Croissance, croissance, croissance... d'un côté, et Extinction Rebellion de l'autre.
Choix cornélien.
En 1972 aux États-Unis, une équipe du MIT(Massachusetts Institute of Technology) publie un rapport qui prédit la fin du
monde. Ce rapport nommé "Les Limites à la Croissance" -ou rapport Meadows d’après les deux principaux auteurs (Donella et Dennis) - mets le monde en équation pour voir son évolution.
L’équipe a développé un modèle informatique qui prend en compte certaines grandeurset
leurs interactions : population, nourriture, ressources
non-renouvelables, production industrielle et pollution. Très logiquement,
une augmentation de la population demande plus de production qui produit aussi plus de pollution.
Un algorithme permet de simuler ainsi l’évolution du système jusqu’en 2100. Mais un premier scénario basé sur les données et tendances de 1972 prévoit un effondrement, c’est-à-dire une chute drastique de la population et de la production
industrielle du fait de la surexploitation des ressources.
Ce qui est rassurant, c'est que le jour et l'heure de cette catastrophe ne sont pas connus de l'ordinateur.
Ouf !
Du coup, l'écoanxiété - notamment des plus jeunes - semble bien exagérée... A leur âge, on avait des préoccupations bien plus essentielles : quelle voiture, quelle maison, quel travail, combien d'enfants, quelles vacances à l'autre bout de la Terre, quelle tendance couleur à la mode pour la rentrée etc.
Et puis, les avancées technologiques vont probablement nous trouver des ressources énergétiques nouvelles ; et hop, le problème sera résolu, n'en déplaise aux Cassandres.
Mais l'ordinateur, qui nous veut décidément du mal, nous dit que même si l'on disposait d'une
source d’énergie infinie, l'effondrement surviendrait du fait d'un excès de pollution.Il semble bien que seule une croissance économique maîtrisée ne mènerait (peut-être) pas à la catastrophe !! Bon, même sans ordinateur, on aurait pu y penser : la croissance ne peut pas être illimitée dans un monde aux ressources limitées.
Il faut dire que le sujet est des plus complexes, notamment
du fait de "l’effet rebond" mis en évidence en 1865 par l’économiste Stanley
Jevons.
Il analyse alors la consommation de charbon du pays, et sa conclusion ne
semble pas logique : alors que les machines à vapeur sont de moins en moins
gourmandes, on brûle de plus en plus de charbon ! Paradoxe ? En fait, les
machines sont effectivement plus efficaces et pour une même action, elles
demandent moins de charbon. Les faire fonctionner coûte donc moins cher, ce qui
incite les propriétaires d’usines à acheter plus de machines. Et celles-ci ont
beau être plus efficaces, elles sont tellement plus nombreuses qu’elles font
grimper la consommation de charbon.
Plus récemment, les progrès sur les moteurs thermiques ont certes réduit la
consommation des voitures... mais celles-ci deviennent de plus en plus grosses,
roulent plus et sont plus nombreuses sur les route. Bref, la consommation de
pétrole grimpe toujours plus, rejouant, un siècle plus tard, le phénomène de
rebond observé par Jevons. L’effet peut aussi être indirect, notamment quand
l’amélioration technologique augmente le pouvoir d’achat. Si une voiture
consomme moins, on économise de l'argent que l'on peut dépenser ailleurs, en prenant
plus souvent l’avion ! C’est lorsque cette
surconsommation dépasse la situation initiale que l’on parle du paradoxe de
Jevons. En général, l’effet rebond est difficile
à quantifier, surtout concernant les conséquences indirectes. Pourtant, le
prendre en compte dans les politiques publiques est essentiel.Idem du côté des consommateurs qui, s’ils veulent "bien faire", doivent
limiter leurs usages.
Selon l'économiste Kenneth E. Boulding :
"Celui qui croit qu'une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste."
L'un n'empêche pas l'autre.
Pour revenir au rapportMeadows, il a bien évidemment été envoyé aux principaux décideurs mondiaux et il s'est même vendu à des millions d’exemplaires.
Résultat ? RIEN.
Le débat Harris-Trump pour la
présidence des USA (sept. 2024) en est une belle illustration : rien sur
l'écologie ! Pire même, Kamala Harris avait précédemment déclaré (2019) qu'elle
n'autorisera plus la fracturation hydraulique nécessaire pour la production du
gaz et du pétrole de schiste... Mais tout compte fait, c'était devenu pour elle
une bien mauvaise idée vu le nombre de salariés dépendant de cette activité
polluante (fin du mois contre fin du monde...). En France, la puissance publique en recherche de ressources ravale ses promesses et son chapeau en décidant quelques coupes sombres dans le budget de la transition énergétique...
Laissons le problème pour les
prochaines générations, économie et déficit publique obligent.
Car le cerveau humain n'est pas fait pour limiter sa consommation à une petite noisette de Nutella de temps en temps. Sébastien
Bohler, docteur en neuroscience et rédacteur en chef du magazine Cerveau et
Psycho, a défendu la thèse du « Bug
humain[1]
». Selon lui, c’est dans le fonctionnement de notre "vieux" cerveau que résiderait le
problème : notre striatum produit de la dopamine lorsque nous
mangeons, nous reproduisons ou recherchons du pouvoir. Ce mécanisme de
récompense - sélectionné par l’évolution parce qu’il favorisait la survie
dans un monde de rareté - nous conduirait aujourd’hui à poursuivre
indéfiniment la croissance économique et la surconsommation au mépris des
conséquences à long terme.
Et personne ne pourra alors s'en prendre aux politiques et autres décideurs en bonne partie responsables : ils seront tous morts.
Mais n’oublions pas le message optimiste du rapport Meadows : la fin du monde est évitable ! Il faut juste accepter de maîtriser la croissance - dont le nombre de naissances - et partager les ressources entre tous. On le savait déjà, sans le faire pour autant.
L'injonction biblique...
"Soyez féconds, multipliez,
remplissez la terre, et l'assujettissez; et dominez sur les poissons de la mer,
sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre"
... est, sans intention de froisser les diverses confessions, dépassée par une croissance humaine exponentielle depuis l'an 1000, même si un ralentissement semble s'opérer actuellement.
Augmentation de la population mondiale au cours des âges
Peut-on compter sur les actionnaires des entreprises, notamment les plus polluantes, pour accepter moins de production et de rendement par action, voire plus de contributions à la préservation de Gaïa ?
Non, sauf cas exceptionnel, comme celui de l'entreprise Patagonia**.
En fait, malheureusement, seules des décisions de la puissance publique - tous états confondus - peuvent apporter des limitations que certains appellent "punitives". On ne parle pourtant pas de punition lorsqu'il s'agit de retirer le permis de conduire à un patient épileptique non équilibré : c'est pour le bien commun, patient comme usager de la route. Limiter le nombre de transports aériens (simple exemple, non la panacée) entre dans cette catégorie.
L'alternative devient : doit-on diminuer rapidement et drastiquement notre consommation en tenant compte d'un rééquilibrage Nord-Sud (un peu de justice ne ferait pas de mal) ou allons-nous attendre que les faits nous imposent cette révolution dont (presque) personne ne veut du fait d'un cerveau ancestral inadapté aux conditions actuelles ?
Voici peut-être dans cette vidéo sous-titrée une direction à prendre : réallouer la production des biens en regardant du côté des finalités souhaitables. A-t-on d'autres choix ?
Pour finir en beauté, après la prise d'un cp d'anxiolytique et si vous avez 1 h 10 mn devant vous, voici l'interview de l'auteur du rapport Dennis Meadows (vidéo sous-titrée) :
Le compatibilisme est une théorie
philosophique qui soutient que le déterminisme et le libre arbitre sont
compatibles.
En d'autres termes, il est possible d'être à la fois déterminé par
des causes antérieures et libre dans ses actions. Cette position - la plus commune chez la plupart des philosophes et même certains scientifiques - s'oppose à l'incompatibilisme qui affirme que le libre arbitre et le déterminisme ne peuvent coexister : ce qui est ma position (matérialisme / naturalisme scientifique).
« Suivant le compatibilisme, il est
essentiel pour la liberté de la volonté de ne pas se laisser entraîner par ses
désirs, mais de réfléchir au type de volonté qu'on désire posséder »*
Ce qui est pour moi - et quelques autres - absolument incompréhensible. S'il faut effectivement maîtriser certains désirs qui peuvent être délétères pour soi-même ou la société (ligne rouge du consentement, des lois du moment etc.), il nous faudrait la volonté de réfléchir à la volonté qu'on désire ??? Nous y reviendrons.
Intéressons-nous à D. Dennet qui vient de nous quitter (avril 2024), probablement le plus connu des compatibilistes.
Naturaliste et évolutionniste athée, ce qui part plutôt bien, Dennet pense qu'il n’y a nulle part dans le cerveau
des neurones ou des ensembles de neurones qui « voient », « comprennent » ou «
veulent », car, pris isolément, ils font un travail très limité et stéréotypé.
Leur activité collective fait cependant émerger des propriétés fonctionnelles
intéressantes pour l’individu, que nous appelons « voir », « comprendre » ou «
vouloir ». Fort bien. Il a théorisé dans un ouvrage l’hypothèse d’une « néo-dualité moderne » qui ne serait toutefois pas celle de Descartes que tous ont abandonnée pour de bonnes raisons.
Dennet écrit :
« L’amour
authentique n’implique aucun dieu volant (tel Cupidon). Le problème du libre
arbitre est identique. Si vous êtes de ceux qui pensent que le libre arbitre
n’est vraiment libre que s’il surgit d’une âme immatérielle qui se balade
tranquillement dans le cerveau, envoie ses décisions (ses flèches) dans votre
cortex moteur, alors, étant donné votre conception du libre arbitre, ma
position est qu’il n’y a pas de libre arbitre du tout ».
Pour l'instant, tout va bien. Le concept,
l’essence d’un Libre Arbitre « réel/ontologique » n’existe pas plus que le concept "ontologique" de
cheval, de peur, d’immortalité, de mal, d’amour etc. Et si les circuits neuronaux de la
sensation de volonté libre (càd cortex cingulaire antérieur et précuneus → cf.
« Lesion network localization of free will » - 2018 - https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6196503/)
sont différents des circuits de la sensation de peur (amygdales), ils ont
finalement des fonctions différentes pour un but similaire : la survie, la
préservation de l’individu et de l’espèce.
Ces circuits sous influence des
expériences passées, du contexte, d’éventuelles anomalies génétiques peuvent ne
pas être « adaptés » à la vie en société avec ses normes du moment. Un
caractère très (trop) colérique peut être à l’origine de quelques déboires en
société du fait d’un contrôle insuffisant du sujet. Mais ce dernier ne «
contrôle » pas ce « contrôle déficient de la colère », car sinon il n’aurait
pas d’accès de colère.
Côté Libre Arbitre, on ne peut que vouloir, c’est-à-dire
choisir une action permettant au mieux sa survie avec les moyens du bord
(expériences passées, humeur du moment, capacités cognitives etc.). La volonté est elle-même un résultat chaotique des déterminants précédents.
Mais si l’on
peut « vouloir », on ne peut « ni vouloir vouloir, ni ne pas vouloir vouloir ».
Ce serait vouloir avant de vouloir : une ineptie comme le remarquait déjà il y
a quatre siècles le philosophe Thomas Hobbes. Comme vu précédemment, Michael Esfeld, en bon compatibiliste, passe outre...
La position de Dennet semble moins triviale. Il rejette bien un libre arbitre
qui émanerait d’une puissance immatérielle (surnaturelle), et pense à raison que notre sentiment de libre arbitre est réel avec des circuits cérébraux dédiés comme le montre l'étude sus-citée. Ce sentiment pourrait
être l’expression d’une faculté ayant évolué pour nous permettre de peser le
pour et le contre des situations que nous rencontrons où les choix sont
multiples. Je suis tout à fait en accord avec cette notion de
sensation/sentiment de Libre Arbitre mise en place par l’évolution, peut-être présente chez l’animal même s’il ne fait pas
des colonnes pour et contre sur un paper-board avant de prendre une décision.
Mais nul besoin d’invoquer ici une nouvelle dualité qui ne peut que mélanger encore un peu plus les cartes et mène à confondre sensation subjective et réalité.
Dennet affirme qu’il ne s’agit pas de magie... Mais parler de responsabilité
quand il s’agit en fait de culpabilité (pour lui l’individu serait-il censé pouvoir faire
autrement ?), avancer l’hypothèse de «
formes de libre-arbitre » ou encore affirmer que « les humains ont un nombre incalculable de degrés de liberté »
comme il le dit dans une discussion avec Sam Harris (un neuroscientifique très sceptique concernant un LA "réel") : tout ceci devient incompréhensible... Quelles seraient donc ces « formes » et « degrés de liberté » du
LA ? Supportés par quelle base théorique un tant soit peu scientifique ? Avec
quelle mesure, quelle définition de ces "degrés" ? Les juges seraient très intéressés par cette échelle de LA que nous laisse espérer Dennet. Mais il n'en est toujours rien ; et les juges en sont réduits à juger au doigt mouillé (expertise psychiatrique) la présence, la demi présence voire l'absence de "discernement" chez le délinquant ou le meurtrier. Discernement : joli nom pour camoufler le concept intenable de libre arbitre ontologique (voir https://illusionlibrearbitre.blogspot.com/2024/05/limite-entre-sante-mentale-et.html).
Et puis l’assemblage de déterminants divers + une sensation de LA
elle-même déterminée dans le cadre de l’évolution, cela ressemble fort à une
somme de déterminants qui n’autorise ni liberté de la volonté, ni culpabilité,
ni punition. Ou alors on en vient à remettre sur la table la pierre philosophale qui transmuterait de vils métaux (déterminants) en or pur
(esprit / Libre Arbitre / conscience...) et donc prétendre que l'on est naturaliste quand on est en fait surnaturaliste ! Avoir la sensation d'avoir raison (ou d'avoir un LA) n'est pas une preuve que l'on a raison (que le LA existe réellement).
En revanche, la responsabilité
sociale et morale (et non pas la culpabilité) qui semble être profondément la
préoccupation de Dennet (argument de la conséquence) reste pour moi évidemment
entière dans un paradigme matérialiste, sans LA ontologique.
Dans le monde de la recherche et
des statistiques, les termes "corrélation" et "causalité"
sont souvent utilisés, mais ils ne signifient pas la même chose. Ce n'est pas bien grave quand on ne fait pas de science, apparemment.
Sauf que ces erreurs d'attribution
dépassent largement le domaine des sciences. Ainsi, dans les années 1930, en
Allemagne, des slogans affirmaient :
« Trois millions de chômeurs, trois
millions de Juifs »
L’une des raisons qui rend ce type de
slogan attractif vient du fait qu’il est subrepticement soutenu par une erreur,
une confusion entre corrélation et causalité.
Et l'on peut sans problème remplacer
juifs par immigrés : ça marche aussi.
Autre exemple : après les attentats de
Charlie Hebdo, les théories du complot ont été particulièrement vives, dont
l’une affirmant qu'Israël était le commanditaire du massacre de l’équipe
éditoriale. L’une des "preuves" avancées était qu’à chaque fois
qu’une résolution était soutenue par la France contre Israël à l’ONU, nous
avions droit à une attaque terroriste !
Quelques définitions pour y voir plus clair : la corrélation
mesure la force et la direction d'une relation entre deux variables. Si deux
variables sont corrélées, cela signifie qu'elles ont tendance à varier
ensemble. Cependant, cela ne signifie pas nécessairement que l'une est cause de l'autre.
De l'autre côté, la causalité indique
qu'un changement dans une variable provoque un changement dans une autre. Pour établir
une relation causale, il faut démontrer que la variation de la variable
indépendante entraîne la variation de la variable dépendante.
Exemples de corrélations :
Glaces et noyades : En été, les
ventes de glaces augmentent en même temps que les noyades. Ces deux événements
sont corrélés, mais manger des glaces ne cause pas les noyades. La chaleur
estivale est un facteur commun (variable cachée) qui influence glaces et noyades
Taille des pieds et compétences
en lecture : Chez les enfants, il existe une corrélation entre la taille des
pieds et les compétences en lecture. Cela ne signifie pas que des pieds plus
grands causent de meilleures compétences en lecture. L'âge est ici le facteur
commun (variable cachée).
Exemples de causalité :
Fumer et cancer du poumon : De
nombreuses études ont montré que fumer cause le cancer du poumon. Ici, la
relation causale est bien établie.
Vaccination et prévention des
maladies : Les vaccins causent une réduction des maladies infectieuses. La
relation causale est démontrée par des études cliniques rigoureuses.
Séparer corrélation et causalité
peut être complexe pour plusieurs raisons :
Facteurs confondants : Parfois,
une troisième variable (variable "cachée") influence les deux variables étudiées, créant une
corrélation apparente sans relation causale directe.
Temporalité : Pour établir la
causalité, il faut démontrer que la cause précède l'effet dans le temps.
Expérimentation : Les études
observationnelles peuvent montrer des corrélations, mais des expériences
contrôlées randomisées (ex : études en double insu versus placebo en médecine) sont nécessaires pour prouver la causalité en éliminant le simple hasard... autant que possible (calcul de significativité avec un p<0.05) et les facteurs de confusion**.
Pour reprendre l'exemple assimilant les immigrés aux chômeurs : le chômage est influencé par de
nombreux facteurs économiques, sociaux et politiques, tels que la conjoncture
économique, les politiques de l'emploi, les compétences des travailleurs etc. Réduire le chômage à la seule question de l'immigration
simplifie à l'excès une réalité complexe¹.
Par ailleurs, les immigrés ne forment pas un groupe homogène. Ils viennent de
différents pays, ont des niveaux de qualification variés et des expériences
professionnelles diverses. Certains peuvent rencontrer des difficultés
d'intégration sur le marché du travail, mais d'autres contribuent de manière
significative à l'économie². Les immigrés peuvent faire face à des discriminations à
l'embauche et à des obstacles structurels, tels que la reconnaissance des
diplômes étrangers ou des barrières linguistiques pouvant affecter leur
taux de chômage³.
Enfin, de nombreuses études montrent que les immigrés peuvent avoir un impact
économique positif en comblant des pénuries de main-d'œuvre dans certains
secteurs, en créant des entreprises et en contribuant à la diversité et à
l'innovation⁴. Il est important de
considérer le chômage dans toute sa complexité et d'éviter les slogans et raccourcis
simplistes qui peuvent mener à des conclusions erronées, voire racistes.
Autre exemple concernant la réussite scolaire qui semble en relation directe avec le niveau socio-économique des parents selon nombre d'études en sociologie. Pourtant l'héritage génétique est partie prenante dans le niveau scolaire des enfants et des étudiants selon quelques études récentes.
"En vérité, le revenu de la famille
explique 7% des différences individuelles de réussite scolaire, soit moins que
le score polygénique produit dans cette étude (11%). Voilà qui donne toute sa
dimension à ce nouveau résultat! Néanmoins, même 7%, c’est loin d’être
négligeable. C’est pour cela que tous les chercheurs en sciences sociales et en
sciences de l’éducation, lorsqu’ils souhaitent évaluer l’effet d’un type
d’intervention, d’une méthode pédagogique, d’un type d’école, etc., prennent en
compte le revenu de famille, et de nombreux autres facteurs qui peuvent
expliquer en partie la réussite scolaire. Imaginez par exemple que vous vouliez
comparer les résultats des écoles publiques et des écoles privées (ou
Montessori, ou Steiner, ou tout autre courant). Les statistiques montrent que les
élèves de ces dernières ont de meilleurs résultats au brevet et au
baccalauréat. Faut-il en conclure que cela apporte la preuve d’une pédagogie
plus efficace? Non, parce que les élèves des écoles privées ne sont pas
représentatifs de la population générale. Par conséquent, si l’on veut pouvoir
comparer les résultats des élèves de différentes écoles (ou de groupes exposés
à des pédagogies différentes), il faut les comparer à revenu familial égal, et
de même pour d’autres facteurs comme le niveau d’éducation des parents, etc.
Plus on contrôle statistiquement de tels facteurs dans l’analyse, moins on
court le risque de conclure à tort que telle école ou pédagogie est meilleure
que telle autre, alors qu’en fait les élèves comparés n’étaient pas
comparables...
... il est possible, en génotypant les
élèves, de vérifier si deux groupes diffèrent par leurs prédispositions
génétiques, et le cas échéant, soit de mieux les apparier sur ce critère, soit
d’ajuster statistiquement ce facteur dans les analyses, comme on le fait déjà
pour le revenu et le niveau d’éducation des parents. En utilisant de telles
méthodes, il sera donc possible de produire des résultats plus fiables en
sciences de l’éducation, et donc d’éviter de se leurrer sur des approches
pédagogiques qui semblent « marcher » alors que les facteurs de confusion sont
insuffisamment contrôlés."***
Rappelons - au cas où ce serait nécessaire - que, sans Libre Arbitre - le "mérite" génétique comme environnemental (sociétal) n'existe pas. Mais comprendre la
différence entre corrélation et causalité est essentiel pour éviter facteurs confondants, conclusions hâtives et erreurs d'interprétation. En gardant à l'esprit
cette distinction et en utilisant des méthodes rigoureuses pour tester les hypothèses,
nous pouvons mieux résister aux sirènes complotistes et/ou conspirationnistes*,
le tout pouvant spontanément s'articuler avec un « biais de confirmation »,
soit la tendance à croire les histoires qui vont dans le sens de nos
convictions ou préjugés... Car si les faits vont à l’encontre de vos préjugés
et croyances, nous aurons tendance à les nier pour éviter que notre conception
du monde soit ébranlée. De plus, si l’on attaque nos croyances à partir de
faits, celles-ci se verront renforcées !
Un cerveau en danger résiste et les
faits ne suffisent pas à convaincre les gens qu’ils ont tort ! → Peut-être s'entraîner à "penser contre son cerveau" ? (voir https://illusionlibrearbitre.blogspot.com/2024_06_23_archive.html) Une petite vidéo pour illustrer
Corrélation versus Causalité, si besoin...
Il est assez fréquent d'entendre des "vérités" comme "la philosophie est l'art de poser les grandes questions existentielles (nature de la réalité, transcendance, connaissance, morale, existence de Dieu, immortalité de l'âme, libre arbitre et causalité, signification de la vie humaine) ... sans jamais donner de réponse définitive." Socrate ne savait qu'une chose, c'est qu'il ne savait rien. La philosophie ne servirait à rien ?
Tout ce discours quelque peu sceptique se heurte de plein fouet à une constatation du quotidien : chacun a sa vision du monde et une philosophie - le plus souvent par défaut - qui nous guide dans nos croyances, opinions et actions personnelles, familiales, sociales, politiques...
Un scepticisme absolu (est-on bien certain d'exister ?) n'aide en rien la survie de l'individu ou du groupe. Or nous sommes "fabriqués" pour cette survie à tout prix (dépression suicidaire mise à part : c'est une maladie). Dans ce cas, à quoi sert de "faire de la
philosophie" ? Et « se moquer de la philosophie, c'est vraiment philosopher
» comme écrivait Blaise Pascal ?
Ou alors c'est un art comme un autre, un passe-temps du
niveau du scrabble, des échecs ; un concours d'intelligence, une affaire de
distinction façon Bourdieu ? Certains diront que c'est l'art de poser les
"bonnes" questions. Mais alors dans ce cas, ce serait déjà donner une
réponse à "quelles sont les bonnes questions" !
Nous sommes "embarqués" nous dit à raison Pascal, qu'on le veuille ou non : nos parents ont décidé pour nous, à moins de n'être qu'un accident orgasmique...
Et alors ?
Donc, embarquons. Mais dans quel bateau ?
Le choix - inévitable - ne peut s'effectuer que dans le cadre d'une alternative : le surnaturel existe ou n'existe pas.
Le "choix" du surnaturel, faisant référence à ce qui est au-delà ou en dehors de la nature et des lois physiques établies, ouvre des perspectives incommensurables : religions, chamanisme, énergies, magie, esprits et fantômes, télékinésie, précognition, voyance, médiumnité, anges et démons, réincarnation, astrologie, miracles... Le fait de ne pas tout savoir, tout comprendre et tout expliquer n'est pas la preuve de l'existence d'une quelconque transcendance. Puisque l'imagination humaine - comme la bêtise (Einstein) - n'a aucune borne connue, suffirait-il de penser à quelque chose pour lui donner un semblant de réalité empirique ?
Soit un beau terrain de jeu pour des cohortes d'illuminés et d'escrocs de tous poils très attentifs à manipuler les faiblesses humaines, usant d'un jargon ésotérique et proposant du "sens" métaphysique en carton-pâte.
Sans compter que les illusions d'optique peuvent nous embarquer - puisqu'on parle de bateau - dans des navires volant au dessus de l'eau, comme dans cette vidéo.
Cet effet d'optique (fata morgana) - probablement à l'origine de la légende du "Hollandais volant" - est assez bluffant. Evidemment un effet du surnaturel... jusqu'à ce qu'il soit expliqué scientifiquement.
Combien de "choses" autrefois surnaturelles ont été sagement rangées par la suite dans les tiroirs de la science ou de la supercherie (tables tournantes, boules de feu, foudre, aurore boréale, pluie de grenouilles, météores, stigmates religieux, larmes de sang coulant de la statue d'une vierge à l'enfant, crop circles, hallucinations auditives et visuelles, phénomènes de combustion spontanée, mirages, homéopathie...).
Les propriétés des particules quantiques sont certes surprenantes... mais naturelles, sans faire appel à une transcendance pour autant.
Quant au "soleil qui aurait dansé" réellement dans le ciel de Fatima (70.000 témoins !) : c'est de l'ordre de l'impossible, tout simplement.
La science n'expliquera probablement jamais tout, mais c'est la seule activité humaine permettant de comprendre et de connaître le monde qui nous entoure avec un certain degré de certitude par la découverte de lois naturelles universelles qui évoluent - comme le reste de l'univers - de paradigmes en paradigmes pour un esprit limité comme le nôtre. Certains choix de croyance sont pourtant des plus simples :
Imposition des mains ou chirurgie moderne ?
Cure de jus de betteraves ou immunothérapie ?
Prière ou restos du cœur ?
Télépathie ou portable ?
Création de la femme à partir d'une côte ou évolution darwinienne ?
En admettant même que tout est croyances, certaines sont manifestement plus fortes, plus étayées, plus crédibles que d'autres. Les péripéties concernant les vaccins contre la Covid nous ont un peu renseigné sur le sujet, comme auraient dû conclure les frères Bogdanoff (scientifiques, vraiment ?) qui semblent avoir préféré des injections de silicone dangereuses aux vaccins qui ont sauvé des millions d'humains.
Certaines croyances tuent quand d'autres sont bénéfiques.
Concernant la diversité des croyances, positions et choix des humains sur leur vision du monde, une question vient à l'esprit : comment se fait-il que des philosophes mais aussi des scientifiques (physiciens, médecins, sociologues, anthropologues etc.) - dûment diplômés - professent des avis très divergents en partant des mêmes bases académiques ? De deux choses l'une : ou le libre arbitre domine les déterminants (génétiques et environnementaux) et tout ce monde devrait avoir le même avis sur tout, ce qui n'est pas le cas ; ou ce sont les déterminants différents pour chacun (émotions, affects, culture reçue etc.) qui l'emportent... Et que devient dans ce cas le concept même de libre arbitre ? (voir https://librearbitre.eu/accueil/libre-arbitre/).
On en vient à souhaiter la création d'un "conseil scientifique" compétent au sein des médias publics afin de passer au crible toutes ces informations délirantes - mais lucratives - qui ne font que rajouter de l'eau dans la machine à brouillard.
On pourrait également espérer la création d'un "conseil politique" afin d'y voir plus clair dans les affirmations des uns et des autres.
Par exemple : nombre de collectivités locales - notamment les plus petites - sont actuellement au bord du gouffre financier. En 2023, cette dette a augmenté pour atteindre 208,5
milliards d’euros !! Les communes et les intercommunalités représentent 68 % de
cette dette, les départements 15 %, et les régions 17 %.
La gauche assure que cette dette des collectivités locales est stable depuis 30 ans malgré la décentralisation et du transfert de certaines
compétences de l’État vers les communes (hausse du coût de l'énergie, revalorisation salariale, investissement dans la transition écologique...). De l'autre coté, la droite fustige des dépenses injustifiées, un manque de gestion rigoureuse des collectivités de gauche etc.
Comment s'y retrouver sans base philosophico-idéologique ?
Pour la droite, moins de dépenses = moins d'impôts à prélever = plus d'enrichissement personnel pour ceux qui sont du côté du manche (culture / études / "mérite" et "talent" / héritage...). Chacun doit se débrouiller avec ses moyens, ce qui est plus facile... quand on a des moyens. C'est la vision libertarienne du chacun pour soi, et tant pis pour ceux qui n'ont pas de chance (voir Ayn Rand).
Pour la gauche, chaque humain devrait avoir les mêmes droits à la santé, à la culture, aux biens de première nécessité... car personne n'a choisi "librement" d'être pauvre, affamé, ignare ou malade. Pour viser autant que possible cette équité, une redistribution drastique des profits est nécessaire car personne ne "mérite" de gagner ou d'hériter 100 fois plus que son voisin.
Il est donc bien question de la vision du monde et des autres, de la place de chacun dans notre collectivité humaine : c'est bien de la philosophie au sens le plus noble et un "choix" par défaut serait la pire des calamités.
Pour conclure, la philosophie n'est pas un simple jeu de l'esprit sans conséquences et la philosophie matérialiste (tout est matière, énergie, et rien d'autre n'est connaissable / testable) est la mère de cette merveilleuse aventure qu'est la science qui nous dit que tout est déterminé / indéterminé sans laisser aucune place pour un Libre Arbitre, un "talent", un "mérite" quelconque ; de l'autre bord, la "philosophie du surnaturel", hors réalité, non testable, parlant de foi plus que de raison, n'aboutit qu'à des discussions stériles (voir les 2 visions du monde).
Le philosophe Laurent-Michel Vacher accuse la grande
majorité des philosophes de se détourner de la science et ainsi d’ignorer les
acquis de la pensée scientifique*. Il a malheureusement raison.
Doit-on se baser sur ce qu'on sait ou sur ce que l'on ne sait pas ? Va-t-on rester encore longtemps dans l'expectative, la suspension du jugement (épochè) qui promet l'ataraxie sans jamais la livrer, ou serait-il temps de regarder la réalité telle qu'on peut la connaître et en tirer les conséquences ?
Le philosophe Vladimir Jankélévitch écrit :
"On peut, après tout, vivre sans le je-ne-sais-quoi, comme on peut vivre sans philosophie, sans musique, sans joie et sans amour. Mais pas si bien."
*« Quelques réponses à une critique » - Bulletin de la
Société de philosophie du Québec, vol. 25, n° 3, automne 1999, p. 11
_________________________________________________
Et pour aller plus loin, le livre "La dernière
blessure" centré sur la notion du libre arbitre (illusoire)... en
cliquant sur l'image ci-dessous
Sinon quoi ? On ne pourrait plus régler les conflits ?
La plupart de nos concitoyens ont compris que fouetter son enfant n'était plus acceptable. C'était pourtant bien pratique, rapide et simple ; pour lui "apprendre à vivre", une fois pour toutes. Il fallait le faire pour être un "bon" parent.
"Bats ta femme tous les matins : si tu ne sais pas pourquoi, elle elle le sait". Simple, rapide, efficace ? Dans le doute, autant frapper (si on est en position de force évidemment) ; Dieu reconnaîtra les siens. Il faut bien en passer par là pour se faire obéir... et plaisir.
Car les neurosciences ont révélé que le système de récompense du
cerveau joue un rôle crucial dans le plaisir ressenti lors de la punition... des autres, principalement. Ce
système est associé à la libération de dopamine, un
neurotransmetteur lié au plaisir et à la satisfaction. Lorsque nous punissons, notre cerveau active les mêmes circuits de récompense que ceux impliqués
dans d’autres activités plaisantes, comme manger ou écouter de la musique. Une étude a montré que les participants ressentaient une activation accrue du striatum,
une région du cerveau associée à la récompense, lorsqu’ils infligeaient une
punition à quelqu’un qui avait enfreint une règle. Cette activation était
corrélée à un sentiment de satisfaction et de justice.
Donc, la sélection naturelle "culturelle" nous encourage à punir, avec plaisir... sans pour autant être considéré comme sadique. Plus généralement, le plaisir est souvent associé à des comportements qui - sans le plaisir associé - risquerait de nous faire disparaître (orgasme pour activer la reproduction, plaisir de se nourrir d'aliments sains, plaisir d'offrir dans le cadre dans le cadre de la consolidation des relations humaines indispensables à la survie etc.).
Mais pour que la punition-plaisir soit justifiable, il faut bien que le sujet à punir ait la possibilité de faire mieux que ce qu'il a fait, qu'il ne soit pas entièrement déterminé et possède un libre choix dans ses actions, bonnes ou mauvaises pour la société, la famille, l'école...
Mais les progrès philosophiques et scientifiques ont permis de douter à la fois de l'efficacité et du bien fondé moral concernant les maltraitances punitives destinées, par exemple, à guérir les malades mentaux. Les animaux et les enfants n'ayant "notoirement" pas de libre arbitre même pour les plus zélés des croyants dans cette chimère, il devenait difficile de les punir, physiquement en tout cas. Le déterminisme (même mâtiné d'indéterminisme quantique) étant le seul paradigme permettant la connaissance, le libre arbitre n'a plus d'existence possible et ne permet plus la punition, sauf à être sadique ou profane sur ces sujets (voir Libre Arbitre).
Certes, la croyance en une "fée des
dents" pourrait conduire à se laver les dents tous les jours, de sorte que cette
croyance constituerait finalement un avantage adaptatif non négligeable... sans
en conclure pour autant que la fée des dents existe réellement, ontologiquement. Et si cette fée a rédigé quelque grimoire nous engageant à tuer ceux qui ne se lavent pas les dents 3 fois par jour, doit-on lui obéir ?
De manière similaire,
la liberté de la volonté (libre arbitre « réel ») ne peut être qu’une
illusion faisant partie d'une « carte mentale » utile du point de vue adaptatif à une époque mais qui ne tient pas
compte du « territoire » tel que décrit par la science et la
raison, car un libre arbitre « réel » ontologique surplombant nos
décisions est tout à fait incompatible avec les lois naturelles. Dès lors,
chacun ne peut faire que ce qu’il fait ; et n’aurait pas pu faire
autrement (à moins de modifier les déterminants en cause).
La volonté et les choix existent bien, mais ils sont tenus
totalement par nos déterminants ancestraux personnels à la fois génétiques et
environnementaux dans un processus stochastique (probabiliste) chaotique ne permettant pas des prévisions certaines... à moins de faire appel évidemment aux voyants, médiums, astrologues, cartomanciennes et autres haruspices etc.
Pour agir afin de "remettre en ligne" les contrevenants aux normes sociales du moment, il faut donc faire émerger de nouveaux déterminants en respectant le fait que chacun fait au mieux et ne peut faire autrement sans ces nouveaux déterminants. Il n'est pas question de "faire du mal", de couper un doigt à son enfant chaque fois qu'il ne se lave pas les mains avant de passer à table, ou encore de couper la main gauche du voleur comme le font certains islamistes (avant de passer à la main droite en cas de récidive ; mais tiennent-ils compte du fait que le voleur peut être gaucher ???). Efficace ? Peut-être mais terriblement inhumain - quand on a bien compris ce qu'implique l'absence de libre arbitre - et propice à rendre les "punis" encore plus féroces => voir Mais alors, sans culpabilité ni punition possible... que faire ?
Cultivons le plaisir de coopérer pour un monde sans punitions, haines, vengeances, humiliations, dominations, violences physiques et psychiques, jalousies et autres passions tristes.
Bannissons de notre vie commune les croyances métaphysiques surnaturelles. Ce qui implique, ce n'est pas le plus facile, de "Penser contre son cerveau".
__________________________________________
Et pour aller plus loin, le livre "La dernière
blessure" centré sur la notion du libre arbitre (illusoire)... en
cliquant sur l'image ci-dessous
Les discussions de première importance concernant le sexe des anges constituent un bel exemple des querelles proprement « byzantines ». Celles concernant la légitimité
d’utiliser les Indiens comme esclaves, les
rapports des hypostases de la Trinité*, la
double nature du Christ etc. ne sont pas mal non plus. Si l’on collectait toutes
les querelles et propos exégétiques de toutes les religions, nous aurions des millions de pages
et d’heures de discussions sur du vide : «
La grande confrérie de l'érudition inutile » pour reprendre Michel
Foucault. Les débats sur l'âme (comme ceux sur le libre arbitre) sont de cet ordre.
L’anthropologue Pascal Boyer cite dans son livre - qui mérite d'être lu (« Et l’Homme créa les Dieux »**) - une
anecdote savoureuse : alors qu’il venait de décrire au cours d’un dîner
certaines croyances des Fang d’Afrique centrale qui croient que les sorciers
s’envolent la nuit sous forme animale pour jeter des sorts, un théologien
catholique de renom eut cette formule d’une profondeur abyssale :
« C’est
cela qui rend si passionnante et si difficile votre spécialité (anthropologie). Vous devez expliquer comment les gens peuvent croire pareilles
inepties. »
Un pur génie, ce théologien...
... comme (St) Augustin considérant que "la perte d'une seule âme non munie du baptême est un mal bien plus grave que la mort d’innombrables innocents." Le salut d'une seule l'âme est donc bien supérieur à la vie physique de milliers d'innocents, ce qui permettra de justifier un certain nombre de saloperies ici et là.
Dans la conception spiritualiste, l’âme est considérée comme l’essence immatérielle et
éternelle d’un être vivant. Elle est au cœur de nombreuses croyances
spirituelles et philosophiques.
Pour la Kabbale juive, il
existerait cinq niveaux de l’âme, chacun représentant un degré différent de
conscience divine.
Pour le christianisme, l’âme - fabriquée lors de la conception charnelle -, est immortelle et
distincte du corps. Elle est jugée après la mort et peut accéder au paradis ou
à l’enfer. Pour l’Islam, l’âme (ou “nafs”) existe avant la naissance (soit des centaines de milliards d'âmes en "attente" ?), est également immortelle et
sera jugée par Allah après la mort. Les actions de la vie terrestre déterminent
le sort de l’âme dans l’au-delà. Hindouisme et Bouddhisme croient en la
réincarnation, où l’âme passerait par plusieurs vies jusqu’à atteindre la
libération (moksha ou nirvana). Du point de vue philosophique, Platon voyait l’âme comme
immortelle et divisée en trois parties : la raison, l’esprit et les désirs.
De son côté, René Descartes considérait
l’âme comme la source de la pensée et de la conscience, distincte du corps
physique, une dualité qui a toujours la peau dure de nos jours.
Bref : si tout le monde croit en l'existence de l'âme, c'est qu'elle doit exister, non ?
Mais qu'en est-il des Indiens découverts par Christophe Colomb (1492) ? Espagnols et Portugais entreprennent la colonisation du Nouveau Monde. La
population indigène se voit décimée par la variole, la rougeole et les
massacres. Les « Indiens » sont également dépossédés de leurs terres et enrôlés
de force, en esclavage.
Mais au fait, les Indiens sont-ils humains ? Grave question à
laquelle la « controverse de
Valladolid »*** va tenter de répondre en
1551 avec le secours d’une quinzaine de théologiens. La question est de savoir
qui sont ces Indiens : des êtres inférieurs... ou des hommes comme nous, les
Européens, fils de Dieu ?
Pour l’un des
intervenants, la réponse va de soi dans la lignée des arguments traditionnels.
Celui de la révélation primitive d’abord : comment se
fait-il que ces peuples lointains n’aient pas été instruits du christianisme,
puisqu’il est dit, dans les Évangiles, que les apôtres s’en sont allés
convertir toutes les nations ?
Ensuite, comment ne pas voir la main de Dieu
dans l’extermination des Indiens ? Si c’étaient vraiment ses enfants,
permettrait-il ces massacres ? En réalité la colonisation s’inscrit dans le
dessein divin. Dieu punit les Indiens de leur idolâtrie et les Espagnols ne
sont que son bras armé. Dieu est avec nous ! Comme disent toutes les religions pourtant différentes et concurrentes.
Bref, un raisonnement qui tient diablement la route... tout comme les reproches qui sont faits aux autochtones concernant les pratiques barbares de sacrifices humains pour faire plaisir au dieu, à ne pas confondre avec Abraham qui allait tuer son fils sur ordre divin, voire le sacrifice du Christ sur la croix par dessein (destin) divin. Ça n'a rien à voir, évidemment !
Finalement, on ne sait trop par quel miracle, les Indiens seront déclarés humains comme les autres (ouf !), contrairement aux noirs que l'on peut continuer de réduire en esclavage car il ne faudrait pas que le business souffre de cette extravagante lubie de la papauté.
Fort heureusement pour les porteurs de la "bonne" civilisation, la suite montrera que le statut d'humain "avec âme" ne préserve nullement des massacres.
Comme le rapporte le canadien Éric Plamondon dans son livre “Taqawan”:
"Ici, on a tous du sang indien. Ou dans les veines, ou sur les mains".
D'un point de vue "scientifique", si l'âme existe et
s’envole après de la mort, on peut envisager qu’elle ait un certain poids (une
masse en fait) que l’on pourrait mettre en évidence en mesurant le poids d’un
cadavre avant, puis après le décès. Hypothèse intéressante testée par le
médecin américain Duncan Mac Dougall en 1907.
Résultat : l’âme existe, si, si !
Elle pèse même 21 grammes. CQDF.
Las, les conditions de l’expérience et le résultat
sont immédiatement contestés par ses pairs. Qui plus est, cette éventuelle
perte de poids peut s’expliquer par des modifications physiologiques simples,
et ceci sans avoir besoin de recourir au surnaturel. Plus personne ne porte
crédit à cette pseudo étude scientifique, à part quelques spiritualistes
hermétiques à toute nécessité de preuve.
De nos jours, toute cette quincaillerie bigote est balayée par la science moderne en l'absence de preuve empirique sur l’existence de l’âme. Les neurosciences étudient la conscience et
les fonctions cérébrales sans recourir à des concepts spirituels. L'âme, pas plus que le libre arbitre, n'est retrouvée dans le cerveau ; ni même ailleurs.
Les concepts d'âme et de libre arbitre sont en fait les deux faces d'une même pièce surnaturelle, une dualité qui persiste dans les esprits spiritualistes. Le libre arbitre est devenue une sorte de "sécularisation" de l'âme, un avatar persistant de la dualité esprit/corps chère à l'humain (qui répugne à penser qu'il est d'origine animale), sans aucun support rationnel, mais avec des conséquences délétères bien visibles dans tous les compartiments de notre société (voir "Présentation 2").
Si vous avez quelques minutes (11), regardez ci-dessous cet
extrait passionnant de la controverse de Valladolid et la joute oratoire qui oppose Sepúlveda à Las Casas montrant, sans l'ombre d'un doute, en quoi "les indiens ne sont pas des créature reconnues par Dieu
!" Pour tout dire, la totalité de cette docufiction mérite d'être vue, réfléchie, montrée aux élèves, discutée en classe, tant ces questions sont à la base de notre concept d'humanité.
On en vient à espérer une "controverse" du même ordre, mais laïque cette fois, sur le concept de libre arbitre, entre philosophie et sciences... en direct sur Public Sénat.
Chiche !
____________________________________
* « Hypostases de la Trinité » : dans le christianisme, la Sainte Trinité est le Dieu unique en trois personnes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit, égaux, participant d'une même essence divine et pourtant fondamentalement distincts. Une évidence...
Selon les responsables de la droite et
de l'extrême droite, le « wokisme » était au centre de la cérémonie d’ouverture
des Jeux olympiques en France...
Et c'est pas bien !
Le terme “wokisme” dérive
de l’anglais “woke” qui signifie littéralement “éveillé”. Il désigne un
mouvement social et politique visant à sensibiliser et à lutter contre les
injustices et les discriminations systémiques basées sur la race, le genre, la
classe sociale, et autres axes de marginalisation.
Sans libre arbitre « réel » (ontologique), il est évident que toute
discrimination de minorités est foncièrement injuste. Et il n'est pas besoin d'être d'extrême gauche pour constater que les "hommes blancs hétérosexuels" subissent globalement moins de discriminations que
les autres groupes humains.
Et lesdiscriminations se cumulent comme l’indique la juriste
féministe américaine Kimberlé Crenshaw[1] :
dans notre société, il est plus difficile d’être homosexuel qu’hétérosexuel, et
encore plus difficile d’être homosexuel noir que blanc. Ce n’est qu’en
combattant pied à pied par la législation, l’éducation - dont sa composante
philosophique -, les débats dans les médias, les manifestations éventuelles...
que nous changerons les mentalités : c’est la marche de l’évolution
culturelle humaine, tout simplement.
Par exemple, il est compréhensible que
les discussions actuelles sur le genre suscitent des inquiétudes. Il y avait les femmes, les hommes, et rien entre les deux ; c'était plus simple, surtout du côté de ceux pour qui le genre de naissance ne posent pas problème, soit la majorité des humains. Ce n'est pas une "mode" de changer de sexe comme on l'entend parfois ; c'est un sujet particulièrement douloureux qui peut amener au suicide. Imaginez-vous dans un corps d'homme alors que vous vous "sentez" femme (ou l'inverse) depuis presque toujours. Ce n'est pas non plus un sujet nouveau, mais on n'en parlait pas ouvertement. Tabou cette "incongruence de genre". Le genre est une construction biologique (XX, XY, XXY, XO etc.), neurobiologique* et sociale qui n'est pas "choisie librement", au même titre que l'orientation sexuelle d'ailleurs.
Dans une vision matérialiste, chaque individu a le droit de vivre selon son identité de genre et il est irrationnel de culpabiliser ceux qui ne seraient pas dans la norme statistique, quelque part dans le spectre entre femme et homme. Les religieux et les partisans de droite (pléonasme ?) sont généralement incapables d'accepter cette réalité scientifique : Dieu n'a pas pu se tromper si lourdement. Femme et homme, Yin et Yang, noir et blanc, OK ; mais gris clair ou gris foncé... Pas assez binaire sans doute. Pourtant, permettre
aux gens de changer de prénom ou de genre est une question de respect des
droits humains fondamentaux. Le fait de pouvoir vivre selon son identité de genre peut
considérablement améliorer la santé mentale et émotionnelle des personnes
transgenres, permettant de réduire les taux de dépression, d’anxiété et de
suicide, tout en respectant une justice sociale.
Mais pas n'importe comment quand il s'agit de changer "définitivement" de genre avec l'aide de la médecine. La prescription de "bloqueurs de puberté" (accord parental nécessaire avant 18 ans) doit être évaluée - voire peut-être interdite si l'on considère que la croissance physique et psychique est loin d'être terminée à ces âges (entre 8 et 14 ans)**. Par ailleurs, avant de procéder à une chirurgie de réassignation sexuelle, il
est essentiel que la personne soit évaluée par des professionnels de la santé,
y compris des psychiatres et des endocrinologues. Cela garantit que la personne
est bien informée et prête pour les changements physiques. Les
personnes qui souhaitent changer de sexe doivent suivre un traitement hormonal
sous la supervision d’un endocrinologue. Ce traitement aide à développer les
caractéristiques physiques du sexe souhaité, mais il comporte aussi des risques
et des effets secondaires devant être surveillés. Après une chirurgie de réassignation sexuelle, un suivi médical régulier est
crucial pour surveiller la santé physique et mentale de la personne.
Pour en revenir au wokisme, il n’y a à mon sens aucun conflit entre cette démarche de justice sociale et l'universalisme républicain qui est bien plus mis à mal par les discriminations
que par le wokisme. Les "anti-wokistes" rassemblent des
conservateurs de droite et d'extrême droite aussi recommandables que le républicain américain
Ron DeSantis, le russe Poutine, le brésilien Bolsonaro, le RN[2], Éric Zemmour, le sociologue Mathieu Bock-Côté ou Alain Finkielkraut, ce dernier nous expliquant que le wokisme...
"est l'idéal égalitaire. On pourchasse les discriminations et ça montre bien que le wokisme... est un véritable vandalisme."
Bizarrement, cet aréopage ne peut que me donner "foi" dans le wokisme... à la
condition essentielle de ne pas aboutir à une polarisation excessive de la
société - une sorte de wokisme intégriste - avec éclatement du « vivre
ensemble » et des valeurs fragiles d’un universalisme cher à la
France.
Par exemple, il n’est pas question de remplacer la médecine scientifique
par des remèdes indigènes sous prétexte de reconnaissance des minorités ; ni de faire
du wokisme une nouvelle secte / religion comme semble s’en inquiéter le philosophe J.F.
Braunstein[3]... Les outrances verbales et humiliations grotesques des étudiants envers l'administration et les professeurs que l'on peut voir dans la vidéo ci-dessous - tournée à la faculté Evergreen et commentée par un partisan de droite (extrême ?) - sont condamnables, sinon débiles... Mais cette haine qui explose est à la hauteur des ressentiments accumulés dans l'Histoire (colonisation / esclavage / Ku Klux Klan / humiliations / ségrégation / massacres...) et trop souvent réactualisés (George Floyd tué par des policiers le 25 Mai 2020...). Si le wokisme partage
les humains entre dominants et dominés, on peut difficilement ne pas être
d'accord sur ce point dès lors qu'on regarde le monde passé et actuel, bien
qu'il s'agisse d'une grille de lecture forte mais nécessairement incomplète.
Notons que les partisans de gauche ne sont pas en accord - pour la plupart d'entre-eux - avec les outrances de la vidéo ci-dessous.
Le wokisme est censé être - pour la droite (extrême) - l'idéologie à abattre, notamment sur le campus de Sciences PO de Grenoble depuis les propos suivants du professeur Klaus Kinzler : "l'islamophobie est une propagande extrémiste, à ne pas mettre dans le même sac que le racisme et l’antisémitisme. Propos considérés comme islamophobes et fascisants par certains étudiants mais revendiqués par le professeur dans la presse nationale comme simple exercice de la liberté d'expression, en y ajoutant quelques coups de griffe à l'institution dont il fait partie. Institution qui a réagi à ce qu'elle considère constituer une diffamation... et suspend le professeur Klaus Kinzler.
Laurent Wauquiez (et la droite dans son ensemble) s'indigne de cette décision de l'institution et lui retire les subventions de la région !***
Cependant, confondre dans le terme "islamophobie" à la fois le rejet légitime de l'islamisme mortifère avec celui des musulmans paisibles dans leur grande majorité revient à confondre l'antisémitisme avec les massacres de Netanyahu. Sans oublier que les palestiniens musulmans et les juifs sont des sémites ; c'est dire s'il faudrait nuancer tous ces idiomes !
Dans une vision matérialiste, il n'est pas question de
se flageller en permanence mais de prendre nos responsabilités historiques,
sans fierté ni honte (voirhttps://illusionlibrearbitre.blogspot.com/2024/07/histoire-ni-fierte-ni-honte.html). Nos règles
républicaines et démocratiques devraient chapeauter l’ensemble des mouvements sociétaux, le combat
contre toute discrimination, qu'on soit "woke" ou pas ; mais la place du curseur,
ici comme ailleurs, doit faire l’objet d’une délibération commune qui ne sera toujours
que provisoire.
Autre aspect controversé, la « cancel culture » - ou culture de l’effacement - est
souvent associée au wokisme.
Il peut sembler légitime de ne plus "honorer" actuellement certaines figures historiques comme dans cet exemple concernant le général Louis Juchault de Lamoricière qui se serait très mal conduit durant la colonisation de l'Algérie :
Mais je suis contre les violences de toutes sortes qui
se réclameraient de cetteculture de l’effacement. Il me semble totalement idiot de
déboulonner des statues et plaques de nom de rue, à la condition de préciser en quoi les propos ou actes de telle figure historique sont devenus insupportables de nos jours. Avec quelques
garde-fous cependant : pour ne prendre qu’un exemple limite de reductio ad Hitlerum, baptiser
actuellement en France une rue au nom d’Adolf Hitler ou de Staline serait
évidemment une provocation insupportable, comme le serait de créer une chaîne de magasins à la gloire de Vladimir Poutine...
... à moins qu'il ne s'agisse que d'un plat emblématique du Canada particulièrement populaire au Québec.