La Fête des Fous au Moyen Âge se célébrait généralement
autour de la période de Noël, le 1er janvier (Circoncision de Jésus) ou à
l'Épiphanie (6 janvier). Pendant cette fête, les rôles sociaux étaient inversés
: les domestiques devenaient les maîtres, et les maîtres devaient obéir aux
domestiques.
Les participants se déguisaient en fous, proféraient des
obscénités, des mensonges et autres vérités alternatives, organisaient des défilés et des réjouissances dans les rues.
Nous assistons, médusé, au retour à grande échelle de cette coutume... qui dorénavant sera certes toujours en janvier, mais le 20. Et - belle avancée -, elle ne durera plus une seule journée, mais toute l'année... aux USA ; et pour quatre ans minimum avec Trump et Musk en organisateurs zélés.
Le must du Musk : le milliardaire Elon devient patron du «
Doge » (Department of Government Efficiency) qui recrute des « révolutionnaires
au QI très élevé, favorables à un gouvernement réduit, et prêts à travailler
plus de 80 heures par semaine sur des réductions des coûts peu glorieuses ».
Il est urgent de tout déréguler et de faire des coupes
drastiques dans le budget de l’État fédéral américain : 2 000 milliards de
dollars. Une paille.
Fin du ministère de l'éducation : à quoi sert ce bastion "public" de
wokistes et autres gauchistes puisque le "privé" avec les différentes confessions
à la manœuvre va pouvoir nous réexpliquer la côte d'Adam, le Déluge, la pomme,
la Trinité et tout ça. Le créationnisme dans toute sa splendeur et la Bible comme livre de référence à l'école.
Trump veut développer la prière dans les
écoles tout en favorisant l’enseignement "libre" ou à domicile (voir Religions et enfants...) et dans la foulée "décourager" les vaccinations obligatoires (le virus de la rougeole est ravi). D'ailleurs, le nouveau ministre de la Santé Robert F. Kennedy Jr est un complotiste anti-vaccin. Il a notamment affirmé - là on peut le croire - que des vers avaient mangé une partie
de son cerveau, ce qui avait entraîné un "brouillard cérébral" de
longue durée. Il prétend par ailleurs que l’exposition à des produits chimiques, les
"perturbateurs endocriniens", provoque une dysphorie de genre chez
les enfants, contribuant ainsi à l’augmentation du nombre de jeunes LGBTQ + ;
il affirme que les radiations Wi-Fi provoquent le cancer ; il établit un lien
entre les fusillades dans les écoles américaines et la prescription accrue
d’antidépresseurs ; il insiste sur le fait que le Sida est causé par les
drogues récréatives consommées par les homosexuels ; il nie le bénéfice de la
fluoration de l’eau et envisage d’y mettre un terme aux Etats-Unis. Autant d’opinions
farfelues, jamais démontrées par aucune preuve scientifique.
Belle recrue.
Nommé au ministère de la Justice mais visé par des
accusations d’infractions sexuelles, l’ex-élu à la Chambre des représentants
Matt Gaetz a annoncé quelques jours plus tard renoncer à son poste. Que du beau monde.
Malheureusement, il existe une cohérence apparente dans l'irrationnel : si tout est volonté divine, à quoi sert de se battre contre des causes "matérialistes" si le dernier mot est celui d'un Dieu : il suffit de prier. C'est bien la vision que l'on a du monde qui est en cause (voir Les 2 visions du Monde).
Le moyen-âge est de retour. Science, Copernic, Darwin, Spinoza, Marx et Freud : au placard.
On assiste juste à la mise en place du délire libertarien d'Ayn
Rand (voir Moi, moi, moi... Ayn Rand, la libertarienne adorée de Trump) faisant maintenant feu, avec Trump, de tous les pouvoirs (Présidence, Chambre, Sénat, Cour suprême) dans la
main de fous furieux. Rand a biberonné Peter Thiel, cofondateur de PayPal et investisseur
influent, qui a exprimé des opinions sur la compatibilité entre la
démocratie et la liberté : selon lui, "la démocratie et la liberté ne sont pas
compatibles". Thiel pense que la démocratie conduit à des politiques qui encadrent et contrôlent les individus, ce
qui est contraire aux principes libertariens de la liberté individuelle et de la
non-intervention de l'État. Il a également mentionné que l'extension du suffrage et
l'augmentation des bénéficiaires de l'aide sociale aboutit au fait que la "démocratie capitaliste" est une contradiction formelle, un oxymore évident. Il soutient que ces
développements ont conduit à une augmentation de la dépendance à l'égard de
l'État, ce qui est incompatible avec les valeurs libertariennes. Fin de l'Etat Providence et chacun pour soi, soit un égoïsme "glorieux"qui remet en question les fondements mêmes de la démocratie
moderne.
Toujours la même rengaine de ceux qui héritent de "bons" déterminants (santé / QI / famille / fortune / environnement au sens large) permettant de "réussir" en s'appropriant une bonne partie du travail des autres, comme si c'était le leur (la méritocratie fait partie du côté obscur du Libre Arbitre => Le côté obscur du libre arbitre).
Trump annonce qu'il va déporter certains immigrés (20 millions ?) au
mépris de règles laborieusement acquises au cours de l'Histoire (mais promesse irréalisable selon les spécialistes)... De l'humanisme faisons table rase une bonne fois (foi ?)
pour toute, comme de l'humanité entière en forant à tout-va pour le pétrole, le gaz, le dollar : la nouvelle Trinité évangélique.
La misogynie assumée et le racisme déclaré (les immigrés
mangent les gentils toutous / Porto Rico : une "île flottante d’ordures") sont devenus de bons arguments pour attirer le
vote des femmes, des mâles noirs et des immigrés de toute couleur.
Un dégagisme des élites pour donner le pouvoir à des milliardaires... Pour reprendre une formule très en vogue : en votant pour Trump, ses électeurs croient qu'ils sont autour de la table alors qu'ils sont au menu !
Autre exemple : Donald Trump a décidé de torpiller l'impôt
minimum mondial des multinationales. En dénonçant l'accord conclu en 2021 par
quelque 140 pays sous l'égide de l'Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE), accord qui instaurait un taux d'imposition
minimum effectif de 15 % sur les profits des multinationales réalisant plus de
750 millions de dollars de chiffre d'affaires. C'est tout bon pour réduire les
inégalités ?
Ce que le philosophe
Michel Feher, invité de l'émission C Politique sur France 5 le 18 novembre, a
résumé par :
« Ce qui est promis par
Donald Trump, c'est un programme absolument inédit depuis l'Allemagne des
années 30, d'épuration ethnique, culturelle, totale. C'est-à-dire qu'il s'agit
d'éliminer tous ceux qui sont considérés comme parasites, au premier chef les
migrants, ensuite les fonctionnaires, les travailleurs syndiqués, bref ceux qui
étaient de l'ordre de ceux qu'il fallait dégraisser sous Reagan, là
l'imaginaire est un imaginaire d'épuration, voire de déportation (...) le
fascisme n'est pas du tout absent de l'histoire américaine ».
Dans une vision hégémonique pro-business, Donald Trump veut racheter le Groenland, le canal de Panama
et pourquoi pas, le Canada ! Soit la technique de la fenêtre d’Overton
élevée au niveau de la géopolitique mondiale (voir Sémantique, affects...politiques).
La science gêne son idéologie : supprimons la science !
Lors du premier mandat, il y avait encore quelques "adultes" dans le bureau ovale pour gérer les décisions hasardeuses du patron. Ce n'est plus le cas.
Des fous vous dis-je !
Heureusement, les fous n'ont guère de suite dans les idées : au cours de sa précédente présidence, Trump n'a tenu que 23 % de ses 102
promesses de campagne et a adopté un compromis sur 22 % d'entre elles. Rassurant ?
Pas vraiment quand on voit la suite et le chaos mondial du fait de taxes douanières invraisemblables infligées à tous les pays, et plus particulièrement aux plus pauvres d'entre eux. Rêvons un peu : le climato-sceptique Trump fait tout pour encourager l'inflation et la récession mondiale... Mais au fait, n'est-ce pas le meilleur moyen de diminuer la production de tout ce dont on peut se passer, ce qui va finalement... sauver la planète ! Les desseins de "Dieu" sont vraiment impénétrables.
Et puis deux jours plus tard, Trump change définitivement d'avis jusqu'à la semaine suivante. Aucune suite dans les idées, encore et toujours. Comme le décrit le site Slate :
"Une bêtise monstrueuse, une bêtise arrogante, une bêtise
d'autant plus éclatante qu'elle repose sur la conviction de s'asseoir sur une
intelligence hors pair. C'est cet écart prodigieux entre ce que pense être
Donald Trump – un génie – et ce qu'il est – un idiot patenté –, qui donne au
personnage tout son attrait, comme un début de fascination. Quand la bêtise se
donne les atours de l'intelligence, elle possède un je-ne-sais-quoi de
scintillant qui provoque un mélange de sidération et d'admiration, une sorte de
vertige dont on a du mal à saisir la véritable nature."
Trump, victime d'un effet Dunning-Kruger (on ne sait pas qu'on ne sait pas, incompétence et/ou inconscience) ou plutôt générateur d'un chaos boursier sciemment produit pour enrichir rapidement et illégalement ses copains - et lui-même - par des ventes à découvert d'actions puis des rachats à bon compte ; un délit d'initié aussi bête que la pyramide de Ponzi ?
Mais ce n'est évidemment pas Trump le problème ; pas plus qu'Hitler en son temps (ti point Godwin en passant). Nous sommes entrés dans une phase dominée par une idéologie conservatrice / réactionnaire qui ne peut que conduire à quelques catastrophes qui feront balancer à plus ou moins brève échéance une grande partie du Monde du coté progressiste / universaliste. Mais quand ? La tentation serait de ronger son frein, de laisser faire en attendant que ça passe...
Horreur, fatale horreur.
Quand on a compris que la coopération l'emportait sur la trahison (voir Un sacré dilemme pour la "Morale"), il nous faut nous engager idéologiquement afin de restaurer autant que possible la vision progressiste universaliste. Fort heureusement, l’évolution favorise les stratégies qui ne prennent jamais
l’initiative de trahir ! La morale de l'Histoire est que dans mon propre intérêt « égoïste », je devrais toujours
coopérer d’emblée, puis ajuster la relation en
fonction de la réponse de l’autre.
La réponse actuelle qui monte, qui monte, est celle des "illibéraux" rejetant certains principes fondamentaux liés à la liberté individuelle et aux droits humains, soit des régimes politiques qui, tout en maintenant des
structures démocratiques des plus minimales, limitent les libertés civiles et l'indépendance
judiciaire (voir "La République des juges") comme c'est le cas (liste non exhaustive)des dirigeants Viktor Orbán (Hongrie), Javier Milei (Argentine),Jaro ław Kaczyński (Pologne),Vladimir Poutine
(Russie),Recep Tayyip Erdoğan (Turquie), Jair Bolsonaro (Brésil),Nayib Bukele (El Salvador)... et du dernier en date : Trump.
Mais « Pourquoi
les pauvres votent à droite » : c'est le titre de l’ouvrage du journaliste Thomas Frank. L’auteur avance queles
électeurs des classes populaires aux États-Unis ont tendance à voter pour des
candidats conservateurs, alors même que ces candidats défendent des
politiques économiques qui vont à l’encontre de l’intérêt des classes
populaires. Selon l’auteur, cette tendance s’explique en partie par la façon
dont les conservateurs ont réussi à exploiter les peurs et les insécurités
des électeurs des classes populaires. Il soutient que les conservateurs ont
utilisé des questions culturelles et sociales, telles que l’avortement, le
mariage homosexuel et le contrôle des armes à feu, pour mobiliser les électeurs
des classes populaires et les amener à voter contre leurs propres intérêts
économiques. D'où le wokisme mis à l'index par tous ces apprentis dictateurs (voir Wokisme et cancel culture). Notons que certains remettent en partie en cause cette analyse en proposant de l'affiner*.
Le seul point positif, puisqu'il nous faut en trouver un, est que l'Europe va devoir réagir. Un mal pour un bien ? Qui peut dire ?
Et est-ce de la folie que de rester sage au milieu des fous ?