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Phénoménologie : une arnaque phénoménale ?

La phénoménologie - une branche de la philosophie - cherche à comprendre les structures de l'expérience vécue et à décrire les phénomènes tels qu'ils se présentent à la conscience sans recourir à des interprétations ou des théories préconçues. Elle met l'accent sur la subjectivité et l'intentionnalité, c'est-à-dire le fait que la conscience est toujours dirigée vers quelque chose.

Cela dit, parvenir au cœur de la (des) phénoménologie(s)[1] est à peu près aussi simple que d’avoir une vision exhaustive et cohérente de la mécanique quantique, sans aucune excuse de scientificité. 

D’autant que la visée de la phénoménologie, qui se veut scientifique sans daigner s’abaisser pour autant aux contraintes énoncées par Karl Popper[2], est élevée. Très élevée.

Selon Hegel, le but serait de décrire en totalité « l’essence intégrale de l’homme », c'est-à-dire toutes ses possibilités cognitives et affectives. 

Edmund Husserl

Mais c’est surtout avec Edmund Husserl que la phénoménologie acquière ses lettres de noblesse. Pour lui, la phénoménologie est le « lieu d'une intelligence finale de l'humanité par elle-même ». Fichtre ! Elle se donne pour tâche de « rechercher le fondement transcendantal de toute connaissance » en se posant elle-même comme « science de la conscience ». Une lévitation philosophique transcendantale.

Face à ce projet des plus grandioses, peut-on se risquer à quelques remarques qui ne seront probablement pas à la hauteur des ambitions poursuivies. Mais les notions « d’essence »[3], « d’idéalisme transcendantal », de « transcendance et immanence qui s'articulent dans le même acte », de « religion comme facteur d’épanouissement », « d’irréductibilité de la conscience »... semblent bien éloignées du naturalisme. Naturalisme que la phénoménologie considère du haut de son piédestal avec le plus grand mépris comme étant une approche « matérialiste réductrice » car « la science ne pense pas ! »

Heidegger s’est ainsi opposé au rationalisme de toutes ses forces :

« Je sais aujourd’hui qu’une philosophie de la vie vivante a le droit d’exister - que j’ai le droit de déclarer au rationalisme une guerre à couteaux tirés - sans subir l’anathème de la non-scientificité - j’en ai le droit - je le dois. »[4]

Selon l’agrégé et docteur en philosophie Claude Vishnu Spaak, féru de phénoménologie :

« La philosophie phénoménologique de la nature n’aurait guère de sens si l’on s’en tenait au cadre des sciences de la nature et de leur scientificité héritée du naturalisme. »[5]

Une variante sauvage pourrait donner : « la théologie n’aurait guère de sens s’il fallait prouver tout ce que l’on affirme à propos de Dieu ». Je ne suis pas certain que « la philosophie phénoménologique de la nature » ainsi que la « théologie » s’en trouvent renforcées. Comme le dit Jean Beaufret, lecteur assidu et fin connaisseur d’Heidegger, à propos de « l’être » et de « l’étant » :

« Les choses s’éclairent de plus en plus, c’est-à-dire... demeurent de plus en plus nébuleuses ! »[6]

En ce qui me concerne, chaque fois que je me désespère de comprendre les propos d’Heidegger, je me rappelle cet aveu attendrissant du même Jean Beaufret qui, pendant trente ans, à plusieurs reprises, déclare avoir presque été sur le point de comprendre - peut-être - cette sentence :

« Le péril est la menace de l’être par l’étant ».

On ne sait si son espoir a pu se concrétiser. Pour ma part, je verrais bien cette interprétation de la sentence d’Heidegger - qui sera jugée « réductrice » à n’en point douter par les zélotes phénoménologistes : les notions d’essence et de transcendance de « l’être » ont effectivement quelques soucis à se faire dans leur confrontation à l’existence ici et maintenant de « l’étant ». Le surnaturel n’est pas des plus certains !

A la lecture des phénoménologistes, j’ai souvent l’impression (phénoménale évidemment) qu’ils enfoncent quelques portes ouvertes et complexifient à l’envi. Carl Stumpf - philosophe qui a été le professeur de Husserl et a dirigé la thèse de ce dernier - avait déjà quelques inquiétudes à ce sujet :

« Pour les lecteurs désireux de comprendre ses Idées directrices, Husserl a rendu la tâche extraordinairement difficile dans la mesure où des exemples adéquats, susceptibles d’éclaircir le type de connaissances qu’il a en vue, font tout bonnement défaut. On est obligé de les chercher soi-même selon les instructions de la théorie générale qui y est soutenue pour s’en représenter ainsi le sens et les intentions, ce qui ne va pas, naturellement, sans quelques incertitudes. »[7]

Une sorte de « phénoménologie sans phénomènes » dira même Stumpf.[8]

Dans l’ouvrage « Le concept scientifique du libre arbitre »[9], le docteur en philosophie Albert Dechambre illustre assez bien le galimatias conceptuel « neurophénoménologique » dans un effort assez désespéré pour sauver le Libre Arbitre (il fallait bien que j'y vienne) :

« Le modèle neurophénoménologique montre que le libre arbitre est possible grâce à la dynamique des synchronisations, des trajectoires et des attracteurs, qu’il se réalise grâce à leur plasticité et leur sensibilité à l’analyse phénoménologique réflexive (la causalité circulaire entre niveaux). Il offre ainsi sa sensibilité à la causalité symbolique opérant au sein des flux de conscience des individus et des communautés. Nous pouvons ainsi réécrire le schéma de la causalité symbolique en termes de causalité circulaire et de cogénération entre le monde phénosymbolique et le système des inscriptions neuronales (assemblées, attracteurs, trajectoires) grâce au sujet énacté dans son environnement phénosymbolique et l’énaction des symboles et rapports symboliques dans l’activité neurologique. »

On se retrouve avec la « causalité circulaire », une causalité sans cause, qui tourne en rond. 


Avec la « Preuve du libre arbitre » du même Albert Dechambre, nous sommes très excités à l’idée d’avoir enfin une certitude, une preuve concernant l’existence de la liberté de la volonté. 
Conclusion de l’auteur :

« Nous sommes parfois libres. Cette conclusion modeste suffit car elle est la garantie que cette liberté peut s’accroire si nous veillons sur la richesse et la flexibilité de nos outils symboliques. Elle nous engage dans un processus dynamique autoréflexif : de plus en plus d’actions ne sont pas précédées de causes qui nous échappent… Cette conclusion faible peut apparaître comme une concession faite aux sceptiques (qui ne croient pas à la liberté de la volonté), et c’est bien le cas au sens où dans la vie quotidienne, peu de choix sont réellement libres. »[10]

Patatras ! Cruelle déception. La conclusion est à la fois « modeste » et « faible » ; et pas que la conclusion. Mais alors il faudrait modifier drastiquement le titre de cet article « Preuve du libre arbitre » par quelque chose comme : « Nous sommes peut-être libres, enfin, parfois, enfin je ne sais pas trop pour tout dire ». Ce serait moins marketé mais plus honnête. Le même précise concernant les sceptiques du LA comme le psychosociologue Daniel Wegner ou Libet avec son expérience princeps :

« Il faut convenir qu’ils ont déjà manifesté leur libre arbitre en ayant choisi le type d’expérience avec lequel ils pensaient pouvoir réfuter le libre arbitre. »[11]

Sophisme, quand tu nous tiens... Wegner ne « réfute » pas le LA « réel » ; il ne le voit nulle part et demande la preuve de son existence avant toute chose, preuve qui ne vient évidemment pas. Quant à faire coïncider choix et LA, l’animal effectuant également des choix, celui-ci est donc également doté du Libre Arbitre ? Quant à Libet, le pauvre, il voulait au contraire démontrer par son expérience la réalité du LA !

Je comprends fort bien que l’on puisse être fasciné par une tablette phénoménologique d’écriture cunéiforme promettant le Graal de la connaissance et de la conscience. Le décryptage de sentences ésotériques ne peut que passionner tous les Champollion en herbe qui se sont égarés en philosophie. Je n’ai pas reçu cette grâce, tout comme le philosophe Jean-François Revel qui constate...

« Le caractère rigoureusement tautologique de la démarche de Heidegger qui, lorsqu’il traite de l’être, se borne à nous dire que l’étant y surgit, et, lorsqu’il traite de l’étant, nous dit qu’il ne peut se comprendre qu’à la lumière de l’être (...)  Ce qui est à prouver se transforme insensiblement au bout de quelques lignes en preuve de l’idée qui devait lui servir de preuve. »[12]

Sophisme, quand tu nous tiens... Les agrégés de philosophie Henri de Monvallier et Nicolas Rousseau[13] n’ont malheureusement pas plus de chance que Revel : tous ceux-là considèrent la phénoménologie comme l'une des impostures intellectuelles majeures des XXème et XXIème siècles. Prônant une méthode qui se voudrait « rigoureuse » fondée sur la description des phénomènes tels qu'ils apparaissent à la conscience[14], la phénoménologie ne débouche, pour ces auteurs, sur aucun résultat probant. Cette branche de la philosophie singerait la profondeur à l'aide d'un jargon aussi incompréhensible que ridicule ; une entreprise dogmatique et autoritaire, qui impose sa vision du monde sans la soumettre à la critique, et qui méprise le lecteur en le noyant sous des formules absconses.

« Le jargon donne l'illusion de participer à une réalité supérieure : plus on l'emploierait, plus on s’élèverait au-dessus du niveau des simples mortels. Mais le plus souvent il ne s’agit que de sudation intellectuelle en vase clos. »[15]

Nicolas Rousseau cite à ce propos La Bruyère qui nous étonne avec une prescience proprement « phénoménale » :

« Une chose vous manque, c’est l’esprit. Ce n’est pas tout : il y a en vous une chose de trop, qui est l’opinion d’en avoir plus que les autres ; voilà la source de votre pompeux galimatias, de vos phrases embrouillées, et de vos grands mots qui ne signifient rien. »[16]

Bref, la phénoménologie pourrait bien être un avatar de l’idéalisme (spiritualisme), une obstination dans l’invérifiable.

Pour le philosophe Michel Onfray, préfacier de l’ouvrage « La phénoménologie des professeurs » :

« Il s’agit encore et toujours de vendre des arrières-monde - ce qui, après Nietzsche, devrait pourtant être une occupation aussi caduque que celle de fabriquer en série des haches en pierres polies (...) Des fumées pour dissiper des fumées »...

Et puis, une certaine promiscuité, voire une promiscuité certaine de Heidegger avec le nazisme et l’antisémitisme[17] n’est pas de nature à arrondir les angles, même s’il est de bon ton de séparer l’œuvre de l’homme qui adhéra à l’idéologie nationale-socialiste et au délire antisémite des « Protocoles des sages de Sion », un faux fabriqué par la police secrète tsariste[18]

Le même Heidegger qui a noté dans ses « cahiers noirs » récemment édités :

« L’une des formes les plus dissimulées du gigantesque, sa forme peut-être la plus ancienne, est la coriace habileté à calculer, trafiquer, embrouiller, en quoi se fonde l’acosmisme[19] du judaïsme. Le judaïsme mondial, excité par les émigrants qu’on a laissés sortir d’Allemagne est partout insaisissable et peut déployer sa puissance sans prendre part à aucune action guerrière - contre quoi il ne nous reste qu’à sacrifier le meilleur sang des meilleurs de notre propre peuple. »

Bigre ! Enfin une pensée claire... qu’on regrette aussitôt d’avoir compris. Certains y verront juste une « grosse bêtise » quand d’autres y détectent l’incurie éthique et politique de la pensée de Heidegger qui mobilise les concepts fondamentaux de sa pensée (dasein, oubli de l’Être, puissance efficiente de la technique) pour les fondre, les amalgamer dans les clichés antisémites de l’idéologie nazie. Jusqu’en avril 1942, Heidegger était membre de la « Commission pour la philosophie du droit », une instance nazie dirigée par Hans Frank, « le boucher de la Pologne »[20]

Et ce n’est pas l’ancien professeur de philosophie Vincent Cespedes qui dira le contraire, lui qui a fait pétition pour supprimer Heidegger de la liste des philosophes recommandés en Terminale[21]. Cinq mille signatures ; sans suite. Mais doit-on se plier à la « cancel culture » ou plutôt reconnaître l’existant et former un jugement ? (voir Wokisme et cancel culture)

Mêmes critiques chez le philosophe Stéphane Domeracki[22] auteur de « Heidegger et sa solution finale ». Certains diront joliment que la phénoménologie est essentiellement une question de « chemins ». D’autres complètent : des chemins qui ne mènent nulle part. 

Quoi qu’il en soit, la phénoménologie n’apporte rien de fondamental au sujet qui nous occupe (vous vous souvenez : le libre arbitre), même s’il existe des recherches recueillant des données subjectives dites « en première personne » (phénoménales) couplée à des données objectives dites « en troisième personne »[23] (scientifiques) dans le cadre notamment de la neurophénoménologie initiée par Francisco Varela[24]Reste à vérifier que la première personne apporte effectivement une aide à la troisième, comme, par exemple, la possibilité d’identifier des sensations « subjectives » prédictrices d’une crise d’épilepsie « objective » à venir[25]

Le neuroscientifique Stanislas DEHAENE ne semble guère plus convaincu :

« Transformer un mystère philosophique en un simple phénomène de laboratoire [...] Une fois que nous aurons clarifié comment l’acte de perception transforme certaines des informations qui frappent notre rétine en pensées conscientes, la montagne philosophique que nous nous faisons du caractère ineffable de l’expérience subjective accouchera d’une souris... de laboratoire. »

Trente après le début de la neurophénoménologie, je n’ai pas eu le bonheur de vérifier la pertinence de cette approche[26] dont on peut se demander s'il ne s'agit pas d'une simple confusion avec la neuropsychologie, une spécialité de la psychologie qui se concentre sur la relation entre les fonctions cognitives, le comportement et le cerveau...

De même, la « philosophie de la psychiatrie » est une tentative de lier phénoménologie et psychiatrie dans un attelage des plus improbables[27].

Mais laissons les portes ouvertes !


[2] Philosophe épistémologue, Popper a établi un critère de démarcation entre les sciences expérimentales et les autres savoirs. Il a mis l'accent sur l'idée de réfutabilité par l'expérimentation pour caractériser le savoir scientifique. La phénoménologie n’est en aucune manière « refutable ».

[3] « Phénoménologie de la perception » - Maurice Merleau-Ponty : « La phénoménologie, c'est l'étude des essences, et tous les problèmes, selon elle, reviennent à définir des essences : l'essence de la perception, l'essence de la conscience, par exemple (...) C'est une philosophie transcendantale qui met en suspens pour les comprendre les affirmations de l'attitude naturelle... » - http://philotextes.info/spip/IMG/pdf/merleau-ponty-phenomenologie-de-la-perception.pdf

[4] « Mein liebes Seelchen! » lettre à sa future épouse - 1916

[5] « Vers une philosophie phénoménologique de la nature » - Claude Vishnu Spaak https://journals.openedition.org/alter/582?lang=de#tocto1n2

[8] « Avec ou sans Phénomènes ? La Phénoménologie entre Stumpf et Husserl » - https://sciendo.com/pdf/10.2478/phainomenon-2017-0006

[11] Ibid

[12] « Pourquoi des philosophes » - 1965 - Pauvert - p.52

[13] « La phénoménologie des professeurs - L'avenir d'une illusion scolastique » - 2020 - L’Harmattan

[14] N’y a-t-il pas une grande difficulté, voire une impossibilité majeure, à être à la fois acteur, observateur et analyste de son expérience « consciente » ?

[17] A quelques exceptions près : des amis juifs, Hannah Arendt... Soit des affects à géométrie variable, comme pour nous tous...

[18] « Les Protocoles des Sages de Sion » - https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Protocoles_des_Sages_de_Sion et « Lecture d’un faux ou l’endurance d’un mythe : les Protocoles des Sages de Sion » - https://www.erudit.org/en/journals/crs/1989-n12-crs1516226/1002060ar.pdf

[19] Terme appliqué par Hegel au système de Spinoza (par opposition à athéisme) parce qu'il fait rentrer le monde en Dieu plutôt qu'il ne nie l'existence de celui-ci. L'acosmisme est la théorie qui, par contraste avec le panthéisme, nie la réalité de l'univers, ne le considérant finalement que comme illusoire.

[23] Données dites "en troisième personne", c'est-à-dire observables et reproductibles à l’identique par un observateur neutre

[24] Rappelons que Husserl était des plus critiques concernant les tentatives de « naturaliser » la philosophie

[25] « Anticipating seizure: Pre-reective experience at the center of neuro-phenomenology » - https://clairepetitmengin.fr/AArticles%20versions%20finales/Co%20&%20Co%20-%20Anticipation.pdf

 [26] « Francisco Varela’s neurophenomenology of time: temporality of consciousness explained? » - https://www.actaspsiquiatria.es/repositorio//15/84/ENG/15-84-ENG-253-262-516323.pdf

[27] « Heidegger, psychiatre malgré lui ? » 

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Le corbeau croasse et l'Homme croit

"Le corbeau croasse, et l'herbe croît
Le crapaud coasse, et l'Homme croit"
Claude Nougaro (à peu près)

Je "crois" que la Terre est ronde. Pourtant, je ne l'ai jamais vérifié par moi-même mais je tiens compte de tous les éléments scientifiques accumulés. 

Ce qui n'est manifestement pas une attitude (altitude ?) allant de soi :

Les croyances peuvent pourtant être utiles, fournissant à l’individu une représentation plus ou moins fiable de son environnement afin de contribuer à des prises de décision adaptées au contexte. Contrairement aux simples perceptions, le contenu informationnel des croyances permet aux individus de dépasser l’ici-et-maintenant auquel ils sont reliés par leurs organes sensibles.

La notion de croyance sert à désigner l’adhésion à des idées, des opinions, des valeurs sans qu’une démonstration rationnelle, empirique ou théorique n’ait toujours été convoquée à l’élaboration et l’adoption des croyances en question. La croyance peut être simplement une idée, une pensée qui, maintes fois répétée, devient "notre réalité". 

Les  croyances peuvent être plus ou moins "chargées", aussi bien au niveau épistémique (la qualité informationnelle des contenus entretenus), affectif (les conséquences de leur vérité pour le bien-être de l’individu), que social (le degré auquel elles sont partagées au sein de son groupe d’appartenance).

Finalement, la croyance est un sujet complexe qui fait l’objet de nombreux débats théologiques, philosophiques et scientifiques depuis fort longtemps. 

Comme nous le précise le théologien (!) Hans-Ferdinand Ange : 

"De  nouvelles  découvertes  en  neuroscience  cognitive  montrent  que  les  croyances  sont  le  produit  de  processus  cérébraux  provoqués  par  des   processus  neuronaux  en  évolution  rapide  en  dehors  de  la  conscience  consciente (...) Les preuves empiriques d'un traitement inconscient sont  accablantes. Néanmoins, les gens font confiance à leurs perceptions et les considèrent  comme  subjectivement  vraies."*

Mais on ne devrait pas croire n'importe quoi venant de n'importe qui... sous peine de mort comme l'a montré l'illusionniste, sceptique et investigateur James Randi concernant l'arnaque des chirurgiens à mains nues. 

Vidéo étonnante, et message clair de James Randi : 

« Ne soyez pas trop sûr de vous. Peu importe à quel point vous êtes intelligent ou bien éduqué, vous pouvez être trompé ». 

Mais ça, tout de même, c'est bien un OVNI, non ?


Non : c'est un "nuage lenticulaire".

Mais comment s'y retrouver dans cette profusion de croyances chaotiques allant dans tous les sens, contradictoires bien souvent et potentiellement néfastes pour l'individu et/ou le groupe ?

Une boussole : pas de preuves = pas de raisons de croire
Ou encore : la charge de la preuve est supportée par celui qui affirme quelque chose
Ou bien même : "ce qui est affirmé sans preuve, peut être nié sans preuve" (Pierre-Simon Laplace)

Et si la science n'explique pas tout, les livres religieux n'expliquent rien du tout. En fait, foi, spiritualité et religiosité semblent se situer dans un circuit cérébral commun centré sur la substance grise périaqueducale (étude). D’autres études sur la religion et la spiritualité (R/S) ont montré plusieurs régions cérébrales potentiellement associées au développement et au comportement du R/S, notamment le cortex frontal médian, le cortex orbitofrontal, le précunéus, le cortex cingulaire postérieur, le réseau en mode par défaut et le noyau caudé (étude), soit des entités bien « matérielles »  ne pouvant pas se passer des lois naturelles.

En science - comme en justice - la charge de la preuve est cruciale pour valider les hypothèses et les théories. Les scientifiques doivent fournir des preuves expérimentales et des données pour étayer leurs hypothèses. Sans preuves solides, une hypothèse ne peut pas être acceptée comme une théorie valide.

Ainsi, la médecine basée sur les preuves (ou Evidence-Based Medicine) est une approche visant à intégrer les meilleures données et pratiques scientifiques disponibles dans l'intérêt des patients.

Voici une vidéo intéressante sur la croyance en générale, et la foi en particulier. A voir, vraimentCroire ou ne pas croire... et son corollaire concernant le curseur de vraisemblance selon Henri Broch, professeur de physique et directeur du laboratoire de zététique.

Mais au fait : décide-t-on "librement" (libre arbitre) de nos croyances ? 
Le prix Nobel Daniel Kahneman a montré à quel point nos croyances sont influencées par des biais cognitifs. Le biais de confirmation, par exemple, nous pousse à chercher et à interpréter des informations qui confirment nos croyances existantes, limitant ainsi notre capacité à changer volontairement de croyances.
Autre biais bien connu : la dissonance cognitive suggère que les individus ressentent un inconfort lorsqu'ils sont confrontés à des informations contradictoires avec leurs croyances. Pour réduire cette dissonance, ils peuvent soit ajuster leurs croyances, soit ignorer ou rationaliser les nouvelles informations, montrant une résistance au changement de croyance.

Bref, une affaire de neurones qui ne soufrent pas de l'existence d'un libre arbitre surnaturel quelconque.

La foi, les "forces de l'esprit"... ne peuvent être que des arrangements subtils du chaos déterministe ; et ce n'est rien d'autre. Ou alors on change de paradigme en glissant du matérialisme vers le spiritualisme comme dans cette séquence avec Jean d'Ormesson (spiritualiste) commentée par J.L. Mélenchon (matérialiste).


Au fait, est-ce que l'animal "croit" ? 
Sans tomber dans un anthropomorphisme débridé, des philosophes suggèrent que les animaux peuvent avoir des croyances implicites basées sur leurs interactions avec le monde. Ces croyances ne sont pas nécessairement conscientes ou réfléchies au sens humain du terme, mais elles influencent leur comportement et leurs décisions. 
Les études sur la cognition animale montrent que de nombreuses espèces ont des capacités cognitives sophistiquées. Les chimpanzés utilisent des outils, les dauphins ont une conscience de soi et les corbeaux montrent des comportements de planification : donc les corbeaux ne font pas que croasser, il croient. Ces capacités suggèrent que certains animaux possèdent des formes de "croyance" ou de compréhension du monde. Le lion, de par son obligation de chasser pour survivre, son "éducation" et son expérience de chasse pense / croit que cette petite gazelle écartée du troupeau sera une meilleure proie à moindre frais. Pour des raisons semblables, je pense / crois que cette brioche est mon meilleur choix après avoir étudié son rapport qualité / prix.

Oui mais... quid de la spiritualité que seul l'animal-humain possède ? Notons que de nombreuses espèces animales montrent des signes d'empathie et d'émotions complexes. Les grands singes, par exemple, peuvent éprouver de la tristesse, de la joie et du deuil. Ces émotions peuvent être liées à des expériences spirituelles chez les humains. Certains animaux, comme les dauphins, les grands singes, les pies et les corbeaux, les éléphants d'Asie etc., montrent des signes de conscience de soi, ce qui est un élément central de nombreuses expériences spirituelles humaines (la capacité de se reconnaître dans un miroir est un indicateur de conscience de soi).
Certains animaux montrent des comportements qui pourraient être interprétés comme étant des rituels. Par exemple, les éléphants sont connus pour avoir des comportements complexes autour des dépouilles d'autres éléphants, ce qui pourrait suggérer une forme de respect ou de rituel.

Mais les animaux n'ont pas le langage ! 

Enfin... ce dialogue (!!) avec un primate laisse rêveur : voir conversations avec Koko, la gorille.

Pourrait-on enfin admettre le continuum évident entre l'animal et l'humain ?

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*Credition and the neurobiology of belief: the brain function in believing - Hans-Ferdinand Ange - https://doi.org/10.20935/AcadBiol7359

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Neuro... politique

Chacun est persuadé qu'en matière politique, son vote est le résultat de son discernement - libre arbitre, et de ses convictions bien établies ; au point de ne pas bien comprendre pourquoi certains votent autrement. L'affaire est d'importance, au point de créer des conflits, bagarres et autres attaques, verbales comme physiques. Les divergences religieuses donnent des résultats similaires.

Car ces deux sujets - politique et religion - sont au cœur de notre vision du monde ; et toute remise en cause est généralement perçue comme une agression apportant son lot de violences potentielles entre les individus comme entre les pouvoirs étatiques, jusqu'à des extrémités que conceptualise Achille Mbembe dans ce qu'il appelle la "nécropolitique".

Bon. On pourrait s'arrêter là : chacun a ses convictions. Les goûts - comme les couleurs - ne se discutent pas.

Pas tout à fait, car une nouvelle discipline - la neuropolitique - tente de corréler opinions politiques et fonctionnement cérébral. 

Ainsi, une étude suggère que le cortex cingulaire antérieur, qui joue un rôle dans la détection des contradictions, est plus volumineux chez les gens de gauche alors que la région de l’amygdale, impliquée dans la peur, est plus développée chez les gens de droite[1]. On sait par exemple (étude)  que lamygdale joue un rôle clé dans l’hyperréactivité émotionnelle en réponse à une menace sociale chez les patients souffrant de trouble d’anxiété sociale. Ainsi la peur des situations conflictuelles et des risques pourrait - en partie - expliquer les différences d’opinions politiques. 

"La stimulation électrique de l'amygdale évoque des émotions intenses, telles que l'agressivité, la peur et les réponses d'anxiété chez l'homme. Les lésions irritatives de l'épilepsie du lobe temporal ont pour effet de stimuler l'amygdale. Dans sa forme extrême, les lésions irritatives de l'épilepsie du lobe temporal peuvent provoquer une crise de panique."

Une autre étude[2] va dans le même sens en montrant que les attitudes politiques varient selon des traits physiologiques ayant une base biologique, et non pas seulement du fait d’un environnement d’expériences et de cultures particulières comme on le pense généralement. 
Parmi des adultes ayant de fortes convictions politiques, les personnes présentant des sensibilités plus faibles aux bruits soudains et aux images visuelles menaçantes étaient plus susceptibles de soutenir l'aide aux étrangers, les politiques d'immigration, le pacifisme et le contrôle des armes à feu. 
En revanche, les personnes affichant des réactions physiologiques sensiblement plus élevées à ces mêmes stimuli étaient plus susceptibles de favoriser les dépenses de défense, la peine capitale, le patriotisme / nationalisme et la guerre en Irak... (voir Nationalisme versus mondialisme). Ce qui semble aller dans le même sens que l’étude précédente avec la grosse amygdale et la peur qui en découle. Mais cela ne dit pas qui est l’œuf et qui est la poule dans cette relation entre anatomie, physiologie, expériences, environnement et conviction politique. La peur "grossirait" l’amygdale et ferait sursauter ? Ou une grosse amygdale génétiquement programmée ferait naître de grosses peurs avec des besoins de sécurité accrus et une forte croyance dans le LA qui autoriserait la punition ? 
De multiples interactions chaotiques entre inné et acquis semblent l’hypothèse la plus probable.

Quoiqu'il en soit, l'homme providentiel, autoritaire et sûr de lui, ne peut que "rassurer" et plaire lors des périodes historiques incertaines comme la nôtre. Qu'il soit incompétent, qu'il ne travaille que pour son propre compte, sa gloire et autres colifichets devient accessoire (voir Le peuple a-t-il toujours raison en démocratie ?). Ces "sauveurs" peuvent devenir des tyrans sacrifiant leur peuple qui se réveille un jour au milieu des décombres (suivez mon regard ou celui de Godwin).

Autres données allant dans le sens d'influences n'ayant rien à voir avec l'exercice d'un pseudo libre arbitre : Alexander Todorov, un psychologue social, a effectué des recherches sur la perception des visages et son influence sur les jugements sociaux, notamment dans le contexte politique. Dans cette étude, Todorov et ses collègues ont demandé aux participants d'évaluer la compétence des candidats à des élections en fonction de leurs visages, sans avoir accès à aucune information sur leurs politiques ou leurs représentants. 

Les résultats ont montré que les évaluations de compétence basées sur les visages étaient fortement corrélées avec les résultats des élections. Les candidats qui étaient perçus comme plus compétents sur la base de leurs visages étaient plus susceptibles de gagner les électionsCette étude suggère que les électeurs peuvent être influencés par leur perception des visages des candidats lorsqu'ils votent, même si cela n'est pas conscient.
N.B : cette étude a été menée dans le contexte des élections américaines : il est possible que les résultats ne soient pas généralisables à d'autres contextes culturels ou politiques).

Voter à la "bonne" tête du client, et/ou en fonction du volume de son amygdale... Est-on bien certain de voter en pleine conscience avec un libre arbitre qui aurait tout pouvoir de décision, non déterminé par quoi que ce soit, égal d'un individu à l'autre ? 
Mais si tout ceci était "vrai", pourquoi autant de différences entre les votes et des débats aussi enflammés allant jusqu'à faire brandir une tronçonneuse par le "fou" argentin ? 


Peut-être un libre arbitre différent d'un individu à l'autre ? Mais alors, cela constituerait un déterminant comme un autre, soit l'annulation pure et simple de ce concept échappant à toute compréhension. 

Tout compte fait, ce n'est pas très étonnant que la plupart des philosophes se battent sur ce sujet depuis des siècles en concluant que "la question n'est toujours pas résolue". La question des dieux non plus, pas plus que l'existence de la licorne, du yéti, des fantômes, de l'éther en physique, du monde des idées (Platon)... Difficile de prouver l'existence de ce qui n'existe pas. Plutôt que la tronçonneuse, le rasoir d'Ockham semble plus rationnel ; et c'est peut-être l'occasion de revisiter notre propre conception du monde ?

Sur la neuropolitique : écouter à partir de la min.7 (cliquer sur l'image)


[1]  « Neurocognitive correlates of liberalism and conservatism » - Amodio et al., 2007 - http://eugrafal.free.fr/Amodio-et-al-2007.pdf et « Political orientations are correlated with brain structure in young adults » - Kanai et al. - 2011 - https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3092984/

[2] «  Political attitudes vary with physiological traits » - 2008 - https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18801995/

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Et pour aller plus loin, le livre "La dernière blessure" centré sur la notion du libre arbitre (illusoire)... en cliquant sur l'image ci-dessous

Nationalisme versus mondialisme

L’évolution des regroupements humains, depuis la famille jusqu’à la mondialisation, est une histoire de complexité croissante et d’interconnexion. 

Les premiers regroupements humains étaient basés sur des liens de sang et des relations familiales. Les familles et les clans offraient une protection, un partage des ressources et une transmission des connaissances essentielles à la survie.
 
Avec l’avènement de l’agriculture, les humains ont commencé à se sédentariser, formant des villages. Ces regroupements permettaient une meilleure organisation du travail agricole, la construction d’infrastructures communes et une défense collective contre les menaces extérieures.
 
À mesure que les villages grandissaient, ils se sont transformés en cités-États et en régions. Ces entités plus grandes permettaient une spécialisation accrue des métiers, le développement du commerce et l’émergence de structures politiques plus complexes.
 
Les régions et les cités-États se sont progressivement unifiées pour former des nations. Cette unification était souvent motivée par des besoins de défense commune, de gestion des ressources à plus grande échelle et de consolidation du pouvoir politique.
 
Aujourd’hui, nous vivons à l’ère de la mondialisation qui ne date pas d'hier et qui semble être la suite inéluctable de la dynamique historique évoquée, avec des frontières nationales devenant de plus en plus perméables. Cette phase est caractérisée par une interconnexion économique, culturelle et technologique sans précédent. 


Les raisons profondes de cette mondialisation incluent l
es avancées technologiques, notamment dans les domaines des transports et des communications, qui ont réduit les distances et facilité les échanges internationaux.
La recherche de nouveaux marchés et de ressources a poussé les nations à s’ouvrir et à collaborer économiquement. Les échanges culturels et la diffusion des idées ont favorisé une compréhension et une coopération internationales accrues.
Les organisations internationales et les accords multilatéraux jouent (devraient) jouer un rôle clé dans la gestion des défis globaux comme le changement climatique et les crises économiques.
Cette progression des regroupements humains reflète une quête constante de sécurité, de prospérité et de développement. A part un accident majeur (guerre nucléaire / comète / épidémie dévastatrice etc.), on ne voit pas très bien ce qui pourrait entraver cette progression vers la mondialisation, pour les mêmes raisons de fond qui nous ont fait passer du clan à la nation. 

Et pourtant, il existe des nationalistes qui luttent contre cette évolution culturelle et technique. Pourquoi ?
Principalement pour des raisons idéologiques, des visions du monde opposées et des craintes concernant la préservation de leur identité (le "grand remplacement"...).

Mondialisation et nationalisme sont deux idéologies opposées qui façonnent les politiques économiques, sociales et culturelles des peuples. Alors que la mondialisation prône l’interconnexion et l’intégration mondiale, le nationalisme met l’accent sur la souveraineté nationale et l’identité culturelle. 

Quelques précisions nécessaires :

  • Le matérialisme, qui inclut l’idée que le libre arbitre est une illusion, propose que nos actions et comportements sont déterminés par des causes physiques et biologiques. Cette vision peut favoriser une plus grande tolérance. En effet, si nos actions sont déterminées par des facteurs intérieurs et extérieurs hors de portée de notre contrôle conscient, il devient plus facile de comprendre - ce qui ne veut pas dire tout tolérer - le comportement des "autres". On peut voir les actions négatives comme le résultat de circonstances (génétique et environnement) plutôt que de choix moraux réellement délibérés. On ne peut dans ce cas pas faire autrement que ce que l'on fait (voir Peut-on faire autrement).
Universaliste, le matérialisme tend à voir tous les humains comme fondamentalement égaux, car nous sommes tous soumis aux mêmes lois naturelles. Cette perspective peut réduire les préjugés et les discriminations basées sur des différences perçues. En reconnaissant que les comportements sont le résultat de conditions de vie souvent difficiles, le matérialisme peut encourager une attitude plus empathique et compatissante envers ceux qui sont différents de nous.

  • Le spiritualisme, en revanche, met l’accent sur l’importance de l’âme, de la volonté libre et privilégie l’identité culturelle (traditions). Cela peut conduire à une résistance aux influences extérieures et à une méfiance envers les étrangers qui pourraient menacer cette identité. En insistant sur des valeurs et des croyances spécifiques, le spiritualisme peut créer des divisions entre ceux qui partagent ces valeurs et ceux ne les partageant pas. Ce qui peut entraîner des discriminations envers les minorités et les étrangers (voir Wokisme et cancel culture), certaines formes de spiritualisme pouvant justifier la discrimination en se basant sur des croyances religieuses ou culturelles qui considèrent certaines populations comme inférieures ou menaçantes. Bref, un nationaliste pur jus, conservateur ou réactionnaire comme il vous plaira. Certains de cette chapelle comme Jean-Jacques Stormay en sont encore à réclamer "un roi légitime de droit divin" abrogeant tout de go république et démocratie ; deux fois rien. Comme le relate le site d’obédience dextre "Jeune Nation" :
"Dans la Doctrine du Fascisme catholique, Jean-Jacques Stormay nous exposait la spécificité de cette pensée politique, actuellement la seule qui sache harmoniser rationnellement les exigences de l’ordre naturel et celles de l’ordre surnaturel, du Bien commun politique et du Souverain Bien."

Bienvenue au Moyen Age. On peut se demander comment leur Dieu a pu se rendre complice de la décapitation de Louis XVI, son protégé. Un coup de Satan, c'est certain. 
Comme il est certain que le nationalisme gagne du terrain ces derniers temps (Turquie, Inde, États-Unis, Russie, Chine, Hongrie, Pologne, Israël, Royaume-Uni avec son Brexit, France avec le R Haine comme premier parti politique...). 

« Le nationalisme c’est la guerre » disait François Mitterrand, surtout quand il devient impérialiste.

« Fier d’être français » écrivait Max Gallo dans son livre éponyme. Dans la définition du mot fierté, la morgue, l’arrogance, la supériorité affichée sont très proches, sinon incluses dans le mot. Je n’ai pas à être « fier » d’être né ici plutôt qu’ailleurs, pas plus que d’être « fier » d’être gay, blond, blanc, noir, musclé etc. puisque ces situations sont le fait de déterminants aléatoires. En revanche, je peux être heureux de vivre - par un savoureux hasard - dans un pays républicain, démocrate, où nombre de valeurs me sont maintenant chères, même si tout ne va pas pour le mieux. Pas de raison non plus d’être fier d’appartenir à une civilisation ou une ethnie qui se croirait « meilleure » que d’autres. C’est ce que nous explique le géographe, biologiste évolutionniste, physiologiste, historien et géonomiste Jared Diamond[1] qui considère comme cruciaux certains facteurs ayant déterminé l'inégalité des sociétés et la domination de certains hommes sur d’autres : tout d’abord la « chance géographique », puis les armes, les germes (bactéries, virus...) et l’usage des métaux. L’auteur réfute entièrement l’explication génétique - qu’il considère comme « raciste »[2] - des divergences entre les sociétés humaines. Il adopte au contraire une optique « naturaliste » dans le sens où la géographie de l’environnement et la biogéographie ont façonné des configurations historiques différentes dans le cadre de la vicariance[3]. Pour Diamond, nous ne sommes dans notre chère civilisation occidentale que les très heureux héritiers de déterminants favorables. Analyse identique pour David Cosandey dans son ouvrage « Le secret de l’occident »[4]. De là à être fier...

Autant les guerres de clans ne faisaient que quelques morts, autant le nationalisme à l’ère nucléaire est d’une autre nature. Les prétentions territoriales russes ont malheureusement des chances d’aboutir sous la menace de l’anéantissement du monde.

Du côté de la droite libérale toujours (il existe plusieurs droites dont celle qui a le cœur à gauche et le portefeuille à droite), Pierre-Henri Tavoillot considère que...

« Etre de Gauche, c’est aimer la Gauche plus que la France ; être de droite, c’est aimer la France plus que la Droite ».

Étrange provocation. Peut-on préférer, voire même comparer carotte et dé à coudre ? Libre-échange et pain Poilâne ? J’aime la France d’abord parce j’y suis né, et j’aimerais très probablement tout autant le Pakistan pour la même « raison » : affective. Mais quand je compare les normes sociétales, je préfère la France ; c’est surtout qu’elle m’a constituée et que j’ai pu intégrer ses normes et leur histoire. Mais je comprends fort bien que des pakistanais puissent préférer les normes pakistanaises car ce sont les leurs. La seule discussion possible concerne l’universalité éventuelle des valeurs respectives : je prétends que permettre aux filles d’étudier est une valeur qui devrait être universelle, mais il n’est pas question pour autant de l’imposer manu militari aux pakistanais et autres peuples qui en sont là. Aimer la Gauche et ses valeurs universalistes n’entre pas en compétition avec l’amour du pays. Et cet amour du pays ne devrait pas se confondre avec un chauvinisme et la fierté « d’être français, moi Monsieur », le mépris des autres et de leur culture, quand bien même celle-ci peut générer un certain dégoût (manger du chien) ou des critiques légitimes en comparaison des valeurs universalistes.

Il faut admettre que des individus de chaque camp peuvent adopter des attitudes variées d'autant que tout n'est pas simple. Ainsi, la mondialisation dans le cadre capitaliste a apporté des avantages mais présente également des effets pervers qui peuvent avoir des conséquences négatives sur les sociétés et les économies. Elle a notamment conduit à une concentration de la richesse dans les mains de quelques-uns, augmentant drastiquement les inégalités économiques.

Les travailleurs des pays développés peuvent perdre leurs emplois en raison de la délocalisation vers des pays où la main-d’œuvre est moins chère. L’augmentation de la production et du commerce international a entraîné une exploitation excessive des ressources naturelles et une pollution accrue. Les réglementations environnementales sont souvent moins strictes dans les pays en développement, ce qui peut aggraver les problèmes écologiques. Les États peuvent perdre une partie de leur souveraineté en raison de la pression des multinationales et des institutions internationales. Les politiques économiques nationales peuvent être dictées par des intérêts étrangers, limitant la capacité des gouvernements à protéger leurs citoyens. La mondialisation peut mener à une uniformisation des cultures, où les traditions locales sont remplacées par des cultures dominantes, ce qui peut entraîner une perte d’identité culturelle et de diversité.

Quelles seraient les solutions pour remédier aux effets négatifs de la mondialisation tout en restant dans le paradigme matérialiste, le seul socle idéologique / philosophique qui soit commun à tous les humains ?

  • Mettre en place des politiques fiscales et sociales pour redistribuer la richesse et réduire les inégalités économiques. 
  • Renforcer les filets de sécurité sociale pour protéger les travailleurs affectés par la mondialisation. 
  • Adopter des réglementations environnementales strictes, encourager les pratiques durables et promouvoir les technologies vertes et les énergies renouvelables pour réduire l’empreinte écologique.
  • Les gouvernements doivent négocier des accords commerciaux qui protègent leurs intérêts nationaux et leur souveraineté.
  • Encourager la coopération internationale pour réguler les activités des multinationales et garantir des pratiques commerciales équitables.
  • Soutenir et préserver les cultures locales par des politiques éducatives et culturelles.
  • Encourager les échanges culturels qui respectent et valorisent la diversité.

En adoptant ces mesures, il devrait être possible de tirer parti des avantages de la mondialisation tout en minimisant ses effets pervers et réduire d'autant les tendances identitaires nationalistes, royalistes, fascistes etc. 

Prendre en compte à la fois le relativisme moral et l’universalisme nécessite une compréhension nuancée des influences culturelles notamment concernant les jugements moraux, politiques, sociétaux. Il nous faut reconnaître la légitimité des perspectives éthiques diverses tout en défendant des principes fondamentaux qui promeuvent la dignité humaine et le bien-être.

Qui va s'y coller ?

Si vous avez 20 min. à gagner, voici une vidéo intéressante montrant les tensions entre identités / particularismes et collectif / universel :


Et quelques réflexions lumineuses sur le nationalisme en cliquant sur l'image (25 min.) :


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[2] Quand bien même il y aurait des différences génétiques plus favorables que d’autres, nous n’avons rien choisi « librement »

[3] La vicariance « géographique » se produit lorsque deux populations d’une même espèce sont séparées par une barrière physique (montagne / mer) et évoluent de manière indépendante, donnant naissance à deux espèces distinctes. La vicariance cette fois « écologique » se produit lorsque deux populations d’une même espèce occupent des niches écologiques différentes dans une même aire géographique et développent des adaptations spécifiques, donnant naissance à deux espèces distinctes. On peut parler également de vicariance « culturelle »...

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