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Nationalisme versus mondialisme

L’évolution des regroupements humains, depuis la famille jusqu’à la mondialisation, est une histoire de complexité croissante et d’interconnexion. 

Les premiers regroupements humains étaient basés sur des liens de sang et des relations familiales. Les familles et les clans offraient une protection, un partage des ressources et une transmission des connaissances essentielles à la survie.
 
Avec l’avènement de l’agriculture, les humains ont commencé à se sédentariser, formant des villages. Ces regroupements permettaient une meilleure organisation du travail agricole, la construction d’infrastructures communes et une défense collective contre les menaces extérieures.
 
À mesure que les villages grandissaient, ils se sont transformés en cités-États et en régions. Ces entités plus grandes permettaient une spécialisation accrue des métiers, le développement du commerce et l’émergence de structures politiques plus complexes.
 
Les régions et les cités-États se sont progressivement unifiées pour former des nations. Cette unification était souvent motivée par des besoins de défense commune, de gestion des ressources à plus grande échelle et de consolidation du pouvoir politique.
 
Aujourd’hui, nous vivons à l’ère de la mondialisation qui ne date pas d'hier et qui semble être la suite inéluctable de la dynamique historique évoquée, avec des frontières nationales devenant de plus en plus perméables. Cette phase est caractérisée par une interconnexion économique, culturelle et technologique sans précédent. 


Les raisons profondes de cette mondialisation incluent l
es avancées technologiques, notamment dans les domaines des transports et des communications, qui ont réduit les distances et facilité les échanges internationaux.
La recherche de nouveaux marchés et de ressources a poussé les nations à s’ouvrir et à collaborer économiquement. Les échanges culturels et la diffusion des idées ont favorisé une compréhension et une coopération internationales accrues.
Les organisations internationales et les accords multilatéraux jouent (devraient) jouer un rôle clé dans la gestion des défis globaux comme le changement climatique et les crises économiques.
Cette progression des regroupements humains reflète une quête constante de sécurité, de prospérité et de développement. A part un accident majeur (guerre nucléaire / comète / épidémie dévastatrice etc.), on ne voit pas très bien ce qui pourrait entraver cette progression vers la mondialisation, pour les mêmes raisons de fond qui nous ont fait passer du clan à la nation. 

Et pourtant, il existe des nationalistes qui luttent contre cette évolution culturelle et technique. Pourquoi ?
Principalement pour des raisons idéologiques, des visions du monde opposées et des craintes concernant la préservation de leur identité (le "grand remplacement"...).

Mondialisation et nationalisme sont deux idéologies opposées qui façonnent les politiques économiques, sociales et culturelles des peuples. Alors que la mondialisation prône l’interconnexion et l’intégration mondiale, le nationalisme met l’accent sur la souveraineté nationale et l’identité culturelle. 

Quelques précisions nécessaires :

  • Le matérialisme, qui inclut l’idée que le libre arbitre est une illusion, propose que nos actions et comportements sont déterminés par des causes physiques et biologiques. Cette vision peut favoriser une plus grande tolérance. En effet, si nos actions sont déterminées par des facteurs intérieurs et extérieurs hors de portée de notre contrôle conscient, il devient plus facile de comprendre - ce qui ne veut pas dire tout tolérer - le comportement des "autres". On peut voir les actions négatives comme le résultat de circonstances (génétique et environnement) plutôt que de choix moraux réellement délibérés. On ne peut dans ce cas pas faire autrement que ce que l'on fait (voir Peut-on faire autrement).
Universaliste, le matérialisme tend à voir tous les humains comme fondamentalement égaux, car nous sommes tous soumis aux mêmes lois naturelles. Cette perspective peut réduire les préjugés et les discriminations basées sur des différences perçues. En reconnaissant que les comportements sont le résultat de conditions de vie souvent difficiles, le matérialisme peut encourager une attitude plus empathique et compatissante envers ceux qui sont différents de nous.

  • Le spiritualisme, en revanche, met l’accent sur l’importance de l’âme, de la volonté libre et privilégie l’identité culturelle (traditions). Cela peut conduire à une résistance aux influences extérieures et à une méfiance envers les étrangers qui pourraient menacer cette identité. En insistant sur des valeurs et des croyances spécifiques, le spiritualisme peut créer des divisions entre ceux qui partagent ces valeurs et ceux ne les partageant pas. Ce qui peut entraîner des discriminations envers les minorités et les étrangers (voir Wokisme et cancel culture), certaines formes de spiritualisme pouvant justifier la discrimination en se basant sur des croyances religieuses ou culturelles qui considèrent certaines populations comme inférieures ou menaçantes. Bref, un nationaliste pur jus, conservateur ou réactionnaire comme il vous plaira. Certains de cette chapelle comme Jean-Jacques Stormay en sont encore à réclamer "un roi légitime de droit divin" abrogeant tout de go république et démocratie ; deux fois rien. Comme le relate le site d’obédience dextre "Jeune Nation" :
"Dans la Doctrine du Fascisme catholique, Jean-Jacques Stormay nous exposait la spécificité de cette pensée politique, actuellement la seule qui sache harmoniser rationnellement les exigences de l’ordre naturel et celles de l’ordre surnaturel, du Bien commun politique et du Souverain Bien."

Bienvenue au Moyen Age. On peut se demander comment leur Dieu a pu se rendre complice de la décapitation de Louis XVI, son protégé. Un coup de Satan, c'est certain. 
Comme il est certain que le nationalisme gagne du terrain ces derniers temps (Turquie, Inde, États-Unis, Russie, Chine, Hongrie, Pologne, Israël, Royaume-Uni avec son Brexit, France avec le R Haine comme premier parti politique...). 

« Le nationalisme c’est la guerre » disait François Mitterrand, surtout quand il devient impérialiste.

« Fier d’être français » écrivait Max Gallo dans son livre éponyme. Dans la définition du mot fierté, la morgue, l’arrogance, la supériorité affichée sont très proches, sinon incluses dans le mot. Je n’ai pas à être « fier » d’être né ici plutôt qu’ailleurs, pas plus que d’être « fier » d’être gay, blond, blanc, noir, musclé etc. puisque ces situations sont le fait de déterminants aléatoires. En revanche, je peux être heureux de vivre - par un savoureux hasard - dans un pays républicain, démocrate, où nombre de valeurs me sont maintenant chères, même si tout ne va pas pour le mieux. Pas de raison non plus d’être fier d’appartenir à une civilisation ou une ethnie qui se croirait « meilleure » que d’autres. C’est ce que nous explique le géographe, biologiste évolutionniste, physiologiste, historien et géonomiste Jared Diamond[1] qui considère comme cruciaux certains facteurs ayant déterminé l'inégalité des sociétés et la domination de certains hommes sur d’autres : tout d’abord la « chance géographique », puis les armes, les germes (bactéries, virus...) et l’usage des métaux. L’auteur réfute entièrement l’explication génétique - qu’il considère comme « raciste »[2] - des divergences entre les sociétés humaines. Il adopte au contraire une optique « naturaliste » dans le sens où la géographie de l’environnement et la biogéographie ont façonné des configurations historiques différentes dans le cadre de la vicariance[3]. Pour Diamond, nous ne sommes dans notre chère civilisation occidentale que les très heureux héritiers de déterminants favorables. Analyse identique pour David Cosandey dans son ouvrage « Le secret de l’occident »[4]. De là à être fier...

Autant les guerres de clans ne faisaient que quelques morts, autant le nationalisme à l’ère nucléaire est d’une autre nature. Les prétentions territoriales russes ont malheureusement des chances d’aboutir sous la menace de l’anéantissement du monde.

Du côté de la droite libérale toujours (il existe plusieurs droites dont celle qui a le cœur à gauche et le portefeuille à droite), Pierre-Henri Tavoillot considère que...

« Etre de Gauche, c’est aimer la Gauche plus que la France ; être de droite, c’est aimer la France plus que la Droite ».

Étrange provocation. Peut-on préférer, voire même comparer carotte et dé à coudre ? Libre-échange et pain Poilâne ? J’aime la France d’abord parce j’y suis né, et j’aimerais très probablement tout autant le Pakistan pour la même « raison » : affective. Mais quand je compare les normes sociétales, je préfère la France ; c’est surtout qu’elle m’a constituée et que j’ai pu intégrer ses normes et leur histoire. Mais je comprends fort bien que des pakistanais puissent préférer les normes pakistanaises car ce sont les leurs. La seule discussion possible concerne l’universalité éventuelle des valeurs respectives : je prétends que permettre aux filles d’étudier est une valeur qui devrait être universelle, mais il n’est pas question pour autant de l’imposer manu militari aux pakistanais et autres peuples qui en sont là. Aimer la Gauche et ses valeurs universalistes n’entre pas en compétition avec l’amour du pays. Et cet amour du pays ne devrait pas se confondre avec un chauvinisme et la fierté « d’être français, moi Monsieur », le mépris des autres et de leur culture, quand bien même celle-ci peut générer un certain dégoût (manger du chien) ou des critiques légitimes en comparaison des valeurs universalistes.

Il faut admettre que des individus de chaque camp peuvent adopter des attitudes variées d'autant que tout n'est pas simple. Ainsi, la mondialisation dans le cadre capitaliste a apporté des avantages mais présente également des effets pervers qui peuvent avoir des conséquences négatives sur les sociétés et les économies. Elle a notamment conduit à une concentration de la richesse dans les mains de quelques-uns, augmentant drastiquement les inégalités économiques.

Les travailleurs des pays développés peuvent perdre leurs emplois en raison de la délocalisation vers des pays où la main-d’œuvre est moins chère. L’augmentation de la production et du commerce international a entraîné une exploitation excessive des ressources naturelles et une pollution accrue. Les réglementations environnementales sont souvent moins strictes dans les pays en développement, ce qui peut aggraver les problèmes écologiques. Les États peuvent perdre une partie de leur souveraineté en raison de la pression des multinationales et des institutions internationales. Les politiques économiques nationales peuvent être dictées par des intérêts étrangers, limitant la capacité des gouvernements à protéger leurs citoyens. La mondialisation peut mener à une uniformisation des cultures, où les traditions locales sont remplacées par des cultures dominantes, ce qui peut entraîner une perte d’identité culturelle et de diversité.

Quelles seraient les solutions pour remédier aux effets négatifs de la mondialisation tout en restant dans le paradigme matérialiste, le seul socle idéologique / philosophique qui soit commun à tous les humains ?

  • Mettre en place des politiques fiscales et sociales pour redistribuer la richesse et réduire les inégalités économiques. 
  • Renforcer les filets de sécurité sociale pour protéger les travailleurs affectés par la mondialisation. 
  • Adopter des réglementations environnementales strictes, encourager les pratiques durables et promouvoir les technologies vertes et les énergies renouvelables pour réduire l’empreinte écologique.
  • Les gouvernements doivent négocier des accords commerciaux qui protègent leurs intérêts nationaux et leur souveraineté.
  • Encourager la coopération internationale pour réguler les activités des multinationales et garantir des pratiques commerciales équitables.
  • Soutenir et préserver les cultures locales par des politiques éducatives et culturelles.
  • Encourager les échanges culturels qui respectent et valorisent la diversité.

En adoptant ces mesures, il devrait être possible de tirer parti des avantages de la mondialisation tout en minimisant ses effets pervers et réduire d'autant les tendances identitaires nationalistes, royalistes, fascistes etc. 

Prendre en compte à la fois le relativisme moral et l’universalisme nécessite une compréhension nuancée des influences culturelles notamment concernant les jugements moraux, politiques, sociétaux. Il nous faut reconnaître la légitimité des perspectives éthiques diverses tout en défendant des principes fondamentaux qui promeuvent la dignité humaine et le bien-être.

Qui va s'y coller ?

Si vous avez 20 min. à gagner, voici une vidéo intéressante montrant les tensions entre identités / particularismes et collectif / universel :


Et quelques réflexions lumineuses sur le nationalisme en cliquant sur l'image (25 min.) :


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[2] Quand bien même il y aurait des différences génétiques plus favorables que d’autres, nous n’avons rien choisi « librement »

[3] La vicariance « géographique » se produit lorsque deux populations d’une même espèce sont séparées par une barrière physique (montagne / mer) et évoluent de manière indépendante, donnant naissance à deux espèces distinctes. La vicariance cette fois « écologique » se produit lorsque deux populations d’une même espèce occupent des niches écologiques différentes dans une même aire géographique et développent des adaptations spécifiques, donnant naissance à deux espèces distinctes. On peut parler également de vicariance « culturelle »...

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Dieu est mort... mais le cadavre convulse

Nietzsche, philosophe allemand du XIXe siècle, est associé à la phrase "Dieu est mort". Pour lui, cette affirmation signifiait la fin de la croyance en un dieu transcendant, omnipotent et créateur du monde. Nietzsche voyait cela comme une conséquence de la rationalisation et de la scientifisation croissantes du monde, qui rendaient les explications religieuses de la réalité de moins en moins crédibles. Dans "Ainsi parlait Zarathoustra", Nietzsche utilise le personnage de Zarathoustra pour annoncer la mort de Dieu et introduire le concept du "Surhomme" (Übermensch), qui incarne les valeurs de la vie terrestre et de la créativité humaine face à l'absence de transcendance divine.

Pour Albert Einstein, 

"le mot Dieu n'est pour moi rien d'autre que l'expression et le produit des faiblesses humaines, et la Bible un recueil de légendes vénérables mais malgré tout assez primitives."  (Extrait de la lettre d'Albert Einstein à Eric Gutkind -1954)                 

La mort de Dieu a eu des implications profondes sur la culture et la société. Elle a contribué à la sécularisation de la vie publique avec des institutions et les valeurs religieuses ayant perdu de leur influence directe sur les décisions politiques et sociales. Ce qui a ouvert la voie à la laïcité et à la séparation de l'Église et de l'État dans nombre de pays occidentaux. 

Cependant, cette sécularisation a également été associée à un sentiment de perte de sens et de valeurs partagées, menant à des questions sur la nature de la morale et de la signification de la vie humaine sans une autorité divine. Il est vrai que les interdictions et autres obligations draconiennes contenus dans les textes sacrés des religions, monothéistes en tête, sont de nature à régler le quotidien angoissant de l'humain, même si ces impératifs (sous peine d'enfer et de mort) nous semblent d'un autre temps. 

Quelques exemples que l'on peut trouver dans un certain Islam mais que l'on peut reconnaître - sous une forme ou l'autre - dans toutes les religions (cliquer sur l'image) :

Il n'empêche qu'un nombre croissant d'Humains n'aurait plus de PAPA. Enfin, presque...


Car loin d'avoir un encéphalogramme plat, le cadavre divin convulse encore un peu partout dans le monde (Palestine, Nigeria, Myanmar, Sri Lanka, Somalie, Indonésie...), sans compter son lot de vrais cadavres par le passé (des centaines de millions de morts toutes religions confondues). 

Car si tu n'es pas de mon groupe religieux, tu es mon ennemi.

Mais avons-nous encore besoin de Dieu ?

 
Les idées et structures religieuses continuent d'influencer profondément les sociétés contemporaines les plus "avancées" : il suffit de voir ce qui se passe aux USA avec les évangélistes pour constater l'ampleur du phénomène. 
Et il faut embrigader le plus tôt possible (voir également Religion et enfants) :

Bousculées dans leurs certitudes depuis les "Lumières" et les avancées scientifiques, les religions traditionnelles ont évolué, s'adaptant aux défis de la modernité tout en essayant de conserver leur capacité à offrir un sens et une communauté rassurante à leurs adeptes. Il en est même qui croient pouvoir démontrer l'existence de Dieu par la science (voir Bon Dieu, mais c'est bien sûr !). 

De nouvelles formes de spiritualité et de croyance ont émergé, allant des mouvements New Age aux communautés en ligne basées sur des intérêts partagés. Ces phénomènes suggèrent que, même si la notion traditionnelle de Dieu peut être "morte", les besoins et les désirs humains qu'elle satisfaisait – le sens, la communauté, la transcendance – sont toujours vivants et cherchent de nouvelles expressions.

Reste que les croyances conscientes ou non dans une transcendance, un surnaturel quelconque persistent à travers des rituels religieux tels que les mariages, les funérailles et les fêtes (Noël, Pâques, Toussaint, Ascension, Pentecôte, Épiphanie, Carême, Assomption)... même pour ceux qui ne se considèrent pas religieux. Rituels dont notre psychisme a probablement besoin (cohésion du groupe...) et qui ne prêtent pas trop à conséquence. On peut être athée, assister à l'enterrement d'un proche et subir l'homélie cléricale par simple respect du défunt et de sa famille croyante.

Bien plus grave : les valeurs morales et éthiques de nombreuses sociétés sont profondément enracinées dans les enseignements religieux. Ainsi, les concepts de bien et de mal, de justice et d'injustice, sont influencés par des traditions religieuses qui empoisonnent la sécularisation de nos sociétés. 

L'exemple le plus flagrant et le plus conséquent est la croyance en un Libre Arbitre délétère (voir Le côté obscur du libre arbitre).

Espérons que l'humanité puisse accéder à la maturité sans besoin de PAPA et décider des affaires communes à partir de ce que l'on sait - et non à partir de ce que l'on ne sait pas (transcendance / surnaturel) - dans le cadre d'une laïcité étendue ou chacun peut croire en ce qu'il veut (peut) sans l'imposer aux autres.

Références :

  • Nietzsche, F. (1883-1885). Ainsi parlait Zarathoustra. Traduit par M. de Gandillac, Paris : Gallimard, 1971. https://www.gutenberg.org/ebooks/5258
  • Nietzsche, Friedrich. "Le Gai Savoir" - 1882
  • Taylor, Charles. "A Secular Age" - 2007
  • Berger, Peter L. "The Sacred Canopy: Elements of a Sociological Theory of Religion" - 1967

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Experts, compétence et idéologie

Dans notre monde moderne, la notion d'expertise est cruciale pour guider les décisions et les politiques dans divers domaines (justice / médecine / changement climatique / diplomatie / capitalisme versus socialisme etc.). 

Un expert est une personne censée posséder des connaissances et des compétences approfondies dans un domaine particulier. Cette expertise est souvent reconnue par des diplômes académiques, des publications scientifiques et une reconnaissance par les pairs. Les experts jouent un rôle essentiel dans la société en fournissant des analyses et des recommandations "théoriquement éclairées".

Cependant, les avis des experts peuvent varier considérablement, souvent influencés en fait par des idéologies - systèmes de croyances et de valeurs sous-jacentes - qui façonnent les perspectives de ces experts et peuvent conduire à des avis divergents sur un même sujet. 

Quelques exemples bien connus :

  • Galilée et Newton ont remis en question les croyances religieuses et philosophiques de leur époque en introduisant des idéologies scientifiques basées sur l'observation et l'expérimentation.
  • Charles Darwin a révolutionné notre compréhension de la vie avec sa théorie de l'évolution par sélection naturelle, en conflit à nouveau avec les croyances religieuses traditionnelles et les "experts" de la Bible.
  • Les économistes ont soutenu différentes idéologies économiques, telles que le capitalisme et le socialisme, chacune proposant des visions distinctes concernant le développement industriel et les attentes humaines. 
    • D'un côté la position (néo)libérale, libertarienne, conservatrice (voire réactionnaire) qui considère que l'impôt est un vol du travail et "qu'on paye déjà assez d'impôts comme ça" (voir Moi, moi, moi... Ayn Rand, la libertarienne adorée de Trump). L'Autre n'a qu'a se débrouiller pour survivre. La redistribution se doit d'être la plus minime qui soit. Les "riches" font marcher l'économie et si on les taxe "trop", ils vont s'exiler et l'économie nationale s'effondrera pour le malheur de tous, dont les pauvres. D'ailleurs, pour les économiste de ce bord, la courbe de Laffer démontre bien que "trop d'impôt tue l'impôt". Ce qui est FAUX (en tout cas jamais prouvé, bien au contraire) :

    • A l'opposé, les "progressistes" de gauche considèrent que la (re)connaissance des déterminants génétiques et sociaux est essentielle pour comprendre et agir sur le monde ; que personne ne "vaut" 100, 500, 1000 fois son voisin en termes de revenus ; que les inégalités criantes actuelles sont illégitimes ; que les plus riches volent de façon légale (tout ce qui est légal n'est pas forcément moral) et doivent donc être taxés en définissant un maximum de revenu global (il me semble que 20 fois le SMIC permettrait une aisance financière suffisante pour ceux dont les efforts et compétences sont les plus "pointus", sans oublier les métiers à risque). Même réflexion concernant capitaux et héritages.
    • En fait, la lutte des classes continue de plus belle. Comme l’a déclaré en 2005 Warren Buffett, l’une des premières fortunes mondiales  :

      « Il y a une guerre des classes, c’est un fait. Et c’est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre et qui est en train de la gagner. »

      Les récentes élections aux US donnant le pouvoir à une douzaine de milliardaires est la réalisation la plus éclatante de cette prophétie. Sans doute des experts à la mode américaine puisqu'ils ont fait fortune ! Jusqu’au Pape Léon XIII qui reconnaissait en 1891 l'existence de classes sociales :

      « La violence des bouleversements sociaux a divisé le corps social en deux classes et a creusé entre elles un immense abîme. D’une part, une faction, toute puissante par sa richesse. Maîtresse absolue de l’industrie et du commerce, elle détourne le cours des richesses et en fait affluer vers elle toutes les sources. Elle tient d’ailleurs en sa main plus d’un ressort de l’administration publique. De l’autre, une multitude indigente et faible, l’âme ulcérée, toujours prête au désordre. »

Plus généralement, chacun a "son" avis sur à peu près tout (cf. les réseaux sociaux !), et ce plus ou moins en cohérence avec sa propre idéologie et sa vision du monde le plus souvent inconsciente.

S'ajoutent à ceci des biais cognitifs nombreux, comme l'effet Dunning-Kruger montrant que les individus ayant peu de compétences ou de connaissances dans un domaine tendent à surestimer leur niveau de compétence. 


N.B : non pas "aveugle" mais "invisible", vous l'aviez compris... Tout le monde n'a pas des compétences médicales pointues ? Ici, il s'agit en fait de ne pas confondre simple lapsus et véritable incompétence...

Cet effet Dunning-Kruger peut avoir des implications importantes dans le contexte de l'expertise :

  • Sous-estimation des véritables experts : ceux qui sont moins compétents peuvent ne pas reconnaître l'expertise des véritables spécialistes et ignorer leurs avis.
  •  Excès de confiance des incompétents : les individus moins qualifiés peuvent prendre des décisions importantes en se basant sur leur confiance boursouflée, ce qui peut entraîner des erreurs ou des échecs.

Ainsi, des personnes qui ne comprennent pas bien les méthodes scientifiques peuvent pourtant se considérer comme compétentes pour évaluer les théories scientifiques, menant à des rejets de preuves bien établies. On connait tous dans notre entourage des fervents de l'homéopathie dont on sait que ses bienfaits éventuels sont équivalents au placebo, ce qui certes n'est pas rien mais "juste" un placebo qui devrait se cantonner à la bobologie. 

C'est fou le nombre de médecins autodidactes ayant soutenu un "expert" qui a bien déraillé comme le Pr Raoult dont les travaux ont été invalidés et qui a probablement provoqué des centaines, voire des milliers de décès (effets indésirables cardiovasculaires de l'hydroxychloroquine). Pourtant, Mark Twain nous avait bien prévenu : 

"Sois prudent dans la lecture de livres de médecine. Tu pourrais mourir d'une faute d'impression."

Concernant Raoult, on est bien au delà de la simple erreur d'impression, même si l'ubris du personnage pouvait faire "mauvaise impression". Il est même surprenant qu'il ne soit pas poursuivi pour homicides involontaires.

Pour rester dans le domaine médico-judiciaire, il est terrifiant de voir la légèreté scientifique de nombre de psychiatres experts décidant du tri des criminels entre la prison et l'hôpital  (voir Les expertises psychiatriques en justice pénale : un scandale permanent ?).

C'est inquiétant de voir des experts en climatologie avec des avis divergents sur l'ampleur et les solutions au changement climatique en fonction de leurs idéologies politiques et économiques. Le fait d'être soutenu ou influencé financièrement par quelques lobbies pétroliers (les 5 plus grandes compagnies pétrolières mondiales ont dépensé 250 millions d’euros depuis 2010 en lobbying auprès de l’Union européenne) ou encore agrochimiques ne rend pas les "experts" et décideurs politiques plus clairvoyants concernant l'évolution du climat ou les dégâts des pesticides.

Comme déjà évoqué, les économistes keynésiens (gauche) et néolibéraux (droite) peuvent interpréter des données économiques identiques de manière différente en raison de leurs croyances sous-jacentes sur le rôle de l'État, du marché etc. 

La question générale pourrait être : mais qui donc n'est pas expert ? Comme le montre cette excellente vidéo belge (une fois) : le meilleur expert est celui qui se trompe le moins.

Toutes les opinions et analyses d'experts partent nécessairement d'une idéologie, d'une vision du Monde qui détermine secondairement toute notre existence à travers nos convictions morales, économiques, politiques, de notre idée de la justice jusqu'aux goûts artistiques (voir Les 2 visions du Monde).

Et comme nous sommes 8 milliards d'individus, c'est autant d'agencements différents entre les déterminants génétiques et environnementaux dont aucun n'est "choisi librement", et ce, depuis la conception (voir Combien de Mondes ? 8 milliards !). Une sorte de jeu du Fakir dont les boules génétiques sont de couleur différente, se heurtent et passent le crible de l'environnement du lieu et du temps, le tout dans un chaos déterministe ne laissant que peu de place à la prévision / prédiction des comportements humains et, plus grave, météorologiques.


Se forment ainsi les visions matérialistes (tout est "matière" en interaction) ou spiritualistes (la matière certes... "mais pas que") qui gouvernent ensuite nos prises de position, opinions, valeurs etc. 

Ce qui se résume, que l'on soit "expert" ou "vulgum pecus", par cette question essentielle : d'où parle-t-on ?

"Dire d’où l’on parle, c’est alors poser les conditions de recevabilité et de validité des discours, en les référant à un principe supérieur commun qui constitue à la fois, un enjeu de légitimation, une mise en jeu de sa légitimité, et une entrée dans le jeu de la médiatisation, définie comme la construction d’une représentation légitime du réel." (« Mais d’où ils parlent ? ». L’enjeu du titre à parler dans la presse comme lien entre le social et le discursif.)
Sans compter que dans le contexte d'un certain "choix" idéologique, d'autres paramètres se superposent : la position géographique, culturelle et sociale d'un individu ou d'un groupe peut influencer sa perception des problèmes sociaux et politiques. Les préoccupations environnementales peuvent ainsi varier en fonction du lieu et de l'impact direct de la dégradation de l'environnement sur les communautés locales. L'expérience personnelle et la proximité avec les problèmes discutés peuvent accroître la crédibilité et l'authenticité de la voix de quelqu'un. Un militant pour les droits des travailleurs qui a lui-même vécu les difficultés du travail précaire peut apporter une perspective plus nuancée et plus crédible que quelqu'un qui n'a pas connu ces expériences etc.

Finalement, l'expert est nécessairement influencé par son idéologie sous-jacente. Ces idéologies, combinées à des biais cognitifs comme l'effet Dunning-Kruger, peuvent conduire à des avis divergents sur un même sujet. Comprendre ces influences est crucial pour évaluer les opinions des experts - en fait de chacun - de manière critique et informée. En reconnaissant ces dynamiques, nous pouvons mieux naviguer dans les débats et les décisions éclairées dans notre société, à la condition de trouver un socle commun de légitimation du réel qui ne peut passer, pour moi, que par le naturalisme scientifique.

Quelques références :

  • Noam Chomsky, "Necessary Illusions" : Chomsky examine comment les médias et les politiques utilisent la propagande pour influencer l'opinion publique, soulignant l'importance des idéologies sous-jacentes.
  • Thomas Kuhn, "La Structure des Révolutions Scientifiques" : Kuhn explore comment les paradigmes scientifiques et les idéologies peuvent influencer la progression des connaissances.
  • Amartya Sen, "Development as Freedom" : Sen discute de la manière dont les valeurs et les croyances influencent les politiques de développement économique.
  • Dunning, D. & Kruger, J. (1999). "Unskilled and unaware of it" : Cette étude fondatrice décrit l'effet Dunning-Kruger et ses implications dans divers contextes.

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Philosophie "expérimentale"

Il existe depuis quelques années une nouvelle approche sur la question du Libre Arbitre, celle de la "philosophie expérimentale" s’inspirant de la méthode des sciences cognitives.

Les philosophes expérimentaux font le pari que le sens commun a une incidence sur les questionnements philosophiques « classiques ». Pour eux, la question n’est pas de savoir si le Libre Arbitre existe ou non, mais de savoir ce « qu’en pense le commun des mortels » ; et, partant de ces avis (croyances), ils envisagent de refonder une pensée plus pertinente que celle qualifiée - avec une once de perfidie - de « philosophie de fauteuil » par ces « nouveaux » philosophes expérimentaux, qui ne s'assoient sans doute jamais. 

Selon ces derniers, en l’absence de références à l'expérience « réelle », la plupart des « vieux » philosophes auraient mouliné à vide pendant plus de deux mille ans ! Rien que ça !!

Que cette philosophie expérimentale se veuille scientifique est une bonne nouvelle. Qu’elle y parvienne est une autre histoire : cette nouvelle branche de la philosophie n’est pas sans poser quelques problèmes conceptuels et méthodologiques[1]. Pour le professeur de philosophie et de sciences cognitives Kirk Ludwig :

« La méthode d'enquête pour mener des expériences de pensée philosophique n'est pas sans valeur mais se heurte à des difficultés méthodologiques considérables et ne représente pas une méthode supérieure aux méthodes traditionnelles de la philosophie. »[2]

D’autres se demandent à quoi d'autre - en dehors d’une l'amélioration de la pédagogie philosophique - cette philosophie expérimentale serait-elle « bonne » ? Elle ressemble à s’y méprendre à de la psychologie sociale ou cognitive ; pas à de la philosophie.

Mais bon. Regardons de plus près cette approche philosophique. Cherchant à comprendre ce que nous entendons par « liberté de la volonté » et « Libre Arbitre », ces nouveaux philosophes ont donc enquêté auprès d’un large public. Ils ont découvert sans surprise que la plupart des gens ont une conception compatibiliste de la liberté, c’est-à-dire qu’ils admettent certes l’existence de déterminants, mais ces déterminants seraient compatibles avec une liberté de la volonté ce qui légitimerait la culpabilité car « on pourrait faire autrement que ce qu’on a fait ». Il existe une longue tradition philosophique de ce compatibilisme depuis notamment les stoïciens il y a plus de 2000 ans.

Une formule résume assez bien ce point de débat : les compatibilistes sont matérialistes jusqu'au cou et spiritualistes au-dessus. Ou encore, les compatibilistes sont déterministes pour l’univers - dont le corps humain -, mais libertariens pour la pensée humaine (voir Moi, moi, moi... Ayn Rand) .

Mais, comme l’énonce clairement Olivier Collard-Bovy, docteur en sociologie et agrégé de psychologie :

« Défendre, conjointement, la thèse du déterminisme et celle du libre-arbitre - c’est-à-dire deux conceptions métaphysiques se niant mutuellement - revient à vouloir défendre un postulat et sa négation, ce qui constitue indubitablement une ineptie au sens logique. Qu’autant d’efforts soient déployés pour tenter de soutenir celle-ci est difficilement compréhensible, à moins de considérer la velléité compatibiliste non pas comme la thèse métaphysique qu’elle prétend être, mais plutôt comme un stratagème - un subterfuge, pour employer le mot de Kant - dont le seul objectif, qui se lit, d’ailleurs, en filigrane de toute la défense compatibiliste, est d’instituer - et, ce faisant, de légitimer - la responsabilité morale d’un agent que les libertariens sont seuls à considérer comme véritablement doué de libre-arbitre » (...) Mais pourquoi les compatibilistes persistent-ils à produire des principes de justice illogiques et incohérents, donc foncièrement injustes ?»[3].

Excellente question !

Même auteur, même pertinence :

« La persévérance de nombre de philosophes épris de liberté, puisque ceux-ci tentent, dans une manœuvre aussi désespérée que populaire, de réintroduire, dans leurs théories de la justice le libre-arbitre sous une forme frelatée mais compatible, selon eux, avec la métaphysique déterministe. Ces auteurs (compatibilistes) cherchent ainsi, par des moyens qui souvent défient la logique, à établir que la liberté socio- anthropologique (i.e. la liberté pratique) et, avec elle, la responsabilité morale peuvent exister dans un univers déterministe, c’est-à-dire dans un univers au sein duquel l’individu n’est pas causalement responsable de ses actes. »

Mais revenons à notre philosophie expérimentale. Dans une étude, les scénarii proposés aux participants (profanes) sont par exemple du type : un homme doit tuer quelqu’un sous contrainte absolue. Dans ce cas les participants ont considéré majoritairement que l’individu « strictement déterminé » à tuer... aurait pu ne pas tuer. Etonnant, non ? Ou bien la méthodologie de ces études pose problème, ou bien c’est le « sens commun » qui n’a pas bien compris l’antagonisme formel, l’incompatibilité entre détermination stricte et liberté de la volonté. Comme le souligne le philosophe Tamler Sommers concernant la difficulté de ce type d’étude :

 « Le défi de décrire le déterminisme à des sujets peu familiers avec le concept est pour le moins intimidant. La description doit : (1) rendre le déterminisme suffisamment saillant, mais (2) ne pas déclencher d'interprétations fatalistes, ou (3) poser des questions sur la façon d'interpréter des mots comme « peut » et « possibilité » et des termes comme « devait arriver ». On peut au moins soutenir que fournir une description non biaisée et non technique du déterminisme en une demi page est une tâche impossible[4]

Quand on voit toutes les difficultés et objections rencontrées lors de l’exposition de la thèse d’un déterminisme strict, une demi page afin de mettre au clair 2000 ans de questionnements philosophiques et scientifiques paraît effectivement une démarche... quelque peu osée. 

On ne naît pas déterministe (scientifique), on le devient.

Une autre étude (méta-analyse) montre les limites des « manipulations » des cobayes concernant la croyance dans le libre arbitre ou le déterminisme :

« Nous montrons que l'exposition des individus à des manipulations anti-libre arbitre diminue la croyance au libre arbitre (...) et augmente la croyance au déterminisme (...) Nous trouvons peu de preuves de l'idée que la manipulation de la croyance au libre arbitre a des conséquences en aval après avoir pris en compte le petit échantillon et le biais de publication. Ensemble, nos résultats ont des implications théoriques importantes pour la recherche sur les croyances du libre arbitre et contribuent à la discussion sur la question de savoir si la réduction de la croyance des gens au libre arbitre a des conséquences sociétales. »[5]

Il est certain que si les cobayes de ces études n’ont pas la possibilité de cerner avec précision le sujet, les résultats seront très probablement biaisés. Par exemple, il peut exister une confusion entre la notion métaphysique, ontologique (philosophique) de liberté de la volonté (Libre Arbitre) et la notion psychologique. Cette erreur apparaît dans nombre d’arguments compatibilistes. Ils détournent le sens de la discussion de « est-ce qu’un agent est libre » vers « est-ce qu’un agent pense qu'il est libre ». Après cette distorsion, ils définissent une action libre comme une action sans aucune contrainte externe. Mais dans ce cas, le critère de l'action libre a changé : on n’est plus dans « ma volonté (sa genèse) est-elle libre », mais plutôt dans « suis-je libre d’exercer ma volonté sans contrainte externe », ce qui n’a strictement rien à voir puisque l’on disqualifie alors les contraintes internes pourtant bien présentes. 

En simplifiant, on pourrait reformuler en différenciant « liberté de penser » - soit la liberté ontologique / philosophique, c’est-à-dire le commencement d’une série causale - et « liberté de faire » ceci ou cela (liberté d'exercice de la volonté) qui est seconde par rapport à la liberté de la volonté.

Même pour certains philosophes expérimentaux, il semble qu’il y ait confusion entre ces deux concepts de liberté puisque l’un d’entre eux, fervent partisan d’un LA « réel », conclut[6] :

« Autrement dit, pour vous et moi, il n’y a pas de contradiction entre les résultats des expériences de Libet et notre conception ordinaire du Libre Arbitre. Voilà qui pourrait bien donner du fil à retordre aux adversaires déclarés du Libre Arbitre, dont les démonstrations se révèlent philosophiquement impuissantes à réfuter le sens commun. »

Ah bon ? N’y aurait-il pas une petite manipulation dans le «pour vous et moi » ? Il est périlleux de vouloir m’associer de force, en tant que lecteur, à ce qui est pour moi, justement, une grossière erreur. Par ailleurs, la charge de la preuve ici est à nouveau indûment déversée sur les sceptiques du LA alors que ce sont les partisans du LA qui devraient apporter des éléments de preuve ; et des preuves très fortes étant donné le caractère hautement surnaturel de leur conviction. Enfin, si l’on remplaçait, suite à un sondage favorable à la peine de mort[7], « Libre Arbitre » par « peine de mort », on aurait :

« Voilà qui pourrait bien donner du fil à retordre aux adversaires déclarés de la peine de mort, dont les démonstrations se révèlent philosophiquement impuissantes à réfuter le sens commun. »

Remplacez « la peine de mort » par « Dieu » suite à un sondage en Pologne[8], et nous aurons un autre exemple de l’ineptie philosophique de l’argument.

Remplaçons une fois pour toute la philosophie par des sondages Ipsos

Pendant des années, les philosophes expérimentaux ont tenté de discerner si les profanes déclaraient le Libre Arbitre compatible avec une compréhension scientifiquement déterministe de l'univers, mais aucun consensus n'a pu émerger. Une étude[9] fournit une explication potentielle :

« Les gens sont fortement motivés pour préserver le libre arbitre et la responsabilité morale, et n'ont donc pas de notions stables et logiquement rigoureuses du libre arbitre (...) Ces résultats suggèrent que les profanes n'ont pas d’intuition quant à savoir si le libre arbitre est compatible avec le déterminisme. Au lieu de cela, les profanes rapportent que le libre arbitre est compatible avec le déterminisme lorsqu'il s'agit de défendre la responsabilité morale. »

Toujours l’argument de la conséquence (voir L'argument de la conséquence : conséquent ?). Il faut pouvoir punir, donc il faut croire au LA « réel ». 

Par ailleurs le « sens commun » n'a jamais été gage de vérité, et celle-ci, pas plus que la « réalité », ne se vote ni se sonde autrement que pour connaître le sens commun qui pense de façon "évidente" que l'enclume et la plume tombent plus ou moins vite du fait de leur poids respectifs... alors que la différence est n'est due qu'à la résistance de l'air. 

La plupart des questions philosophiques et scientifiques se battent justement contre ce sens commun souvent erroné. Les grandes découvertes sont toujours en contradiction avec notre intuition, sans quoi elles seraient simplement des évidences partagées par tous, sans aucune nécessité d’investigation...

La question du Libre Arbitre entre dans cette catégorie (voir Libre Arbitre : KESAKO ?).


[1] « The Rise and Fall of Experimental Philosophy » - Kauppinen - Philosophical Explorations 10 (2), pp. 95–118.- 2007 - https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13869790701305871 / « Survey-Driven Romanticism » - Cullen - European Review of Philosophy 1:275-296 -2010 - https://www.researchgate.net/publication/226826157_Survey-Driven_Romanticism

[2] « The Epistemology of Thought Experiments: First vs. Third Person Approaches » - Ludwig - Midwest Studies in Philosophy. 31:128-159. – 2007

[3] « L'institution du libre-arbitre : critique sociale du jugement métaphysique » - Olivier Collard-Bovy, docteur en sociologie et agrégé de psychologie - https://dial.uclouvain.be/pr/boreal/object/boreal:133753

[4] « Experimental Philosophy and Free Will » - Philosophy Compass 5/2 (2010): 199-212 - https://uh.edu/class/philosophy/people/sommers/experimental%20phil%20and%20free%20will.pdf

[5] « Meta-analysis on belief in free will manipulations » - 2021 - https://www.sciencegate.app/document/10.31234/osf.io/quwgr

[8] Environ 93 % des polonais seraient « croyants » - https://fr.wikipedia.org/wiki/Religion_en_Pologne

[9] « Forget the Folk: Moral Responsibility Preservation Motives and Other Conditions for Compatibilism » - 2019 - https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30792683/

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Et pour aller plus loin, le livre "La dernière blessure" centré sur la notion du libre arbitre (illusoire)... en cliquant sur l'image ci-dessous

Une Liberté à géométrie variable

Liberté, Liberté chérie !

Vaste sujet. 

La liberté est un concept fondamental qui a été au cœur de nombreuses réflexions philosophiques, politiques et sociales tout au long de l'histoire. Elle est souvent considérée comme l'un des droits les plus précieux de l'humanité, car elle permet aux individus de prendre des décisions, d'agir et de vivre leur vie de manière autonome.

Il n'est guère possible de faire autre chose que d’effleurer ce concept, tant cette question de la liberté humaine est - tout d'abord - au centre des systèmes philosophiques classiques. Au sens philosophique courant, la liberté est « perçue comme l'absence de contrainte (liberté "politique") qui accompagnerait la conscience d'un pouvoir indéterminé (libre arbitre / liberté de pensée) et la capacité d'un commencement absolu (sans cause précédente, causa sui). » 
Soit un mélange gloubi-boulga difficile à digérer en l'état.

Question liminaire : dans ce conflit que nous avons déjà évoqué entre déterminants et liberté, si nous annulons par une expérience de pensée les déterminants de l’équation, que se passe-t-il ? C’est la fameuse fable attribuée au philosophe Buridan et son âne : cet âne a « strictement » aussi faim que soif et se trouve à une distance « strictement » équivalente d’un seau d’avoine d’un côté, et d’un seau d’eau de l’autre. Les déterminants étant strictement les mêmes, il ne reste plus que l’exercice de sa « liberté ». Quel seau choisir ? Va-t-il se laisser mourir de faim et de soif car il ne peut choisir une voie plutôt que l’autre ? C’est ce qu’on appellera la liberté d’indifférence chère à Molina[1] et que Descartes désignera comme le « degré zéro de la liberté » (sans rejeter pour autant cette liberté d’indifférence). On remarquera que s’il existe pour Descartes un degré zéro de la liberté, c’est qu’il existerait différents degrés de liberté (degré 1, degré 2 etc.), plus ou moins « efficients ». Mais Descartes - pas plus que les autres philosophes de la volonté libre - ne va jusqu’à révéler une échelle de mesure qui nous serait pourtant bien utile. Cette expérience de pensée asinienne est de toute façon extrêmement fumeuse dans la mesure où la soif et la faim ne peuvent être de force identique. Et même à force identique initialement, l’hésitation sera courte car la soif va rapidement l’emporter du fait des besoins en eau plus prégnants du point de vue biologique que les besoins en nourriture. Et même s’il commence par l’avoine, rien n’empêche cet âne d’aller se désaltérer ensuite. Où l’on constate que tenter d’annuler les déterminants est une entreprise bien stérile, et qu’il faudrait de nouveaux déterminants plus forts pour contrer les précédents.

De son côté, un jésuite théologien Gabriel Vazquez[2] n’hésite pas à affirmer que l’indifférence de la volonté suffit à fonder la liberté car...

« même si une chose est présentée avec vérité comme bonne, la capacité que j’ai de ne pas la choisir garantit ma liberté. »

Je peux savoir qu’une chose est bonne, comme arrêter de fumer ; et pourtant je peux ne pas choisir ce qui est bon et continuer de fumer : c’est bien la preuve que je suis libre nous dit Vazquez. Mais il ne savait pas à l’époque que l’on peut tout à la fois être convaincu que fumer est dangereux, et pourtant continuer de fumer du fait de déterminants biologiques internes de la dépendance (multiplication des récepteurs à la nicotine) que l’on ne contrôle pas aussi facilement. Est-on si « libre » que ça de s’arrêter de fumer, de boire, de jouer frénétiquement à la roulette etc. ? Que fait Vazquez du circuit de la récompense au cœur de nombre de nos comportements, même les plus irrationnels, suicidaires comme criminels?

Pour Emmanuel Kant, on ne peut pas démontrer que l’humain est libre, comme on ne peut pas démontrer qu’il n’est pas libre.

Ainsi...

« Il n’y a pas de liberté, dit l’étude scientifique de la Nature et de toute réalité empirique, car les choses ne sont connaissables que pour autant qu’elles sont soumises à la nécessité de la légalité naturelle. Toute connaissance nouvelle restreint encore la liberté (...) On ne peut pas démontrer que l’humain est libre, comme on ne peut démontrer qu’il n’est pas libre. »[3]

Mais les deux parties de cette dernière assertion ne sont pas symétriques. On ne peut généralement pas démontrer l’inexistence de quelque chose : la charge de la preuve n’est pas de ce côté. Par ailleurs, l’affirmation de l’existence d’une volonté libre ontologique nécessiterait de robustes preuves ! Poursuivons avec le joyeux drille de Königsberg :

« La liberté existe par le fait du devoir qui dit ce qui est bien ou mal et donc, ou bien la Nature n’a pas de cohésion causale irrémédiable (i.e il y aurait des « trous » dans la causalité) ou la responsabilité est une illusion. »[4]

Alors qu’il doute très nettement de la réalité d’une liberté de la volonté, Kant opte tout de même pour l’existence de cette même liberté car l’être humain se caractérise par un comportement éthique. Et, pour qu’un comportement éthique soit possible (choix entre Bien et Mal), l’être humain doit être libre. 

Na, un point c'est tout ! 

Ce qui n'est pas l'avis du philosophe déterministe Bruce Waller :

« Entamer la réflexion philosophique sur le concept de Libre Arbitre avec l’idée selon laquelle celui-ci doit justifier absolument la responsabilité morale, c’est à peu près aussi pertinent que de soutenir que la recherche des origines de notre espèce doit justifier une supériorité morale des humains sur les autres animaux ou que notre enquête sur les aspects biologiques et psychologiques de la différence entre les sexes doit adhérer à l'hypothèse selon laquelle les femmes devraient être au service des hommes."

En effet, il faudrait montrer que le choix éthique est libre de tout déterminant... alors que la coopération qui l'emporte sur la trahison en terme de survie (voir Un sacré dilemme pour la "Morale" !) est précisément un formidable déterminant de nos lois communes. En particulier, le choix du mal systémique / systématique aboutirait à la disparition des "traîtres", donc de tous. La guerre pour un oui ou un non remplirait les cimetières, définitivement. 

C'est ce qu'ont subi les Anasazis, les Mayas, les Khmers, les Olmèques, les Rapa Nui, les Assyriens... tous disparus pour ne pas avoir suffisamment pris en compte l'impératif de coopération que l'on peut assimiler à une loi du vivant et de la nature. Ne restent que les "plutôt gentils" que nous sommes globalement quand on voit à quel point les individus de notre espèce sont capables de vivre spontanément les uns sur les autres, ce qu'aucune autre espèce ne supporterait, sauf par la contrainte justement (batteries d'élevage...).

Et puis, il y a le chantre de la liberté absolue, irrémédiable, constitutive de la "nature" humaine : Jean-Paul Sartre qui reviendra cependant au soir de sa vie sur cette vision idéaliste de sa jeunesse (voir Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis). Ce qui n'empêche pas les professeurs de philosophie de continuer à asséner sans vergogne la "liberté sartrienne absolue".

L'analyse la plus fine est probablement celle de l'écrivain-philosophe Paul Valéry :

« La liberté, c'est un de ces détestables mots qui ont plus de valeur que de sens ; qui chantent plus qu'ils ne parlent, qui demandent plus qu'ils ne répondent ; de ces mots qui ont fait tous les métiers, et desquels la mémoire est barbouillée de Théologie, de Métaphysique, de Morale et de Politique ; mots très bons pour la controverse, la Dialectique, l’éloquence ; aussi propres aux analyses illusoires et aux subtilités infinies qu’aux fin de phrases qui déchaînent le tonnerre. »

On pourrait ainsi allonger sans grande difficulté la liste des positions et autres citations sur la liberté tant le sujet enflamme les esprits.
Et l'on a bien raison d'y tenir quand on a vu et voit toujours tant d'humains sous le joug de pouvoirs totalitaires, fascisants, tyranniques. Mais de quoi parle-t-on plus précisément ?

Le sens commun du mot concerne la faculté de se déplacer, d'entreprendre, de choisir son mode de vie, d'expression, de confession, d'association, en permettant de subvenir à ses besoins matériels, affectifs, culturels, artistiques etc. Soit une liberté synonyme d'absence d'entrave quelle qu'elle soit, ce que nous dit à peu près le philosophe John Locke : 
"la liberté est la possibilité de faire ce que l'on veut, sans être contraint par les autres".

Qui est contre ? Personne, et surtout pas les jeunes iraniennes... notamment. 
A condition toutefois de la borner : la liberté de conduire "bourré" n'est pas une liberté mais un délit. Le retrait du permis de conduire à un individu présentant un défaut de champ visuel (glaucome...) n'est pas une sanction ou une entrave à sa liberté, mais une précaution indispensable pour lui-même et les autres. 

La liberté ne peut être absolue en société. Nous voulons la liberté relative la plus large possible sachant qu'elle est finalement bien étroite du fait des milliers de déterminants qui l'encadrent : je ne ferai jamais le 100 mètres en moins de 8 secondes ; une visite sur Mars est actuellement impossible, même pour Elon Musk ; nous ne sommes pas éternels et - plus grave encore - mon patron me refuse l'augmentation que je "mérite" etc. Les lois qui interdisent la discrimination ou la violence sont nécessaires pour protéger les droits des minorités, mais elles peuvent également limiter la liberté d'expression ou d'association.

Là ou le sujet se complique, c'est que les contraintes ne sont pas uniquement "externes". Si l'on reprend John Locke et sa liberté comme "possibilité de faire ce que l'on veut, sans être contraint par les autres", on omet la question de fond qui est de savoir si cette volonté est elle-même libre de toute détermination interne. C'est bien ici la question du libre arbitre : la volonté, la pensée, la conscience... sont-elles libres ou déterminées par les lois naturelles. 
Ma réponse - comme celles de quelques scientifiques et philosophes - est : non (voir Libre arbitre : KEZAKO ?).

Autrement dit, la volonté de pouvant être "libre", on ne voit pas très bien comment les actions "volontaires" pourraient l'être. Et malgré ce que nous laisse entendre le grand, l'immense Spinoza, ce n'est pas la connaissance de nos déterminations qui peut mener à une sorte de liberté absolue mais plutôt à une meilleure autonomie, toujours dans le cadre de la survie.

Finalement, le concept de Liberté - comme celui de la Justice - est à géométrie variable selon les normes sociales du moment et du lieu.


Cette liberté - notamment sous son aspect de liberté d'expression - est mise à l'honneur aux USA depuis la prise du pouvoir par Trump, Musk, Zuckerberg, Bezos... Il faut dire qu'elle constitue le premier amendement de la constitution des USA :

« Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l'établissement ou interdise le libre exercice d'une religion, ni qui restreigne la liberté de parole ou de la presse, ou le droit qu'a le peuple de s'assembler paisiblement et d'adresser des pétitions au gouvernement pour la réparation de torts dont il se plaint. »

Cette liberté d'expression est donc le droit de communiquer ses pensées, ses opinions et ses idées sans crainte de censure ou de répression. Elle est inscrite dans de nombreuses constitutions à travers le monde et est considérée comme un pilier de la démocratie.

Le problème est que si la liberté d'expression est, certes, l'un des droits les plus fondamentaux de la démocratie, elle est également l'un des plus complexes et des plus controversés. Elle permet aux individus de s'exprimer librement sans crainte de censure ou de répression, mais elle s'accompagne également de responsabilités et de limites. 

D'un côté, la liberté d'expression présente de nombreux avantages, notamment la promotion de la démocratie, l'innovation et la protection des droits de l'homme. Par exemple, elle permet aux citoyens de participer activement au débat public, de critiquer le gouvernement et de proposer des idées nouvelles. Cela favorise la transparence et la responsabilité des dirigeants.

Cependant, la liberté d'expression a également des inconvénients, tels que la propagation du discours de haine et de désinformation. Les propositions racistes, sexistes ou homophobes peuvent causer des dommages considérables aux individus et aux communautés. De plus, la désinformation (fake news...) peut manipuler l'opinion publique (suppression du fact-checking sur Facebook et X...) et nuire à la cohésion sociale comme dans ce point Godwin, à moins que ce ne soit plutôt le salut fasciste romain puisque Musk a changé son nom pour KEKIUS MAXIMUS... durant quelques jours) :

Certains veulent croire que ce n'est que l'actualisation des gestes barrières contre la grippe, la COVID ou autre pandémie, exceptée la peste brune.

Quoiqu'il en soit, il est nécessaire de trouver un équilibre entre la liberté d'expression et les responsabilités qui l'accompagnent. Ce qui nécessite une analyse approfondie des implications de la liberté d'expression sur la sécurité nationale, la créativité et l'innovation.

Tout en affirmant la liberté d'expression, l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du  Citoyen en pose les limites : "tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi".

Selon la Cour européenne des droits de l'Homme, la liberté d'expression peut être limitée pour des motifs :

  • d'intérêt général, comme la sécurité nationale, la sûreté publique ou encore l'intégrité du territoire ;
  • relatifs au devoir de réserve qui pèse sur les agents publics (exigence d'un certain niveau de neutralité des agents de la fonction publique dans l'expression de leurs opinions) ;
  • de protection de droits de la personnalité visant à éviter toute diffamation, discrimination ou atteinte excessive à la vie privée d'autrui ;
  • de protection de certains documents, notamment ceux relatifs au secret de la défense nationale ou encore certains documents confidentiels sur des affaires judiciaires en cours.

Finalement, étrange liberté promue par certains qui se transforme en contraintes pour d’autres :

  • Liberté (Libre Arbitre) que Dieu aurait donnée à l’Humain pour faire le bien ou le mal... avec punition des enfers si le choix est « mauvais », et mise à mort de toute façon quel que soit le choix  - bon ou mauvais - puisqu’Adam et Eve ont mangé la pomme ! Mais quelle est donc notre « responsabilité » ou même notre « culpabilité » dans ce chapardage fructivore ?
  • Liberté d’embrigader les cerveaux des enfants dès que possible avec des concepts surnaturels, religieux pour la plupart, en prenant bien soin de réprimer tout sens critique.
  • Liberté du port d’armes aux USA (deuxième amendement*), même en dehors du domicile, et ce au mépris des séries ininterrompues de fusillades meurtrières avec 45.222 tués par armes à feu en 2020[5] et plus de 163.000 depuis 2014. Liberté des uns ; morts des autres.
  • Liberté d’exploiter ici comme à l’autre bout du monde les individus - dont des enfants - et les ressources naturelles, avec le moins de règles et limitations possibles, afin d’optimiser les « gains de productivité », et surtout les marges que l’on pourra confisquer[6].

  • Liberté de diffuser massivement de fausses informations (X etc.) qui se nichent dans nos idées, dans nos croyances, qu'on le veuille ou non : contrairement à ce que pensait John Stuart Mill, rien ne garantit une victoire de la vérité.

  • Liberté de mettre de côté les plus gros profits possibles échappant aux impôts des Etats, eux-mêmes complices de ces détournements puisqu’ils ne suppriment pas les paradis fiscaux comme il est nécessaire.
  • Liberté d’incarcérer à tout va, si possible plutôt les peaux colorées, les pauvres, les malades mentaux.
  • Liberté de priver les homosexuels de leur liberté de se marier sous prétexte d’un ordre social défendant la famille « naturelle » avec « un papa et une maman » au mépris de toute évolution culturelle.
  • Liberté de déroger aux règles communes en cas de pandémie : moi d’abord au détriment de la liberté des autres - dont les plus vulnérables - de rester en vie.
  • Liberté d’empêcher la liberté des autres de s’habiller comme ils le souhaitent.
  • Liberté d’interdire l’euthanasie pour des patients qui souffrent horriblement, dont la demande est pourtant des plus claires, avec des médecins qui n’osent pas administrer de fortes doses d'antalgiques de peur d'être poursuivis...
  • Liberté en revanche de tuer dans d’atroces souffrances un condamné à mort (asphyxie par l’azote durant 29 minutes) en Alabama le 25 janvier 2024, avec en prime un procureur se glorifiant d’une première mondiale dans la façon d’exécuter un humain... alors que de nombreuses sources, y compris le Death Penalty Information Center[7], indiquent que les recherches n'ont pas été concluantes quant à un impact dissuasif de la peine de mort sur le taux de meurtres.

Une liberté à géométrie variable qui légitime le meilleur comme le pire.

Chapotant pour des conservateurs comme Milton Friedman l’ensemble des considérations sur la liberté :

« La liberté protège les chances qu'ont les défavorisés d'aujourd'hui de devenir les privilégiés de demain et, ce faisant, elle permet à presque tout le monde, de la base au sommet, de jouir d'une vie plus totale et plus riche. »[8]

C’est la fable de la chenille rampante qui « décide librement » de devenir chrysalide, avant de décider tout aussi librement de s’envoler papillon... On en oublierait presque que cette évolution naturelle de la chenille est entièrement déterminée et ne fait intervenir à aucun moment une quelconque liberté de la volonté ; il en est de même du reste de la nature dans laquelle les émergences "extraordinaires" sont pourtant la norme (voir L'émergence de LENIA). 

Pour ma part, je reformulerai bien la pensée de Friedman de cette façon : 

« La croyance en la liberté (de la volonté) protège les chances des favorisés en faisant croire à presque tous les malchanceux qu’ils pourraient jouir d'une vie plus totale et plus riche. »

Il n’est pas interdit d’espérer gagner au loto en trouvant un billet par terre, mais l’on sait parfaitement ce qu’il en retourne du point de vue statistique. 

Faire baisser la tête et les yeux des « non méritants » qui espèrent trouver le billet gagnant entre deux pavés n’est pas pour déplaire à ceux qui gardent la tête haute par héritage génétique ou patrimonial.

Si vous aimez les animaux, regardez ce documentaire édifiant sur la liberté animale... qui n'est pas si éloignée de la liberté humaine, tout compte fait... =>  https://librearbitre.eu/static/videos/Fritz.mp4


*« Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d'un État libre, le droit du peuple de détenir et de porter des armes ne doit pas être transgressé. » Voir les circonstances historiques totalement dépassées de cet amendement : deuxième amendement

[1]  « Emmanuel Kant dans « Les grands philosophes » - tome 3 - Karl Jaspers - 1963

[2] « Emmanuel Kant dans « Les grands philosophes » - tome 3 - Karl Jaspers - 1963

[3] « Concordia » - 1588

[4] « Commentaria in Summam Theologiae »

[5] Des millions d'armes étaient en circulation dans la population civile aux États-Unis, soit 120 armes pour 100 personnes, selon le projet Small Arms Survey - https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20220623-%C3%A9tats-unis-le-droit-au-port-d-armes-hors-du-domicile-consacr%C3%A9-par-la-cour-supr%C3%AAme

[6] « Cash investigation - Climat : le grand bluff des multinationales » - VIDEO ARTE Youtube - https://www.youtube.com/watch?v=SP5MYeBdxiE

[8] « La liberté du choix » - 1980 - P. Belfond - https://www.audace-afrique.org/attachments/article/44/la%20liberte%20du%20choix%20-%20Friedman.pdf

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Et pour aller plus loin, le livre "La dernière blessure" centré sur la notion du libre arbitre (illusoire)... en cliquant sur l'image ci-dessous