L'idéologie - terme bien trop souvent considéré négativement - est à nouveau l'éléphant au milieu de la pièce, notamment dans le contexte géopolitique actuel.
De fait, entre spiritualisme (idéalisme) et naturalisme (matérialisme), il faut nécessairement "choisir" ! Que ce choix soit pleinement conscient ou non...(voir "MATÉRIALISME ou IDÉALISME" ?)
C'est ce que nous dit d'ailleurs Blaise Pascal, à raison :
« Le juste est de ne point parier. Mais il faut parier.
Cela n’est pas volontaire, vous êtes embarqué. »
Le naturalisme scientifique, également appelé physicalisme ou matérialisme scientifique, est une démarche philosophique - que l'on doit notamment au philosophe David Hume ("Traité de la nature humaine" - 1739*) - qui postule que tous les phénomènes observables dans l'univers, incluant les objets physiques, les propriétés mentales, les processus cognitifs et les expériences subjectives, les interactions sociales etc. peuvent être en principe expliqués exclusivement par des lois naturelles et des processus physico-chimiques (voir l'ouvrage de Daniel Martin).
N.B : le matérialisme du point de vue philosophique n'a rien à voir avec le matérialisme en tant que consumérisme !
Pour le philosophe Miguel Espinoza :
« Concernant le naturalisme réaliste universel, la
nature est un réseau compact de causes multiples et variées »
Ce qui n'implique pas pour autant une "sacralisation" de la science qui se voudrait la nouvelle religion "positiviste" : la recherche des lois naturelles est laborieuse, exigeante, évolutive... à l'inverse des textes "sacrés" "révélés", datés, contradictoires et figés pour l'éternité... mais riches d'exégèses diverses destinées à atténuer - à l'aune de notre morale actuelle - les horreurs "divines" des textes fondateurs.
Donc dans la conception philosophique naturaliste (matérialiste), toute action, pensée, intention, sensation etc. est le fruit des déterminations et indéterminations diverses (internes et externes à l'individu), en interactions permanente dans le cadre de la survie (théorie de l'évolution). Ce qui exclut toute possibilité de libre arbitre humain "réel" (ontologique), l'un des sujets les plus prégnants de l'humanité (voir "Libre arbitre : QUEZACO ?"
Et l'on ne peut pas faire l'économie de cette question de fond. Dans la vie quotidienne, il est indispensable de prendre des
décisions et d'adopter des positions, même face à des questions complexes. L'hypothèse - de loin la plus crédible - est celle où la sensation de libre arbitre est une
émergence de processus déterministes du cerveau, façonnée par l'évolution pour
améliorer notre survie et notre capacité à naviguer dans des environnements
sociaux complexes. Cette conception philosophique et scientifique permet d'expliquer comment nous percevons
notre capacité à faire des choix tout en reconnaissant que ces choix sont
déterminés par des facteurs génétiques et environnementaux. Cela suggère que, bien que nous ressentions une forme de liberté, celle-ci est en fait
encadrée par des déterminismes sous-jacents, connus ou inconnus.
Le "cogito ergo sum" cartésien s'inverse et devient "sum ergo cogito" dans une vision naturaliste scientifique où l'existence est "première" et la pensée une "produit" - une propriété émergente - de l'existence ; non l'inverse. Descartes a séparé l'esprit du corps dans une dualité que scientifiquement plus personne ne reconnaît mais qui reste au cœur du concept de libre arbitre ontologique, alors que pour le Naturalisme Scientifique, tout provient du corps - esprit compris - en interaction avec l'environnement.
Quelle réponse avez-vous à cette question cruciale : comment se fait-il que des spécialistes de tous domaines (philosophie, justice, économie, politique, sciences sociales...), bardés pourtant des mêmes diplômes, en viennent à prononcer des avis contraires, des convictions différentes si un libre arbitre survolait les déterminants de toutes sortes et avait le dernier mot d'un spécialiste à l'autre, indépendamment des diverses déterminations non choisies librement ? Tout le monde devrait être d'accord sur tout si ce libre arbitre était équitablement partagé et tout puissant chez les humains (à l'exceptions des malades mentaux qui n'en auraient plus ?). Et comme personne (ou presque) n'est d'accord avec son voisin, cela reviendrait à penser qu'il existerait autant de "libres arbitres" (LA) que d'individus ? Certains en auraient "beaucoup", d'autres moins... Ce qui, de fait, ressemble fort à un... déterminant ; soit l'inverse du LA ! Un peu comme " l'Esprit SAINT" - censé guider les cardinaux pour le meilleur choix de Pape - et qui leur souffle à l'oreille des noms différents. D'où des fumées noires pendant quelque temps... Joueur cet Esprit SAINT ! A moins que ce ne soient les déterminations cardinales différentes qui s'affrontent ? En fait, pas plus que les malades mentaux, les humains "normaux" et les cardinaux n'ont une faculté proprement surnaturelle, Libre Arbitre ou Esprit SAINT, en contradiction frontale avec les lois naturelles qui gouvernent toute matière ; cerveau compris.
Cette perspective n'élimine pas pour autant l'importance de la responsabilité
et de l'éthique dans nos actions. Au contraire, elle nous pousse à être plus
compassionnels et compréhensifs envers les circonstances déterminantes des autres (humains comme animaux), tout en
cherchant des moyens d'améliorer l'équité et la justice dans la société.
Au moment historique où se développent des concepts aussi aberrants que celui des vérités alternatives, des post-vérités où chacun s'enferme dans sa bulle de convictions irrationnelles ("grâce" aux réseaux sociaux notamment), la recherche d'un socle commun semble une nécessité urgente et absolue dans le cadre d'une laïcité étendue et d'un contrat social acceptable par tous.
Soit un universalisme inclusif - qui ne nie pas les identités - mais qui abandonne les énoncés métaphysiques (transcendance / ontologie / qu'est-ce que l'être ? / quelle est la nature de la réalité ? / dieu existe-t-il ? / l'âme est-elle immortelle ? etc.) dépourvus de sens et non vérifiables empiriquement.
Pourrait-on enfin focaliser notre réflexion sur ce que l'on sait plutôt que sur ce que l'on ne sait pas ? Car le choix entre spiritualisme et matérialisme est tout sauf une discussion de salon en fin de soirée. Les conséquences sont "déterminantes" pour l'humanité et son écosystème à l'heure de la bombe nucléaire, des massacres en tous genres, du "moi d'abord" contre tous les autres.
Nos pires erreurs ne découlent pas de ce que nous ne savons
pas, mais de ce que nous sommes persuadés de savoir. Sans omettre le fait qu'une théorie scientifique puisse avoir des conséquences qui
choquent nos convictions ou qui contredisent nos valeurs, mais ce n'est pas pour autant une raison
suffisante de la rejeter.
"La science n'est pas une
illusion... et ce serait une illusion de croire que nous puissions trouver
ailleurs ce qu'elle ne peut pas nous donner" (S. Freud)
Ci-dessous un vidéo de Présentation générale (1) suivie d'une seconde partie (Présentation générale 2) concernant les conséquences sociales, économiques, politiques, judiciaires etc. de cette approche philosophique et scientifique permise par le naturalisme scientifique.
Dans cette vidéo, il sera question des conséquences du Naturalisme Scientifique.
Terminons sur une petite note d'humour avec cette vidéo du trop méconnu Didier Bénureau et ses 400.000 francs : une ode à la survie au sens large.
Survie qui passe ici par l'accumulation de pâtes en vue de pénuries possibles (guerre etc.) ; rivalités et "distinction" afin de s'extraire de la "masse" en montrant sa supériorité...
Au delà du sketch, cette survie à tout prix est omniprésente dans les concepts humains de moralité, de justice, de droit, de solidarité, des sciences (biologie et psychologie évolutionnaires, médecine...), des religions (vie éternelle) etc.
Toute vie humaine (et animale) est peu ou prou centrée sur cette recherche permanente de la survie.
C'est globalement ce que ce blog tente humblement d'explorer 😇
Le concept de "peuple élu" a traversé les siècles, évoluant d'une
idée théologique ancrée dans les traditions religieuses anciennes à une notion
parfois instrumentalisée pour justifier des projets politiques, culturels ou
impérialistes. Ce terme, souvent associé aux récits bibliques et à la tradition
judéo-chrétienne, a également trouvé des échos dans d'autres cultures et contextes,
où des groupes se sont revendiqués comme dépositaires d'une mission divine ou
d'une supériorité civilisationnelle.
Le "peuple élu" dans la
tradition hébraïque
Le concept de "peuple élu" trouve ses racines dans la Bible
hébraïque, où le peuple d'Israël est décrit comme choisi par Dieu pour établir
une alliance spéciale. Dans le livre du Deutéronome (7:6), il est écrit
: « Car tu es un peuple saint pour l'Éternel, ton Dieu ; l'Éternel, ton Dieu,
t'a choisi pour que tu sois un peuple qui lui appartienne en propre, parmi tous
les peuples qui sont sur la face de la terre. » Cette élection n'implique pas
nécessairement une supériorité intrinsèque (quoique...), mais une responsabilité : respecter
les commandements divins et être un « royaume de prêtres et une nation sainte »
(Exode 19:6).
Selon les exégètes comme Jon D. Levenson (The Hebrew Bible, the Old
Testament, and Historical Criticism, 1993), cette idée d'élection reflète
une relation où l'obéissance à Dieu est centrale. Cependant, cette
notion a souvent été interprétée comme une exclusivité, alimentant des tensions
avec les peuples voisins dans l'Antiquité, comme les Cananéens ou les
Philistins.
Bien que le concept soit emblématique de la tradition hébraïque, des parallèles
existent dans d'autres civilisations. Les Égyptiens, par exemple, se
considéraient comme les favoris des dieux, leur terre étant le centre du cosmos
sous la protection d'Amon-Rê. Dans l'Empire perse achéménide, les rois se
présentaient comme mandatés par Ahura Mazda pour gouverner les peuples. Ces
revendications d'une mission divine servaient souvent à légitimer le pouvoir et
à unifier des empires multiculturels, comme l'explique Pierre Briant dans Histoire
de l'Empire perse (1996).
Avec l'émergence du christianisme, le concept de "peuple élu"
s'élargit. Le Nouveau Testament, notamment dans les écrits pauliniens (Galates
3:28), redéfinit l'élection comme accessible à tous, juifs et gentils, par la
foi en Jésus-Christ. Cette universalisation marque une rupture avec
l'exclusivité ethnique de l'alliance mosaïque, mais elle conserve l'idée d'une
communauté choisie pour une mission spirituelle.
Au Moyen Âge, l'Église catholique se présente comme le nouveau "peuple
élu", chargé de répandre la foi chrétienne. Cette vision justifie les
croisades (1095-1291), où la reconquête des lieux saints est perçue comme une
mission divine. Comme le note Jonathan Riley-Smith dans The Crusades: A
History (2005), cette idéologie a souvent servi à mobiliser les masses et à
légitimer la violence contre les "infidèles".
Dans l'Europe médiévale, des royaumes comme la France et l'Angleterre
revendiquent également un statut d'élection divine. Les rois de France, par
exemple, se proclament "fils aînés de l'Église" et bénéficient d'un
sacre à Reims, renforçant l'idée d'une nation choisie par Dieu. Marc Bloch,
dans Les Rois thaumaturges (1924), montre comment cette sacralisation du
pouvoir a consolidé l'autorité monarchique.
À l'époque moderne, le concept de "peuple élu" prend une
dimension séculière, notamment dans le contexte de l'expansion coloniale
européenne (XVIe-XIXe siècles). Les puissances européennes, comme l'Espagne, le
Portugal, la France et la Grande-Bretagne, justifient leurs conquêtes par une
"mission civilisatrice", un écho laïcisé de l'idée d'élection divine.
Les colonisateurs se présentent comme porteurs d'une culture et d'une religion
supérieures, destinées à "élever" les peuples colonisés.
Edward Said, dans L'Orientalisme (1978), analyse comment cette
vision ethnocentrique a construit un imaginaire de supériorité occidentale, où
les colonisés sont dépeints comme inférieurs et nécessitant une tutelle. Par
exemple, la doctrine du White Man's Burden (fardeau de l'homme blanc) de
Rudyard Kipling reflète cette idée d'une responsabilité autoproclamée des Européens
à "civiliser" le monde.
Aux États-Unis, le concept de "peuple élu" prend une forme
particulière avec les colons puritains du XVIIe siècle. John Winthrop, dans son
sermon A Model of Christian Charity (1630), décrit la colonie de la baie
du Massachusetts comme une « ville sur la colline », un exemple moral pour le
monde. Cette vision évolue au XIXe siècle avec la doctrine du Manifest
Destiny, qui justifie l'expansion territoriale américaine comme une mission
divine.
Comme l'explique Anders Stephanson dans Manifest Destiny: American
Expansion and the Empire of Right (1995), cette idéologie a légitimé la
conquête des terres autochtones et la guerre contre le Mexique (1846-1848).
L'idée d'une nation élue a ainsi servi de fondement à l'impérialisme américain,
notamment lors des interventions en Amérique latine et aux Philippines à la fin
du XIXe siècle.
Au XXe siècle, le concept de "peuple élu" se retrouve dans les
discours nationalistes. En Allemagne nazie, l'idéologie aryenne exalte le
peuple allemand comme une race supérieure, choisie pour dominer le monde. Cette
perversion du concept, analysée par Saul Friedländer dans L'Allemagne nazie
et les Juifs (1997), montre comment une rhétorique d'élection peut
justifier des atrocités.
Dans le contexte juif, le concept de "peuple élu" prend une
nouvelle dimension avec le sionisme. Theodor Herzl, dans L'État des Juifs
(1896), propose la création d'un État juif en réponse aux persécutions
antisémites. Pour de nombreux sionistes religieux, le retour à la terre
d'Israël est l'accomplissement d'une promesse divine. Cependant, comme le
souligne Benny Morris dans Righteous Victims (1999), cette revendication
a engendré des conflits avec les populations palestiniennes, illustrant les
tensions inhérentes à l'idée d'une terre "promise" à un peuple
spécifique.
Aujourd'hui, le concept de "peuple élu" continue d'être invoqué,
souvent à des fins politiques. Aux États-Unis, l'évangélisme chrétien soutient
parfois l'idée d'une nation élue, influençant la politique étrangère, notamment
envers Israël. Dans d'autres contextes, des régimes autoritaires utilisent des
rhétoriques similaires pour galvaniser leurs populations, comme en Russie, où
l'Église orthodoxe présente le pays comme un rempart spirituel contre l'Occident.
Les chercheurs contemporains, comme Anthony D. Smith dans Chosen Peoples
(2003), soulignent que l'idée de "peuple élu" est une construction
culturelle, souvent utilisée pour renforcer l'identité collective face à
l'adversité. Cependant, elle peut aussi alimenter l'exclusion, le chauvinisme
et les conflits. La déconstruction de ce concept invite à réfléchir sur les
dangers de l'essentialisme et sur la nécessité de promouvoir des identités
inclusives.
Finalement, le concept de "peuple élu" - revendiqué par bien des peuples - a évolué d'une idée théologique à un
outil de légitimation politique et impérialiste. De l'Antiquité à nos jours, il
a servi à consolider des identités collectives, mais aussi à justifier des
entreprises de domination, de l'expansion territoriale aux génocides. En
examinant son histoire, nous comprenons mieux comment les récits d’une pseudo "élection",
qu’ils soient religieux ou séculiers, façonnent les dynamiques de pouvoir et
les relations intergroupes.
Une approche critique de ce concept reste cruciale
pour en comprendre les implications dans un monde globalisé.
N'en déplaise à certains : dans un monde matérialiste, il n'y a pas de peuple élu.
Et ce n'est pas ce charabia spiritualiste - même de la part d'un Docteur en physique - qui peut convaincre du contraire :
Références
Bloch, M.
(1924). Les Rois thaumaturges. Strasbourg : Librairie Istra.
Briant, P.
(1996). Histoire de l'Empire perse. Paris : Fayard.
Friedländer, S.
(1997). L'Allemagne nazie et les Juifs. Paris : Seuil.
Herzl, T.
(1896). L'État des Juifs. Paris : La Découverte.
Levenson, J. D.
(1993). The Hebrew Bible, the Old Testament, and Historical Criticism.
Louisville : Westminster John Knox Press.
Morris, B.
(1999). Righteous Victims: A History of the Zionist-Arab, 1881-1999.
New York : Knopf.
Riley-Smith, J.
(2005). The Crusades: A History. New Haven : Yale University Press.
Said, E.
(1978). L'Orientalisme. Paris : Seuil.
Smith, A. D. (2003). Chosen
Peoples : Sacred Sources of National Identity. Oxford : Oxford
University Press.
Stephanson, A. (1995). Manifest
Destiny: American Expansion and the Empire of Empire. New York : Hill
and Wang.
Le dilemme ou syndrome du hérisson est une métaphore des
relations humaines.
Et il y a quelques bonnes raisons de s'y intéresser quand on constate les difficultés rencontrées par les couples et les familles qui éclatent... Selon les données nationales, près d’1 famille sur 4 est
monoparentale en France, dont 82 % de mères seules (Insee, Observatoire des
territoires). 40 % de ces familles monoparentales vivent sous le seuil de pauvreté, avec des difficultés accrues d’accès
au logement, à la garde d’enfants et aux loisirs. Syndrome du hérisson ?
Formulé par Arthur Schopenhauer en 1851 dans Parerga et
Paralipomena, puis repris par Sigmund Freud, le dilemme du hérisson illustre la
tension entre besoin de proximité et risque de blessure mutuelle. L'hivers, les hérissons, transis de froid, cherchent à se rapprocher
pour se réchauffer, mais leurs piquants les blessent. Ils oscillent entre
rapprochement et prise de distance, ce qui est inconfortable et générateur de conflits.
Cette métaphore traduit la difficulté humaine à trouver une
juste distance relationnelle : trop loin = solitude / trop près = souffrance.
Schopenhauer lui-même niait la pertinence du libre arbitre :
il affirmait que l’humain est déterminé par ses conditions d'existence au sens large.
Mais quelle peut être l’articulation entre scepticisme concernant
le libre arbitre et dilemme du hérisson ?
Si nos comportements et notre conscience sont déterminés, les blessures
relationnelles ne sont pas entièrement imputables à une « mauvaise volonté » librement choisie. Cela
favorise une tolérance accrue dans les relations. Le scepticisme dans le libre
arbitre aide à comprendre que la souffrance relationnelle est inévitable et non
le fruit d’un choix libre.
On ajuste alors la distance avec réalisme, plutôt que de
chercher une fusion impossible.
Puisque la liberté absolue n’existe pas dans ce paradigme matérialiste, il faut des normes
et médiations (règles, institutions, rituels) pour réguler la proximité. Ces
cadres compensent l’absence de libre arbitre et permettent une cohabitation
harmonieuse.
Ce scepticisme invite également à la modestie : nos attentes
envers autrui doivent être limitées. Ce qui réduit les frictions et encourage une
compassion pragmatique.
Le scepticisme sur le libre arbitre ne supprime évidemment pas
le dilemme du hérisson, mais il le rend gérable. Il transforme la tension
entre distance et proximité en une négociation consciente. En acceptant que
nos choix soient conditionnés, nous développons une attitude compatissante et
réaliste qui amortit les piquants du hérisson.
Ainsi, la philosophie du déterminisme devient un outil pour
penser la coexistence humaine : moins de culpabilité, plus de régulation, et
une recherche d’équilibre entre solitude glaciale et fusion étouffante.
L’histoire des relations internationales est jalonnée de dilemmes où la
morale semble céder la place à des considérations stratégiques. Ce glissement
interroge : les États agissent-ils uniquement selon leurs intérêts ou
cherchent-ils à arbitrer entre puissance et éthique ?
De quoi parle-t-on ?
La morale identifie les principes éthiques du moment et du lieu visant à distinguer le bien du mal,
souvent influencée par des valeurs universelles ou - plus localement - culturelles.
La géopolitique est l’analyse
des rivalités de pouvoir entre États, dictée par des enjeux économiques,
militaires et diplomatiques.
L’interaction entre ces deux notions est donc ambivalente : la morale peut
être utilisée comme argument pour justifier des actions stratégiques, mais
aussi constituer un frein à certaines décisions.
Quels sont les arguments en faveur de la primauté
géopolitique sur la morale ?
Le rapport de force
Dans les
relations internationales, la puissance conditionne la prise de décision.
Un État peut condamner moralement une action tout en s’y conformant pour
préserver ses intérêts plus ou moins perçus comme "vitaux". L’approvisionnement énergétique peut mener à des alliances avec des
régimes autoritaires, malgré des principes démocratiques affichés comme c'est le cas concernant la guerre en Ukraine : l'Europe - dépendante du point de vue énergétique - a continué d'acheter du gaz et du pétrole russe...
Le pragmatisme
face aux enjeux globaux
Les États
doivent parfois prendre des décisions moralement contestables sur le moment pour éviter
des crises considérées comme plus graves potentiellement. Ainsi, l’intervention militaire peut sembler justifiée pour garantir la stabilité
régionale, même si elle implique des pertes humaines pour éviter des pertes ultérieures plus importantes encore. Les frappes nucléaires des USA sur le Japon était au moins en partie destinées à faire l'économie de plusieurs milliers de soldats américains.
Une grande flexibilité
des principes moraux en fonction des intérêts des états
La morale est
souvent invoquée selon les circonstances, à géométrie variable, et les États peuvent modifier
leur position en fonction des enjeux géopolitiques. L’attitude des grandes puissances envers certaines guerres ou dictatures
varie selon leurs besoins stratégiques (guerre en Irak en
2003 / retrait de la liste noire américaine du terroriste d’Ahmed
Al-Charaa - l’homme fort de la Syrie - avant sa visite officielle à Washington etc.).
De l'autre côté, quels sont lesarguments en faveur d’une morale
influençant la géopolitique ?
L’impact de
l’opinion publique est loin d'être négligeable comme l'ont montré les manifestations étudiantes américaines (et internationales) contre la guerre au Vietnam. Globalement, selon le régime en place, les sociétés
influencent peu ou prou les choix politiques, rendant difficile l’abandon total des
valeurs morales.
L’évolution des
mentalités face aux enjeux mondiaux fait naître une conscience
écologique et sociale qui pousse les États à tenir compte des principes moraux
dans leurs décisions géopolitiques (développement durable comme critère influençant les alliances
et les politiques économiques).
Finalement, la frontière entre morale et géopolitique est mouvante et dictée par les
circonstances. Dans un monde où les intérêts stratégiques prédominent comme actuellement, la
morale n’est jamais totalement absente, mais elle se voit souvent soumise aux
réalités du pouvoir. Cette tension persiste et constitue l’un des grands défis
des relations internationales modernes.
Au fond du fond, la géopolitique n'est qu'une affaire de rivalités, guerres, violences et autres invasions criminelles dans l'intérêt du plus fort. Ce fut un humain contre un autre, un clan contre un autre, un village contre un autre, un pays contre un autre... jusqu'aux guerres mondiales avec les alliances que l'on a connues.
Du point de vue spiritualiste - avec libre arbitre -, l'autre est différent et surtout moins bien que moi, ma famille, ma culture mon clan : il faut l'éliminer ou le dominer dans le cadre d'une survie à court terme. Le problème est que seule la coopération - et non la trahison - peut permettre la survie à long terme (voir Un sacré dilemme pour la morale) ! Tout particulièrement dans un monde qui possède l'arme atomique un peu partout...
Dans un monde matérialiste - sans libre arbitre -, toutes ces rivalités mortifères, cette haine des uns envers les autres ne signifient plus rien si personne ne peut faire autrement que ce qu'il fait, déterminé qu'il est. Ce qui impose le respect des cultures et des opinions différentes à partir du moment où les "trahisons" - qui ne disparaîtrons probablement jamais tout à fait (maladie mentale, éducation etc.) - seront traitées avec fermeté ; mais dans le respect de la personne et des peuples. Une morale qui prendrait enfin le pas sur la géopolitique.
Mais tout ceci passe par la philosophie, les sciences et l'éducation en général.
Ce qui s'appelle...
Pour conclure, une citation attribuée au mathématicien
Al-Khwarizmi à qui l'on demandait quelle était la valeur d’un être humain.
Il répondit :
Si une personne possède la morale, elle vaut 1.
Si elle y ajoute la beauté, ajoutez un zéro : elle vaut 10.
Si elle possède la richesse, ajoutez un autre zéro : elle
vaut 100.
Si elle a une noble lignée, ajoutez encore un zéro : elle
vaut 1000.
Mais si le 1, c’est-à-dire la morale, disparaît, alors il ne
reste que des zéros, sans aucune valeur.
Les neurosciences - qui n’arrivent pas à
trouver de libre arbitre dans le cerveau mais seulement un circuit (connectome) de la sensation
de liberté de choix (voirSearle, arc en ciel et... libre arbitre) - n’en
finissent pas d’inquiéter les juristes qui tiennent à sauver
à tout prix cette chimère de libre arbitre.
Une lutte
de pouvoir entre médecine et droit ? Le bon temps des punitions (peines
rétributives) pourrait devenir has been ? Quelle horreur !
Il suffit de lire des articles de spécialistes du
droit pour voir l’ampleur des dégâts intellectuels sous forme de concours d'incohérences scientifiques et philosophiques.
Voyons quelques perles de cette spécialiste du droit :
« … si l’existence de déterminants
neurobiologiques est indéniable, ils cohabitent et/ou rentrent en conflit avec d’autres déterminants de nature
sociale et, c’est justement parce qu’il existe une compétition entre ces
différents facteurs biologiques et culturels, que l’idée de liberté reste plausible. »
Si l’on comprend bien l'autrice, des
déterminants « neurobiologiques » + des déterminants « sociaux »
en interaction permanente permettraient de s’affranchir d’une détermination
chaotique laissant la place à une liberté ontologique ? Matérialisme +
matérialisme = spiritualisme ?
« Par ailleurs, les découvertes sur la plasticité
du cerveau, et sa capacité à se façonner en fonction de l’expérience vécue et
des apprentissages à tous les âges de la vie, sont inconciliables avec un déterminisme strict et ouvrent l’horizon des
possibles. »
L’expérience vécue, les apprentissages chez l’humain
- comme chez l’animal - permettent de s’adapter au mieux possible (survie) dans
un univers bien souvent hostile. A quel moment et par quel(s) mécanisme(s) de « plasticité
cérébrale » les déterminants de l’enfance feraient émerger quelque chose -
le libre arbitre - qui n’aurait plus rien à voir avec les déterminations
préalables ?
« Enfin, il faut tenir compte de l’irréductible
fantaisie de l’être humain, qui est capable de se comporter de manière tout à
fait irrationnelle. En conséquence de quoi, il nous semble que le comportement
humain restera toujours imprévisible.»
Certes. Mais cette fantaisie, cette imprévisibilité irrationnelle
humaine (comme animale) n’est pas l’œuvre d’un processus magique mais de l’indétermination
/ imprévisibilité issue du chaos déterministe (voir Fatalisme ? Fatal error !). Il est vrai que les propos des diverses citations ci-dessus montrent toute l'ampleur de l'irrationalité humaine.
Plus loin :
« Quoi qu’il en soit et, en définitive, il apparaît que le
dualisme cartésien ne peut plus sérieusement être soutenu. Comme Spinoza
l’avait soutenu en son temps, le mental n’est pas fondamentalement séparé du
biologique. Nos pensées affectent notre corps et notre cerveau. Et inversement,
tout changement dans le cerveau ou le corps affecte le fonctionnement mental.
Il existe donc une interaction bidimensionnelle entre le fonctionnement mental
et le fonctionnement cérébral. Toutefois, ceci ne remet nullement en cause l’existence et la possibilité du libre-arbitre. »
Et bien si, justement. Un argument d’autorité sans fondement, sans justification quelconque, sinon le sentiment que l'on ressent d'une liberté de choix (connectome déjà cité). Quant à la référence concernant Spinoza que l'autrice semble apprécier : ce grand philosophe combattait pied à pied la chimère du libre arbitre. Comprenne qui pourra.
Plus loin :
« Ainsi donc, alors que la psychanalyse enseigne depuis déjà plus
d’un siècle que nous ne sommes pas seuls maîtres en notre demeure... ».
Je ne suis pas seul maître en ma demeure ? Ce type de formulation
est terriblement inepte. Qui est ce « je » sinon l’amalgame complexe d’un
corps biologique doté d’un inconscient, d’une mémoire vive et d'une autre enfouie, d’une conscience
qui ne peut pas tenir compte en permanence de tous les biais cognitifs etc. L’autrice
renoue ici avec la dualité cartésienne dont elle a dit tout le mal qu’elle en
pensait - à juste titre - dans son paragraphe précédent.
Plus loin :
« Autrement dit, dans cette perspective, nous ne serions rien de plus
que les cellules qui nous composent.
Ben oui ; jusqu'à preuve du contraire. Preuve que nul n'apporte.
« (Mais) qui dit déterminisme biologique, dit absence de responsabilité… »
Faux. Personne ne dit qu’il n’existe qu’un déterminisme biologique.
Le déterminisme social joue son rôle (Bourdieu), et la survie tient compte des
déterminants sociaux + biologiques dans un chaos imprévisible (effet « papillon »)
qui nécessite l’outil statistique… Ce qui est valable pour la météo (soleil avec
70 % de chance demain) est aussi valable pour la dangerosité du délinquant.
Aucune certitude absolue ; et c’est tout le problème.
« Le naturalisme ne conduit pas nécessairement au réductionnisme.
S’il est vrai qu’il existe de nombreux déterminants au niveau biologique, il
se pourrait qu’à un niveau supérieur, la conscience libre conserve
un rôle causal. »
Il se pourrait ? Dans la même veine, il se pourrait que n’importe
quoi existe (enfer / paradis / sainte trinité / vie éternelle / complot mondial
de tel groupe ou tel autre…). Et qui a montré que la conscience est libre ? Et qu’elle pourrait avoir un rôle causal ?
« Si le processus de décision est initié au niveau cérébral, la conscience
du sujet et sa volonté ne sont pas tout à fait impuissantes. »
Ce n’est pas que conscience et volonté sont « impuissantes » ; c’est qu’elles
sont déterminées - si ce ne sont pas simplement des épiphénomènes - par les
lois naturelles comme tout ce qui existe.
« A propos du choix « libre » : « Il est vrai
que nous ne sommes pas en mesure de déterminer si ce choix est véritablement
libre ou s’il est déterminé à un autre niveau… ».
Il faudrait savoir ! Un peu de lucidité ne fait pas de mal.
Arrêtons cette liste d’incohérences à la Prévert. Si l'on se fie à ce que l'on sait (lois naturelles) et non à ce que l'on ne sait pas, personne ne peut
être coupable de ce qu’il est ; donc pas de « punition »
possible, mais une responsabilité qui reste entière du fait qu’on n'est pas
seul au monde.
Convenons que le libre arbitre "ontologique" serait un phénomène "extraordinaire" dans le cadre des lois naturelles. Et pour accepter des phénomènes extraordinaires, il faudrait des preuves tout aussi extraordinaires !! Sans aucun acharnement à son égard du fait de la bouillie philosophico-scientifique qui règne dans notre culture, on est encore très loin du compte avec cet article de P. Larrieu.
Ainsi, dans un cadre matérialiste, le concept de liberté n'est que la capacité d’un système déterminé à agir
selon ses propres mécanismes internes, sans contrainte externe ou interne (type maladie / accident...) qui entraverait sa volonté causalement déterminée.