Pouvoir faire autrement (possibilités alternatives) semble être une compétence/condition nécessaire pour parler de libre arbitre ontologique permettant ainsi de punir.... car le délinquant aurait pu (dû) faire autrement !
C’est ce que pensent nombre de philosophes dont Christian List qui concède que le libre arbitre et ses conditions préalables – l’action intentionnelle,
les possibilités alternatives et le contrôle causal de nos actions – ne peuvent
pas être trouvés parmi les caractéristiques physiques fondamentales du monde
naturel. Dont acte.
Il semble donc a priori se positionner en faveur d'un paradigme naturaliste.
Mais,
selon lui, ce n’est pas là que nous devrions chercher !
"Le libre arbitre est un
phénomène de « niveau supérieur » qui se situe au niveau de la psychologie. Il
ressemble à d’autres phénomènes qui émergent de processus physiques mais sont autonomes et ne sont pas mieux compris en termes physiques fondamentaux,
comme un écosystème ou l’économie. Lorsque nous le découvrons dans son contexte
approprié, reconnaître que le libre arbitre est réel n’est pas seulement
scientifiquement respectable ; c’est indispensable pour expliquer notre monde !"*
Comment peut-on se déclarer naturaliste (matérialiste) et parler d'émergence qui serait autre chose que la "simple" complexité des phénomènes régis par les lois naturelles dans le cadre d'un chaos déterministe ?
L'exemple de Lenia (voir Emergence de LENIA) devrait pourtant être suffisant pour se convaincre de la possibilité matérialiste de création de structures particulièrement élaborées. En quoi - et comment - la psychologie humaine échapperait-elle à ce processus ?
Par ailleurs, les exemples de l'auteur - écosystème et économie - ne sont effectivement pas cernées totalement par l'analyse à partir des lois fondamentales, non du fait de l'existence d'un fantôme surnaturel dans la machine mais de par la complexité des causes, des conséquences et du chaos qui en découle. Les prévisions climatiques sont de cet ordre et je ne comprendrais pas que Christian List nous invite, s'il est réellement matérialiste, à penser autrement.
Puis vient l'argument que le libre arbitre "réel" est scientifiquement respectable : pourquoi pas ! Mais il faudrait autre chose, une preuve quelconque, pour commencer à adhérer à ce concept incompréhensible dans un paradigme naturaliste scientifique.
Enfin, List nous affirme que le libre arbitre est indispensable pour expliquer notre monde... Mais avant l'Humain, le monde existait sans libre arbitre (LA) et l'animal n'en a toujours pas selon les zélés zélotes du LA alors que les animaux non-humains possèdent bien des éléments primitifs de morale régissant les groupes, des embryons de culture, voire de techniques... ; le tout sans besoin de LA. C'est autant de merveilles montrant l'émergence lente de structures complexes, notamment du point de vue psychologique.
En bon "compatibiliste" (libre arbitre ontologique et lois naturelles font bon ménage), List pense que pour définir le libre arbitre, il suffirait que je soutienne mes choix/actions
d'une manière ou d'une autre : si je les soutiens, les défends, les trouve
raisonnables, mes raisons justifient/prouvent la réalité du LA.
Entourloupe ! Car un LA qui serait "réel" nécessiterait un choix, une volonté libre indépendamment des "raisons", "causes" et "contraintes" externes etinternes. Si List a "choisi" ce matin de se faire un thé plutôt qu'un café comme la veille, c'est qu'il pense n'avoir pas bien dormi à cause du café (cause interne pour simplifier), mais comme il se doit d'être en forme pour le séminaire cet après-midi (cause externe)... Mais il aurait tout aussi bien pu choisir le café plutôt que le thé pour justement se rebooster du fait le manque de sommeil.
Bref, tout semble possible dans un sens et l'autre. Comment se fait-il qu'on parte d'un côté ou d'un autre ? Finalement, List a pris un café en se rappelant que la fois précédente, dans des conditions similaires, ce choix du café l'avait bien requinqué, soit une "raison interne", biologique, sur laquelle il n'a eu aucune prise. Mais il aurait pris plutôt un thé si le café lui avait déclenché une crise de tachycardie en plein séminaire la fois précédente, une autre "raison interne" indépendante de sa "volonté"..
Animaux humains et non-humains sont les produits de la génétique et de l'environnement. Ils font en permanence des choix de survie, chacun avec ses "raisons", plus sophistiquées chez l'humain que chez l'animal, mais fondamentalement reposant sur les mêmes processus mentaux. Rien ne permet scientifiquement d'affirmer le contraire et tous ne font pas les mêmes choix pour des raisons tenant non pas à une liberté de la volonté fictive, mais à des déterminants différents, conscients ou non.
Finalement, nos choix sont déterminés par des causes externes et internes dont nous n'avons souvent même pas connaissance (voir https://librearbitre.eu/accueil/psychiatrie-neurosciences/), et qui remontent... très loin dans le passé.
Par exemple, que domine-t-on vraiment lors d'un "coup de foudre" qui relève en grande partie d’un phénomène
chimique et hormonal. En l’occurrence, le cerveau produit de la
phényléthylamine responsable de la transmission de la sensation de plaisir
entre les neurones (effet euphorisant puissant).Puis l’organisme
produit de la dopamine qui joue un rôle essentiel dans le mouvement, la
motivation, le plaisir et la récompense selon l’institut du Cerveau. Elle rend
euphorique dans le cas d’un coup de foudre et la sensation d’hébétude
s’intensifie. L’ocytocine, molécule de l’attachement, est également produite,
ainsi que l’adrénaline : le cœur bat la chamade, on rougit, on a chaud. Mais
la science n’explique pas ce qui fait que l’on tombe fou d’amour pour l’un(e)...
et pas pour l’autre.
Quid du Libre Arbitre dans cette cascade biologique et psychologique bien souvent impossible à contenir ? Désir de premier ordre... que le désir de second ordre (libre arbitre ?) pourrait annuler comme nous l'affirme le philosophe Harry Frankfurt ? (voir "Saucisse" de Frankfurt et courant alternatif).
Appliquée à l'Histoire, on parle d'une uchronie (Charles Renouvier) lorsqu'on prend une situation historique existante et que l'on modifie un événement "déterminant" pour ensuite imaginer les différentes
conséquences possibles. Ce qui rappelle la phrase de Blaise Pascal :
« Le
nez de Cléopâtre : s’il eût été plus court, toute la face de la terre aurait
changé »
Si les dinosaures n’avaient pas disparu, si l’Empire romain
ne s'était pas effondré, si, si, si...
Et alors ? Sans doute des fictions sympathiques qui peuvent partir dans toutes les directions, à la mesure de l'imagination humaine... mais sans aucun intérêt ni philosophique, ni scientifique, ni même historique.
Convenons plutôt que les faits sont plutôt du genre têtus et que le réel ne prend qu'un chemin déterminé, certes trop souvent imprévisible à notre goût.
En conclusion, le naturaliste List est un spiritualiste qui s'ignore, comme beaucoup, malheureusement ; et personne ne peut faire autrement que ce qu'il fait comme le montre cette étude "Sur l'argument descendant en faveur
de la possibilité de faire autrement" ; ou alors il faudrait le prouver (ce qui est absolument impossible).
Et ce n'est pas du fatalisme pour autant, car rien n'est écrit dans un grand livre du futur... ou alors la charge de la preuve est à nouveau de ce côté (voir Fatalisme ? Fatal error !).
*List C. "Why
free will is real" - Harvard University
Press - 2019
________________________
Et pour aller plus loin, le
livre "La dernière blessure" centré sur la notion du libre
arbitre (illusoire)... en cliquant sur l'image ci-dessous
Cette expression idiomatique provient du poète latin Juvenal qui critiquait un peuple romain se satisfaisant uniquement de
pain gratuit et de spectacles somptueux offerts par les dirigeants, ignorant
ainsi les affaires politiques cruciales et les valeurs morales fondamentales.
En sommes-nous toujours là ? Pas tout à fait, heureusement, même s’il persiste
quelques stigmates délétères.
Ainsi, la concurrence et la compétition sont toujours des éléments centraux de la survie au sens large, de l’économie capitaliste au sport de "haut niveau".
Concernant le pain
Chaque individu, chaque groupe passe son temps - de tous temps - à s'accaparer des ressources limitées au détriment du voisin éventuellement. Dans ce concours de prédation, le plus "fort" de la tribu - généralement un homme - s'est accaparé ainsi en priorité la nourriture, les femmes, les droits... ce qui s'est poursuivi avec des régimes politiques plus sophistiqués, la population augmentant ayant nécessité une organisation complexe (seigneurs, rois de "droit divin", états...), jusqu'au capitalisme dont la naissance est diversement analysée*.
Côté face : la concurrence est un pilier fondamental de l’économie capitaliste. Cette concurrence est généralement vue comme un moyen positif d’encourager l’innovation, d’améliorer la qualité des produits, réduire les prix pour les consommateurs... Quelques garde-fous ont été légitimement instaurés : lois antitrust, protection sociale et droits des travailleurs, politiques fiscales redistributives etc.
Côté pile : ce même capitalisme favorise l'exploitation des travailleurs en minimisant les
coûts de production et en maximisant les profits. Les salariés sont trop souvent
soumis à des pressions excessives et ne bénéficient pas suffisamment des fruits
de leur labeur malgré des gains de productivité très conséquents. Il engendre par ailleurs des crises cycliques, récessions, dépressions provoquant parfois un chômage massif, une pauvreté accrue et une instabilité politique. Il nous conduit, comme on peut le voir depuis quelques dizaines d'années, à une concentration de richesses extrême et à une
augmentation de la pauvreté relative.Privilégiant les gains
immédiats, les industries polluent
massivement les sols, l'eau et l'air, fragilisant ainsi gravement l'équilibre
écologique global. Enfin, la concurrence économique impitoyable et permanente alimente les
antagonismes nationaux et internationaux, pouvant conduire à des conflits
armés. Des nations cherchent à imposer leur domination par tous les moyens
possibles, dont l'espionnage industriel, les embargos commerciaux, voire les
invasions militaires...
Certains ont cru voir dans la concurrence entre tous et la compétition économique mondialisée la simple continuité de ce que l'on croit constater chez le vivant en étudiant l'évolution darwinienne : le capitalisme validé par la science du vivant en quelque sorte... Il en est même qui, refusant le paradigme capitaliste, en viennent à remettre en cause Darwin en amont afin de réfuter l'inférence. Mais on peut être anticapitaliste - comme l'est le philosophe Daniel Milo - sans aller chercher des arguments scientifiquement "foireux" comme il les collectionne dans son livre « La survie des médiocres. Critique du darwinisme et du capitalisme » - 2024 - Gallimard), publication qui a déclenché à raison une levée de boucliers du côté des spécialistes de l'évolution**. Car la logique du philosophe du genre "le capitalisme est délétère", donc "la compétition dans l'évolution" est une erreur d'analyse de Darwin, présente une fragrance sophistique de l'ordre de l'argument de la conséquence (voir https://illusionlibrearbitre.blogspot.com/2024/05/quelles-consequences-de-largument-de-la.html). Et ce n'est pas parce que l'idée est reprise par toute une presse anticapitaliste séduite par cette pseudo contre-analyse de l'évolution qu'elle devient vraie pour autant. En revanche, considérer que l'évolution culturelle - toute aussi Darwinienne - a mis en place des concepts de solidarité, d'égalité, de remise en cause de la compétition à tout va chez l'animal comme l'animal-humain est source d'analyses et de réflexions comme on peut le voir par exemple dans le jeu du dilemme du prisonnier (voir https://illusionlibrearbitre.blogspot.com/2024/05/un-sacre-dilemme-pour-la-morale.html). Il n'est pas nécessaire de tuer Darwin pour critiquer le capitalisme ; ou alors, il faudrait des arguments scientifiques d'une autre portée.
Concernant les jeux
Les jeux olympiques 2024 ont montré, comme toute rencontre sportive "au sommet", la quintessence même de la compétition acharnée, préparée par des sportifs qui s'entraînent tous les jours, des heures durant, depuis des dizaines d'années parfois, pour une médaille, une reconnaissance mondiale de leur supériorité qui se joue souvent à quelques secondes, voire millièmes de secondes (0,005 seconde entre l'or et l'argent au 100 m pendant les JO 2024) ? La belle affaire ! De toute façon, les records à battre sont appelés nécessairement à disparaître.
On peut trouver ces efforts admirables ou pathétiques. Admirables pour ce qui concerne la ferveur d'une communauté rassemblée
autour des héros, des gagnants de son camp, du drapeau et des émotions fortes que tout cela suscite. Une reconnaissance, une distinction
internationale qui fait du bien à l'ego personnel et collectif de la nation. Ce qui rassure un peu : les efforts et le courage payent !
Et puis toute une religiosité qui rassemble autour des idoles du moment, de l'autel des podiums.Les Jeux Olympiques de la Grèce
antique étaient dédiés à Zeus, les jeux isthmiques à Poséidon. Les athlètes
croyaient que les dieux octroyaient la victoire. De nos jours, les athlètes continuent
de pratiquer des rituels tels que se signer, prier, ou embrasser la pelouse
après un but. L’apôtre Paul utilisait des métaphores
sportives pour illustrer la vie chrétienne, comparant le chrétien à un athlète
qui court pour Dieu. Sport
et religion se rejoignent dans leur capacité à unir les individus, à
inspirer la dévotion, à promouvoir un sentiment de communauté, d'identité, d'appartenance. C'est aussi un terrain commun pour le fanatisme sous toutes ses formes, des conflits entre groupes de supporters aux guerres opposant les confessions religieuses.
D'ailleurs, les termes employés par les divers commentateurs sportifs sont bien ceux d'une guerre - certes "pacifique" - qui ne dit pas son nom : "on a gagné, les doigts dans l'nez ; ils son perdus, les doigts dans l'c..." / "il a rendu coup sur coup" / "c'est une vraie machine de guerre" / le tennisman Rafael Nadal décrit comme le "roi déchu" face à Novak Djokovic / untel a "pulvérisé" son adversaire quand il ne l'a pas "humilié" / attention, là c'est un "tueur" / "demain je vais le taper" / phase de "mort subite" en escrime / "qu'un sang impur abreuve nos sillons"etc. A tout le moins, un environnement hostile source de stress chez les participants, à l'instar
de conditions assez proches durant les périodes de guerre.
Pour George Orwell, "le sport, c'est la guerre, les fusils en moins". Cette formulation illustre bien la perception du sport de "haut niveau" comme une activité
conflictuelle et compétitive, très proche de la guerre avec ses "victoires", ses "défaites", ses fiertés, ses blessures, ses vengeances...
Et ce n'est pas le cri de guerre Haka - une danse chantée rituelle pratiquée par les Maoris lors de conflits, de manifestation, de cérémonies ou de compétitions amicales "viriles" - qui pourrait contredire cette impression générale ! Impressionner l'adversaire pour mieux le battre.
Dans le cadre de l'égalité des sexes, les femmes s'y mettent aussi en ayant soin de prendre ce qu'il y a de mieux chez l'homme, sous les acclamations des spectateurs. Scrutez les visages pleins de compassion pour les adversaires que l'on va écraser ; le sport comme source de paix entre les peuples.
Le Haka : juste un folklore anodin ?
Tout ceci vient de loin. On en connaît même le modèle.
Et je ne parle même pas du MMA (Arts Martiaux Mixtes) et de son octogone en plein essor, ou même du "noble art" qu'est la boxe consistant à abrutir l'adversaire à coups de poing (Traumatismes
crâniens et commotions cérébrales / Perte de vision partielle ou totale / Surdité / Syndrome de chronicité cognitive postcommotionelle / Encéphalopathie chronique
traumatique / Maladie de Parkinson...). Entre 1890 et 2011, environ 1 600 boxeurs sont morts des suites de blessures liées à des combats, souvent à cause d’hématomes intracrâniens.
Dans nombre de pays, on a interdit les combats de coqs ou de chiens pour de bonnes raisons à mon sens (souffrance animale !), mais on tolère la boxe dont on connaît les effets plus que délétères sur les neurones. Cherchez l'erreur.
La famille des sports débiles s'est agrandie récemment avec le concours de gifles - en droite ligne de la Russie - "sport" qui séduit les mâles américains ("slapping")... Décidément. Le plus savoureux est que les adeptes du MMA sont eux-même choqués - c'est dire - alors qu'ils développent des arguments contre le slapping que l'on peut leur retourner très exactement concernant leur propre "sport" MMA.
Perte de neurones avant même de commencer ? En tout cas cercle vicieux : gifle => moins de neurones => gifle => encore moins de neurones etc. Il y a vraiment des baffes qui se perdent.
Après s'être bien frappés, il est convenu que les adversaires rejouent "Embrassons-nous, Folleville" en fin de match pour que tout un chacun comprenne bien que c'était pour du beurre et qu'il est temps de revenir à la vie "civile", parfois en passant par l'hôpital.
Plusieurs sportifs de haut niveau ont
exprimé des regrets, voire des plaintes, concernant le fait d’avoir commencé leur
carrière sportive très (trop) tôt en raison des désirs ardents de leurs parents. Et pas seulement des sportifs puisque l'on retrouve ces mêmes regrets chez d'autres "joueurs" comme pour le jeu d'échec, l'apprentissage forcé du solfège et d'un instrument etc. :
André Agassi, célèbre joueur de tennis, a souvent parlé de la pression intense qu’il
a subie de la part de son père pour devenir un champion de tennis dès son plus
jeune âge, ce qui a conduit à un sentiment de ressentiment envers le sport.
Jennifer Capriati, est devenue
professionnelle à l’âge de 13 ans et a ressenti une pression immense pour
réussir, ce qui a finalement conduit à des problèmes personnels ; de même que Mary
Pierce - joueuse de tennis franco-américaine - qui a décrit des entraînements
intenses et un environnement familial difficile, avec un impact sur sa
santé mentale et émotionnelle.
En fait, la liste est longue des champions
qui ont souffert des projections parentales : Tiger Woods (Golf) - Michael
Phelps (Natation) - Nadia Comăneci (Gymnastique) - Lionel Messi (Football)... Nos célèbres frères et champions de
tennis de table ont commencé ce sport dès l’âge de... 3 ans ! Kasparov (champion du monde des échecs) regrette de n'avoir pas profité d'une enfance insouciante et libre... mais il fallait que Moscou montre sa "supériorité" intellectuelle sur les USA (B. Fischer) en pleine guerre froide.
Bref, des parents qui pensent faire le bonheur de leurs enfants en les matraquant dès que possible avec leurs névroses personnelles . L'éducation religieuse est également concernée par ces dérives de domination parentale (voir Religions et enfants)
Ces exemples montrent que la pression
parentale pour réussir dans le sport peut avoir des conséquences négatives sur
les athlètes, même s’ils atteignent le succès, ce qui n’est même pas la norme
pour ces enfants « programmés » qui n'atteignent pas tous, loin s'en faut, les sommets. L'excellence à tout prix... a un prix souvent exorbitant. Le bien-être et le bonheur des enfants devraient toujours être la priorité, quitte à ce que les parents trop ambitieux pour leur progéniture aillent consulter...
Finalement, les analogies sont légions entre la guerre économique capitaliste et la guerre à fleurets mouchetés du sport de haut niveau. Les ressorts guerriers sont identiques et l'interpénétration évidente : le sport business a commencé à envahir les clubs amateurs (recherche de sponsors, mise en place de partenariats...), avec les joies du spectacle et les dégâts collatéraux. Les héros du stade interviennent d'ailleurs - il faut bien vivre - pour "entraîner" les équipes marketing et commerciales des grandes entreprises : la "gagne" et la "niaque" sont à l'honneur. Les droits média, les maillots de joueurs à des prix prohibitifs... tout est bon. Et je ne dirai pas un mot sur les revenus indécents de certaines idoles que je ne citerai pas, comme Kylian Mbappé, ayant émargé selon Forbes à 30 millions d'euros entre mai 2021 et mai 2022. Quand on a compris que - sans libre arbitre ontologique possible - mérite et talents sont des leurres... (voir https://librearbitre.eu/accueil/sociologie/).
La performance serait le but ultime de l'humanité comme l'affirme la docteure en psychologue et chercheuse Fanny Nussbaum qui en
vient à critiquer violemment ce qu’elle appelle la « dictature des
humanistes » empêchant les individus de chercher l’excellence et
la perfection... qu’elle-même a manifestement trouvées dans sa conception
toute personnelle d’un existentialisme narcissique "embelliste" :
« La
performance est le plus beau joyau de l’intelligence humaine. Elle est le
fruit d’une quête incessante de dépassement de soi, d’une volonté
farouche de se différencier, d’une ambition démesurée de créer et d’innover
(...) Nous avons forgé un monde qui interdit tout comportement conquérant
(...) (j’ai) un dédain pour l’humanisme et sa
philosophie de l’essence (...) mon objectif est de faire de ma vie une œuvre
d’art. » ("L’Art de l’excellence - En finir avec la
dictature des humanistes - 40 commandements pour agir avec grandeur" - 2023
-Alisio + vidéo https://www.youtube.com/watch?v=GHagPY0XGqw)
Sacrifier la communication non violente et l'humanisme des "Lumières"- pas assez "conquérants" - sur l'hôtel d'un ego boursouflé : joli programme.
Et elle n'est pas seule. Dans la même veine, le psychologue canadien Jordan Peterson fustige le laisser-aller des gros, des transgenres, des adeptes du wokisme etc. et publie des livres sur
de développement personnel centré autour de l’idée qu’il faut commencer par se surpasser soi-même (???) avant de vouloir changer
l’ordre des choses dans la vie politique. Se dépasser ou se taire. Ce qui soulève des questions sur la manière dont nous percevons la réussite et
la compétition avec soi-même et les autres dans une société universelle mondialisée et, si possible un jour, paisible.
Paraphrasant Clausewitz, le sport de haut niveau est la continuation de la politique selon d'autres moyens (JO de Berlin en 1936, Moscou en 1980 avec le boycott de 65 pays pour protester contre l'invasion soviétique en Afghanistan, délégation officielle russe absente des JO 2024 du fait de la guerre en Ukraine...). On a même pu décréter une trêve olympique - très politique - en repoussant aux calendes grecques la nomination d'un premier ministre qui ne plaît pas.
Finalement, le sport est une excellente activité pour la santé (jeux) sans nécessité de se transformer en stakhanovistes de la performance ; et l'innovation scientifique et technique permet de mieux vivre (pain). Les différents avis portent sur la place du curseur, ici entre une saine émulation pour améliorer notre santé et nos conditions de vie, et là un burn-out parfois suicidaire. Entre des travailleurs qui gagnent des points de productivité et les retours qu'ils en ont (revenus / reconnaissance sociale etc.). La méritocratie capitaliste n'est pas l'organisation "naturelle" indépassable issue d'une évolution biologique de compétition qu'il faudrait appliquer stricto sangsue, mais un aspect culturel que l'on peut mettre en cause au même titre que l'on a remédié à la fatalité "biologique" des naissances (IVG / pilule...), renoncé à la raison du plus fort (Droits de l'Humain et des citoyens), à l'exploitation sans limite des ressources qu'on commence - péniblement - à mieux réguler etc.
Et le sport ne nécessite pas la glorification de quelques-uns (individus ou nations) et l'humiliation de tous les autres, pas plus que la nécessité de se droguer pour améliorer sans cesse les chronos, les sauts en longueur ou en hauteur. Les injonctions du toujours plus, "plus fort, plus vite, plus loin", sont nécessairement limitées par la biologie et le "mental" de chacun... qui fait au mieux de ce qu'il peut, en permanence. Et que deviennent tous ces athlètes - la plupart - qui échouent à percer et se retrouvent souvent sans débouchés réels après leur carrière sportive malheureuse...
Encourager l'autonomie et la croissance personnelles plutôt que l’obsession de la victoire favoriserait probablement des valeurs plus positives au sein de la société.
Quant à se dépasser soi-même : c'est une belle illusion, un vestige de la dualité qui ne peut pas exister dans un monde matérialiste. Un conseil en cas de dépassement : pensez à mettre le clignotant pour éviter tout claquage, chute, overdose d'amphétamines, de stéroïdes, d'EPO, de diurétiques ou d'hormones de croissance.
Regardant la cérémonie de clôture des JO au stade de France, je voyais cette immense foule de spectateurs et d'athlètes confondus, heureux, célébrant la paix des peuples dans leur diversité... alors que le nombre estimé des morts en Ukraine (auquel il faut ajouter 3 fois plus de blessés, d'handicapés à vie) est d'environ deux fois plus important (180.000) que ce que les images du stade nous ont montré.
Les JO sont peut-être nécessaires pour réduire la bêtise des rapports de forces entre humains et nations, mais ils restent bien insuffisants.
Pour terminer sur une note optimiste, il existe au moins trois points très positifs concernant ces JO :
l'impact significatif sur les vocations sportives en France : la ministre des Sports a ainsi mentionné qu’on pourrait s’attendre à l'inscription de 2 à 3 millions de licenciés supplémentaires ;
la diversité des origines et couleurs de peau des athlètes montrant l'universalité de l'humanité et la profonde bêtise meurtrière qu'est la guerre, la "vraie" (et ce n'est pas Miss France qui dira le contraire).
la visibilité des "personnes en situation de handicap" lors des jeux paralympiques. Habituellement cachés, oubliés, subissant une forme d'apartheid insidieux, on a pu voir toute leur humanité et leur force. A ne pas oublier après les jeux !
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* Ainsi la thèse de l'éthique protestante proposée par le sociologue Max Weber, affirmant que l'ascension du capitalisme moderne trouve ses racines dans la mentalité calviniste axée sur le travail, l'épargne et la discipline personnelle. Parallèlement, Werner Sombart relie l'émergence du capitalisme moderne au monde juif ashkénaze, tandis que d'autres théories mettent en lumière des facteurs tels que la Révolution industrielle, les changements agraires, le commerce extérieur et la colonisation. Certains analystes soulignent aussi l'importance des mutations démographiques, techniques et idéologiques ayant contribué à façonner le capitalisme. De plus, Fernand Braudel distingue différentes phases dans l'expansion du capitalisme, telles que le capitalisme commercial basé sur les échanges à longue distance, le capitalisme marchand associé aux activités urbaines et le capitalisme industriel reposant sur la production de biens manufacturés.
On l'oublie trop souvent : l'Homme peut être une femme.
La condamnation d'Olympe de Gouges pour ces écrits (Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne) l'a conduite à une séparation assez brutale de la tête et du corps en 1793. On ne saurait donc être trop prudent sur cette question sensible de "séparation" qui revient sans cesse depuis quelques années.
Léonard de Vinci, Paul Gauguin, Martin Heidegger, Le Corbusier, Woody Allen, Mickaël Jackson, Roman Polanski, Bertrand Cantat, l'abbé Pierre (j'en oublie, non, vraiment ?) se sont retrouvés dans la tourmente ; pour différentes raisons.
Et puis il y a Céline, un cas d'école. Il faut dire qu'il a poussé loin le bouchon. Dans “Bagatelles pour un massacre”, il exprime son aversion pour Léon Blum, le Premier ministre juif de gauche de la France, en précisant : « Je préférerais une douzaine de Hitlers à un Blum tout-puissant »*. Une prise de position politique comme une autre ?
Dans “L’École des Cadavres”** (page 128 -1938), Céline
insiste sur le fait qu’il ne devrait y avoir "qu'une seule race en France : les
Aryens” ; et il ajoute :
"Les Juifs, les hybrides afro-asiatiques, les quartiers, les demi-noirs et les proche-orientaux, les fornicateurs, les destructeurs, n’ont rien à voir avec ce pays. Ils doivent dégager… Les Juifs sont ici pour notre malheur… Les Juifs ont coulé l’Espagne par métissage… Nous nous débarrasserons des Juifs, ou bien nous crèverons des Juifs…".
Dans son journal de décembre 1941, l’écrivain et officier nazi Ernst Jünger a noté que, pendant deux heures, Céline lui a imposé une diatribe selon laquelle les soldats allemands devraient “tirer, pendre, exterminer les Juifs”. Céline a recommandé que les Juifs soient éradiqués quartier par quartier, maison par maison. "Si j’avais une baïonnette, je saurais ce qu’il faut
faire". Certes un témoignage qui reste sujet à caution*** mais qui ne détonne pas dans le paysage Célinien.
Question : doit-on "juger" les saloperies de ce grand écrivain comme étant les positions d'un cerveau "sain" ou - comme cela a été avancé - d'un cerveauparanoïaque avec un goût curieux pour la scatologie ? Si les nazis avaient gagné, ce qui sur le papier n'était pas impossible avant Pearl Harbor, Céline serait jugé simplement comme étant dans la norme sociale... Mais du fait que le nazisme a perdu la guerre, dans le premier cas (cerveau "sain") il est "coupable", dans l'autre (paranoïa) il est seulement "malade".
Pas simple.
Et Gabriel Matzneff ? Juste un prof d'éducation sexuelle ou un pervers ? Dans cette vidéo, le réquisitoire de la canadienne Denise Bombardier est d'une actualité criante mais apparemment fortement décalé pour une certaine France à l'époque de l'émission (1990).
Les jeunes filles étaient "consentantes" selon Matzneff.
Le consentement a, comme tout ce qui existe, une histoire... quelque peu malmenée durant des siècles dans notre
société occidentale, avec une sorte de droit de cuissage qui s’est prolongé
bien après le Moyen-Age. Depuis 2021 en France, donc bien après l'épisode Matzneff, il n’est plus possible de se
réfugier derrière le pseudo-consentement d’une jeune fille ou d’un jeune homme
pour se dédouaner d’une poursuite pénale pour viol. Un adulte n'a pas le droit
d'avoir des relations sexuelles avec un enfant de moins de 15 ans (art. 227-25
du Code pénal). Cela est même considéré comme une circonstance aggravante (art.
222-29 et 222-24). Après 15 ans, en cas d'accord, un.e
adolescent.e peut avoir des relations sexuelles avec un adulte sauf si ce
dernier est l'un de ses ascendant.e.s (parent, grand parent...) ou s'il est
amené à s'occuper de lui/elle (beau parent, professeur, moniteur sportif,
animateur, curé...).
Rappelons-nous qu’il n’y a
pas si longtemps, les relations sexuelles constituaient un devoir (pour les
femmes...) qui pouvait être exigé en France par la contrainte jusqu’en 1980.
Non seulement on pouvait faire appel à la police pour obliger le conjoint
récalcitrant à regagner le domicile conjugal, mais il était aussi possible
d’obtenir ses faveurs par la violence physique si nécessaire. La jurisprudence
avait décidé qu’il ne pouvait pas y avoir de viol entre époux, tant que le mari
avait imposé à son épouse une pénétration vaginale. Ce viol entre époux n’a été
consacré que par la loi du 4 avril 2006. C’était hier. Malgré des avancées évidentes, il faut savoir que 90
% des plaintes pour viol conjugal sont actuellement classés sans suite[1].
Au-delà, les rapports d’emprise ou de domination au sens large
(homme / femme ; employeurs / employé(e)s ; riches / pauvres ;
célèbre / inconnu(e) ; hiérarchie religieuse / simple croyant etc.) sont
sources d’exploitations diverses ; dont sexuelles. S'il est impératif fort heureusement de respecter l'intégrité physique de l'enfant (sauf circoncision hélas...), rien n'empêche malheureusement de maltraiter son intégrité psychique dès le plus jeune âge avec diverses croyances, du Père Noël (pas grave ?) aux dieux du coin et du temps (grave !).
Pour en revenir à notre sujet avec une grille de lecture matérialiste, tout est affaire de déterminations, ici morales et culturelles, d'un individu et d'une société dans une époque donnée et un lieu donné. Soit une évolution culturelle en marche sans possibilité de juger le passé a posteriori avec les normes actuelles, faute de quoi nous tomberions dans un anachronisme qui ferait condamner toute l'humanité passée.
Faudrait-il déboulonner les statues des esclavagistes, mettre à l'index les livres des uns ou des autres, changer les plaques de noms de rues etc. ce qui serait une forme de révisionnisme, de "cancel culture" comme on dit maintenant (voir https://illusionlibrearbitre.blogspot.com/2024/08/). Le juge de paix ici, ce sont les lois que la société se donne à un moment donné.
Pourquoi donc ne pas sauvegarder le patrimoine historique au sens large, aussi
bien avec ses lumières que ses ombres, ce qui est essentiel pour les
générations actuelles et futures, à la condition expresse de contextualiser
comme ce fut le cas pour la réédition récente de « Mein Kampf ».
Garder la plaque et ajouter : "... et prédateur sexuel durant 50 ans".
Ne pas séparer l’Homme de l’œuvre : connaître les deux.
Il semble toujours étonnant de voir à quel point on peut discuter à perte de vue sur l'existence - ou non - des dieux a, b, c... x, y, z...
Pour ceux que ces discussions intéressent, sachant qu'elles ne mènent bien souvent à rien, voici une belle démonstration de la chaîne youtube zététique - fort intéressante au demeurant - de Thomas Durand ("La Tronche en biais" / 1 h 41 min) sur les "Miracles" dans le catholicisme :
Il est toujours déroutant d'entendre un croyant affirmer les yeux dans les yeux que le soleil dansait à Fatima quand le reste du monde - soit quelques milliards d'individus - n'a rien vu de cet ordre. Une danse traditionnelle locale ? Il est vrai qu'on avait omis de signaler à l'Umma musulmane qu'un miracle devait se produire chez les catholiques. Manque de communication planétaire qu'heureusement les réseaux sociaux ne permettront plus. A moins qu'il existât deux soleils pendant quelques minutes, ce qui rend tout ceci nettement plus "lumineux", à défaut d'être plus convaincant.
Plus globalement, les arguments foisonnent, tirant à hue et à dia, faisant intervenir - avec quelques théologiens au vernis scientifique plus ou moins sec -, ici le Big Bang, là l'évolution darwinienne un peu revisitée, ou encore la précision extraordinaire du "réglage" fin des constantes physiques, les miracles etc.
Pour certains d'entre nous - trop curieux sans doute -, les questions affluent dès l'âge de 10-12 ans : d'où vient ce dieu / qu'a-t-il fait de toute éternité et pourquoi attendre moins 13,8 milliards d'année pour penser au Big Bang et au mur de Planck / 6 jours c'est court pour une telle entreprise : face à l'éternité, pourquoi ne pas prendre une semaine de plus pour réaliser un monde plus "présentable" / pourquoi faire mourir des innocents / quelle certitude pour un dieu plutôt que pour les milliers d'autres / pourquoi se cache-t-il si bien : aurait-il honte du résultat ?
Et que faire des mystères comme celui de l’apparition des grandes religions (bouddhisme, hindouisme, judaïsme, christianisme, islam...), apparues à peu près à la même époque dans plusieurs régions du monde (Chine, Indes, Perse, Palestine, Grèce). Cette convergence culturelle appelée « période axiale » (dans le sens de pivot) présente une énigme : comment ont émergé dans différentes civilisations des religions moralisatrices distinctes mais avec des caractéristiques très similaires ? Le « Dieu » du monothéisme aurait attendu patiemment que l’Humain invente l’écriture (pour éviter de parler dans le désert), aurait dû s’y reprendre à trois fois (Judaïsme, Christianisme, Islam) avec quelques variantes (car il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis), pour se taire définitivement depuis l’apparition d’un matérialisme scientifique et du siècle des Lumières parfois qualifié de « seconde période axiale ».
Plutôt que descendue directement du ciel avec armes et bagages renfermant des textes « sacrés », l'apparition de ces grandes religions pourrait plutôt s’expliquer par une hausse du niveau de vie avec une nourriture autour de 2.000 calories par jour et par individu[a]. Comme quoi, les nourritures terrestres et célestes pourraient être bien plus intriquées qu’on ne le pense généralement et le concept d’évolution culturelle s’applique ici comme ailleurs : « l’invention » du monothéisme revient probablement plus au pharaon Akhenaton qu’à Moïse, un hébreu né en Egypte environ deux siècle après le pharaon selon la chronologie biblique.
Voici un guide simple pour interpréter la Bible telle que pratiquée par tous les chrétiens (guide tout terrain valable pour tout texte "sacré", voire au-delà) :
1. Tout verset acceptable dans le contexte culturel du moment doit être pris au pied de la lettre : il prouve à quel point la Bible est formidable.
2. Tout verset blessant, ridicule et/ou anachronique... n'est qu'une métaphore poétique et doit être réinterprété à l'aune de la morale actuelle.
Par exemple : certaines parties du Deutéronome enjoignent les Israélites à combattre et à vaincre les peuples environnants afin de prendre possession de la terre promise. Cela vous rappelle quelque chose ? Parmi les interprétations avancées pour expliquer ces textes appelant à la guerre sainte figurent l'idée que les auteurs utilisaient un langage hyperbolique pour exprimer leur ferveur nationale et religieuse, ou encore que ces descriptions étaient destinées à illustrer les risques inhérents à toute forme de syncrétisme religieux. Mais certains actuellement prennent ces textes pour argent comptant à la lettre près.
Maintenant que vous avez les clés, voici un petit exercice pratique de réinterprétation (vous avez 1 h... et bien du mérite) :
"Une femme ne portera pas un costume d’homme, et un homme ne revêtira pas un vêtement de femme : quiconque fait cela est une abomination pour le Seigneur ton Dieu."
"Lorsqu’un homme a pris une femme, s’est uni à elle, puis se met à la détester, s’il l’accuse d’actions scandaleuses et lui fait une mauvaise réputation en disant : « Cette femme, je l’ai prise, je me suis approché d’elle, mais je ne l’ai pas trouvée vierge", alors le père et la mère de la jeune femme produiront les signes de sa virginité et les présenteront aux anciens à la porte de la ville. Mais si la chose se révèle exacte, si on ne peut montrer la preuve de la virginité de la jeune femme, on l’amènera à la porte de la maison de son père. Les hommes de la ville la lapideront jusqu’à ce que mort s’ensuive, car elle a commis une infamie en Israël."
"Lorsqu’on trouvera un homme couché avec une femme mariée, ils mourront tous deux, l’homme qui a couché avec la femme, et la femme également." -Dt/22
"Un bâtard n’entrera pas dans l’assemblée du Seigneur ; même à la dixième génération, il n’y entrera pas." - Dt/23
"Lorsqu’un homme prend une femme et l’épouse, et qu’elle cesse de trouver grâce à ses yeux, parce qu’il découvre en elle une tare, il lui écrira une lettre de répudiation et la lui remettra en la renvoyant de sa maison." - Dt/24
Nul serviteur de Dieu ne fait jamais état de ces injonctions en prêche du dimanche. Mais pourquoi donc ?
Aurait-il lu cet aphorisme :
"Ce ne sont pas les parties de la Bible que je ne comprends pas qui me dérangent, mais celles que je comprends" (Mark Twain).
On sent bien que la foi - sans raison et sans preuve - a du mal à convaincre.
Un exemple assez typique dans cette vidéo/discussion "Veritas" entre la théologienne Lydia Jeager et le philosophe scientifique Etienne Klein... que je plains sincèrement ici. Les Forums Veritas sont censés discuter de tout... mais toujours à partir de la vision chrétienne du monde qui doit assurément détenir la vérité, vu le nom du forum. Un Forum "Doutas", ça claquerait moins.
Cette même théologienne - sanctifiée par quelques diplômes scientifiques mais surtout très au fait des interprétations littéraires - nous éclaire ainsi :
« Une fois que l'on accepte l'interprétation littéraire, plusieurs aspects mystérieux du récit biblique s'éclairent. Les trois premiers jours - avec soir et matin, mais sans soleil - se comprennent aisément comme une attaque contre le culte des astres chez les peuples voisins : non seulement ils ne sont que des créatures, mais ils ne sont même pas créés en premier ! Des traits pittoresques du deuxième récit - les animaux qui défilent devant Adam pour qu'il trouve parmi eux une compagne (Gn 2.19), le sommeil qui tombe sur Adam pour que le divin chirurgien puisse lui enlever une côte (v. 21), le fruit de l'arbre de vie dont Dieu lui-même redoute l'efficacité quasi-magique (Gn 3.22) - ne choquent pas plus que la simplicité de la peinture « naïve » amène à douter du talent de l'artiste. Une difficulté se trouve aussi résolue qui avait déjà retenu mon attention quand j'étais adolescente : où est passé le paradis, une fois que les premiers humains en ont été chassés ? Je m'étais dit jadis que le paradis avait été immergé et perdu pour toujours lors du déluge. Mais cette solution ne tenait pas compte de la promesse de l'Apocalypse selon laquelle le vainqueur pourra toujours manger de l'arbre de vie (2.7 ; cf. 22.2). »*
Je la crois quand elle parle de naïveté. Elle semble connaître parfaitement le sujet.
Le must étant : « plusieurs aspects mystérieux du récit biblique s'éclairent » comme « l'arbre de vie dont Dieu lui-même redoute l'efficacité quasi-magique »
N’est-il pas si puissant et omniscient que cela ? Le couplet sur le paradis n’est pas mal non plus. De l’aisance littéraire et de la licence poétique, il en faut pour expliquer comment le couple originel a pu, par exemple, concevoir des enfants sans en passer par l’inceste. Je plaisante.
De preuves scientifiques, il n'y a point ; or la charge de la preuve est du côté des croyants dans un surnaturel quelconque... Et que dire de cette partie d'anthologie présente dans l'ouvrage page 505 :
« L’erreur de raisonnement est de penser que Dieu ne pourrait créer que des choses parfaites. D’ailleurs, si cela était vrai, il ne serait pas tout-puissant. Dieu peut fort bien créer des choses imparfaites si c’est pour les amener avec le temps à leur perfection (...) Ainsi, le monde et l’homme sont imparfaits pour ces deux raisons : d’une part, pour que l’homme puisse évoluer dans le temps et, d’autre part, pour que cette évolution puisse être le résultat de sa liberté d’agir (...) Dieu tolère le mal, à titre provisoire (...) La souffrance des innocents est certes intolérable, mais on doit aussi reconnaître qu’il est impossible de juger d’ici-bas les actions de Dieu (...) Dieu a fait les hommes pour qu’ils le cherchent et, si possible, l’atteignent et le trouvent ».
Dieu serait donc tout-puissant, la preuve étant qu'il peut rater pleins de trucs, comme on peut le voir tous les jours dans le monde. Mais au fait, c'est un peu ce qu'on fait tous, non ? On est donc tout-puissant ! Dans ce même livre, quelques pages plus loin, à propos de la physique quantique qui serait une autre preuve de l’existence de Dieu :
« Grâce au hasard délibérément voulu, Dieu limite non seulement l’exercice de sa toute-puissance mais aussi la visibilité de cette dernière. »
Une toute-puissance... limitée donc. Un dieu qui jouerait à cache-cache, et ce serait à chacun de le trouver. Comment ? Est-on "coupable" de ne pas le trouver ? Une quintessence de charabia : Dieu est tout-puissant, et la preuve en serait qu’il est même capable de faire des choses moches ? Un Dieu tellement humain ! Comprenne qui pourra. Mais heureusement, la foi n'a pas à convoquer la raison.
Trêve de plaisanterie. Il est bien établi - et depuis longtemps - que rien n'est prouvable dans un sens comme dans l'autre, même si les textes sacrés sont loin d'être en accord avec les découvertes scientifiques les plus affirmées.
Bref, on a la foi ; ou on ne l'a pas. C'est la "grâce" diront certains. La crédulité diront les autres. Discussions stériles au même titre que de savoir qui a le plus raison dans sa couleur de peau alors que cette couleur est généralement déterminée - pour faire simple - par son origine géographique...
Au même titre que la foi... comme le montre cette carte.
Autant se demander si les poissons ont de bons arguments pour nager (les conversions religieuses sont comme les poissons volants : des exceptions confirmant la règle).
Point final ?
Non pas ; car le sujet n'est pas là.
Si la question est effectivement indécidable concernant l'existence d'un surnaturel quelconque, pourquoi devrait-on tenir compte de ce surnaturel déterminé géographiquement pour définir notre vie commune composée de divers croyants, mais aussi d'agnostiques et d'athées de plus en plus nombreux ?
Vous me direz que la laïcité est justement la réponse à cette grave question, chacun pouvant exercer en théorie sa croyance personnelle sans l'imposer aux autres.
Sauf que non : même en France, dans un pays "laïcard" comme disent les religieux, le surnaturel est partout, accepté comme une évidence qu'on ne remet pas en cause.
Des exemples ?
1) Le soutien financier des cultes par l’état français en Alsace-Moselle (environ 60 millions d’euros par an), est un reliquat fâcheux d’un Concordat anachronique, d’autant que l’idée d’un financement public des cultes est massivement rejetée par les français[1]. Nos impôts seront mieux utilisés pour servir d’autres causes, plus urgentes, plus fondamentales, plus rationnelles et plus laïques. Chacun devrait pouvoir refuser de payer la part - même minime - d’un impôt destinée à entretenir le surnaturel, en attendant de supprimer totalement cette subvention spirituelle indue.
2) Ce qui devrait s’appliquer également aux écoles privées confessionnelles. De quel droit, du point de vue de la laïcité, peut-on accepter le financement public d’écoles proposant un enseignement religieux nécessairement partial et qui est, peu ou prou, contraire aux valeurs républicaines et aux programmes officiels alors que ces établissements sont « sous contrat » avec l’Etat. Ces écoles confessionnelles sont des privilèges accordés à certaines catégories sociales qui bénéficient d’une double prise en charge financière (par l’État et par les familles).
Prenons la métaphore du philosophe John Rawls qui imagine deux types de salons dans le Far-Ouest : dans le premier salon, les clients doivent déposer leurs colts à l’entrée et ils sont assurés de ne pas être menacés par d’autres clients armés. Dans le second salon, les clients peuvent garder leurs colts, mais ils doivent accepter le risque d’être attaqués par d’autres clients eux-mêmes armés, et probablement alcoolisés. Le premier salon me semble être le bon espace que devrait viser l’école, sans armes, sans idéologie religieuse, neutre, avec le développement d’un esprit critique exigeant permettant l’émancipation de chacun ; un bagage fort utile lorsqu’on retrouvera, à la sortie de l’école, sa maison et ses parents. Esprit critique à mettre en œuvre évidemment bien avant l’âge de 16 ans, âge limite de l’obligation scolaire, en rappelant que le cerveau des gamins n’est mature qu’après l’âge de... 25 ans en moyenne !
Dans un milieu social et parental fortement « déterminé » par certaines croyances du lieu et du temps, l’école publique laïque pour tous me semble nécessaire pour forger un esprit critique minimal, à la condition de s’en donner les moyens financiers, matériels, humains. La polémique concernant le choix de la ministre de l’Éducation nationale, Amélie Oudéa-Castéra, de scolariser ses trois enfants dans le lycée Stanislas - un établissement privé catholique sous contrat -, en dit long sur l’embrigadement misérable des consciences dès la petite enfance avec des cours religieux obligatoires. Un rapport de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR), datant de juillet 2023 pointe des « dérives » au sein de ce collège-lycée privé sous contrat qui aurait fait preuve d’homophobie, de sexisme, de prosélytisme religieux et de non-respect de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État.
Un livret destiné aux élèves de seconde est malheureusement assez explicite :
« Jeune fille, sois exigeante. Fais-toi respecter et mériter. Mets la barre haut[2] et dis au garçon : « si tu m’aimes et si tu veux m’épouser, tu patienteras »[3].
On ne sait pas si la jeune fille aime le jeune homme mais ce n'est pas le sujet ! Elle est consentante a priori et à disposition sous conditions. Le directeur de l'établissement, Frédéric Gautier, assume les intentions de l’institution "dont le projet éducatif, référé à l’Évangile du Christ et à l’enseignement de l’Église, est de développer tous les talents de nos élèves pour les accompagner sur leur chemin d’excellence »[4].
C’est clair. Et ce devrait être inadmissible dans notre république laïque (voir également Religions et enfants).
3) Exemple bien plus fondamental : le concept de libre arbitre ontologique est tout sauf rationnel. Il est contraire à toute compréhension logique, à moins de convoquer "substances" et autres fantômes surnaturels opérant dans la biologie humaine... mais attention, pas dans la biologie animale non-humaine (?). Ubris sapiens sapiens quand tu nous tiens !
Personne ne s'en émeut alors que les dégâts causés par cette chimère sont dramatiques (mépris, domination, haine, injustices, vengeance, guerre etc.), soit toute la panoplie des passions tristes nous dit Spinoza (voir le Côté obscur du libre arbitre).
Nombre de philosophes et certains scientifiques sont complices de cette cécité ancestrale réactualisée en permanence alors que les preuves rationnelles se sont accumulées montrant l'impossibilité d'un libre arbitre ontologique compatible avec les lois naturelles. C'est bien aux croyants dans le libre arbitre (liberté de la volonté) de prouver son existence (charge de la preuve), comme ce serait aux croyants dans le dieu Y ou Z de nous convaincre. Ce qu'ils ne peuvent faire évidemment.
Après tout, même les croyants devraient souscrire à cette vision laïque étendue puisqu'elle ne remet pas en cause leur dieu du moment et du lieu tout en respectant les autres, qu'ils soient croyants, agnostiques ou athées. En cas de refus, cela indiquerait ouvertement leur volonté de dominer la société avec leurs affects et idéologie personnels au détriment de leurs compatriotes. Bien difficile de faire société dans ce cas.
Quant à ceux - religieux - qui fustigent l'arrogance des athées et agnostiques qui ne pourraient pas pas comprendre les desseins des dieux :
En résumé, comme dirait Raymond Souplex dans les "5 dernières minutes" d'une affaire des plus complexes : naturalisme scientifique et surnaturalisme hypothétique sont dans un bateau ; le second tombe à l'eau... que reste-t-il ?