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Le corbeau croasse et l'Homme croit

"Le corbeau croasse, et l'herbe croît
Le crapaud coasse, et l'Homme croit"
Claude Nougaro (à peu près)

Je "crois" que la Terre est ronde. Pourtant, je ne l'ai jamais vérifié par moi-même mais je tiens compte de tous les éléments scientifiques accumulés. 

Ce qui n'est manifestement pas une attitude (altitude ?) allant de soi :

Les croyances peuvent pourtant être utiles, fournissant à l’individu une représentation plus ou moins fiable de son environnement afin de contribuer à des prises de décision adaptées au contexte. Contrairement aux simples perceptions, le contenu informationnel des croyances permet aux individus de dépasser l’ici-et-maintenant auquel ils sont reliés par leurs organes sensibles.

La notion de croyance sert à désigner l’adhésion à des idées, des opinions, des valeurs sans qu’une démonstration rationnelle, empirique ou théorique n’ait toujours été convoquée à l’élaboration et l’adoption des croyances en question. La croyance peut être simplement une idée, une pensée qui, maintes fois répétée, devient "notre réalité". 

Les  croyances peuvent être plus ou moins "chargées", aussi bien au niveau épistémique (la qualité informationnelle des contenus entretenus), affectif (les conséquences de leur vérité pour le bien-être de l’individu), que social (le degré auquel elles sont partagées au sein de son groupe d’appartenance).

Finalement, la croyance est un sujet complexe qui fait l’objet de nombreux débats théologiques, philosophiques et scientifiques depuis fort longtemps. 

Comme nous le précise le théologien (!) Hans-Ferdinand Ange : 

"De  nouvelles  découvertes  en  neuroscience  cognitive  montrent  que  les  croyances  sont  le  produit  de  processus  cérébraux  provoqués  par  des   processus  neuronaux  en  évolution  rapide  en  dehors  de  la  conscience  consciente (...) Les preuves empiriques d'un traitement inconscient sont  accablantes. Néanmoins, les gens font confiance à leurs perceptions et les considèrent  comme  subjectivement  vraies."*

Mais on ne devrait pas croire n'importe quoi venant de n'importe qui... sous peine de mort comme l'a montré l'illusionniste, sceptique et investigateur James Randi concernant l'arnaque des chirurgiens à mains nues. 

Vidéo étonnante, et message clair de James Randi : 

« Ne soyez pas trop sûr de vous. Peu importe à quel point vous êtes intelligent ou bien éduqué, vous pouvez être trompé ». 

Mais ça, tout de même, c'est bien un OVNI, non ?


Non : c'est un "nuage lenticulaire".

Mais comment s'y retrouver dans cette profusion de croyances chaotiques allant dans tous les sens, contradictoires bien souvent et potentiellement néfastes pour l'individu et/ou le groupe ?

Une boussole : pas de preuves = pas de raisons de croire
Ou encore : la charge de la preuve est supportée par celui qui affirme quelque chose
Ou bien même : "ce qui est affirmé sans preuve, peut être nié sans preuve" (Pierre-Simon Laplace)

Et si la science n'explique pas tout, les livres religieux n'expliquent rien du tout. En fait, foi, spiritualité et religiosité semblent se situer dans un circuit cérébral commun centré sur la substance grise périaqueducale (étude). D’autres études sur la religion et la spiritualité (R/S) ont montré plusieurs régions cérébrales potentiellement associées au développement et au comportement du R/S, notamment le cortex frontal médian, le cortex orbitofrontal, le précunéus, le cortex cingulaire postérieur, le réseau en mode par défaut et le noyau caudé (étude), soit des entités bien « matérielles »  ne pouvant pas se passer des lois naturelles.

En science - comme en justice - la charge de la preuve est cruciale pour valider les hypothèses et les théories. Les scientifiques doivent fournir des preuves expérimentales et des données pour étayer leurs hypothèses. Sans preuves solides, une hypothèse ne peut pas être acceptée comme une théorie valide.

Ainsi, la médecine basée sur les preuves (ou Evidence-Based Medicine) est une approche visant à intégrer les meilleures données et pratiques scientifiques disponibles dans l'intérêt des patients.

Voici une vidéo intéressante sur la croyance en générale, et la foi en particulier. A voir, vraimentCroire ou ne pas croire... et son corollaire concernant le curseur de vraisemblance selon Henri Broch, professeur de physique et directeur du laboratoire de zététique.

Mais au fait : décide-t-on "librement" (libre arbitre) de nos croyances ? 
Le prix Nobel Daniel Kahneman a montré à quel point nos croyances sont influencées par des biais cognitifs. Le biais de confirmation, par exemple, nous pousse à chercher et à interpréter des informations qui confirment nos croyances existantes, limitant ainsi notre capacité à changer volontairement de croyances.
Autre biais bien connu : la dissonance cognitive suggère que les individus ressentent un inconfort lorsqu'ils sont confrontés à des informations contradictoires avec leurs croyances. Pour réduire cette dissonance, ils peuvent soit ajuster leurs croyances, soit ignorer ou rationaliser les nouvelles informations, montrant une résistance au changement de croyance.

Bref, une affaire de neurones qui ne soufrent pas de l'existence d'un libre arbitre surnaturel quelconque.

La foi, les "forces de l'esprit"... ne peuvent être que des arrangements subtils du chaos déterministe ; et ce n'est rien d'autre. Ou alors on change de paradigme en glissant du matérialisme vers le spiritualisme comme dans cette séquence avec Jean d'Ormesson (spiritualiste) commentée par J.L. Mélenchon (matérialiste).


Au fait, est-ce que l'animal "croit" ? 
Sans tomber dans un anthropomorphisme débridé, des philosophes suggèrent que les animaux peuvent avoir des croyances implicites basées sur leurs interactions avec le monde. Ces croyances ne sont pas nécessairement conscientes ou réfléchies au sens humain du terme, mais elles influencent leur comportement et leurs décisions. 
Les études sur la cognition animale montrent que de nombreuses espèces ont des capacités cognitives sophistiquées. Les chimpanzés utilisent des outils, les dauphins ont une conscience de soi et les corbeaux montrent des comportements de planification : donc les corbeaux ne font pas que croasser, il croient. Ces capacités suggèrent que certains animaux possèdent des formes de "croyance" ou de compréhension du monde. Le lion, de par son obligation de chasser pour survivre, son "éducation" et son expérience de chasse pense / croit que cette petite gazelle écartée du troupeau sera une meilleure proie à moindre frais. Pour des raisons semblables, je pense / crois que cette brioche est mon meilleur choix après avoir étudié son rapport qualité / prix.

Oui mais... quid de la spiritualité que seul l'animal-humain possède ? Notons que de nombreuses espèces animales montrent des signes d'empathie et d'émotions complexes. Les grands singes, par exemple, peuvent éprouver de la tristesse, de la joie et du deuil. Ces émotions peuvent être liées à des expériences spirituelles chez les humains. Certains animaux, comme les dauphins, les grands singes, les pies et les corbeaux, les éléphants d'Asie etc., montrent des signes de conscience de soi, ce qui est un élément central de nombreuses expériences spirituelles humaines (la capacité de se reconnaître dans un miroir est un indicateur de conscience de soi).
Certains animaux montrent des comportements qui pourraient être interprétés comme étant des rituels. Par exemple, les éléphants sont connus pour avoir des comportements complexes autour des dépouilles d'autres éléphants, ce qui pourrait suggérer une forme de respect ou de rituel.

Mais les animaux n'ont pas le langage ! 

Enfin... ce dialogue (!!) avec un primate laisse rêveur : voir conversations avec Koko, la gorille.

Pourrait-on enfin admettre le continuum évident entre l'animal et l'humain ?

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*Credition and the neurobiology of belief: the brain function in believing - Hans-Ferdinand Ange - https://doi.org/10.20935/AcadBiol7359

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Et pour aller plus loin, le livre "La dernière blessure" centré sur la notion du libre arbitre (illusoire)... en cliquant sur l'image ci-dessous

Neuro... politique

Chacun est persuadé qu'en matière politique, son vote est le résultat de son discernement - libre arbitre, et de ses convictions bien établies ; au point de ne pas bien comprendre pourquoi certains votent autrement. L'affaire est d'importance, au point de créer des conflits, bagarres et autres attaques, verbales comme physiques. Les divergences religieuses donnent des résultats similaires.

Car ces deux sujets - politique et religion - sont au cœur de notre vision du monde ; et toute remise en cause est généralement perçue comme une agression apportant son lot de violences potentielles entre les individus comme entre les pouvoirs étatiques, jusqu'à des extrémités que conceptualise Achille Mbembe dans ce qu'il appelle la "nécropolitique".

Bon. On pourrait s'arrêter là : chacun a ses convictions. Les goûts - comme les couleurs - ne se discutent pas.

Pas tout à fait, car une nouvelle discipline - la neuropolitique - tente de corréler opinions politiques et fonctionnement cérébral. 

Ainsi, une étude suggère que le cortex cingulaire antérieur, qui joue un rôle dans la détection des contradictions, est plus volumineux chez les gens de gauche alors que la région de l’amygdale, impliquée dans la peur, est plus développée chez les gens de droite[1]. On sait par exemple (étude)  que lamygdale joue un rôle clé dans l’hyperréactivité émotionnelle en réponse à une menace sociale chez les patients souffrant de trouble d’anxiété sociale. Ainsi la peur des situations conflictuelles et des risques pourrait - en partie - expliquer les différences d’opinions politiques. 

"La stimulation électrique de l'amygdale évoque des émotions intenses, telles que l'agressivité, la peur et les réponses d'anxiété chez l'homme. Les lésions irritatives de l'épilepsie du lobe temporal ont pour effet de stimuler l'amygdale. Dans sa forme extrême, les lésions irritatives de l'épilepsie du lobe temporal peuvent provoquer une crise de panique."

Une autre étude[2] va dans le même sens en montrant que les attitudes politiques varient selon des traits physiologiques ayant une base biologique, et non pas seulement du fait d’un environnement d’expériences et de cultures particulières comme on le pense généralement. 
Parmi des adultes ayant de fortes convictions politiques, les personnes présentant des sensibilités plus faibles aux bruits soudains et aux images visuelles menaçantes étaient plus susceptibles de soutenir l'aide aux étrangers, les politiques d'immigration, le pacifisme et le contrôle des armes à feu. 
En revanche, les personnes affichant des réactions physiologiques sensiblement plus élevées à ces mêmes stimuli étaient plus susceptibles de favoriser les dépenses de défense, la peine capitale, le patriotisme / nationalisme et la guerre en Irak... (voir Nationalisme versus mondialisme). Ce qui semble aller dans le même sens que l’étude précédente avec la grosse amygdale et la peur qui en découle. Mais cela ne dit pas qui est l’œuf et qui est la poule dans cette relation entre anatomie, physiologie, expériences, environnement et conviction politique. La peur "grossirait" l’amygdale et ferait sursauter ? Ou une grosse amygdale génétiquement programmée ferait naître de grosses peurs avec des besoins de sécurité accrus et une forte croyance dans le LA qui autoriserait la punition ? 
De multiples interactions chaotiques entre inné et acquis semblent l’hypothèse la plus probable.

Quoiqu'il en soit, l'homme providentiel, autoritaire et sûr de lui, ne peut que "rassurer" et plaire lors des périodes historiques incertaines comme la nôtre. Qu'il soit incompétent, qu'il ne travaille que pour son propre compte, sa gloire et autres colifichets devient accessoire (voir Le peuple a-t-il toujours raison en démocratie ?). Ces "sauveurs" peuvent devenir des tyrans sacrifiant leur peuple qui se réveille un jour au milieu des décombres (suivez mon regard ou celui de Godwin).

Autres données allant dans le sens d'influences n'ayant rien à voir avec l'exercice d'un pseudo libre arbitre : Alexander Todorov, un psychologue social, a effectué des recherches sur la perception des visages et son influence sur les jugements sociaux, notamment dans le contexte politique. Dans cette étude, Todorov et ses collègues ont demandé aux participants d'évaluer la compétence des candidats à des élections en fonction de leurs visages, sans avoir accès à aucune information sur leurs politiques ou leurs représentants. 

Les résultats ont montré que les évaluations de compétence basées sur les visages étaient fortement corrélées avec les résultats des élections. Les candidats qui étaient perçus comme plus compétents sur la base de leurs visages étaient plus susceptibles de gagner les électionsCette étude suggère que les électeurs peuvent être influencés par leur perception des visages des candidats lorsqu'ils votent, même si cela n'est pas conscient.
N.B : cette étude a été menée dans le contexte des élections américaines : il est possible que les résultats ne soient pas généralisables à d'autres contextes culturels ou politiques).

Voter à la "bonne" tête du client, et/ou en fonction du volume de son amygdale... Est-on bien certain de voter en pleine conscience avec un libre arbitre qui aurait tout pouvoir de décision, non déterminé par quoi que ce soit, égal d'un individu à l'autre ? 
Mais si tout ceci était "vrai", pourquoi autant de différences entre les votes et des débats aussi enflammés allant jusqu'à faire brandir une tronçonneuse par le "fou" argentin ? 


Peut-être un libre arbitre différent d'un individu à l'autre ? Mais alors, cela constituerait un déterminant comme un autre, soit l'annulation pure et simple de ce concept échappant à toute compréhension. 

Tout compte fait, ce n'est pas très étonnant que la plupart des philosophes se battent sur ce sujet depuis des siècles en concluant que "la question n'est toujours pas résolue". La question des dieux non plus, pas plus que l'existence de la licorne, du yéti, des fantômes, de l'éther en physique, du monde des idées (Platon)... Difficile de prouver l'existence de ce qui n'existe pas. Plutôt que la tronçonneuse, le rasoir d'Ockham semble plus rationnel ; et c'est peut-être l'occasion de revisiter notre propre conception du monde ?

Sur la neuropolitique : écouter à partir de la min.7 (cliquer sur l'image)


[1]  « Neurocognitive correlates of liberalism and conservatism » - Amodio et al., 2007 - http://eugrafal.free.fr/Amodio-et-al-2007.pdf et « Political orientations are correlated with brain structure in young adults » - Kanai et al. - 2011 - https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3092984/

[2] «  Political attitudes vary with physiological traits » - 2008 - https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18801995/

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Nationalisme versus mondialisme

L’évolution des regroupements humains, depuis la famille jusqu’à la mondialisation, est une histoire de complexité croissante et d’interconnexion. 

Les premiers regroupements humains étaient basés sur des liens de sang et des relations familiales. Les familles et les clans offraient une protection, un partage des ressources et une transmission des connaissances essentielles à la survie.
 
Avec l’avènement de l’agriculture, les humains ont commencé à se sédentariser, formant des villages. Ces regroupements permettaient une meilleure organisation du travail agricole, la construction d’infrastructures communes et une défense collective contre les menaces extérieures.
 
À mesure que les villages grandissaient, ils se sont transformés en cités-États et en régions. Ces entités plus grandes permettaient une spécialisation accrue des métiers, le développement du commerce et l’émergence de structures politiques plus complexes.
 
Les régions et les cités-États se sont progressivement unifiées pour former des nations. Cette unification était souvent motivée par des besoins de défense commune, de gestion des ressources à plus grande échelle et de consolidation du pouvoir politique.
 
Aujourd’hui, nous vivons à l’ère de la mondialisation qui ne date pas d'hier et qui semble être la suite inéluctable de la dynamique historique évoquée, avec des frontières nationales devenant de plus en plus perméables. Cette phase est caractérisée par une interconnexion économique, culturelle et technologique sans précédent. 


Les raisons profondes de cette mondialisation incluent l
es avancées technologiques, notamment dans les domaines des transports et des communications, qui ont réduit les distances et facilité les échanges internationaux.
La recherche de nouveaux marchés et de ressources a poussé les nations à s’ouvrir et à collaborer économiquement. Les échanges culturels et la diffusion des idées ont favorisé une compréhension et une coopération internationales accrues.
Les organisations internationales et les accords multilatéraux jouent (devraient) jouer un rôle clé dans la gestion des défis globaux comme le changement climatique et les crises économiques.
Cette progression des regroupements humains reflète une quête constante de sécurité, de prospérité et de développement. A part un accident majeur (guerre nucléaire / comète / épidémie dévastatrice etc.), on ne voit pas très bien ce qui pourrait entraver cette progression vers la mondialisation, pour les mêmes raisons de fond qui nous ont fait passer du clan à la nation. 

Et pourtant, il existe des nationalistes qui luttent contre cette évolution culturelle et technique. Pourquoi ?
Principalement pour des raisons idéologiques, des visions du monde opposées et des craintes concernant la préservation de leur identité (le "grand remplacement"...).

Mondialisation et nationalisme sont deux idéologies opposées qui façonnent les politiques économiques, sociales et culturelles des peuples. Alors que la mondialisation prône l’interconnexion et l’intégration mondiale, le nationalisme met l’accent sur la souveraineté nationale et l’identité culturelle. 

Quelques précisions nécessaires :

  • Le matérialisme, qui inclut l’idée que le libre arbitre est une illusion, propose que nos actions et comportements sont déterminés par des causes physiques et biologiques. Cette vision peut favoriser une plus grande tolérance. En effet, si nos actions sont déterminées par des facteurs intérieurs et extérieurs hors de portée de notre contrôle conscient, il devient plus facile de comprendre - ce qui ne veut pas dire tout tolérer - le comportement des "autres". On peut voir les actions négatives comme le résultat de circonstances (génétique et environnement) plutôt que de choix moraux réellement délibérés. On ne peut dans ce cas pas faire autrement que ce que l'on fait (voir Peut-on faire autrement).
Universaliste, le matérialisme tend à voir tous les humains comme fondamentalement égaux, car nous sommes tous soumis aux mêmes lois naturelles. Cette perspective peut réduire les préjugés et les discriminations basées sur des différences perçues. En reconnaissant que les comportements sont le résultat de conditions de vie souvent difficiles, le matérialisme peut encourager une attitude plus empathique et compatissante envers ceux qui sont différents de nous.

  • Le spiritualisme, en revanche, met l’accent sur l’importance de l’âme, de la volonté libre et privilégie l’identité culturelle (traditions). Cela peut conduire à une résistance aux influences extérieures et à une méfiance envers les étrangers qui pourraient menacer cette identité. En insistant sur des valeurs et des croyances spécifiques, le spiritualisme peut créer des divisions entre ceux qui partagent ces valeurs et ceux ne les partageant pas. Ce qui peut entraîner des discriminations envers les minorités et les étrangers (voir Wokisme et cancel culture), certaines formes de spiritualisme pouvant justifier la discrimination en se basant sur des croyances religieuses ou culturelles qui considèrent certaines populations comme inférieures ou menaçantes. Bref, un nationaliste pur jus, conservateur ou réactionnaire comme il vous plaira. Certains de cette chapelle comme Jean-Jacques Stormay en sont encore à réclamer "un roi légitime de droit divin" abrogeant tout de go république et démocratie ; deux fois rien. Comme le relate le site d’obédience dextre "Jeune Nation" :
"Dans la Doctrine du Fascisme catholique, Jean-Jacques Stormay nous exposait la spécificité de cette pensée politique, actuellement la seule qui sache harmoniser rationnellement les exigences de l’ordre naturel et celles de l’ordre surnaturel, du Bien commun politique et du Souverain Bien."

Bienvenue au Moyen Age. On peut se demander comment leur Dieu a pu se rendre complice de la décapitation de Louis XVI, son protégé. Un coup de Satan, c'est certain. 
Comme il est certain que le nationalisme gagne du terrain ces derniers temps (Turquie, Inde, États-Unis, Russie, Chine, Hongrie, Pologne, Israël, Royaume-Uni avec son Brexit, France avec le R Haine comme premier parti politique...). 

« Le nationalisme c’est la guerre » disait François Mitterrand, surtout quand il devient impérialiste.

« Fier d’être français » écrivait Max Gallo dans son livre éponyme. Dans la définition du mot fierté, la morgue, l’arrogance, la supériorité affichée sont très proches, sinon incluses dans le mot. Je n’ai pas à être « fier » d’être né ici plutôt qu’ailleurs, pas plus que d’être « fier » d’être gay, blond, blanc, noir, musclé etc. puisque ces situations sont le fait de déterminants aléatoires. En revanche, je peux être heureux de vivre - par un savoureux hasard - dans un pays républicain, démocrate, où nombre de valeurs me sont maintenant chères, même si tout ne va pas pour le mieux. Pas de raison non plus d’être fier d’appartenir à une civilisation ou une ethnie qui se croirait « meilleure » que d’autres. C’est ce que nous explique le géographe, biologiste évolutionniste, physiologiste, historien et géonomiste Jared Diamond[1] qui considère comme cruciaux certains facteurs ayant déterminé l'inégalité des sociétés et la domination de certains hommes sur d’autres : tout d’abord la « chance géographique », puis les armes, les germes (bactéries, virus...) et l’usage des métaux. L’auteur réfute entièrement l’explication génétique - qu’il considère comme « raciste »[2] - des divergences entre les sociétés humaines. Il adopte au contraire une optique « naturaliste » dans le sens où la géographie de l’environnement et la biogéographie ont façonné des configurations historiques différentes dans le cadre de la vicariance[3]. Pour Diamond, nous ne sommes dans notre chère civilisation occidentale que les très heureux héritiers de déterminants favorables. Analyse identique pour David Cosandey dans son ouvrage « Le secret de l’occident »[4]. De là à être fier...

Autant les guerres de clans ne faisaient que quelques morts, autant le nationalisme à l’ère nucléaire est d’une autre nature. Les prétentions territoriales russes ont malheureusement des chances d’aboutir sous la menace de l’anéantissement du monde.

Du côté de la droite libérale toujours (il existe plusieurs droites dont celle qui a le cœur à gauche et le portefeuille à droite), Pierre-Henri Tavoillot considère que...

« Etre de Gauche, c’est aimer la Gauche plus que la France ; être de droite, c’est aimer la France plus que la Droite ».

Étrange provocation. Peut-on préférer, voire même comparer carotte et dé à coudre ? Libre-échange et pain Poilâne ? J’aime la France d’abord parce j’y suis né, et j’aimerais très probablement tout autant le Pakistan pour la même « raison » : affective. Mais quand je compare les normes sociétales, je préfère la France ; c’est surtout qu’elle m’a constituée et que j’ai pu intégrer ses normes et leur histoire. Mais je comprends fort bien que des pakistanais puissent préférer les normes pakistanaises car ce sont les leurs. La seule discussion possible concerne l’universalité éventuelle des valeurs respectives : je prétends que permettre aux filles d’étudier est une valeur qui devrait être universelle, mais il n’est pas question pour autant de l’imposer manu militari aux pakistanais et autres peuples qui en sont là. Aimer la Gauche et ses valeurs universalistes n’entre pas en compétition avec l’amour du pays. Et cet amour du pays ne devrait pas se confondre avec un chauvinisme et la fierté « d’être français, moi Monsieur », le mépris des autres et de leur culture, quand bien même celle-ci peut générer un certain dégoût (manger du chien) ou des critiques légitimes en comparaison des valeurs universalistes.

Il faut admettre que des individus de chaque camp peuvent adopter des attitudes variées d'autant que tout n'est pas simple. Ainsi, la mondialisation dans le cadre capitaliste a apporté des avantages mais présente également des effets pervers qui peuvent avoir des conséquences négatives sur les sociétés et les économies. Elle a notamment conduit à une concentration de la richesse dans les mains de quelques-uns, augmentant drastiquement les inégalités économiques.

Les travailleurs des pays développés peuvent perdre leurs emplois en raison de la délocalisation vers des pays où la main-d’œuvre est moins chère. L’augmentation de la production et du commerce international a entraîné une exploitation excessive des ressources naturelles et une pollution accrue. Les réglementations environnementales sont souvent moins strictes dans les pays en développement, ce qui peut aggraver les problèmes écologiques. Les États peuvent perdre une partie de leur souveraineté en raison de la pression des multinationales et des institutions internationales. Les politiques économiques nationales peuvent être dictées par des intérêts étrangers, limitant la capacité des gouvernements à protéger leurs citoyens. La mondialisation peut mener à une uniformisation des cultures, où les traditions locales sont remplacées par des cultures dominantes, ce qui peut entraîner une perte d’identité culturelle et de diversité.

Quelles seraient les solutions pour remédier aux effets négatifs de la mondialisation tout en restant dans le paradigme matérialiste, le seul socle idéologique / philosophique qui soit commun à tous les humains ?

  • Mettre en place des politiques fiscales et sociales pour redistribuer la richesse et réduire les inégalités économiques. 
  • Renforcer les filets de sécurité sociale pour protéger les travailleurs affectés par la mondialisation. 
  • Adopter des réglementations environnementales strictes, encourager les pratiques durables et promouvoir les technologies vertes et les énergies renouvelables pour réduire l’empreinte écologique.
  • Les gouvernements doivent négocier des accords commerciaux qui protègent leurs intérêts nationaux et leur souveraineté.
  • Encourager la coopération internationale pour réguler les activités des multinationales et garantir des pratiques commerciales équitables.
  • Soutenir et préserver les cultures locales par des politiques éducatives et culturelles.
  • Encourager les échanges culturels qui respectent et valorisent la diversité.

En adoptant ces mesures, il devrait être possible de tirer parti des avantages de la mondialisation tout en minimisant ses effets pervers et réduire d'autant les tendances identitaires nationalistes, royalistes, fascistes etc. 

Prendre en compte à la fois le relativisme moral et l’universalisme nécessite une compréhension nuancée des influences culturelles notamment concernant les jugements moraux, politiques, sociétaux. Il nous faut reconnaître la légitimité des perspectives éthiques diverses tout en défendant des principes fondamentaux qui promeuvent la dignité humaine et le bien-être.

Qui va s'y coller ?

Si vous avez 20 min. à gagner, voici une vidéo intéressante montrant les tensions entre identités / particularismes et collectif / universel :


Et quelques réflexions lumineuses sur le nationalisme en cliquant sur l'image (25 min.) :


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[2] Quand bien même il y aurait des différences génétiques plus favorables que d’autres, nous n’avons rien choisi « librement »

[3] La vicariance « géographique » se produit lorsque deux populations d’une même espèce sont séparées par une barrière physique (montagne / mer) et évoluent de manière indépendante, donnant naissance à deux espèces distinctes. La vicariance cette fois « écologique » se produit lorsque deux populations d’une même espèce occupent des niches écologiques différentes dans une même aire géographique et développent des adaptations spécifiques, donnant naissance à deux espèces distinctes. On peut parler également de vicariance « culturelle »...

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Dieu est mort... mais le cadavre convulse

Nietzsche, philosophe allemand du XIXe siècle, est associé à la phrase "Dieu est mort". Pour lui, cette affirmation signifiait la fin de la croyance en un dieu transcendant, omnipotent et créateur du monde. Nietzsche voyait cela comme une conséquence de la rationalisation et de la scientifisation croissantes du monde, qui rendaient les explications religieuses de la réalité de moins en moins crédibles. Dans "Ainsi parlait Zarathoustra", Nietzsche utilise le personnage de Zarathoustra pour annoncer la mort de Dieu et introduire le concept du "Surhomme" (Übermensch), qui incarne les valeurs de la vie terrestre et de la créativité humaine face à l'absence de transcendance divine.

Pour Albert Einstein, 

"le mot Dieu n'est pour moi rien d'autre que l'expression et le produit des faiblesses humaines, et la Bible un recueil de légendes vénérables mais malgré tout assez primitives."  (Extrait de la lettre d'Albert Einstein à Eric Gutkind -1954)                 

La mort de Dieu a eu des implications profondes sur la culture et la société. Elle a contribué à la sécularisation de la vie publique avec des institutions et les valeurs religieuses ayant perdu de leur influence directe sur les décisions politiques et sociales. Ce qui a ouvert la voie à la laïcité et à la séparation de l'Église et de l'État dans nombre de pays occidentaux. 

Cependant, cette sécularisation a également été associée à un sentiment de perte de sens et de valeurs partagées, menant à des questions sur la nature de la morale et de la signification de la vie humaine sans une autorité divine. Il est vrai que les interdictions et autres obligations draconiennes contenus dans les textes sacrés des religions, monothéistes en tête, sont de nature à régler le quotidien angoissant de l'humain, même si ces impératifs (sous peine d'enfer et de mort) nous semblent d'un autre temps. 

Quelques exemples que l'on peut trouver dans un certain Islam mais que l'on peut reconnaître - sous une forme ou l'autre - dans toutes les religions (cliquer sur l'image) :

Il n'empêche qu'un nombre croissant d'Humains n'aurait plus de PAPA. Enfin, presque...


Car loin d'avoir un encéphalogramme plat, le cadavre divin convulse encore un peu partout dans le monde (Palestine, Nigeria, Myanmar, Sri Lanka, Somalie, Indonésie...), sans compter son lot de vrais cadavres par le passé (des centaines de millions de morts toutes religions confondues). 

Car si tu n'es pas de mon groupe religieux, tu es mon ennemi.

Mais avons-nous encore besoin de Dieu ?

 
Les idées et structures religieuses continuent d'influencer profondément les sociétés contemporaines les plus "avancées" : il suffit de voir ce qui se passe aux USA avec les évangélistes pour constater l'ampleur du phénomène. 
Et il faut embrigader le plus tôt possible (voir également Religion et enfants) :

Bousculées dans leurs certitudes depuis les "Lumières" et les avancées scientifiques, les religions traditionnelles ont évolué, s'adaptant aux défis de la modernité tout en essayant de conserver leur capacité à offrir un sens et une communauté rassurante à leurs adeptes. Il en est même qui croient pouvoir démontrer l'existence de Dieu par la science (voir Bon Dieu, mais c'est bien sûr !). 

De nouvelles formes de spiritualité et de croyance ont émergé, allant des mouvements New Age aux communautés en ligne basées sur des intérêts partagés. Ces phénomènes suggèrent que, même si la notion traditionnelle de Dieu peut être "morte", les besoins et les désirs humains qu'elle satisfaisait – le sens, la communauté, la transcendance – sont toujours vivants et cherchent de nouvelles expressions.

Reste que les croyances conscientes ou non dans une transcendance, un surnaturel quelconque persistent à travers des rituels religieux tels que les mariages, les funérailles et les fêtes (Noël, Pâques, Toussaint, Ascension, Pentecôte, Épiphanie, Carême, Assomption)... même pour ceux qui ne se considèrent pas religieux. Rituels dont notre psychisme a probablement besoin (cohésion du groupe...) et qui ne prêtent pas trop à conséquence. On peut être athée, assister à l'enterrement d'un proche et subir l'homélie cléricale par simple respect du défunt et de sa famille croyante.

Bien plus grave : les valeurs morales et éthiques de nombreuses sociétés sont profondément enracinées dans les enseignements religieux. Ainsi, les concepts de bien et de mal, de justice et d'injustice, sont influencés par des traditions religieuses qui empoisonnent la sécularisation de nos sociétés. 

L'exemple le plus flagrant et le plus conséquent est la croyance en un Libre Arbitre délétère (voir Le côté obscur du libre arbitre).

Espérons que l'humanité puisse accéder à la maturité sans besoin de PAPA et décider des affaires communes à partir de ce que l'on sait - et non à partir de ce que l'on ne sait pas (transcendance / surnaturel) - dans le cadre d'une laïcité étendue ou chacun peut croire en ce qu'il veut (peut) sans l'imposer aux autres.

Références :

  • Nietzsche, F. (1883-1885). Ainsi parlait Zarathoustra. Traduit par M. de Gandillac, Paris : Gallimard, 1971. https://www.gutenberg.org/ebooks/5258
  • Nietzsche, Friedrich. "Le Gai Savoir" - 1882
  • Taylor, Charles. "A Secular Age" - 2007
  • Berger, Peter L. "The Sacred Canopy: Elements of a Sociological Theory of Religion" - 1967

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Experts, compétence et idéologie

Dans notre monde moderne, la notion d'expertise est cruciale pour guider les décisions et les politiques dans divers domaines (justice / médecine / changement climatique / diplomatie / capitalisme versus socialisme etc.). 

Un expert est une personne censée posséder des connaissances et des compétences approfondies dans un domaine particulier. Cette expertise est souvent reconnue par des diplômes académiques, des publications scientifiques et une reconnaissance par les pairs. Les experts jouent un rôle essentiel dans la société en fournissant des analyses et des recommandations "théoriquement éclairées".

Cependant, les avis des experts peuvent varier considérablement, souvent influencés en fait par des idéologies - systèmes de croyances et de valeurs sous-jacentes - qui façonnent les perspectives de ces experts et peuvent conduire à des avis divergents sur un même sujet. 

Quelques exemples bien connus :

  • Galilée et Newton ont remis en question les croyances religieuses et philosophiques de leur époque en introduisant des idéologies scientifiques basées sur l'observation et l'expérimentation.
  • Charles Darwin a révolutionné notre compréhension de la vie avec sa théorie de l'évolution par sélection naturelle, en conflit à nouveau avec les croyances religieuses traditionnelles et les "experts" de la Bible.
  • Les économistes ont soutenu différentes idéologies économiques, telles que le capitalisme et le socialisme, chacune proposant des visions distinctes concernant le développement industriel et les attentes humaines. 
    • D'un côté la position (néo)libérale, libertarienne, conservatrice (voire réactionnaire) qui considère que l'impôt est un vol du travail et "qu'on paye déjà assez d'impôts comme ça" (voir Moi, moi, moi... Ayn Rand, la libertarienne adorée de Trump). L'Autre n'a qu'a se débrouiller pour survivre. La redistribution se doit d'être la plus minime qui soit. Les "riches" font marcher l'économie et si on les taxe "trop", ils vont s'exiler et l'économie nationale s'effondrera pour le malheur de tous, dont les pauvres. D'ailleurs, pour les économiste de ce bord, la courbe de Laffer démontre bien que "trop d'impôt tue l'impôt". Ce qui est FAUX (en tout cas jamais prouvé, bien au contraire) :

    • A l'opposé, les "progressistes" de gauche considèrent que la (re)connaissance des déterminants génétiques et sociaux est essentielle pour comprendre et agir sur le monde ; que personne ne "vaut" 100, 500, 1000 fois son voisin en termes de revenus ; que les inégalités criantes actuelles sont illégitimes ; que les plus riches volent de façon légale (tout ce qui est légal n'est pas forcément moral) et doivent donc être taxés en définissant un maximum de revenu global (il me semble que 20 fois le SMIC permettrait une aisance financière suffisante pour ceux dont les efforts et compétences sont les plus "pointus", sans oublier les métiers à risque). Même réflexion concernant capitaux et héritages.
    • En fait, la lutte des classes continue de plus belle. Comme l’a déclaré en 2005 Warren Buffett, l’une des premières fortunes mondiales  :

      « Il y a une guerre des classes, c’est un fait. Et c’est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre et qui est en train de la gagner. »

      Les récentes élections aux US donnant le pouvoir à une douzaine de milliardaires est la réalisation la plus éclatante de cette prophétie. Sans doute des experts à la mode américaine puisqu'ils ont fait fortune ! Jusqu’au Pape Léon XIII qui reconnaissait en 1891 l'existence de classes sociales :

      « La violence des bouleversements sociaux a divisé le corps social en deux classes et a creusé entre elles un immense abîme. D’une part, une faction, toute puissante par sa richesse. Maîtresse absolue de l’industrie et du commerce, elle détourne le cours des richesses et en fait affluer vers elle toutes les sources. Elle tient d’ailleurs en sa main plus d’un ressort de l’administration publique. De l’autre, une multitude indigente et faible, l’âme ulcérée, toujours prête au désordre. »

Plus généralement, chacun a "son" avis sur à peu près tout (cf. les réseaux sociaux !), et ce plus ou moins en cohérence avec sa propre idéologie et sa vision du monde le plus souvent inconsciente.

S'ajoutent à ceci des biais cognitifs nombreux, comme l'effet Dunning-Kruger montrant que les individus ayant peu de compétences ou de connaissances dans un domaine tendent à surestimer leur niveau de compétence. 


N.B : non pas "aveugle" mais "invisible", vous l'aviez compris... Tout le monde n'a pas des compétences médicales pointues ? Ici, il s'agit en fait de ne pas confondre simple lapsus et véritable incompétence...

Cet effet Dunning-Kruger peut avoir des implications importantes dans le contexte de l'expertise :

  • Sous-estimation des véritables experts : ceux qui sont moins compétents peuvent ne pas reconnaître l'expertise des véritables spécialistes et ignorer leurs avis.
  •  Excès de confiance des incompétents : les individus moins qualifiés peuvent prendre des décisions importantes en se basant sur leur confiance boursouflée, ce qui peut entraîner des erreurs ou des échecs.

Ainsi, des personnes qui ne comprennent pas bien les méthodes scientifiques peuvent pourtant se considérer comme compétentes pour évaluer les théories scientifiques, menant à des rejets de preuves bien établies. On connait tous dans notre entourage des fervents de l'homéopathie dont on sait que ses bienfaits éventuels sont équivalents au placebo, ce qui certes n'est pas rien mais "juste" un placebo qui devrait se cantonner à la bobologie. 

C'est fou le nombre de médecins autodidactes ayant soutenu un "expert" qui a bien déraillé comme le Pr Raoult dont les travaux ont été invalidés et qui a probablement provoqué des centaines, voire des milliers de décès (effets indésirables cardiovasculaires de l'hydroxychloroquine). Pourtant, Mark Twain nous avait bien prévenu : 

"Sois prudent dans la lecture de livres de médecine. Tu pourrais mourir d'une faute d'impression."

Concernant Raoult, on est bien au delà de la simple erreur d'impression, même si l'ubris du personnage pouvait faire "mauvaise impression". Il est même surprenant qu'il ne soit pas poursuivi pour homicides involontaires.

Pour rester dans le domaine médico-judiciaire, il est terrifiant de voir la légèreté scientifique de nombre de psychiatres experts décidant du tri des criminels entre la prison et l'hôpital  (voir Les expertises psychiatriques en justice pénale : un scandale permanent ?).

C'est inquiétant de voir des experts en climatologie avec des avis divergents sur l'ampleur et les solutions au changement climatique en fonction de leurs idéologies politiques et économiques. Le fait d'être soutenu ou influencé financièrement par quelques lobbies pétroliers (les 5 plus grandes compagnies pétrolières mondiales ont dépensé 250 millions d’euros depuis 2010 en lobbying auprès de l’Union européenne) ou encore agrochimiques ne rend pas les "experts" et décideurs politiques plus clairvoyants concernant l'évolution du climat ou les dégâts des pesticides.

Comme déjà évoqué, les économistes keynésiens (gauche) et néolibéraux (droite) peuvent interpréter des données économiques identiques de manière différente en raison de leurs croyances sous-jacentes sur le rôle de l'État, du marché etc. 

La question générale pourrait être : mais qui donc n'est pas expert ? Comme le montre cette excellente vidéo belge (une fois) : le meilleur expert est celui qui se trompe le moins.

Toutes les opinions et analyses d'experts partent nécessairement d'une idéologie, d'une vision du Monde qui détermine secondairement toute notre existence à travers nos convictions morales, économiques, politiques, de notre idée de la justice jusqu'aux goûts artistiques (voir Les 2 visions du Monde).

Et comme nous sommes 8 milliards d'individus, c'est autant d'agencements différents entre les déterminants génétiques et environnementaux dont aucun n'est "choisi librement", et ce, depuis la conception (voir Combien de Mondes ? 8 milliards !). Une sorte de jeu du Fakir dont les boules génétiques sont de couleur différente, se heurtent et passent le crible de l'environnement du lieu et du temps, le tout dans un chaos déterministe ne laissant que peu de place à la prévision / prédiction des comportements humains et, plus grave, météorologiques.


Se forment ainsi les visions matérialistes (tout est "matière" en interaction) ou spiritualistes (la matière certes... "mais pas que") qui gouvernent ensuite nos prises de position, opinions, valeurs etc. 

Ce qui se résume, que l'on soit "expert" ou "vulgum pecus", par cette question essentielle : d'où parle-t-on ?

"Dire d’où l’on parle, c’est alors poser les conditions de recevabilité et de validité des discours, en les référant à un principe supérieur commun qui constitue à la fois, un enjeu de légitimation, une mise en jeu de sa légitimité, et une entrée dans le jeu de la médiatisation, définie comme la construction d’une représentation légitime du réel." (« Mais d’où ils parlent ? ». L’enjeu du titre à parler dans la presse comme lien entre le social et le discursif.)
Sans compter que dans le contexte d'un certain "choix" idéologique, d'autres paramètres se superposent : la position géographique, culturelle et sociale d'un individu ou d'un groupe peut influencer sa perception des problèmes sociaux et politiques. Les préoccupations environnementales peuvent ainsi varier en fonction du lieu et de l'impact direct de la dégradation de l'environnement sur les communautés locales. L'expérience personnelle et la proximité avec les problèmes discutés peuvent accroître la crédibilité et l'authenticité de la voix de quelqu'un. Un militant pour les droits des travailleurs qui a lui-même vécu les difficultés du travail précaire peut apporter une perspective plus nuancée et plus crédible que quelqu'un qui n'a pas connu ces expériences etc.

Finalement, l'expert est nécessairement influencé par son idéologie sous-jacente. Ces idéologies, combinées à des biais cognitifs comme l'effet Dunning-Kruger, peuvent conduire à des avis divergents sur un même sujet. Comprendre ces influences est crucial pour évaluer les opinions des experts - en fait de chacun - de manière critique et informée. En reconnaissant ces dynamiques, nous pouvons mieux naviguer dans les débats et les décisions éclairées dans notre société, à la condition de trouver un socle commun de légitimation du réel qui ne peut passer, pour moi, que par le naturalisme scientifique.

Quelques références :

  • Noam Chomsky, "Necessary Illusions" : Chomsky examine comment les médias et les politiques utilisent la propagande pour influencer l'opinion publique, soulignant l'importance des idéologies sous-jacentes.
  • Thomas Kuhn, "La Structure des Révolutions Scientifiques" : Kuhn explore comment les paradigmes scientifiques et les idéologies peuvent influencer la progression des connaissances.
  • Amartya Sen, "Development as Freedom" : Sen discute de la manière dont les valeurs et les croyances influencent les politiques de développement économique.
  • Dunning, D. & Kruger, J. (1999). "Unskilled and unaware of it" : Cette étude fondatrice décrit l'effet Dunning-Kruger et ses implications dans divers contextes.

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Philosophie "expérimentale"

Il existe depuis quelques années une nouvelle approche sur la question du Libre Arbitre, celle de la "philosophie expérimentale" s’inspirant de la méthode des sciences cognitives.

Les philosophes expérimentaux font le pari que le sens commun a une incidence sur les questionnements philosophiques « classiques ». Pour eux, la question n’est pas de savoir si le Libre Arbitre existe ou non, mais de savoir ce « qu’en pense le commun des mortels » ; et, partant de ces avis (croyances), ils envisagent de refonder une pensée plus pertinente que celle qualifiée - avec une once de perfidie - de « philosophie de fauteuil » par ces « nouveaux » philosophes expérimentaux, qui ne s'assoient sans doute jamais. 

Selon ces derniers, en l’absence de références à l'expérience « réelle », la plupart des « vieux » philosophes auraient mouliné à vide pendant plus de deux mille ans ! Rien que ça !!

Que cette philosophie expérimentale se veuille scientifique est une bonne nouvelle. Qu’elle y parvienne est une autre histoire : cette nouvelle branche de la philosophie n’est pas sans poser quelques problèmes conceptuels et méthodologiques[1]. Pour le professeur de philosophie et de sciences cognitives Kirk Ludwig :

« La méthode d'enquête pour mener des expériences de pensée philosophique n'est pas sans valeur mais se heurte à des difficultés méthodologiques considérables et ne représente pas une méthode supérieure aux méthodes traditionnelles de la philosophie. »[2]

D’autres se demandent à quoi d'autre - en dehors d’une l'amélioration de la pédagogie philosophique - cette philosophie expérimentale serait-elle « bonne » ? Elle ressemble à s’y méprendre à de la psychologie sociale ou cognitive ; pas à de la philosophie.

Mais bon. Regardons de plus près cette approche philosophique. Cherchant à comprendre ce que nous entendons par « liberté de la volonté » et « Libre Arbitre », ces nouveaux philosophes ont donc enquêté auprès d’un large public. Ils ont découvert sans surprise que la plupart des gens ont une conception compatibiliste de la liberté, c’est-à-dire qu’ils admettent certes l’existence de déterminants, mais ces déterminants seraient compatibles avec une liberté de la volonté ce qui légitimerait la culpabilité car « on pourrait faire autrement que ce qu’on a fait ». Il existe une longue tradition philosophique de ce compatibilisme depuis notamment les stoïciens il y a plus de 2000 ans.

Une formule résume assez bien ce point de débat : les compatibilistes sont matérialistes jusqu'au cou et spiritualistes au-dessus. Ou encore, les compatibilistes sont déterministes pour l’univers - dont le corps humain -, mais libertariens pour la pensée humaine (voir Moi, moi, moi... Ayn Rand) .

Mais, comme l’énonce clairement Olivier Collard-Bovy, docteur en sociologie et agrégé de psychologie :

« Défendre, conjointement, la thèse du déterminisme et celle du libre-arbitre - c’est-à-dire deux conceptions métaphysiques se niant mutuellement - revient à vouloir défendre un postulat et sa négation, ce qui constitue indubitablement une ineptie au sens logique. Qu’autant d’efforts soient déployés pour tenter de soutenir celle-ci est difficilement compréhensible, à moins de considérer la velléité compatibiliste non pas comme la thèse métaphysique qu’elle prétend être, mais plutôt comme un stratagème - un subterfuge, pour employer le mot de Kant - dont le seul objectif, qui se lit, d’ailleurs, en filigrane de toute la défense compatibiliste, est d’instituer - et, ce faisant, de légitimer - la responsabilité morale d’un agent que les libertariens sont seuls à considérer comme véritablement doué de libre-arbitre » (...) Mais pourquoi les compatibilistes persistent-ils à produire des principes de justice illogiques et incohérents, donc foncièrement injustes ?»[3].

Excellente question !

Même auteur, même pertinence :

« La persévérance de nombre de philosophes épris de liberté, puisque ceux-ci tentent, dans une manœuvre aussi désespérée que populaire, de réintroduire, dans leurs théories de la justice le libre-arbitre sous une forme frelatée mais compatible, selon eux, avec la métaphysique déterministe. Ces auteurs (compatibilistes) cherchent ainsi, par des moyens qui souvent défient la logique, à établir que la liberté socio- anthropologique (i.e. la liberté pratique) et, avec elle, la responsabilité morale peuvent exister dans un univers déterministe, c’est-à-dire dans un univers au sein duquel l’individu n’est pas causalement responsable de ses actes. »

Mais revenons à notre philosophie expérimentale. Dans une étude, les scénarii proposés aux participants (profanes) sont par exemple du type : un homme doit tuer quelqu’un sous contrainte absolue. Dans ce cas les participants ont considéré majoritairement que l’individu « strictement déterminé » à tuer... aurait pu ne pas tuer. Etonnant, non ? Ou bien la méthodologie de ces études pose problème, ou bien c’est le « sens commun » qui n’a pas bien compris l’antagonisme formel, l’incompatibilité entre détermination stricte et liberté de la volonté. Comme le souligne le philosophe Tamler Sommers concernant la difficulté de ce type d’étude :

 « Le défi de décrire le déterminisme à des sujets peu familiers avec le concept est pour le moins intimidant. La description doit : (1) rendre le déterminisme suffisamment saillant, mais (2) ne pas déclencher d'interprétations fatalistes, ou (3) poser des questions sur la façon d'interpréter des mots comme « peut » et « possibilité » et des termes comme « devait arriver ». On peut au moins soutenir que fournir une description non biaisée et non technique du déterminisme en une demi page est une tâche impossible[4]

Quand on voit toutes les difficultés et objections rencontrées lors de l’exposition de la thèse d’un déterminisme strict, une demi page afin de mettre au clair 2000 ans de questionnements philosophiques et scientifiques paraît effectivement une démarche... quelque peu osée. 

On ne naît pas déterministe (scientifique), on le devient.

Une autre étude (méta-analyse) montre les limites des « manipulations » des cobayes concernant la croyance dans le libre arbitre ou le déterminisme :

« Nous montrons que l'exposition des individus à des manipulations anti-libre arbitre diminue la croyance au libre arbitre (...) et augmente la croyance au déterminisme (...) Nous trouvons peu de preuves de l'idée que la manipulation de la croyance au libre arbitre a des conséquences en aval après avoir pris en compte le petit échantillon et le biais de publication. Ensemble, nos résultats ont des implications théoriques importantes pour la recherche sur les croyances du libre arbitre et contribuent à la discussion sur la question de savoir si la réduction de la croyance des gens au libre arbitre a des conséquences sociétales. »[5]

Il est certain que si les cobayes de ces études n’ont pas la possibilité de cerner avec précision le sujet, les résultats seront très probablement biaisés. Par exemple, il peut exister une confusion entre la notion métaphysique, ontologique (philosophique) de liberté de la volonté (Libre Arbitre) et la notion psychologique. Cette erreur apparaît dans nombre d’arguments compatibilistes. Ils détournent le sens de la discussion de « est-ce qu’un agent est libre » vers « est-ce qu’un agent pense qu'il est libre ». Après cette distorsion, ils définissent une action libre comme une action sans aucune contrainte externe. Mais dans ce cas, le critère de l'action libre a changé : on n’est plus dans « ma volonté (sa genèse) est-elle libre », mais plutôt dans « suis-je libre d’exercer ma volonté sans contrainte externe », ce qui n’a strictement rien à voir puisque l’on disqualifie alors les contraintes internes pourtant bien présentes. 

En simplifiant, on pourrait reformuler en différenciant « liberté de penser » - soit la liberté ontologique / philosophique, c’est-à-dire le commencement d’une série causale - et « liberté de faire » ceci ou cela (liberté d'exercice de la volonté) qui est seconde par rapport à la liberté de la volonté.

Même pour certains philosophes expérimentaux, il semble qu’il y ait confusion entre ces deux concepts de liberté puisque l’un d’entre eux, fervent partisan d’un LA « réel », conclut[6] :

« Autrement dit, pour vous et moi, il n’y a pas de contradiction entre les résultats des expériences de Libet et notre conception ordinaire du Libre Arbitre. Voilà qui pourrait bien donner du fil à retordre aux adversaires déclarés du Libre Arbitre, dont les démonstrations se révèlent philosophiquement impuissantes à réfuter le sens commun. »

Ah bon ? N’y aurait-il pas une petite manipulation dans le «pour vous et moi » ? Il est périlleux de vouloir m’associer de force, en tant que lecteur, à ce qui est pour moi, justement, une grossière erreur. Par ailleurs, la charge de la preuve ici est à nouveau indûment déversée sur les sceptiques du LA alors que ce sont les partisans du LA qui devraient apporter des éléments de preuve ; et des preuves très fortes étant donné le caractère hautement surnaturel de leur conviction. Enfin, si l’on remplaçait, suite à un sondage favorable à la peine de mort[7], « Libre Arbitre » par « peine de mort », on aurait :

« Voilà qui pourrait bien donner du fil à retordre aux adversaires déclarés de la peine de mort, dont les démonstrations se révèlent philosophiquement impuissantes à réfuter le sens commun. »

Remplacez « la peine de mort » par « Dieu » suite à un sondage en Pologne[8], et nous aurons un autre exemple de l’ineptie philosophique de l’argument.

Remplaçons une fois pour toute la philosophie par des sondages Ipsos

Pendant des années, les philosophes expérimentaux ont tenté de discerner si les profanes déclaraient le Libre Arbitre compatible avec une compréhension scientifiquement déterministe de l'univers, mais aucun consensus n'a pu émerger. Une étude[9] fournit une explication potentielle :

« Les gens sont fortement motivés pour préserver le libre arbitre et la responsabilité morale, et n'ont donc pas de notions stables et logiquement rigoureuses du libre arbitre (...) Ces résultats suggèrent que les profanes n'ont pas d’intuition quant à savoir si le libre arbitre est compatible avec le déterminisme. Au lieu de cela, les profanes rapportent que le libre arbitre est compatible avec le déterminisme lorsqu'il s'agit de défendre la responsabilité morale. »

Toujours l’argument de la conséquence (voir L'argument de la conséquence : conséquent ?). Il faut pouvoir punir, donc il faut croire au LA « réel ». 

Par ailleurs le « sens commun » n'a jamais été gage de vérité, et celle-ci, pas plus que la « réalité », ne se vote ni se sonde autrement que pour connaître le sens commun qui pense de façon "évidente" que l'enclume et la plume tombent plus ou moins vite du fait de leur poids respectifs... alors que la différence est n'est due qu'à la résistance de l'air. 

La plupart des questions philosophiques et scientifiques se battent justement contre ce sens commun souvent erroné. Les grandes découvertes sont toujours en contradiction avec notre intuition, sans quoi elles seraient simplement des évidences partagées par tous, sans aucune nécessité d’investigation...

La question du Libre Arbitre entre dans cette catégorie (voir Libre Arbitre : KESAKO ?).


[1] « The Rise and Fall of Experimental Philosophy » - Kauppinen - Philosophical Explorations 10 (2), pp. 95–118.- 2007 - https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13869790701305871 / « Survey-Driven Romanticism » - Cullen - European Review of Philosophy 1:275-296 -2010 - https://www.researchgate.net/publication/226826157_Survey-Driven_Romanticism

[2] « The Epistemology of Thought Experiments: First vs. Third Person Approaches » - Ludwig - Midwest Studies in Philosophy. 31:128-159. – 2007

[3] « L'institution du libre-arbitre : critique sociale du jugement métaphysique » - Olivier Collard-Bovy, docteur en sociologie et agrégé de psychologie - https://dial.uclouvain.be/pr/boreal/object/boreal:133753

[4] « Experimental Philosophy and Free Will » - Philosophy Compass 5/2 (2010): 199-212 - https://uh.edu/class/philosophy/people/sommers/experimental%20phil%20and%20free%20will.pdf

[5] « Meta-analysis on belief in free will manipulations » - 2021 - https://www.sciencegate.app/document/10.31234/osf.io/quwgr

[8] Environ 93 % des polonais seraient « croyants » - https://fr.wikipedia.org/wiki/Religion_en_Pologne

[9] « Forget the Folk: Moral Responsibility Preservation Motives and Other Conditions for Compatibilism » - 2019 - https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30792683/

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