science qui nous dit que tout est déterminé / indéterminé sans laisser aucune place pour un Libre Arbitre, un "talent", un "mérite" quelconque ; de l'autre bord, la "philosophie du surnaturel", hors réalité, non testable, parlant de foi plus que de raison, n'aboutit qu'à des discussions stériles (voir les 2 visions du monde). 

Le philosophe Laurent-Michel Vacher accuse la grande majorité des philosophes de se détourner de la science et ainsi d’ignorer les acquis de la pensée scientifique*. Il a malheureusement raison.

Doit-on se baser sur ce qu'on sait ou sur ce que l'on ne sait pas ? Va-t-on rester encore longtemps dans l'expectative, la suspension du jugement (épochè) qui promet l'ataraxie sans jamais la livrer, ou serait-il temps de regarder la réalité telle qu'on peut la connaître et en tirer les conséquences ?

Le philosophe Vladimir Jankélévitch écrit :
"On peut, après tout, vivre sans le je-ne-sais-quoi, comme on peut vivre sans philosophie, sans musique, sans joie et sans amour. Mais pas si bien."

*« Quelques réponses à une critique » - Bulletin de la Société de philosophie du Québec, vol. 25, n° 3, automne 1999, p. 11

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PUNIR, sinon...

Sinon quoi ?
On ne pourrait plus régler les conflits ? 


La plupart de nos concitoyens ont compris que fouetter son enfant n'était plus acceptable. C'était pourtant bien pratique, rapide et simple ; pour lui "apprendre à vivre", une fois pour toutes. Il fallait le faire pour être un "bon" parent.

"Bats ta femme tous les matins : si tu ne sais pas pourquoi, elle elle le sait". Simple, rapide, efficace ? Dans le doute, autant frapper (si on est en position de force évidemment) ; Dieu reconnaîtra les siens. Il faut bien en passer par là pour se faire obéir... et plaisir. 

Car les neurosciences ont révélé que le système de récompense du cerveau joue un rôle crucial dans le plaisir ressenti lors de la punition... des autres, principalement. Ce système est associé à la libération de dopamine, un neurotransmetteur lié au plaisir et à la satisfaction. Lorsque nous punissons, notre cerveau active les mêmes circuits de récompense que ceux impliqués dans d’autres activités plaisantes, comme manger ou écouter de la musique. Une étude a montré que les participants ressentaient une activation accrue du striatum, une région du cerveau associée à la récompense, lorsqu’ils infligeaient une punition à quelqu’un qui avait enfreint une règle. Cette activation était corrélée à un sentiment de satisfaction et de justice.

Donc, la sélection naturelle "culturelle" nous encourage à punir, avec plaisir... sans pour autant être considéré comme sadique. Plus généralement, le plaisir est souvent associé à des comportements qui - sans le plaisir associé - risquerait de nous faire disparaître (orgasme pour activer la reproduction, plaisir de se nourrir d'aliments sains, plaisir d'offrir dans le cadre dans le cadre de la consolidation des relations humaines indispensables à la survie etc.).

Mais pour que la punition-plaisir soit justifiable, il faut bien que le sujet à punir ait la possibilité de faire mieux que ce qu'il a fait, qu'il ne soit pas entièrement déterminé et possède un libre choix dans ses actions, bonnes ou mauvaises pour la société, la famille, l'école...


Mais les progrès philosophiques et scientifiques ont permis de douter à la fois de l'efficacité et du bien fondé moral concernant les maltraitances punitives destinées, par exemple, à guérir les malades mentaux. Les animaux et les enfants n'ayant "notoirement" pas de libre arbitre même pour les plus zélés des croyants dans cette chimère, il devenait difficile de les punir, physiquement en tout cas. Le déterminisme (même mâtiné d'indéterminisme quantique) étant le seul paradigme permettant la connaissance, le libre arbitre n'a plus d'existence possible et ne permet plus la punition, sauf à être sadique ou profane sur ces sujets (voir Libre Arbitre).

Certes, la croyance en une "fée des dents" pourrait conduire à se laver les dents tous les jours, de sorte que cette croyance constituerait finalement un avantage adaptatif non négligeable... sans en conclure pour autant que la fée des dents existe réellement, ontologiquement. Et si cette fée a rédigé quelque grimoire nous engageant à tuer ceux qui ne se lavent pas les dents 3 fois par jour, doit-on lui obéir ?
De manière similaire, la liberté de la volonté (libre arbitre « réel ») ne peut être qu’une illusion faisant partie d'une « carte mentale » utile du point de vue adaptatif à une époque mais qui ne tient pas compte du « territoire » tel que décrit par la science et la raison, car un libre arbitre « réel » ontologique surplombant nos décisions est tout à fait incompatible avec les lois naturelles. Dès lors, chacun ne peut faire que ce qu’il fait ; et n’aurait pas pu faire autrement (à moins de modifier les déterminants en cause). 
La volonté et les choix existent bien, mais ils sont tenus totalement par nos déterminants ancestraux personnels à la fois génétiques et environnementaux dans un processus stochastique (probabiliste) chaotique ne permettant pas des prévisions certaines... à moins de faire appel évidemment aux voyants, médiums, astrologues, cartomanciennes et autres haruspices etc.

Pour agir afin de "remettre en ligne" les contrevenants aux normes sociales du moment, il faut donc faire émerger de nouveaux déterminants en respectant le fait que chacun fait au mieux et ne peut faire autrement sans ces nouveaux déterminants. Il n'est pas question de "faire du mal", de couper un doigt à son enfant chaque fois qu'il ne se lave pas les mains avant de passer à table, ou encore de couper la main gauche du voleur comme le font certains islamistes (avant de passer à la main droite en cas de récidive ; mais tiennent-ils compte du fait que le voleur peut être gaucher ???). Efficace ? Peut-être mais terriblement inhumain - quand on a bien compris ce qu'implique l'absence de libre arbitre - et propice à rendre les "punis" encore plus féroces => voir Mais alors, sans culpabilité ni punition possible... que faire ?

Cultivons le plaisir de coopérer pour un monde sans punitions, haines, vengeances, humiliations, dominations, violences physiques et psychiques, jalousies et autres passions tristes. 

Bannissons de notre vie commune les croyances métaphysiques surnaturelles. Ce qui implique, ce n'est pas le plus facile, de "Penser contre son cerveau".
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