Liberté, Liberté chérie !
Vaste sujet.
La liberté est un concept fondamental qui a été au cœur de nombreuses réflexions philosophiques, politiques et sociales tout au long de l'histoire. Elle est souvent considérée comme l'un des droits les plus précieux de l'humanité, car elle permet aux individus de prendre des décisions, d'agir et de vivre leur vie de manière autonome.
Soit un mélange gloubi-boulga difficile à digérer en l'état.
Question liminaire : dans ce conflit que
nous avons déjà évoqué entre déterminants et liberté, si nous annulons par une
expérience de pensée les déterminants de l’équation, que se passe-t-il ?
C’est la fameuse fable attribuée au philosophe Buridan et son âne : cet
âne a « strictement » aussi faim que soif et se trouve à une distance
« strictement » équivalente d’un seau d’avoine d’un côté, et d’un
seau d’eau de l’autre. Les déterminants étant strictement les mêmes, il ne
reste plus que l’exercice de sa « liberté ». Quel seau choisir ?
Va-t-il se laisser mourir de faim et de soif car il ne peut choisir une voie
plutôt que l’autre ? C’est ce qu’on appellera la liberté d’indifférence
chère à Molina[1] et que Descartes désignera
comme le « degré zéro de la liberté » (sans rejeter pour autant cette
liberté d’indifférence). On remarquera que s’il existe pour Descartes un degré
zéro de la liberté, c’est qu’il existerait différents degrés de liberté (degré
1, degré 2 etc.), plus ou moins « efficients ». Mais Descartes - pas
plus que les autres philosophes de la volonté libre - ne va jusqu’à révéler une
échelle de mesure qui nous serait pourtant bien utile. Cette expérience de
pensée asinienne est de toute façon extrêmement fumeuse dans la mesure où la
soif et la faim ne peuvent être de force identique. Et même à force identique
initialement, l’hésitation sera courte car la soif va rapidement l’emporter du
fait des besoins en eau plus prégnants du point de vue biologique que les
besoins en nourriture. Et même s’il commence par l’avoine, rien n’empêche cet
âne d’aller se désaltérer ensuite. Où l’on constate que tenter d’annuler les
déterminants est une entreprise bien stérile, et qu’il faudrait de nouveaux
déterminants plus forts pour contrer les précédents.
De son côté, un jésuite théologien Gabriel Vazquez[2] n’hésite pas à affirmer que
l’indifférence de la volonté suffit à fonder la liberté car...
« même
si une chose est présentée avec vérité comme bonne, la capacité que j’ai de ne
pas la choisir garantit ma liberté. »
Je peux savoir qu’une chose est bonne, comme
arrêter de fumer ; et pourtant je peux ne pas choisir ce qui est bon et continuer
de fumer : c’est bien la preuve que je suis libre nous dit Vazquez. Mais
il ne savait pas à l’époque que l’on peut tout à la fois être convaincu que
fumer est dangereux, et pourtant continuer de fumer du fait de déterminants
biologiques internes de la dépendance (multiplication des récepteurs à la
nicotine) que l’on ne contrôle pas aussi facilement. Est-on si
« libre » que ça de s’arrêter de fumer, de boire, de jouer frénétiquement
à la roulette etc. ? Que fait Vazquez du circuit de la récompense au cœur de nombre de nos comportements, même les plus irrationnels, suicidaires comme criminels?
Pour Emmanuel Kant, on ne peut pas démontrer que l’humain est
libre, comme on ne peut pas démontrer qu’il n’est pas libre.
Ainsi...
« Il n’y a pas
de liberté, dit l’étude scientifique de la Nature et de toute réalité
empirique, car les choses ne sont connaissables que pour autant qu’elles sont
soumises à la nécessité de la légalité naturelle. Toute connaissance nouvelle
restreint encore la liberté (...) On ne peut pas démontrer que l’humain est
libre, comme on ne peut démontrer qu’il n’est pas libre. »[3]
Mais les deux parties de cette dernière assertion ne sont pas symétriques. On ne peut généralement pas démontrer l’inexistence de quelque chose : la charge de la preuve n’est pas de ce côté. Par ailleurs, l’affirmation de l’existence d’une volonté libre ontologique nécessiterait de robustes preuves ! Poursuivons avec le joyeux drille de Königsberg :
« La
liberté existe par le fait du devoir qui dit ce qui est bien ou mal et donc, ou
bien la Nature n’a pas de cohésion causale irrémédiable (i.e il y aurait des
« trous » dans la causalité) ou
la responsabilité est une illusion. »[4]
Alors qu’il doute très nettement de la réalité d’une liberté de la volonté, Kant opte tout de même pour l’existence de cette même liberté car l’être humain se caractérise par un comportement éthique. Et, pour qu’un comportement éthique soit possible (choix entre Bien et Mal), l’être humain doit être libre.
Na, un point c'est tout !
Ce qui n'est pas l'avis du philosophe déterministe Bruce Waller :
« Entamer la réflexion philosophique sur le concept de Libre Arbitre avec l’idée selon laquelle celui-ci doit justifier absolument la responsabilité morale, c’est à peu près aussi pertinent que de soutenir que la recherche des origines de notre espèce doit justifier une supériorité morale des humains sur les autres animaux ou que notre enquête sur les aspects biologiques et psychologiques de la différence entre les sexes doit adhérer à l'hypothèse selon laquelle les femmes devraient être au service des hommes."
En effet, il faudrait montrer que le choix éthique est libre de tout déterminant... alors que la coopération qui l'emporte sur la trahison en terme de survie (voir Un sacré dilemme pour la "Morale" !) est précisément un formidable déterminant de nos lois communes. En particulier, le choix du mal systémique / systématique aboutirait à la disparition des "traîtres", donc de tous. La guerre pour un oui ou un non remplirait les cimetières, définitivement.
C'est ce qu'ont subi les Anasazis, les Mayas, les Khmers, les Olmèques, les Rapa Nui, les Assyriens... tous disparus pour ne pas avoir suffisamment pris en compte l'impératif de coopération que l'on peut assimiler à une loi du vivant et de la nature. Ne restent que les "plutôt gentils" que nous sommes globalement quand on voit à quel point les individus de notre espèce sont capables de vivre spontanément les uns sur les autres, ce qu'aucune autre espèce ne supporterait, sauf par la contrainte justement (batteries d'élevage...).
« La liberté, c'est un de ces détestables mots qui ont plus de valeur que de sens ; qui chantent plus qu'ils ne parlent, qui demandent plus qu'ils ne répondent ; de ces mots qui ont fait tous les métiers, et desquels la mémoire est barbouillée de Théologie, de Métaphysique, de Morale et de Politique ; mots très bons pour la controverse, la Dialectique, l’éloquence ; aussi propres aux analyses illusoires et aux subtilités infinies qu’aux fin de phrases qui déchaînent le tonnerre. »
"la liberté est la possibilité de faire ce que l'on veut, sans être contraint par les autres".
« Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l'établissement ou interdise le libre exercice d'une religion, ni qui restreigne la liberté de parole ou de la presse, ou le droit qu'a le peuple de s'assembler paisiblement et d'adresser des pétitions au gouvernement pour la réparation de torts dont il se plaint. »
Cette liberté d'expression est donc le droit de communiquer ses pensées, ses opinions et ses idées sans crainte de censure ou de répression. Elle est inscrite dans de nombreuses constitutions à travers le monde et est considérée comme un pilier de la démocratie.
Le problème est que si la liberté d'expression est, certes, l'un des droits les plus fondamentaux de la démocratie, elle est également l'un des plus complexes et des plus controversés. Elle permet aux individus de s'exprimer librement sans crainte de censure ou de répression, mais elle s'accompagne également de responsabilités et de limites.
D'un côté, la liberté d'expression présente de nombreux avantages, notamment la promotion de la démocratie, l'innovation et la protection des droits de l'homme. Par exemple, elle permet aux citoyens de participer activement au débat public, de critiquer le gouvernement et de proposer des idées nouvelles. Cela favorise la transparence et la responsabilité des dirigeants.
Cependant, la liberté d'expression a également des inconvénients, tels que la propagation du discours de haine et de désinformation. Les propositions racistes, sexistes ou homophobes peuvent causer des dommages considérables aux individus et aux communautés. De plus, la désinformation (fake news...) peut manipuler l'opinion publique (suppression du fact-checking sur Facebook et X...) et nuire à la cohésion sociale comme dans ce point Godwin, à moins que ce ne soit plutôt le salut fasciste romain puisque Musk a changé son nom pour KEKIUS MAXIMUS... durant quelques jours) :
Certains veulent croire que ce n'est que l'actualisation des gestes barrières contre la grippe, la COVID ou autre pandémie, exceptée la peste brune.
Quoiqu'il en soit, il est nécessaire de trouver un équilibre entre la liberté
d'expression et les responsabilités qui l'accompagnent. Ce qui nécessite une
analyse approfondie des implications de la liberté d'expression sur la sécurité
nationale, la créativité et l'innovation.
Tout en affirmant la
liberté d'expression, l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen en pose les limites : "tout
citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus
de cette liberté dans les cas déterminés par la loi".
Selon la Cour européenne des droits de l'Homme, la liberté
d'expression peut être limitée pour des motifs :
- d'intérêt général, comme la sécurité nationale, la sûreté publique ou encore l'intégrité du territoire ;
- relatifs au devoir de réserve qui pèse sur les agents publics (exigence d'un certain niveau de neutralité des agents de la fonction publique dans l'expression de leurs opinions) ;
- de protection de droits de la personnalité visant à éviter toute diffamation, discrimination ou atteinte excessive à la vie privée d'autrui ;
- de protection de certains documents, notamment ceux relatifs au secret de la défense nationale ou encore certains documents confidentiels sur des affaires judiciaires en cours.
- Liberté (Libre Arbitre) que Dieu aurait donnée à l’Humain pour faire le bien ou le mal... avec punition des enfers si le choix est « mauvais », et mise à mort de toute façon quel que soit le choix - bon ou mauvais - puisqu’Adam et Eve ont mangé la pomme ! Mais quelle est donc notre « responsabilité » ou même notre « culpabilité » dans ce chapardage fructivore ?
- Liberté d’embrigader les cerveaux des enfants dès que possible avec des concepts surnaturels, religieux pour la plupart, en prenant bien soin de réprimer tout sens critique.
- Liberté du port d’armes aux USA (deuxième amendement*), même
en dehors du domicile, et ce au mépris des séries ininterrompues de
fusillades meurtrières avec 45.222 tués par armes à feu en 2020[5]
et plus de 163.000 depuis 2014. Liberté des uns ; morts des autres.
- Liberté d’exploiter ici comme à l’autre bout du monde les individus - dont des enfants - et les ressources naturelles, avec le moins de règles et limitations possibles, afin d’optimiser les « gains de productivité », et surtout les marges que l’on pourra confisquer[6].
Liberté de diffuser massivement de fausses informations (X etc.) qui se nichent dans nos idées, dans nos croyances, qu'on le veuille ou non : contrairement à ce que pensait John Stuart Mill, rien ne garantit une victoire de la vérité.
- Liberté de mettre de côté les plus gros profits possibles échappant aux impôts des Etats, eux-mêmes complices de ces détournements puisqu’ils ne suppriment pas les paradis fiscaux comme il est nécessaire.
- Liberté d’incarcérer à tout va, si possible plutôt les peaux colorées, les pauvres, les malades mentaux.
- Liberté de priver les homosexuels de leur liberté de se marier sous prétexte d’un ordre social défendant la famille « naturelle » avec « un papa et une maman » au mépris de toute évolution culturelle.
- Liberté de déroger aux règles communes en cas de pandémie : moi d’abord au détriment de la liberté des autres - dont les plus vulnérables - de rester en vie.
- Liberté d’empêcher la liberté des autres de s’habiller comme ils le souhaitent.
- Liberté d’interdire l’euthanasie pour des patients qui souffrent horriblement, dont la demande est pourtant des plus claires, avec des médecins qui n’osent pas administrer de fortes doses d'antalgiques de peur d'être poursuivis...
- Liberté en revanche de tuer dans
d’atroces souffrances un condamné à mort (asphyxie par l’azote durant 29
minutes) en Alabama le 25 janvier 2024, avec en prime un procureur se
glorifiant d’une première mondiale dans la façon d’exécuter un humain... alors que
de nombreuses sources, y compris le Death Penalty Information Center[7],
indiquent que les recherches n'ont pas été concluantes quant à un impact
dissuasif de la peine de mort sur le taux de meurtres.
Une liberté à géométrie variable qui légitime le meilleur comme le pire.
Chapotant pour des conservateurs comme Milton Friedman l’ensemble des considérations sur la liberté :
« La
liberté protège les chances qu'ont les défavorisés d'aujourd'hui de devenir
les privilégiés de demain et, ce faisant, elle permet à presque tout
le monde, de la base au sommet, de jouir d'une vie plus totale et plus
riche. »[8]
C’est la fable de la chenille rampante qui « décide librement » de devenir chrysalide, avant de décider tout aussi librement de s’envoler papillon... On en oublierait presque que cette évolution naturelle de la chenille est entièrement déterminée et ne fait intervenir à aucun moment une quelconque liberté de la volonté ; il en est de même du reste de la nature dans laquelle les émergences "extraordinaires" sont pourtant la norme (voir L'émergence de LENIA).
Pour ma part, je reformulerai bien la pensée de Friedman de cette
façon :
« La
croyance en la liberté (de la volonté) protège les chances des favorisés en
faisant croire à presque tous les malchanceux qu’ils pourraient jouir d'une vie
plus totale et plus riche. »
Il n’est pas interdit d’espérer gagner au loto en trouvant un billet par terre, mais l’on sait parfaitement ce qu’il en retourne du point de vue statistique.
Faire baisser la tête et les yeux des « non méritants » qui espèrent trouver le billet gagnant entre deux pavés n’est pas pour déplaire à ceux qui gardent la tête haute par héritage génétique ou patrimonial.
Si vous aimez les animaux, regardez ce documentaire édifiant sur la liberté animale... qui n'est pas si éloignée de la liberté humaine, tout compte fait... => https://librearbitre.eu/static/videos/Fritz.mp4
*« Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d'un État libre, le droit du peuple de détenir et de porter des armes ne doit pas être transgressé. » Voir les circonstances historiques totalement dépassées de cet amendement : deuxième amendement
[1] « Emmanuel Kant dans « Les grands philosophes » - tome 3 - Karl Jaspers - 1963
[2] « Emmanuel Kant dans « Les grands philosophes » - tome 3 - Karl Jaspers - 1963
[3] « Concordia » - 1588
[4] « Commentaria in Summam Theologiae »
[5] Des millions d'armes étaient en circulation dans la population
civile aux États-Unis, soit 120 armes pour 100 personnes, selon le projet Small
Arms Survey - https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20220623-%C3%A9tats-unis-le-droit-au-port-d-armes-hors-du-domicile-consacr%C3%A9-par-la-cour-supr%C3%AAme
[6]
« Cash investigation - Climat : le grand bluff des multinationales » -
VIDEO ARTE Youtube - https://www.youtube.com/watch?v=SP5MYeBdxiE
[8]
« La liberté du choix » - 1980 - P. Belfond - https://www.audace-afrique.org/attachments/article/44/la%20liberte%20du%20choix%20-%20Friedman.pdf
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Et pour aller plus loin, le livre "La dernière blessure" centré sur la notion du libre arbitre (illusoire)... en cliquant sur l'image ci-dessous