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Religions et enfants...

Vaste sujet.
Les croyants dans le libre arbitre sont bien souvent des croyants tout court. La religion a besoin du libre arbitre pour justifier les malheurs du monde créé par un "bon" dieu, le mal provenant - c'est évident - de l'humain, coupable par définition (surtout la femme d'ailleurs, la pomme, Ève, enfin tout ça...). 
Ces croyants ont acquis la conviction qu'il faut embrigader le plus tôt possible leur progéniture, faute de quoi les enfants pourraient - après une éventuelle croyance décevante dans le Père Noël - ne pas croire dans la religion de la famille, de la communauté, du pays, du continent... Sans connaissances psychologiques exagérées, les parents ont bien compris à travers les siècles que l'ancrage au plus tôt (Baptême, Catéchisme, Madrassa coranique, Cheder ou Talmud Torah, Dharma bouddhiste, Gurukula indou...) permettait de conserver les œillères de l'endroit et du temps. 


Dans l'espèce humaine, le "petit" est particulièrement vulnérable contrairement à d'autres espèces animales. Il est "prématuré" et naît avec un cerveau immature ; il a besoin du soutien de son entourage pour survivre et se développer durant de longues années (altricialité primaire et secondaire), ce qui rend les cerveaux humains très vulnérables aux influences de leur environnement. Grâce à cette programmation qui fait que le poussin sortant de l'œuf près d'un réveil peut prendre définitivement celui-ci pour sa mère, le petit d'Homme sera imprégné toute sa vie, qu'il le veuille ou non, par les croyances parentales du lieu et du moment. Au point même de devenir athées pour certains tout en conservant quelques rituels ou fêtes religieuses communautaires, par habitude, pour faire plaisir... car rompre totalement ses attaches religieuses, culturelles et/ou idéologiques : c'est rude !
Et tout ceci permet une éducation en "bonne et due forme"... ou un matraquage dès le plus jeune âge, l'évolution ayant "sélectionné" l'observance des enfants aux conseils et précautions formulés par les parents : ne pas jouer avec le feu, ne pas grimper aux arbres, dire bonjour à la dame... le tout dans le cadre de la survie individuelle et du groupe. 
Ce qui n'est certes pas sans intérêt afin d'éviter que les gamins ne se jettent dans le vide juste pour voir ce que cela fait de "voler", mais qui a des conséquences gravissimes dans d'autres cas (fanatisme religieux, politique, nationalisme, racisme etc). 
La punition - injustifiable dans le cadre matérialiste/naturaliste - fournit un autre exemple (voir Le côté obscur du libre arbitre).

En France, l'enseignement catholique représente 96 % de l'enseignement privé sous contrat, ce qui ne peut que ravir les ravis de la crèche qui n'ont que faire des attouchements pas très catholiques façon Bétharram. Les voies du Seigneur sont impénétrables.


Ces parents attentionnés ont bien compris l'intérêt d'imposer au plus tôt leur spiritualité personnelle d'adulte au mépris de l'autonomie intellectuelle de leur progéniture : c'est notamment tout le débat concernant l'école publique versus privée "sous contrat" de l'Etat, ce dernier ne contrôlant d'ailleurs pas le respect du contrat. 
Comme le dit ouvertement Philippe Delorme, Secrétaire général de l'enseignement catholique lors de la commission sénatoriale* (15/05/2024) : « L’école catholique ne fait pas pareil et assume que son projet éducatif ne soit pas neutre...  Je me demande si la présence de crucifix dans nos classes ne sera pas considérée demain comme une atteinte à la liberté de conscience des élèves...  On sait que quand on inscrit un enfant dans un établissement catholique, c’est un projet chrétien d’éducation qui est proposé, choisi librement. »

Librement ? Par qui ? Par des parents qui ont eux-mêmes été matraqués dans leur jeunesse ? Ce qui suscite légitimement des inquiétudes quant au fait que les écoles privées "instruisant" deux millions de petits français pourraient promouvoir ainsi une vision particulière du monde, une idéologie spécifique et l'absence de neutralité laïque, ce qui va nécessairement limiter l'exposition des élèves à une diversité de perspectives et de valeurs, une démission de l'esprit critique et de la curiosité au-delà de l'entre-soi. 
On devrait s'en révolter au nom de la laïcité. Ah oui, j'oubliais : il ne faut surtout pas rallumer la guerre des écoles !
Pourtant, la qualité de l'éducation républicaine ne devait pas dépendre des moyens financiers des parents (frais de scolarité payés par les familles de 230 euros à 8.215 euros par an) ou de leurs convictions politiques et religieuses. En pleine concurrence, si l'école publique, du fait de ses carences, fournit un déterminant favorisant l'école "libre" (loi Debré de 1959, intégrée au Code de l'éducation en 2000) pour des familles "aisée", la solution ne peut que passer par des décisions politiques et économiques favorisant plutôt l'école publique républicaine au nom de la laïcité, de l'égalité, voire de l'équité. 
Notons au passage que les règles de la participation des communes aux frais de fonctionnement des écoles privées peuvent engendrer un surcoût pour les communes, contribuant ainsi à dégrader les conditions d'accueil des enfants dans les écoles publiques !


Il ne viendrait à l'idée de personne (islamistes et quelques autres exceptés) que la Justice puisse être à géométrie variable en fonction des convictions particulières de chacun, soit autant de lois et de tribunaux que de fois et de sectes ? Comment se fait-il que l'institution "Education nationale" qui préfigure la France de demain puisse être en partie conduite par des convictions politico-religieuses qui devraient rester de l'ordre de l'intime ? Quid d'une mixité sociale essentielle, alors que la Cour des comptes observe depuis une vingtaine d'années un fort recul de la mixité sociale dans ces établissements (histogramme ci-dessous), mixité pourtant nécessaire pour construire un avenir un peu plus apaisé alors que l'école privée confessionnelle reproduit les inégalités sociales et une mise sous tutelle de l'esprit critique de génération en génération ?

L'université n'est pas en reste concernant notre laïcité : comme l’indique la sociologue Anne-Hélène Le Cornec Ubertini dans son ouvrage "Emprises idéologiques à l’université" :

« La nouvelle édition (2023) d’un guide de la laïcité dans l’enseignement supérieur marque l’emprise, à l’université, de l’idéologie du système libéral multi culturaliste anglo-saxon, véhicule provisoire des religions prosélytes désireuses d’imposer leur dogme dans l’espace public. Il faudrait « éviter de poser toute question trop polémique » et ne pas froisser les croyances personnelles des étudiants pendant les cours et à l’occasion des examens de fin d’année. Le recul de la laïcité va ainsi de pair avec le détournement des textes légaux existants et une attaque sans précédent de la liberté académique des enseignants, des chercheurs, des enseignants-chercheurs. La menace à leur endroit et la censure prévalent sur la garantie de sérénité à laquelle ils peuvent légalement prétendre pour mener leurs travaux d’enseignement et de recherche. » 

On peut rappeler - contre une certaine laïcité « ouverte » laissant une place grandissante aux spiritualistes de toutes chapelles - le discours d’Aristide Briand en 1905 :

"Pourquoi revendiquez-vous le droit, vous catholiques, en régime de séparation, de violer la neutralité confessionnelle en exposant aux regards des citoyens, qui peuvent ne pas partager vos croyances, des objets exaltant votre foi et symbolisant votre religion ? Votre conscience ne peut-elle donc être libre qu’à la condition de pouvoir opprimer celle des autres ?

                                 ____________________________

 Dans la même logique du matraquage - dès le plus jeune âge - du sens critique et de l'autonomie en devenir des petits, pour être bien certain qu'ils n'oublieront pas, jamais : rien de tel que d'inscrire dans la chair des enfants les stigmates d'une appartenance communautaire religieuse par la circoncision.

Petit détour par Convention relative aux droits de l'enfant, un traité international adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989. Elle énonce les droits civils, politiques, sociaux, culturels, économiques et du droit à la protection pour tous les individus de moins de 18 ans.
L'un des articles stipule le droit à la santé, à l'éducation, à la protection sociale et à la protection contre toutes formes de violence, d'abus et de négligence. Si l'on suit à la lettre cette Convention qui semble aller de soi, la circoncision des enfants juifs et musulmans est théoriquement interdite, d'autant que la loi française précise bien qu’on ne peut opérer des enfants que pour un motif médical. S’en prendre ainsi à des petits, dépendants, qui n’ont pas le droit au chapitre, qui n’ont rien demandé... La fessée, non ; la circoncision, oui ?
Que des individus adultes veuillent montrer leur appartenance à une communauté, ma foi, c’est le cas de le dire, pourquoi pas. Mais pourquoi diable ne pas attendre la décision mature de l’individu ? 
Dans certains pays, comme la Suède, la Norvège et la Finlande, la circoncision rituelle chez les mineurs est interdite, cette intervention n'étant autorisée qu'en cas de nécessité médicale avérée. Ces pays considèrent que la circoncision non médicale d’un mineur constitue une violation des droits de l’enfant. 

Mais pour le théologien Maïmonide, éminente autorité rabbinique du Moyen Âge, l'un des motifs de la circoncision est d'infliger une douleur corporelle à l'organe sexuel, de l'affaiblir et de réduire ainsi la concupiscence et parfois la volupté ! 

 Dans la même veine, le rabbin Yeshaya Dalsace précise : 

 « Le judaïsme ne donne pas de justification à cet acte, il obéit à un commandement divin et considère l’homme incirconcis comme incomplet (...) D'un point de vue juif, la circoncision est absolument nécessaire pour la future construction psychique et identitaire de l’enfant juif. De ce point de vue, omettre la circoncision d’un tel enfant serait lui causer un préjudice moral et psychologique sans doute plus grave que tous les inconvénients avancés. » Sic.
 
Mais franchement, d’un point de vue humaniste ras des pâquerettes, peut-on laisser des parents maltraiter leur enfant comme si c’était une table dont il faut raccourcir les pieds, sans possibilité de retour en arrière ? 
Il est certain que l’interdiction de ce rituel en France ne pourra que provoquer une levée de boucliers auxquels l’Allemagne s’est confrontée en 2012 :

« Lorsqu’un tribunal allemand à Cologne décida que l’ablation du prépuce pour motif religieux relève de coups et blessures volontaires, il ne pensait pas faire de politique. Lorsque les porte-parole des Juifs en Allemagne s’indignèrent que cette décision revienne en somme à bannir les juifs du pays, éclata un scandale politique national aux proportions mondiales. La chancelière Angela Merkel, rapporte-t-on, réagit en disant « Je ne veux pas que l’Allemagne soit le seul pays au monde dans lequel les Juifs ne peuvent pratiquer leurs rites. Sinon on passerait pour une nation de guignols ». En réalité ce n’est pas le ridicule que l’Allemagne craignait, c’était qu’après avoir tenté d’éradiquer les Juifs d’Europe (...) elle affiche une inhospitalité foncière à l’égard des Juifs. Mais il n’est pas fortuit que ce soit précisément en Allemagne que les droits de l’homme, les droits les plus individuels, soient scrupuleusement approfondis jusqu’à une conclusion politiquement intenable. Le tribunal de Cologne, en pénalisant la brit milah , ne fait pas de politique, il protège l’intégrité physique de la personne et déclenche pourtant un scandale politique et des réactions en chaîne qui poussèrent le législateur allemand à amender dans l’urgence cette embarrassante décision. »**

 En octobre 2012, le ministre français de l'Intérieur et des Cultes Manuel Valls nous déclare : 

« La France, république laïque s'est dotée d'un système juridique clair qui garantit le libre exercice des libertés religieuses. Il est donc hors de question de revenir [...] sur les pratiques traditionnelles. Je l'ai dit, je le répète : les Juifs de France peuvent [...] procéder à la circoncision. Le débat sur « la remise en cause » de la circoncision relève de la méconnaissance la plus totale de ce que sont l'identité et la culture juive. Une telle remise en cause est idiote et indigne. »  
 
Peur d'être taxé d'antisémite ou d'islamophobe ? Décidément, Manuel Valls n'en finit pas d'enfiler des perles d’inculture (voir La sociologie, poil à gratter politique). Il est vrai que le Conseil constitutionnel français a estimé en 2013 que la circoncision pouvait relever de la liberté de culte et de conscience garantie par la Constitution ! Couper systématiquement l'oreille gauche des nouveaux-nés ne peut pas relever d'une "liberté de culte". Quant à la la liberté de conscience, c'est celle des adultes, pas des enfants qu'on mutile.
Et la culture africaine qui conduit à mutiler sexuellement les jeunes filles : c'est aussi permis dans le cadre de la laïcité qui a bon dos concernant toutes ces ignominies ? Non pas, car dans ce cas, c'est une infraction passible de peines allant jusqu'à 20 ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende. Deux lois, deux poids... Pour une fois, les filles ont un avantage sur les garçons en termes de protection.

La laïcité ne peut pas servir de prétexte à la barbarie de la mutilation. Les pratiques "traditionnelles" sont fort heureusement remises en cause dans maints domaines car l’évolution culturelle se poursuit, et c’est fort bien, face à des conservatismes perçus de nos jours comme délétères. 
Toujours au nom de cette pseudo-laïcité, faut-il respecter le refus de la transfusion sanguine chez les Témoins de Jéhovah ? Adultes : c’est leur problème ; enfants : cela devient le nôtre. 
Alors, ne plus rien faire ? Laisser les gamins mourir exsangues ou se faire mutiler sans protester malgré les témoignages de souffrance de nombres d’entre eux une fois adultes ?*** 
Accepter cette barbarie ordinaire pour la foi, contre la loi ? Faire de la « real culture » comme on fait de la « real politique » en acceptant d’une main ce qu’on refuse de l’autre ? 

Chacun fera son choix en toute « liberté » de pensée. 
Je plaisante, évidemment.

*Situation de l'enseignement privé sous contrat : https://videos.senat.fr/video.4631039_6644580b91a2d.audition-de-m-philippe-delorme-secretaire-general-de-l-enseignement-catholique?

**[1] VII. « La circoncision est-elle une affaire politique ? » - Danny Trom dans « Circoncision » (2018) - pages 111 à 123

***«Témoignages d’hommes contre la circoncision » - https://www.droitaucorps.com/temoignages-hommes-contre-circoncision

Les hypothèses au fil du Rasoir d'Ockham

Le rasoir d'Ockham ou rasoir d'Occam est un principe de raisonnement philosophique qui signifie « éliminer des explications non nécessaires d'un phénomène » selon le philosophe du 14ème siècle Guillaume d'Ockham. Également appelé principe de simplicité, principe d'économie ou principe de parcimonie, il dispose d'une ancienne formulation : Pluralitas non est ponenda sine necessitate (les multiples ne doivent pas être utilisés sans nécessité).
En langage courant, le rasoir d'Ockham pourrait s'exprimer par les phrases : « L'explication la plus simple est généralement la bonne », ou encore « Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? » Une formulation plus moderne est que « les hypothèses suffisantes les plus simples doivent être préférées (il faut et il suffit) » ou encore que « la vérité est simple et élégante, les choses fausses compliquées et troubles » (psychologue Jerre Levy) : quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup...

Ce principe fondamental en sciences - qui peut s'étendre à mon sens à la philosophie - fait appel à une simplicité en terme de nombre d'entités, de concepts ou d'hypothèses utilisés, et non en terme de complexité de leur combinaison : si vous avez une explication d'un phénomène par la combinaison de deux causes séparées, le principe incite à rechercher une cause unique plus profonde qui serait à l'origine des causes préalablement postulées, ce qui donnera finalement peut-être une construction plus complexe mais avec un nombre plus réduit d'hypothèses

La « simplicité » dont il est question ici n'est pas une garantie de qualité ou de vérité. Le rasoir ne prétend pas désigner quelle hypothèse est vraie ; il indique seulement laquelle il vaut mieux considérer en premier. Le rasoir d’Occam n’est pas une ode à la simplicité, mais plutôt un éloge du non-gaspillage afin de se débarrasser des hypothèses inutiles, voire dommageables.

Pour prendre l'exemple de Stanislas Antczak :

"Je mets un chat et une souris dans une boîte, je ferme, je secoue, et j’ouvre : il ne reste plus que le chat. Hypothèse 1 : des extraterrestres de la planète Mû ont voulu désintégrer la souris, mais elle s’est transformée en chat. Le chat, de frayeur, est passé dans une autre dimension par effet Tunnel. Hypothèse 2 : le chat a mangé la souris."

L’hypothèse 2 est beaucoup moins coûteuse intellectuellement que la n°1.

Autre exemple : dans le roman (Umberto Eco - 1980) comme dans le film "Le Nom de la Rose" (Jean-Jacques Annaud - 1986), nous observons l'application du rasoir d'Ockham lorsque Guillaume de Baskerville - inspiré de Guillaume d'Ockham - tente de démêler le mystère autour des décès suspects dans l'abbaye. Il cherche constamment à trouver une solution rationnelle plutôt que de recourir à des explications surnaturelles ou ésotériques. Il remet ainsi en question la présence d'une bibliothèque soi-disant "maudite" et recherche des causes naturelles pour les événements tragiques (véritable hécatombe). Ainsi, l'utilisation du raisonnement logique et la réduction des hypothèses inutiles sont représentatives de la pensée nominaliste associée à Guillaume d'Occam. En somme, bien que Guillaume d'Occam lui-même ne soit pas présent dans le roman ou le film, sa philosophie influence fortement le protagoniste principal, Guillaume de Baskerville, illustrant l'approche rationaliste face aux mystères religieux et politiques de leur temps.
A ne pas confondre avec le rasoir d'Hanlon (Robert J. Hanlon) :

« Ne jamais attribuer à la malveillance ce que la bêtise suffit à expliquer »

Ce qui ne veut pas dire que la malveillance n'existe pas. Mais cela évite de se précipiter sur une hypothèse moins crédible qui endommagerait à coup sûr les relations. Raisonnement repris par Michel Rocard dans cette citation : 

« Toujours privilégier l'hypothèse de la connerie à celle du complot. La connerie est courante, le complot demande un esprit rare. »

Bref, le rasoir est un instrument des plus utiles pour notamment trancher entre les 2 visions du monde (voir https://librearbitre.eu/accueil/deux-visions-monde/).

Mais comme le Monde n'est pas parfait...

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Et pour aller plus loin, le livre "La dernière blessure" centré sur la notion du libre arbitre (illusoire)... en cliquant sur l'image ci-dessous

Limite entre santé mentale et pathologie mentale

Le philosophe Emmanuel Kant se refusait à « considérer tout criminel comme un malade ». A son époque, la ligne de partage entre santé et maladie était loin d’être celle de nos sociétés « évoluées ». 

Mais au fait, quelles sont les limites entre santé et maladie ? Pour René Leriche (1936) : 

« la santé c'est la vie dans le silence des organes »

Cette formule aussi élégante que lapidaire ne semble pas tenir compte des maladies mentales. D’où une approche plus complète avec la définition actuelle de l’OMS[1] :

« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. Cette définition a pour important corollaire que la santé mentale est davantage que l’absence de troubles ou de handicaps mentaux. La santé mentale est un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de sa communauté. Dans ce sens positif, la santé mentale est le fondement du bien-être d’un individu et du bon fonctionnement d’une communauté. Les déterminants de la santé mentale comportent des facteurs sociaux, psychologiques et biologiques multiples déterminent le degré de santé mentale d’une personne à un moment donné. Ainsi, des pressions socio-économiques persistantes sont des facteurs de risque reconnus pour la santé mentale des individus et des communautés. 
 
De son côté, le DSM-5 (outil diagnostic en psychiatrie 5ème édition) définit le trouble mental comme...
« un syndrome caractérisé par des perturbations cliniquement significatives dans la cognition, la régulation des émotions, ou le comportement d'une personne qui reflète un dysfonctionnement dans les processus psychologiques, biologiques, ou développementaux sous-jacents au fonctionnement mental ».

La classification précédente (DSM-4) est également intéressante bien que légèrement différente : 
« le trouble mental est un « syndrome comportemental ou psychique cliniquement significatif, survenant chez un individu et associé à une détresse concomitante (p.ex., symptôme de souffrance), ou à un handicap (p. ex, altération d’un ou plusieurs domaines de fonctionnement) ou à un risque significativement élevé de décès, de souffrance, de handicap ou de perte importante de liberté ».

Notons l'absence de référence à un quelconque Libre Arbitre... mais plutôt à l'existence de "déterminants".

Voyons ce qu’il en est du point de vue judiciaire. En ce qui concerne les « authentiques » pathologies et handicaps mentaux (comme les psychoses dont la schizophrénie, le trouble bipolaire et autres « troubles psychiques et neuropsychiques avérés »), on assiste à un déplacement de l’hôpital psychiatrique vers la prison, ce dont s’alarmait déjà il y a près de 15 ans le Comité consultation national d’éthique (CCNE).


Selon la dernière enquête épidémiologique de référence, plus de 20 % des personnes incarcérées sont atteintes de troubles psychotiques dont 7,3 % de schizophrénie et 7 % de paranoïa et autres psychoses hallucinatoires chroniques. Au total,
8 hommes détenus sur 10 et plus de 7 femmes sur 10 présentent au moins un trouble psychiatrique, la grande majorité en cumulant plusieurs (troubles anxieux, dépressions, troubles bipolaires, psychoses…). 35 % à 42 % des hommes étaient considérés comme manifestement malades, gravement malades ou parmi les patients les plus malades (étude de 2006). Des résultats qui font écho à une enquête régionale menée entre 2015 et 2017 dans le Nord-Pas-de-Calais : le taux de pathologies psychiatriques est 4 à 10 fois plus élevé en prison que dans la population générale. 45 % des arrivants présentent au moins deux troubles psychiatriques, et plus de 18 % au moins quatre[2]
Il semble assez clair que ces détenus étaient pour une grande part « malades » avant d’entrer en prison. De là à penser qu’il pourrait exister un lien fort entre la maladie mentale plus ou moins avérée et la faute commise, il n’y a qu’un pas. Que je franchis.

Pour préciser ce point, regardons ce qui se passe avec ceux que notre morale et notre justice considèrent à raison comme un « patient » non « coupable », non responsable pénalement de ses actes. L’article 122-1 du Code Pénal précise :

« N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.
La personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable. Toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu'elle détermine la peine et en fixe le régime. Si est encourue une peine privative de liberté, celle-ci est réduite du tiers (...) Lorsque, après avis médical, la juridiction considère que la nature du trouble le justifie, elle s'assure que la peine prononcée permette que le condamné fasse l'objet de soins adaptés à son état. »

Question d’importance : quelle est la définition du « discernement » et que veut dire « contrôle de ses actes » ? Et pourquoi « des soins adaptés à son état » ? Il est malade, coupable, coupable d'être malade, malade d'être coupable... ou bien ?
Les "experts" ne disposent évidemment pas d’outils cliniques leur permettant d’inférer directement le degré d’altération ou d’abolition du discernement. Comme l’indique les travaux de la Fédération Française de Psychiatrie :

« Dans aucun pays il n’a été possible de lister tous les états pathologiques conduisant a priori à une proposition d’abolition du discernement et donc à une irresponsabilité pénale. » 
 
Les psychiatres Gérard Rossinelli et Jean-Claude Penochet précisent :
« Le discernement et le contrôle des actes sont laissés à l’analyse du psychiatre. Ces termes ne sont cependant pas des termes spécialisés et sont fréquemment usités dans la langue courante, avec les fluctuations de sens liées à tout terme polysémique. Ils ne sont pas associés à une séméiologie spécifique dont l’étude serait inscrite dans la formation médicale. Leur appréciation renvoie à des conceptions différentes tant chez les cliniciens que chez tout un chacun, puisqu’elle se rattache aussi à notre conception de l’homme et de la liberté individuelle.

Un concept à géométrie variable, ce qui n’est guère surprenant tant l’assise philosophique du triptyque « discernement - Libre Arbitre - contrôle des actes » est bancale.
En fait, le discernement ne bénéficie d'aucune définition consensuelle, qu'elle soit juridique ou médicale. Tout au plus peut-on parler de « capacité de distinguer les actes autorisés des actes interdits ». Cette connaissance « éducative » du bien et du mal, plus ou moins correctement intériorisée selon les cerveaux et les conditions socioculturelles des sujets, est en compétition avec la survie : peut-on réellement reprocher à un « sans domicile fixe » (SDF) affamé de voler une pomme ? Ou doit-on plutôt se demander comment on devient SDF, comment on devient délinquant, criminel, et ce qu’on a quelque part raté pour en arriver là[3] ?

En fait, il s’agit de masquer autant que possible sous ce « discernement » le fameux Libre Arbitre qui pourrait être immédiatement contesté du point de vue philosophique. Ce que résume fort bien Pierre Arpaillange, Garde des Sceaux, à la présentation du projet de loi de réforme du code pénal devant l'assemblée nationale :

« Au même titre que 1789 a mis fin à des pratiques que l'époque érigeait en dogme [...] la période qui a suivi la Libération a refusé de tenir plus longtemps pour intangible le principe d'explication par le libre arbitre de tout comportement humain. Cette conception rigoriste, qui reposait sur le double postulat du libre arbitre de l'homme et de l'efficacité de la peine comme moyen de lutte contre la criminalité devait s'assouplir peu à peu au gré de l'évolution - rapide - des idées au cours des XIXème et XXème siècles. » [4]

Mais alors, comment faire si l’on ne peut plus fonder décemment nos punitions sur la notion de LA ? Pas si compliqué : il suffit de changer d’emballage en s’accrochant au « discernement » et au « contrôle des actes ». Car il faut bien punir avec un semblant de légitimité puisque la notion de Libre Arbitre est défaillante. Il suffit donc de changer piteusement de mots - sans les définir réellement - pour que rien ne change. Ainsi, pour certains, il suffirait d’une « adéquation entre la volonté et l'acte » pour que l'on puisse parler de contrôle de l'action. Certes, mais ce serait à nouveau expulser du débat la question de la liberté de la volonté. Qu’il y ait volonté, c'est évident. Que cette volonté soit libre de tout déterminant interne et externe : c’est bien « la » question essentielle.

Concernant la notion de « contrôle » plutôt que celle de LA qui fleure trop le surnaturel, le psychiatre J.M. Pierre écrit :

« Un modèle neuroscientifique de comportement volontaire (aurait) le potentiel de moderniser les notions médico-légales de responsabilité et de sanction pénale afin d'éclairer les politiques publiques. En fin de compte, s'éloigner du langage du libre arbitre vers le langage du contrôle volontaire peut entraîner une meilleure compréhension de la nature de nous-mêmes. »[5]

Ce « contrôle volontaire de l'action » n’est qu’un misérable stratagème de plus qui reviendrait à « vouloir vouloir », ce que dénonçait pertinemment déjà en son temps le philosophe Thomas Hobbes. La volonté est le résultat chaotique d’un grand nombre de déterminants conscients ou non, allant du désir à l’intérêt dans le cadre de la survie, en passant par l’examen du possible et de l’impossible, du socialement acceptable ou non, des risques divers, des affects du moment, de la fatigue, des souvenirs et leçons des expériences passées, de l’opportunité actuelle ou différée... Changeons un seul de ces éléments, par exemple ce qui est « socialement acceptable » qui est à géométrie variable selon les milieux et cultures, pour changer le vecteur final de la décision. Le film « La vie est un long fleuve tranquille »[6] où deux enfants sont échangés à la naissance est une merveilleuse parabole sur ce thème.
Autre stratagème cette fois sous la plume du docteur en sciences cognitives Aurélien Nioche[7] : exercer son libre arbitre, c'est simplement « faire preuve de raison ». Quand on connait l’importance des fluctuations de notre « raison » du fait des affects, des influences inconscientes, des anomalies cérébrales, des traitements médicamenteux éventuels, des biais cognitifs etc., « faire preuve de raison » nécessiterait quelques explications connexes, voire plusieurs ouvrages sur le sujet.

Du même auteur : il faut...
 
« comprendre le libre arbitre non comme quelque chose dont on disposerait pleinement ou aucunement, mais comme quelque chose auquel on peut plus ou moins faire appel. Là aussi, il semble pourtant crucial de pouvoir situer sur un gradient le phénomène dont on parle ». 
 
Faire plus vague et incompréhensible sera difficile. « Le libre arbitre (...) auquel on peut plus ou moins faire appel » : on peut plus ou on peut moins ? En fonction de quoi ? On a la liberté de faire appel au LA « réel » un peu, beaucoup, à la folie ? Quelle serait cette « liberté » de faire jouer peu ou prou la liberté de la volonté ? Serait-ce la liberté d’être libre ? Et je mets bien au défi qui que ce soit de « situer sur un gradient le phénomène (LA) dont on parle ». Autant classer les licornes par la taille de leur appendice frontal.

En pratique, les notions d’abolition, d’altération du discernement ou du contrôle de ses actes ne sont pas des concepts psychiatriques et ils ne signifient rien si le Libre Arbitre « réel » ontologique est une illusion. Si, comme je le soutiens, le « discernement-Libre Arbitre-contrôle des actes » est une fiction philosophique, la question de savoir quelle est la différence entre l’abolition et l’altération d’un concept surnaturel renoue complaisamment avec les discussions théologiques byzantines les plus coriaces ! 
Qui plus est, rappelons que les experts ne disposent d’aucun outil clinique leur permettant d’inférer directement le degré d’altération ou d’abolition du discernement comme l’indique les travaux de la Fédération Française de Psychiatrie[8].

Les psychiatres Gérard Rossinelli et Jean-Claude Penochet précisent :

« Le discernement et le contrôle des actes sont laissés à l’analyse du psychiatre. Ces termes ne sont cependant pas des termes spécialisés et sont fréquemment usités dans la langue courante, avec les fluctuations de sens liées à tout terme polysémique. Ils ne sont pas associés à une séméiologie spécifique dont l’étude serait inscrite dans la formation médicale. Leur appréciation renvoie à des conceptions différentes tant chez les cliniciens que chez tout un chacun, puisqu’elle se rattache aussi à notre conception de l’homme et de la liberté individuelle.[9] 

Soit un concept à géométrie variable, laissé à l'appréciation de chacun, ce qui n’est guère surprenant tant l’assise philosophique du triptyque « discernement - Libre Arbitre - contrôle des actes » est bancale.

Un expert psychiatre se confie :

« On ne nous pose jamais la question du Libre Arbitre (...) Je pense qu’un expert qui répondrait en termes philosophiques serait vite remis dans le droit chemin par le président, qui dirait : Écoutez monsieur, vous avez peut-être des idées, mais enfin ce n’est peut-être pas ici que vous pouvez en débattre. »[10]

Ah bon ? Et où doit-il s’exprimer cet expert, si ce n’est justement à cette occasion où l’avenir d’un humain est fondamentalement en jeu ? Il va sans dire qu’un tel expert qui aurait des doutes sur le fond n’aura pas l’occasion d’être à nouveau sollicité. Ne seront ultérieurement désignés que les experts qui filent doux et restent dans le moule normatif du moment (voir Expertises psychiatriques).

Il faut redire que notre justice légitime indûment les punitions. Ainsi, sous la plume de Peggy Larrieu, Maître de conférences en droit privé et sciences criminelles :
 
« Si l’influence de prédispositions neurobiologiques est indéniable, elles cohabitent ou rentrent en conflit avec d’autres déterminants d’origine sociale et, c’est justement parce qu’il existe une compétition entre ces différents facteurs biologiques et culturels, que l’idée de libre-arbitre reste plausible. Tout au moins à la marge[11]

Plausible ? Une déduction bien risquée ; pour tout dire, fausse. Car les déterminants en compétition produisent un chaos déterministe aux conséquences bien souvent imprévisibles, mais qui reste de nature déterministe. Il est assez surprenant de voir qu’une spécialiste de ces questions - qui ne fait, il est vrai, que reprendre la philosophie générale de l’institution - peut d’un côté affirmer à juste titre que l’on ne peut pas condamner (punir) un individu sans un minimum de « preuves » factuelles, et de l’autre dire que l’on on est en droit de se contenter d’un libre arbitre « plausible » comme seul garant philosophique pour punir. Plausible, vraiment ? Et la charge de la preuve ? Bon, il est vrai que Peggy Larrieu prend quelques précautions : un LA « à la marge »... Donc on punit à 20 ans d’incarcération des humains sous couvert d’un Libre Arbitre « plausible à la marge » ?

De la même autrice :

« On peut au moins espérer que sur le chemin criminel (...) l’individu conserve un pouvoir de veto, un pouvoir de bloquer le passage à l’acte. En tout état de cause, à supposer que le libre-arbitre tient de la fiction, il s’agit d’une fiction nécessaire au bon fonctionnement de la vie en société. En effet, si nous étions certains d’être déterminés, nous n’aurions plus à nous soucier des conséquences de nos actes ni de quoi que ce soit d’ailleurs. Il faut donc nous résigner à faire semblant... »[12]

Étonnant, non ? D’une part, le droit de veto dans la chaîne de décision est effectivement de l'ordre d'une espérance totalement fictive. Par ailleurs, l’autrice semble accepter l’idée d’un déterminisme absolu (!)... puisqu’il faudrait « se résigner à faire semblant » de croire au LA (!)... pour une raison supérieure : le bon fonctionnement de la vie en société. Car « si nous étions certains d’être déterminés, nous n’aurions plus à nous soucier des conséquences de nos actes ni de quoi que ce soit d’ailleurs ». Toujours l'argument de la conséquence qui est toujours aussi irrationnel (voir Argument de la conséquence) ? 
Mais bien sûr que si, nous devrions tenir compte des conséquences de nos actes, ne serait-ce que dans le cadre tout banal de la survie, que l’on soit seul ou en société ! C’est même un déterminant majeur. L’animal est soumis aux mêmes déterminants exigeants de la survie quand il hésite entre attaque et fuite, alors qu’il est censé être totalement déterminé, même pour les crédules du Libre Arbitre.

Pour revenir au fond en termes pratiques, il faut remettre en cause la séparation actuelle totalement incohérente entre :
-  D’une part les « troubles mentaux / maladies mentales » justifiables d’une prise en charge psychiatrique en milieu fermé : comme on l’a vu, ils ne sont pas considérés comme « coupables » en cas d’abolition totale du discernement (LA) au moment des faits criminels ;
-  D’autre part les « troubles de personnalité »[13] qui sont actuellement redevables de la prison en cas de crime ou délit, car eux sont « coupables » puisque censés avoir pu faire autre chose que ce qu’ils ont fait (agression, crimes...) du fait d’une pleine possession de leur discernement (LA) ou d’un discernement simplement altéré. Une injonction thérapeutique peut toutefois être nécessaire (délinquants sexuels, toxicomanie etc.) depuis la loi de 1998, mais ils ont 
 tout de même droit à la punition : ils sont coupables d’être malades...

Une avocate dans l’affaire du tueur en série Guy George questionnait l’expert : 
« Comment pouvez-vous dire que Guy George n’est pas malade tout en étant incurable ? »

Oui, c’est vrai ça : comment est-ce possible ? 
En « bonne santé » mentale... mais incurable ?

Il est toujours étonnant de voir la mauvaise cuisine à l'oeuvre sur des sujets aussi graves : le condamné qui n'a pas toute sa tête bénéficie donc, comme on l'a vu, d'une réduction de peine d'un tiers. D'où vient ce choix d'un tiers ? Pourquoi pas 12 %, ou 74 % ? Et si on nommait Bart Simpson comme expert, pour être sûr ?

En résumé, les premiers sont des malades mentaux et doivent être traités. Les seconds ont commis une infraction plus ou moins grave mais n’ont qu’un trouble de la personnalité (pervers narcissique...) et seront punis dans la situation actuelle de notre institution judiciaire. Peut-on affirmer les yeux dans les yeux que des individus présentant des troubles de personnalité conduisant à des agressions, violences et meurtres ont une santé mentale tout à fait « normale » ? 

Le psychiatre Ali Amad a examiné 83.000 scanners cérébraux :

« La recherche en imagerie cérébrale appliquée a ainsi pu montrer que les maladies mentales étaient associées à des anomalies de la structure et de la fonction du cerveau. Ces données corroborent les conclusions venant de la génétique, de la neurobiologie, et de la recherche pharmacologique clinique. Il s’agit d’une évolution majeure dans la conception de la maladie mentale qui a longtemps été définie par son absence de lésion « organique ». Il convient ici de souligner que la dichotomie entre maladies psychiatriques et organiques (ou « somatiques ») est encore très présente dans le vocabulaire médical. Pourtant, à la lumière des recherches menées ces dernières décennies, cette dichotomie n’a plus lieu d’être ».


Et comme l’écrit fort justement le psychiatre new-yorkais Abraham Halpern :
 
« Il n’y a aucune base moralement solide pour sélectionner une maladie mentale ou un défaut comme justification de la non culpabilité d’un individu tout en excluant d'autres déterminants comportementaux, tels que l'hérédité, la pauvreté, l'environnement familial et la privation culturelle. »

D'ailleurs, dans un monde qui serait - comme le pense la plupart de nos concitoyens, psychiatres et juges compris - régi par les lois naturelles déterministes au dessus desquelles régnerait un Libre Arbitre métaphysique (soit la position "compatibiliste"), comment expliquer que ce LA puisse s'altérer ? De lui-même ? Une sorte de suicide du LA ? A moins que ne ne soient plutôt quelques déterminants qui s'en chargent ? Mais alors, ce seraient les déterminants et les lois naturelles qui dominent alors qu'on nous affirme le contraire ? 
Un joli sac de nœuds...


Prenons l'exemple de l'acrasie qui n'est même pas considérée comme un trouble de la personnalité. En psychologie, l'acrasie fait référence à un manque de contrôle de soi ou de discipline, souvent lié à des comportements impulsifs ou à une incapacité à résister à des tentations immédiates. Une sorte de "névrose" qu'on appelle souvent "faiblesse / trouble de la volonté"* pouvant être observée dans divers contextes, comme la gestion de l'alimentation, des finances ou des habitudes de travail. Il y a souffrance de l'individu sans "dérapage" du point de vue légal (sauf exception).  Mais alors, on ne contrôle pas sa propre volonté dans ce cas... comme tant d'autres ? (voir Un psychiatre sceptique du libre arbitre... à raison !).

En conclusion, l’Humain ne choisit pas « librement » sa maladie mentale ou son inadaptation sociale. C’est l’ensemble des déterminants en interaction chaotique permanente qui, à un moment donné, bien souvent imprévisible (chaos), produit le délit ou le crime. Il est parfaitement clair que le « bien-être social » est un élément fondamental de la santé. Un individu qui transgresse les règles communes - voire qui récidive - peut difficilement présenter un « bien-être social ».

Et si nous arrêtions de barguigner, encore et toujours, pour préserver l’impossible au prix de l’incohérence, sous couvert d’un surnaturel supposé sans début de preuve ?

Mais alors, que faire face aux criminels et délinquants ? Voir Mais alors, sans culpabilité ni punition possible... que faire ?


[1] « Santé mentale » - https://oip.org/decrypter/thematiques/sante-mentale/
[2] « Santé mentale : renforcer notre action » - https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/mental-health-strengthening-our-response
[3] « Nos jeunesses perdues » - ARTE VIDEO - https://www.youtube.com/watch?v=IDtDuoCWpZE  
[4] « Psychiatrie et droit pénal : discernement ou contrôle des actes, un dilemme médico-légal ? » - Benjamin Godechot - https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01082093/document
[5] « Les neurosciences du libre arbitre : implications pour la psychiatrie » - 2014 - https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24330830/
[6] https://www.tokyvideo.com/fr/video/la-vie-est-un-long-fleuve-tranquille
[7] « Exercer son libre arbitre : un processus décisionnel » - https://books.openedition.org/cdf/4965?lang=fr
[8] « Expertise psychiatrique pénale » - Sous la direction de Jean-Louis Senon, Jean-Charles Pascal et Gérard Rossinelli - 2007
[9] « Qui est irresponsable? » - 2014 - https://www.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2014-3-page-173.htm?contenu=resume
[10] « Psychiatrie et droit pénal » - p.28 - https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01082093/document
[11] « La psychologie, le droit et la régulation » N° 5 p.75 - 2020 - https://psycho-droit.com/wp-content/uploads/2021/03/Psycho-Droit.5.2020.pdf
[12] « La neurojustice, entre ombres et lumières » - Peggy Larrieu - https://www.academia.edu/38944963/La_neurojustice_entre_ombres_et_lumi%C3%A8res?email_work_card=view-paper
[13] « Troubles de la personnalité » - http://psyfontevraud.free.fr/cours/286.htm

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Et pour aller plus loin, le livre "La dernière blessure" centré sur la notion du libre arbitre (illusoire)... en cliquant sur l'image ci-dessous